Photo-graphies et un peu plus…

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Cela s’est passé en deux temps. La première fois, je ne m’attendais absolument pas à ce que j’allais découvrir dans cette seconde antichambre à la fois sombre et brillante de l’exposition consacrée à l’artiste japonaise Yayoi Kusama, la Dame à pois. Comme dans toute expo à succès, je suivais patiemment le fil des visiteurs, en accordant aux œuvres le temps que mes suiveurs me laissaient. Mais, arrivée dans cet antre physiquement réduit et pourtant aux dimensions virtuelles infinies, mon panurgisme a perdu sa laine et je suis restée là, comme une gamine, à admirer la symphonie lumineuse qui se jouait dans cette boite à musique intérieure aux cloisons – murs, plafond, eau pour le sol – parées de miroirs et où les hommes n’étaient plus que les ombres d’eux-mêmes. Respectant scrupuleusement les consignes de l’exposition interdisant toute photographie, j’avais soigneusement laissé mon filet à images dans son étui tout en enviant ceux qui avaient été moins regardant avec la rigueur locale.

En m’extrayant difficilement du rêve au bout de quelques minutes, j’avais déjà décidé de revenir. D’autant que, visiblement, cette pièce échappait au credo du « no picture please ». Sans pied, difficile, en effet, de rendre justice à la beauté épileptique de cette installation addictive aux humeurs changeantes et à sa douce folie totalement contagieuse… Car, après avoir maladroitement tenté de capter les points un à un et par milliers, impossible de ne pas se laisser emporter et porter par le mouvement et la dynamique que cette Infinity roomsFireflies on the waterinsuffle…

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Je me lève avec une envie. Rien de bien extravagant. Ecouter Avec le temps. Comme nous sommes à une époque où il suffit d’avoir un désir pour qu’il soit presque aussitôt assouvi, j’allume ma machine à puces, lance le renard en feu et ouvre Grooveshark (un Deezer sans frontières). Je clique sur la loupe, entendez « rechercher une musique ». Tactac tac tac. Avec le temps. Là, normalement, un tout s’en va vous arrive au bout des lèvres avant même que la liste ne s’affiche. Encore un de ces airs entêtants susceptibles de nous accompagner pendant des jours entiers… Lecture. Qui n’est pas une lecture au sens propre. La musique envahit l’espace et sa mélancolie avec. Dans la foulée (qui ne me fait pas bouger d’un iota), je lance (qui, évidemment, ne me fait rien jeter – qu’il doit être difficile d’apprendre le français !) une requête (et non une rocket) sur Léo Ferré (encore une histoire de chemin de fer, me direz-vous !). Léo Ferré chante Aragon. Dans l’instant, je suis embarquée dans un voyage dans le temps non réservé. Je suis là, dans une grande pièce pleine de tables, très éclairée, face à une inspectrice qui me demande ce dont je souhaite parler. Le roman inachevé. Aragon. Poésie. Contrairement à ce que laisse entendre le titre. Il n’aurait fallu.

« Il n’aurait fallu / qu’un moment de plus / pour que la mort vienne / mais une main nue / alors est venue / qui a pris la mienne // Qui donc a rendu / leurs couleurs perdues / aux jours aux semaines / sa réalité / à l’immense été / des choses humaines // Moi qui frémissais / toujours je ne sais / de quelle colère / deux bras ont suffi / pour faire à ma vie / un grand collier d’air // Rien qu’un mouvement / ce geste en dormant / léger qui me frôle / un souffle posé / moins une rosée / contre mon épaule // Un front qui s’appuie / à moi dans la nuit / deux grands yeux ouverts et tout m’a semblé / comme un champ de blé dans cet univers // Un tendre jardin / dans l’herbe où soudain / la verveine pousse / et mon cœur défunt / renaît au parfum / qui fait l’ombre douce. »

