Photo-graphies et un peu plus…

Ceci est (encore) mon corps

Je ne suis pas épilée ! C’est bizarrement l’une des premières choses à laquelle je pense en comprenant que je vais être hospitalisée. Le poil, cet ennemi intime de la femme (et de plus en plus de l’homme). Comme si un corps lisse, imberbe était plus beau, plus propre, plus pur, moins… animal. Et qu’a fortiori, le poil – pourtant essentiel à bien des égards pour notre bonne santé – incarne la négligence, le laisser-aller. Ce rapport au poil est culturel, sociétal et évolue de façon cyclique même si, a priori, les yeti n’auront jamais la cote.

Ceci étant dit, une fois sur mon brancard et shootée, je zappe naturellement ce détail de mon anatomie. Ce n’est pas comme s’il y avait des alternatives. Je zappe donc quand une infirmière m’aide à me déshabiller pour revêtir ma blouse bleue fesses à l’air ; je zappe aussi quand, 1h30 avant l’opération, une aide soignante me rase le pubis – « vous pouvez écarter un peu s’il vous plaît ? » – ; je zappe encore quand, les trois premières nuits, des infirmières viennent, à ma demande car je ne peux me lever, placer la bassine urinaire sous mon bassin puis la récupérer ; je zappe à nouveau lorsqu’une autre infirmière me fait partiellement ma toilette le lendemain de l’opération et m’aide à m’habiller ; je zappe que des inconnues me touchent ; je finis par zapper le fait qu’à chaque fois, ayant mes règles cette semaine-là donc, toutes ces personnes défilant dans ma chambre – équipe de jour, équipe de nuit – sont aussi confrontées à une serviette hygiénique imprégnée de mon sang… En quelques heures, j’oublie que je suis aussi un corps et même un corps plutôt pudique. J’accepte que mon corps se mue en enveloppe universelle, deux bras – l’un pour la perfusion, l’autre pour les prises de sang un jour sur deux -, deux jambes, une tête, un tronc. J’accepte de ne pas savoir exactement ce qui s’est passé avec mon corps pendant l’opération : on m’incise en plusieurs points, on me gonfle le ventre avec du gaz carbonique, on fait passer une caméra, des ciseaux, des pinces, un système d’irrigation-lavage-aspiration, on me glisse deux drains de Redon dans les entrailles pour continuer à évacuer l’infection après l’opération, on m’agrafe, on me panse, on me « strippe », on me relie à des récipients, des antibiotiques, des antidouleurs… Bon, j’en sais déjà beaucoup finalement. 

J’accepte ainsi que mon corps soit abordé comme un « objet » même si tout le monde est très prévenant avec lui et très respectueux de mon intimité. Je repense aux deux fois où j’ai posé nue pour un photographe (le même) – dont une fois entièrement recouverte de maquillage – et où j’avais été très étonnée de me sentir aussi à l’aise. Je repense aussi à la fois où j’ai refusé de poser nue pour un peintre car je trouvais ambigu le regard qu’il posait sur mon corps alors habillé. Tout est une question de regard justement. Et celui que portent les soignants sur les corps des patients dont ils prennent soin est évidemment – et heureusement – distancié, « désentimentalisé ». Il n’empêche, cette sensation, même temporaire, que mon corps ne m’appartient plus totalement, que je n’en suis pas vraiment maître, est très étrange et un brin perturbante. 

