Photo-graphies et un peu plus…

En exhumant cette image de mes archives, une seule question me vient à l’esprit : qu’est-ce qu’une photo ratée ? Et une photo intentionnellement ratée (selon des critères à préciser), est-elle, une photo réussie ? La scène se déroule en juin dans le Chinatown de Big Apple. Une ville dans la ville où tout est écrit en chinois, où la langue officielle est le mandarin, où les durians viennent titiller nos narines douillettes d’occidentaux, où les baguettes se vendent comme des petits pains, où les massages se font à même la rue… Bref, Chinatown.

Je prends quelques photos. Les trottoirs sont bondés, de curieux avec leur guide sous le bras, d’habitants du quartier vivant leur vie de résidents. On joue un peu des coudes pour avancer. Difficile, dans ces conditions, de garder le cap pour le cadrage. Si ce n’est pas une voiture qui déboule à l’angle de la rue, c’est un groupe de personnes. Cela peut être agaçant. Au temps pour moi. La contrainte est intégrée dans le système d’équations à plusieurs inconnues que constitue parfois une prise de vue. Grand angle. Œil rivé derrière le viseur (cela donne plus de consistance que de tendre les bras avec son appareil-écran…). Attente. Quelques secondes. Mon œil gauche voit arriver un homme. 3, 2, 1, dans la boîte. Il est passé à 50 cm de l’objectif. A tourné la tête avant de traverser. Il est tout flou. A cause du mouvement, mais surtout de la mise au point à l’infini. Premier plan flou donc, et arrière plan qui semble être le sujet photographique initial, net. Photo ratée ? Dans mon système de valeurs, non. En d’autres mains, cette image serait peut-être allée directement au panier. Cela me fait penser à un commentaire que l’on m’avait fait sur une photo prise au Maroc. « Cette photo est belle, mais c’est quand même dommage que la tour soit penchée. » Moi derrière l’appareil photo, cette tour n’aurait pas pu être placée au milieu de l’image. Non. Voilà donc, comment avec des objectifs, nous ne faisons que du subjectif !

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Il faut l’admettre, lorsque nous allons au cinéma, notre premier geste à la fin du film est plutôt de rallumer rapidement notre téléphone portable – sait-on jamais, Lady Gaga nous veut peut-être absolument dans son prochain clip ! – que de lire les génériques… Pourtant, ces derniers, de véritables court-métrages pour certains… Ouverture d’une probable longue parenthèse, qui explique que la phrase précédente n’est pas finie : est-ce que cela existe d’ailleurs, un Festival de génériques où, comme son nom l’indique, ne seraient présentés que des génériques de films, avec des palmes etc. En fait, les prix seraient des Plumes… Le générique, n’est-ce pas ce qui permet à un film de prendre son envol ? Plumes d’or, plumes d’argent… Le meilleur récolterait la Plume d’Oie, car les oies sont sacrément voyageuses. Mais, dans le cas présent, il s’agit de générique de fin. Et, définitivement, leur objectif n’est pas d’être créatif, mais informatif. L’un n’empêche pas l’autre, évidemment, mais là, n’est pas la question.

Fin de la parenthèse et suite de la phrase interrompue. …pour certains, réservent parfois quelques surprises. C’est par exemple le cas de celui de L’arbre de Julie Bertuccelli. Tout se déroule tranquillement, comme un générique en somme. On y est plus ou moins attentif… Et puis, sans prévenir, la juxtaposition de trois mots attire le regard. Le générique étant malgré tout un élément assez court d’un film (puisqu’il n’est regardé que par 1% d’une salle), en général, le temps de remarquer quelque chose correspond aussi à celui où il disparaît de l’écran. On reste donc un peu sur notre fin… En l’occurrence, « casting de l’arbre ». On se doute que dans un film s’intitulant L’arbre, l’arbre en question est un personnage à part entière. Et quel personnage ! Cet arbre géant et tentaculaire est absolument magnifique et toute personne normalement constituée devrait tomber sous son charme, même si ce n’en est pas un (c’est un figuier de la baie de Moreton, endémique à l’Australie. En tout cas, dans ces proportions). Il est donc tout à fait logique que certaines recherches aient été faites pour le dénicher ! De là à être casteur d’arbres ! Une révélation ! Parcourir le monde pour trouver un arbre ! Cela me semble être une quête pleine de sagesse… Qui conduit à une nouvelle surprise : la star du film a ses racines bien ancrées à quelques kilomètres de Brisbane. Ville citée totalement par hasard dans le Et pourtant, elle tourne d’hier…