« Vous connaissez la chanson de Léo Ferré ? » me demande-t-elle. Je transpire. « Non. » Elle, inspectrice de mon bac français, qui ne pensait pas avoir une réponse aussi précise à sa question (cas qu’il faut pourtant envisager lorsqu’on en pose une), me croit timide. Persuadée que je connais l’interprétation qu’en a faite Léo Ferré, elle insiste. Ce n’est pas de la coquetterie. Je ne connais pas. Tremblement sans stupeur. Et à l’époque, pas d’antisèche universelle pour réparer cette inculture en 0,32 s. Le passage au grill achevé, j’oublie cette histoire de chanson. Enfin, pas totalement, mais je ne me rue pas chez le premier disquaire pour acheter le dernier 33 tours de Léo Ferré. Les années passent et me voilà avec cette envie matinale de Avec le temps, qui s’affiche, à présent, comme une sorte de mise en abyme. Car non, avec le temps, tout ne s’en va pas. Pas les vers d’une poésie apprise par cœur, pas les tables de multiplication récitées avec le même ton enjoué qu’à 8 ans (4fois8 32, 6fois7 42, 5fois3 15…), ni les déclinaisons latines (rosa, rosa, rosam…)… Je suis toujours fascinée par la façon dont les souvenirs enfouis sous des couches indéterminées d’autres souvenirs, pas forcément plus récents d’ailleurs, rejaillissent sans prévenir à la vision d’un simple mot ou d’une image et défilent, devant nos yeux, comme une cascade de dominos… Reste à retrouver la raison de cette envie à une heure où rien de conscient ne s’est encore passé. Quant à la chanson, je préfère la lecture. La vraie.

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La physique quantique a quelque chose de réconfortant pour les petits humains que nous sommes, même si, en tant que petits humains justement, nous ne sommes pas forcément aptes à la comprendre, a fortiori, à mesurer toute sa puissance, voire sa toute puissance. Sans jeux de mots, elle permet, d’un certain point de vue, de relativiser un certain nombre de ces choses qui titillent notre quotidien, en somme, notre réalité. La vraie, la palpable, celle qui fait aïe quand on la pince. Car, grâce à la physique quantique, tout devient théoriquement possible. Et ça, c’est un vrai soulagement ! De celui qu’éprouve Helena dans You will meet a tall dark stranger, le dernier film de Woody Allen, lorsqu’elle réussit à se convaincre que la réincarnation existe. Dès lors, la vie présente n’est plus aussi importante ni stressante, puisqu’elle a été précédée d’autres et sera suivie de nouvelles. C’est une manière radicale de faire baisser la pression.

Par exemple, dans la vraie vie, nous avons parfois des difficultés à faire des choix. Et puis, une fois que nous avons finalement réussi à en faire un, nous ne pouvons nous empêcher, dans un laps de temps plus ou moins long selon les individus, de nous demander ce qu’il  serait advenu si nous en avions fait un autre. La physique quantique résout potentiellement ce cruel problème de conscience, grâce aux univers parallèles. En schématisant grossièrement, et cela m’a été rappelé ce soir par une lumineuse conférence portée par l’éclectique Martin Winckler et le lumineux Stéphane Durant sur la faisabilité des voyages dans le temps, la théorie quantique stipule que tous les possibles existent parallèlement. C’est la raison pour laquelle il y a une autre photo à droite. Dans la vie réelle, celle dont je suis consciente, la mienne, je n’ai pas réussi à en exclure. Mais, grâce à l’existence de ces mondes parallèles, je n’ai plus à m’en soucier, car je sais que, quelque part, un autre moi a choisi la deuxième photo.