Une autre sensation fait son apparition après l’opération, parallèlement à la réappropriation progressive de mon corps, et avec elle, le retour d’une certaine pudeur. Celle d’être un corps machine. Aujourd’hui, je dirais l’inverse, de machine corps, simplement pour une question de chronologie. Le corps ne précède-t-il pas la machine ? Bref. Dès le mercredi après-midi, encore dans la brume de mon cocktail anesthésique qui me réservera quelques surprises la nuit venue et alors qu’une infirmière me fait passer de la salle de réanimation à ma chambre, mon corps, soigné donc, doit se remettre en marche. Certaines étapes physiologiques sont à respecter avant de pouvoir passer aux suivantes. En l’occurrence, pour boire puis manger à nouveau – mon dernier vrai repas remonte à dimanche soir -, mon transit doit retrouver son chemin habituel. Concrètement, je dois expulser le reste d’air que l’on m’a injecté pendant l’opération. C’est pourquoi, dès lors, chaque passage d’infirmière se conclut par cette question devenue gimmick : « avez-vous eu des gaz ? ». Je comprends donc que mon salut « gastronomique » dépend désormais de ma capacité à péter. Que cette information-là est même précieuse. Et que, à l’instar des poils, je ne dois pas la cacher. J’attends donc avec une certaine fébrilité que mon corps estime qu’il est grand temps de se relâcher et fasse le nécessaire. Je chéris presque mes douleurs intestinales, signes qu’il se trame quelque chose en mon for intérieur. Et, en cette fin de jeudi, à 20h03, après de nombreuses fausses alertes-joies pendant la journée, alors que je suis seule dans ma chambre, enfin, je pète. Non pas une, ni deux, ni trois fois mais cinq fois ! Je suis allongée dans mon lit d’hôpital, je viens de péter, je me marre toute seule, je suis une femme heureuse. Tellement que j’en informe ma famille par pigeon voyageur et qu’en retour, l’on me félicite même. C’est de fait avec une certaine fierté que j’annonce à l’infirmière qui vient prendre mes constantes en début de soirée que j’ai eu des gaz, que je l’entends me confirmer que c’est une bonne nouvelle qu’elle va inscrire dans mon dossier – vous rendez vous compte : ces premiers pets libérateurs figurent dans mon dossier médical ! -. Imaginez ma satisfaction en en informant une autre, un peu plus tard, que je suis également allée à la selle (on ne dit évidemment pas « caca » entre adultes)… 

Récompense ultime de ce retour du transit : à 7h45 pétantes, au petit déjeuner, vendredi, j’ai droit à un thé ; à 11h45 pétantes, au déjeuner, vendredi, j’ai droit à un bouillon ; à 17h45 pétantes, au dîner, vendredi, j’ai droit à une tranche de jambon, une endive amère, deux biscottes, une confiture pomme-coings et un morceau de fromage. Bref, le luxe ! Nous sommes décidément bien peu de choses. Je le savais mais ne l’avais pas encore expérimenté de cette façon…

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Vagamonder

Premier néophotologisme commençant par un V a priori, mais il faudrait que je m’en assure. Et celui-ci me concerne directement – mais pas exclusivement ! – puisque vagamonder consiste tout simplement à vagabonder à la surface du monde par tous les moyens possibles et sans autre but que de se nourrir et de s’émerveiller de l’altérité, qu’elle soit philosophique, géographique, ethnologique ou anthropologique. Ainsi, je vagamonde avec un bonheur sans cesse renouvelé qui appelle au départ constant.

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La fourmigratrice

L’autre matin, à l’heure de pointe, sans vraiment l’avoir voulu, mon corps se retrouve coincé au coeur du magma humain épousant la forme du 3e wagon d’une rame de la ligne 13. Oui, aïe, je vois que certains compatissent ! La ligne 13, que j’ai déjà abordée ici entre autres, est un écosystème à elle toute seule où les lois de la physique, de la thermodynamique, de la nature, des gaz, des grands nombres, de la biologie, de la balistique, bref, où toutes les lois qui régissent notre vie sur Terre abandonnent leur train-train quotidien pour frôler le chaos. En somme, la ligne 13, c’est l’entropie par excellence. On a beau le savoir, c’est toujours un moment difficile à vivre, voire un peu gênant.