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A bien y réfléchir et malgré toutes les images de la notre chère planète bleue que j’ai pu voir, j’ai un sérieux doute sur le fait que la Terre soit ronde. Pour cette courte démonstration scientifique, nous avons besoin de plusieurs ustensiles. D’abord une mappemonde. Modèle suffisamment ancien pour être sans relief mais assez récent pour s’éclairer malgré tout. La lampe de notre enfance qui, en plus de nous rassurer la nuit venue, nous faisait réviser nos cours de géographie. Hop, ni vu ni connu. Ensuite, quelques immeubles, maisons, arbres, éventuellement personnes…

Des miniatures car il va falloir les fixer sur la mappemonde. Donc, un tube de colle. Pas forte sinon, l’acte sera irrévocable et entraînera une chaîne d’événements dont il est, à l’heure actuelle, impossible de prédire l’issue. La première étant que la Terre ne pourra plus tourner, les immeubles bloquant la rotation au niveau du support raccrochant la Terre à la terre ferme. Et si la Terre venait à s’arrêter de tourner, comme chacun sait, elle tomberait dans le vide. Autant l’éviter, l’homme ne sachant pas exactement de quoi le vide est fait. Bref, l’idée est de coller quelques immeubles, disons, à Paris. Et d’en coller quelques autres aux antipodes, à Brisbane par exemple. Là, normalement, cela doit sauter aux yeux. Comment nous faire croire en effet que la Terre peut à la fois être ronde et permettre à tout le monde de vivre à l’endroit ? Quelque chose m’échappe…

Maintenant, deuxième expérience : on enlève le globe de son support. On recolle ce qui a été décollé et on met l’hémisphère sud au nord. Entre parenthèse, c’est cette image que nous aurions de notre planète si la Nasa ou le Cnes, pour ne citer qu’eux, étaient sud-africains, vietnamiens ou argentins… Bref, on se rend tout aussi vite compte que la notion de sens est totalement insensée dans ces circonstances. Car, où que nous soyons dans le monde, c’est vers le cœur de notre planète que convergent nos pieds…

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… L’imaginaire. Nous passons une bonne partie de notre temps à imaginer le monde qui nous entoure. Surtout, le lointain. Ainsi avance-t-on avec des idées et des images pré-fabriquées et factices de tel ou tel endroit. Des projections. Des images d’Epinal. Paris et sa Tour Eiffel ; le Japon et le Mont Fuji ; l’Inde et le Taj Mahal ; la Namibie et les dunes de Sossusvlei… Des clichés, certes. Parfois, il nous est impossible de faire autre chose que de s’offrir l’opportunité d’organiser une confrontation entre imaginaire et réalité, et ainsi de risquer de ternir l’image irréelle par la vraie.

Ainsi en est-il avec la fameuse « cabane au Canada ». Et sa version de luxe : « la cabane au Canada en plein été indien ». Une image persistante, très vivace dans de nombreux esprits rêveurs et avides de calme et de liberté. On l’a tous en tête : un lac où se reflètent toutes sortes d’arbres aux couleurs mordorées, et sur le bord, une petite cabane avec son ponton. L’image que l’on ne trouve que dans les guides de voyage. Presque faite pour ne pas être réelle mais plutôt pour faire rêver. Aussi, lorsqu’au détour d’un virage comme un autre, cette scène s’offre à vous, c’est comme si, enfin, vous aviez réussi à trouver le trésor promis à la base d’un arc-en-ciel…