Le fait est que j’hésitais entre trois images pour illustrer ce texte. Et voilà qu’une chose étrange se produit. En me promenant dans mon désert, je tombe, non pas sur, mais dans un trou de vers. Vous savez, ces trous qui commencent comme des trous noirs, mais qui, en « réalité », ont une sortie. Bref, j’en ressors donc, un peu secouée, dans une autre dimension. Bingo, je suis dans un de mes univers parallèles. Et étant donné ma difficulté à faire des choix, ça doit vraiment être le chaos là haut ou je ne sais où. Bref, rencontre avec une copie de moi-même, celle qui avait choisi la première photo. Ce qui signifie que j’ai choisi la deuxième… Paradoxe ! Comment aurais-je pu faire ce choix et mettre celui de ma copie en premier ? Quoi qu’il en soit, moi et moi échangeons nos arguments quant à cette notion de choix d’image, les petites billes à l’infini, les rouages d’horloges superposées démultipliés. Tous se valent en fait. Et sans nous en rendre compte, nous tombons, non pas sur mais dans un nouveau trou de vers. Deux fois en 2 432 ans, une chance inouïe ! Et là, nous basculons toutes les deux dans un de nos autres univers parallèles, celui de notre troisième choix. Celle-là, juste au dessus. Avec une autre copie de moi-même, enfin, de nous-mêmes, en train de se demander si elle n’aurait pas mieux fait de choisir la deuxième, donc la mienne. Ce qui tombe bien, puisque je finissais par avoir des doutes quant à mon choix.  Ces espèces de fils de lumières qui se coupent et se recoupent dans un univers recourbé sur lui-même, c’est quand même pas mal. Heureusement, comme tout est possible en théorie, avec ma deuxième copie, nous décidons, d’un commun accord, d’échanger nos vies. Sans regret, je dis donc au revoir à mes deux copies, tout en prenant bien soin de ne pas révéler à celle qui a accepté de prendre ma place qu’un tas de copies l’attends sur le bureau… Une fois seule, avec mes circonvolutions, une question me taraude : si ma deuxième copie m’a remplacée, qui est l’originale désormais ? Oh hé, il y a quelqu’un ? J’ai comme la nette impression que certains ont choisi d’aller voir dans un de leurs mondes parallèles s’ils y étaient !

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… ou le rêve de la maison individuelle… Se réalise-t-il dans le lotissement moderne à l’espagnole où chaque maison est la copie conforme de sa voisine, à la piscine près ? Aberration écologique en soi dans une région pour le moins aride où l’activité économique modérée ne semble pas justifier cet étalement urbain, ce qui le rend doublement aberrant en période de crise… Que reste-t-il d’individuel dans cette approche de masse ? L’horizontalité ? Qui fait qu’au lieu d’avoir toutes les cuisines, salles de bain, chambres les unes au dessus des autres, elles sont translatées de quelques mètres ? Jusqu’où peut aller notre désir de maison ? La question m’a été posée récemment. L’alternative cabane, greffée temporairement aux armatures métalliques du Centre Pompidou, joue la carte de l’extrémisme. La cabane dans la ville… Un jeu d’équilibriste !

Enfants, nous en avons dessiné des maisons, à la demande de nos maîtresses, de nos parents, et puis, petit à petit, de notre propre chef. Un rectangle, un toit pointu,  une cheminée qui fume (même en été), des fenêtres également réparties sur la façade, une porte au milieu. Parfois, un arbre à côté, une voiture, un chemin sinueux qui mène au perron, une barrière, une petite rivière en contrebas, voire un chien dans le jardin, des fleurs, beaucoup de fleurs, un escargot pour les plus pointilleux… Et parfois encore, une maman, un papa, une sœur, un frère, un bébé à la base, enfin, quelle que configuration familiale que ce soit. Selon ce qui figure ou pas sur ces dessins, les adultes en déduisent un certain nombres de choses et de destins, comme, par exemple : si les portes sont petites, c’est que l’enfant a des problèmes relationnels. On imagine aisément la panique de l’adulte découvrant une maison dont les fenêtres ont des barreaux, dont la porte est ouverte avec des flammes qui en sortent… La « maison », quelle que soit sa forme, concentre l’affectivité, la relation aux autres… C’est cette idée qui perdure avec les années : la maison, c’est l’endroit où l’on rêve de se sentir chez soi.

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