De fait, ma parade, c’est de simuler. Oui, je fais comme si j’étais ailleurs, j’essaye d’oublier que je suis collée contre des inconnus, que je n’ai pas encore compris où était passé mon bras gauche, je me jette visuellement dans la partie de Candy Crush de ma voisine (cela a toujours été mon unique façon d’y « jouer »), je suis vaguement les conversations électroniques de certains, je passe d’un visage à l’autre en quête d’une expression unique et forcément somptueuse même si c’est de l’exaspération qui s’en dégage, je me réjouis presque de cette expérience humaine si matinale (bien plus facilement depuis que je ne la vis plus quotidiennement évidemment). Et voilà que l’autre matin donc, quelque chose de mouvant et d’inattendu apparaît à la périphérie droite de mon champ visuel, sur un monsieur en chemise à rayures blanches et bleues, manifestement fatigué. Une toute petite fourmi. Enfin, juste une fourmi. Là, dans ce chaos insondable à la chaleur rappelant la soupe primordiale ayant donné naissance à l’univers, une fourmi. Sans sa colonie. Seule donc.

Qui se demande ce qu’elle fait là, arpente le haut de la chemise du jeune homme en long, en large et en travers, trace sur les chemins de crête avant de rebrousser chemin puis de disparaître quelques secondes hors de mon champ visuel pour revenir de plus belle car elle n’a trouvé aucune issue dans la pochette gauche de ladite chemise. A quoi pense-t-elle ? Comment est-elle arrivée là, sur la ligne 13, ainsi véhiculée par un être humain vers une destination inconnue ? J’imagine déjà que le gars a profité du beau temps de la veille pour faire une machine et laisser sécher son linge sur le balcon de son 2 pièces, sur lequel il a installé quelques plantes vertes dès son arrivée il y a 4 ans maintenant, histoire d’avoir une micro dose de nature à portée de main et aussi un peu de fraîcheur et d’intimité en été. La fourmi vient de passer la nuit sur la feuille la plus longue de son yucca géant, laquelle est posée en partie sur le fil à linge qu’il tend ponctuellement.

C’est ainsi que bon an mal an, elle a commencé par faire une séance d’équilibriste sur le fil avant d’atteindre le sommet du cintre en aluminium auquel est accrochée sa chemise, dès lors, très facile à atteindre puisque dans la continuité de sa progression. Il ne la voit évidemment pas quand il l’attrape après avoir pris sa douche et c’est ainsi que sa fourmi fugue involontairement et se retrouve à quelques centimètres de moi dans cette rame tropicale. J’avoue avoir pensé lui souffler dessus, je ne sais d’ailleurs pas vraiment dans quel but, mais je me ravise vite en anticipant le regard déconcerté que m’aurait lancé le monsieur après qu’il a senti mon souffle atteindre son cou… situation qui aurait pu être mal interprétée. Et puis, souffler sur la fourmi l’aurait sûrement envoyer au sol et par conséquent, à une mort certaine. Je décide donc de suivre ses pérégrinations du regard. Je retiens ma respiration quand elle s’engouffre dans le col de la chemise, redoutant qu’elle atteigne son cou et que, sentant quelque chose le chatouiller, il envoie un signal à son cerveau pour lever son bras et intimer l’ordre à sa main de gratter frénétiquement la zone concernée, augmentant les chances d’écraser la fourmi au passage. Heureusement, rien de tel ne se déroule et elle poursuit ses allers-retours incessants m’incitant à me demander si une fourmi est capable de s’arrêter ou si elle est naturellement hyperactive.