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Une drôle de nouvelle ce matin dans le journal : une rafle de nains ! Cela s’est passé ce matin à 6h30 dans une banlieue quelconque. Il faisait encore nuit… Seuls les grands-pères étaient réveillés. Crissement de pneus, phares allumés. Hauts les mains ! Impossible soit dit entre nous… « Nous avons reçu des plaintes de passants ne supportant plus de vous voir traîner comme ça dans les quartiers, à faire des rassemblements béats dans les jardins, tout en faisant semblant de travailler ! C’est fini tout ça maintenant ! On vous embarque ! ». En moins de 10 minutes, les jardins étaient nus comme des verts (euh, vers), les petites huttes renversées, les mini-nains (?) en pleurs ! La nouvelle s’est vite propagée dans le quartier et sur Internet via Twitter et Facebook. Et est vite arrivée aux oreilles électroniques de l’association protectrice des nains de jardin. Quand même, quelle honte ! Ce matin, des images terribles de nains en cage circulaient un peu partout. Avouons-le quand même, un grand soulagement pour toute une partie de la population…

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Face à cette prise de vue, je ne sais plus trop si le remplacement des enjoliveurs pleins par des enjoliveurs percés est un progrès de l’industrie automobile ou une régression ? Esthétiquement, assurément une régression. Mécaniquement, il y a sûrement des raisons très pratiques à cette disparition. Une météorite peut-être ? Gain de temps au nettoyage ? Parce que ces enjoliveurs, qui portent bien leur nom dans ce cas, n’enjolivent les choses que s’ils sont rutilants !

Autre explication : diminuer les accidents de la route aux abords des voitures auxquelles ils appartiennent. Imaginez un peu la scène : vous vous promenez tranquillement, avec votre boîte à images bien sûr ; comme ça, par hasard, vous tombez sur cet enjoliveur ! Grand sourire intérieur : vous voyez déjà la scène. Vous vous accroupissez, côté rue, pour prendre quelques clichés de piétons déformés sur le passage zébré (autre apport de notre styliste Van Wong). Position perçue de façon étrange par les automobilistes roulant à côté. Incapables de faire comme si de rien était, ils tournent la tête pour voir ce qui se trame en bas : êtes-vous en train de crever le pneu de la voiture ? en plein jour ? quel intérêt à photographier un enjoliveur ? Grosse énigme. Bref, en un éclair de secondes, une foule de questions vient assaillir leur cerveau, de telle sorte qu’ils en oublient qu’ils sont dans une voiture (un peu comme avec les publicités Aubade…), avec certaines règles à respecter… dont celle de regarder devant ! Et c’est le choc, léger. Mais, rassurez-vous, vous n’y êtes absolument pour rien !

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Ceci est un homme fumant une pipe. Et même mieux, c’est un agent de nettoyage de la Ville de Paris s’offrant une petite pause pour tirer sur sa pipe. Dans le Marais.

Même des années après l’avoir prise, cette photo me fait sourire. D’abord du fait de la concordance des couleurs entre sa tenue (et sa fonction) et la pharmacie devant laquelle il est posté (et sa fonction). Nettoyer nos rues des saletés et impuretés qu’on y laisse voire jette pour l’un ; nettoyer notre corps des microbes et miasmes que l’on attrape, parfois, en se promenant dans la rue, où s’accumulent toutes sortes de saletés et d’impuretés que d’aimables agents vert et jaune balayent régulièrement, parfois en faisant une pause devant une pharmacie où l’on entre, de temps en temps, pour se débarrasser des microbes et miasmes que l’on a attrapés dans la rue…

Maintenant, s’il n’avait pas eu cette pipe à la bouche, je n’aurais certainement pas déclenché. S’il n’avait pas eu cette pipe à la bouche, il aurait été un « simple » agent de la ville en charge d’une partie de notre bien-être. La pipe a donc un rôle primordial dans l’existence même de cette image. Image qui est aussi la matérialisation d’un a priori : mon étonnement de voir qu’un agent de nettoyage puisse fumer la pipe. J’avais une représentation différente de l’amateur de pipe… En tweed, à Londres avec un lévrier au bout du bras. Ou sur un banc, sur l’île de Tatihou, avec des rides profondes et un teint buriné par les années passées en mer. C’est foncièrement stupide a posteriori. Mais, c’est ça, un a priori. L’ignorance est souvent à son origine.

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Les voyages, à leur manière, nous amènent systématiquement à nous poser des questions sur ce qu’ils nous livrent. C’est notamment en cela qu’ils nous grandissent. Si tant est que l’on trouve les réponses, évidemment. Autant dire que le face-à-face avec ces chaussures rivées à des fils électriques situés à des milliers de kilomètres les uns des autres a alimenté des heures et des heures de conversation.