Oubliant totalement la raison pour laquelle je suis montée dans le métro, je suis le gars lorsqu’il en descend, sans quitter la fourmi des yeux ni savoir vraiment ce que j’espère. Correspondance. Je le suis toujours. Il monte tranquillement dans sa nouvelle rame et a, cette fois ci, l’opportunité de s’asseoir, ce qu’il ne manque pas de faire. Je préfère rester debout, pour avoir un peu plus de marge de manoeuvre vis-à-vis de la fourmi que je vois tout d’un coup prise d’une témérité incroyable puisqu’elle se met à dévaler toute la manche droite de la chemise et à passer sur la vitre contre laquelle il a posé son bras. La voilà à nouveau en expédition, hors de ma portée ! Elle monte, elle descend, elle sonde, cherche des repères, inexistants, elle avance et finit par plonger dans un pull à rayures jaunes et vertes porté par une jeune femme aux cheveux courts ! Décidément ! Là voilà qui descend à son tour du métro, je me jette dans son sillage, je perds la fourmi de vue mais je sais qu’elle est toujours là. Après quelques minutes de marche, la fille s’arrête devant un immeuble et pousse une épaisse porte noire derrière laquelle résonne une musique forte et sourde, je la suis sans regarder où j’entre. Une salle de concert blindée à l’ambiance déchaînée. En pleine matinée. Une autre forme de ligne 13. La fille est juste devant moi, elle s’agite déjà comme une damnée. Bientôt, elle va avoir trop chaud et retirer son pull qu’elle posera alors sur son siège. Je n’aurai plus qu’à tendre le bras et attendre que la fourmi saisisse son ultime chance de recouvrer la liberté… Ce qu’elle finit par faire. Je la place au creux de mes mains que je veille à bien clore, m’extrais de la salle obscure et pars en quête d’un tronc d’arbre où je finis par la relâcher. Elle file vers les sommets sans se retourner. Heureuse, je lève alors la tête, réalise où je suis, regarde l’heure, lance un « zut » faussement coupable et retourne au métro pour me reconnecter à mon plan initial nettement moins palpitant !

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Voir ou dormir...

C’est un peu comme cette phrase que l’on relit indéfiniment sans réussir à la finir car le sommeil nous prend de court en chemin et nous empêche d’aller au bout, ce qui reste le meilleur moyen de passer à la phrase suivante et, à terme, de terminer un livre. Si s’endormir sur une phrase voire un passage peut être frustrant, cela n’est pas dramatique pour autant : le lendemain, à la même heure et même à toute autre heure de la journée, il suffira de revenir à la même page et à la même ligne pour se retrouver là où l’on s’était arrêté la veille et poursuivre la lecture. Ne pas avoir achevé ladite phrase la première fois ne l’aura pas faite disparaître (ce qui pourrait être un concept en soi) !

En revanche, fermer l’oeil trois secondes à l’occasion, par exemple, d’un voyage en train et voilà que ce que vous n’avez pas vu pendant ce court laps de temps est derrière vous à jamais. Vous auriez beau refaire le même trajet le lendemain à la même heure, tout serait différent. Vous le savez pertinemment, d’où ce duel d’un nouveau genre qui s’installe en vous : voir – et découvrir de nouveaux paysages, parfois somptueux, même si ce n’est pas nécessaire, en attendant d’arriver – versus dormir – ce que réclame votre corps, donc se reposer, pour être au mieux en arrivant, et faire l’impasse sur le paysage qui défile. Vos yeux clignotent, s’ouvrent péniblement, admirent ce qui vit de l’autre côté de la vitre, se ferment de fatigue, vous résistez, ils s’ouvrent à nouveau, c’est toujours aussi beau, vous vous extasiez… ponctuellement… le marchand de sable est déjà de retour… vous lui cédez encore un peu de terrain, mais déjà, les yeux fermés, vous repensez à ces montagnes au pied desquelles vous progressez, vous revoyez ces forêts que vous traversez, vous sentez ce désert que vous fendez ou encore ces villages tout droit sortis d’un western que vous chevauchez, et vos yeux s’ouvrent à nouveau… Hors de question d’en louper un kilomètre ! C’est pour cela que vous avez choisi la lenteur, pour vivre le déplacement, la traversée, pour vivre le chemin et percevoir les transformations… La route, quand bien même elle s’emprunte sur des rails, c’est le début du voyage !

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Octobre 2016. Je déambule dans Tunis comme je le fais partout ailleurs. En absorbant tout ce qui s’y passe, à l’affût de l’inattendu, de l’incongru, du décalé mais avant tout, curieuse de la vie qui s’y déploie, simplement. En réalité, je déambule dans Tunis comme nulle part ailleurs. Car je suis une sang mêlée, car je n’y ai pas mis les pieds depuis 8 ans, car je questionne mon identité. Et que la révolution est passée par là. C’est évident, j’erre dans Tunis avec une attention décuplée, en quête de signes, d’apaisement voire de réconciliation. Vite, je suis captivée par ce tramway couleur d’espoir serpentant dans la ville dans un raffut métallique trahissant son grand âge. Une scène mouvante et classique offrant aux compositeurs d’images des cadres à la fois naturels et contraignants, derrière lesquels défilent des vies singulières et artificiellement rapprochées. Je l’entends arriver. Je m’approche des voies, cadre et déclenche. Il me regarde, comme absent ; elle m’observe, je veux le croire, avec douceur. Une rencontre furtive, impromptue et étrangement calme, qui me renvoie à mes propres interrogations. Comment ça va ? Labess, labess…

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Parfois...

… la vie ressemble à un mirage. Tout à coup, alors que l’on ne s’y attend absolument pas, le merveilleux, le dissonant, l’extravagant débarque, et le temps de cligner deux fois des yeux pour s’assurer qu’on ne le rêve pas, il a déjà disparu. Impossible de savoir s’il a réellement existé ou s’il n’est que le fruit poétique d’une imagination en quête de… singularité.

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Hong Kong Vertigo

En cherchant et choisissant ce titre, je pense soudainement à Stephen Hawking, décédé aujourd’hui, et dont La brève histoire du temps – d’abord le livre puis le documentaire – a marqué ma fin d’adolescence et les années qui ont suivi, mais aussi contribué à mon rêve d’alors de devenir astrophysicienne. Ce dernier n’a, d’un commun accord, pas survécu au monde réel, ce qui, fort heureusement, ne m’a jamais empêché d’avoir la tête dans les étoiles. Je me souviens en particulier être ressortie de cette salle de cinéma sur les Champs Elysées avec une question en tête, posée dans le film : qui de l’oeuf ou de la poule est arrivé en premier ? Bien des années après, j’ai d’ailleurs pu illustrer photographiquement et fortuitement cette question légitime et sans réponse en descendant les marches d’un escalier de Portland, Oregon.

Mais ceci n’est qu’une digression. Pas encore du détournement d’attention car je n’ai rien à vous vendre ni à vous cacher. Ceci dit, cette digression a de la suite dans les idées et le titre du best-seller du physicien lui fait curieusement écho. J’allais en effet écrire une énième fois que le temps passe vite, et que là, quoi que l’on en dise, était manifestement sa nature. J’en veux pour preuve scientifique que personne n’a jamais entendu quelqu’un lancer : « Par les temps qui marchent » ou encore « Par les temps qui traînent ». En revanche, « par les temps qui courent » est passé dans le langage… courant… Nous sommes bien d’accord ! Ce qui nous conduit à cette image, que je perçois aujourd’hui comme un étrange paradoxe. Voyez plutôt : ne trouvez-vous pas étonnant que pour montrer que le temps passe vite, en somme qu’il file comme l’éclair, il faille justement prendre son temps et faire une pose longue ?

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Longe-côte un jour...

Un samedi matin comme un autre. Direction la plage de Rochebonne. Un groupe en combinaison noire entre timidement dans l’eau fraîche pour une randonnée, tumultueuse, d’une heure en pleine mer. Aujourd’hui, c’est baptême de longe-côte, une activité sportive douce aux bénéfices multiples pour la santé qui s’est fortement développée ces dernières années sur les côtes françaises… La Manche n’a pas les vagues dans sa poche. Elle est agitée, l’initiation, physique voire éprouvante, n’en est que plus tonique et euphorisante !

Je vous invite à découvrir la série entière ici.

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Sonospace

Je n’ai jamais essayé de crier dans l’espace, pour la simple et bonne raison que je ne suis jamais allée dans l’espace autrement que par écran interposé ou conscience translatée – et il y a d’ailleurs de fortes chances que mon expérience intersidérale se limite à ces simulacres, lunettes 3D ou pas -, mais, à en croire l’accroche du mythique Alien, le 8e passager qui, à l’époque, avait fait beaucoup de bruit, et résonne toujours dans nos corps : « Dans l’espace, personne ne vous entend crier ». La remarque est d’autant plus superfétatoire que le film n’est assurément pas muet et que nous les entendons tous – Ripley, Ash, Dallas, Kane et les autres – cracher leur peur à pleins poumons. En revanche, sous la surface de l’eau, qui est une autre forme d’espace, les sons ont beau se propager à une vitesse quasiment cinq fois supérieure à ce qui se passe dans l’air, donc en moyenne à 1 500 m/s, on ne comprend pas forcément pour autant les borborygmes et autres rugissements bouillonnants émis avec force et impétuosité…

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L'attente

L’an passé ou plus loin encore, faute de clone compréhensif ou plutôt de clone tout court, je me suis mise à scanner, plus ou moins méthodiquement, les négatifs de mes années argentiques. Au bout du 4 487e scan, je me suis sentie un peu lasse… La répétition sans doute. J’ai donc stoppé là, temporairement j’espère, ma mission de préservation et de réactivation de ma mémoire. En quelques semaines, j’avais ainsi vu défiler plusieurs années de ma vie, essentiellement la partie composée de voyages et d’évasions, celle des moments forts.

J’avais parcouru des dizaines de milliers de kilomètres, du désert du Namib au Machu Picchu en passant par les plages de Californie ; j’avais arpenté New York, Monbasa et Istanbul ; j’avais croisé des manchots, des girafes et même des dromadaires ; j’avais siroté du thé marocain, savouré des pasteis de nata portugaises et dévoré des burgers canadiens le tout arrosé de cappuccinos italiens ; j’avais revu des amis, de la famille et des inconnus, dont certains sont toujours là et d’autres plus… J’avais parcouru tout cela et beaucoup d’autres choses encore sans trop me voir finalement. Ce qui m’avait fait repenser au titre d’un film d’Isabel Coixet, « Ma vie sans moi », même si cela n’avait rien à voir. Ma vie sans moi donc car je n’y apparaissais pas formellement, mais ma vie à moi puisqu’il s’agissait bien là de ce que j’avais vécu et voulu enregistrer de ce que j’avais vu sachant que j’allais certainement l’oublier, un jour prochain, tout du moins dans les détails. C’est une étrange sensation…

A cette époque là, je ne savais pas que la photographie allait prendre autant de place dans ma vie. J’en suis toujours étonnée d’ailleurs (même si cela me paraît tout à fait logique finalement). Ce qui m’a fait poser un regard d’un autre type sur ces images extraites du passé au moment même où je les scannais assez machinalement, me refusant à faire un tri drastique entre les « bonnes » photos ou les « mauvaises » photos. Car une mauvaise photo peut rappeler un très bon souvenir. Au-delà de cette montagne de réminiscences, donc, j’avais devant moi des années de recherche inconsciente, j’avais l’évolution de ma photographie, son cheminement, ses tâtonnements, ses errances, ses ratés (très nombreux a posteriori), ses approximations, ses systématismes, ses retours en arrière, ses réflexions, ses codes, ses leitmotivs, ses déclics et parfois ses fulgurances… Parmi elles, j’ai une vraie tendresse pour cette image. Fin des années 1990. Sri Lanka. Sud. Je suis juste dans la jeep devant. Je ne me cache pas pour prendre cette photo. Aujourd’hui, le trio de tête m’interpelle étrangement. Alors qu’ils sont ensemble, dans cette même unité de lieu motorisée et cahotante, il me semble évident qu’ils sont tous trois ailleurs, chacun sur sa planète, chacun dans son monde, chacun dégageant une atmosphère particulière, chacun avec une relation singulière à ce monde dans lequel, techniquement, nous vivons tous et où nous sommes à la recherche d’éléphants…

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