Mais à quoi servent-elles ? Conduisent-elles mieux le courant ? Hypothèse totalement farfelue. Une installation artistique en plein air ? Un jeu entre voisins ? Un marquage de territoire ? Un quartier de Madrid pour l’image de gauche ; un quartier de San Francisco pour celle de droite (où ce sont d’ailleurs de fausses chaussures, en bois peint visiblement). Rien de bien particulier a priori, le quartier san-franciscain en question étant par ailleurs connu pour les fresques politico-artistiques murales qui égayent ses rues et ruelles. A bien y repenser, ces dernières se trouvaient au cœur du quartier hispanique de la cité américaine, Mission District. Un indice culturel donc. Peut-être pas. Car j’en ai vu ailleurs, sans me souvenir exactement où. Comme souvent, de nombreuses hypothèses circulent sur la raison de cette tendance baptisée shoetossing ou shoefiti. D’après ces spécialistes, cela pourrait avoir un lien avec la drogue, ou être un symbole pour des quartiers défavorisés, ou simplement être un courant (ah ah) d’art (double ah ah), un peu comme les cadenas accrochés aux ponts, qui eux, avaient une raison que le cœur n’avait pas !

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Après les mots, les animaux ! Dans le top 10 à définir des animaux particulièrement fascinants, il y aurait les éléphants (pour un autre jour) et puis les zèbres. Je ne sais pas quel styliste a eu l’idée saugrenue de leur coller des rayures à la naissance, mais il a dû oublier qu’ils allaient vivre avec toute leur vie, notamment dans la savane. En termes de camouflage, on a fait bien plus pertinent…

En fait, il y a bien une explication totalement rationnelle à cette tenue… Van Wong, le styliste en question, était amateur de boîte de nuit, et notamment de ce fameux effet stroboscope qui décompose l’image et surtout les gestes. On sait que les gens sont présents, proches même, mais on a du mal à les repérer. A fortiori, à les rejoindre… « Ah, excusez moi, ce n’était pas vous que je cherchais ! » La première fois, positivement troublé par le flou artistique dans lequel l’effet visuel l’avait plongé, et l’alcool aidant, il faut bien le dire, en rentrant chez lui, Van Wong s’est immédiatement installé à sa table de dessin pour essayer de matérialiser ce qui défilait encore devant ses yeux (la persistance rétinienne, c’est terrible). A l’aube, sa pièce à vivre était couverte de feuilles gribouillées. Il y en avait vraiment  partout. Lui, s’était assoupi sur sa dernière esquisse : des rayures… Voilà comment est née la tenue du zèbre. Car si le zèbre seul est totalement vulnérable, un troupeau de zèbres fuyant ensemble devient un véritable casse-tête visuel pour le prédateur qui chercherait à en attraper un !

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Fort heureusement, ces deux images n’ont pas été prises au même endroit ! La confusion aurait été totale, pour le piéton, comme pour l’automobiliste. Là, dans les deux cas, elle est simplement étonnante, pour ne pas dire loufoque. Une double rencontre avec la contradiction. Et au milieu, un humble humain se demandant comment gérer ces informations contradictoires. Traverser ou ne pas traverser, telle est la question. Je comprends mieux certains ballets au bord des passages piétons… Des personnes faisant un pas puis reculant d’un pas, de façon incessante. Comme à une séance de step dans une salle de sport quelconque. Avancer pour mieux reculer. Le statu quo sportif…

En voiture, c’est plus problématique : la probabilité pour que quatre autos arrivent exactement en même temps a beau être faible, elle n’est pas nulle. Que se passe-t-il alors ? Tout le monde s’arrête à son angle. Le ring formé par la zone de rencontre est vide. Les files d’attente s’allongent derrière chaque voiture de tête… Bientôt, elles font plusieurs dizaines de mètres, atteignant le carrefour précédent, rapidement bloqué aussi du fait de la présence du même panneau. En quelques dizaines de minutes, le quartier est totalement paralysé par ce quatuor d’ordre-contre ordre. Quelques conducteurs, excédés, abandonnent leur véhicule et se dirigent vers le haut de la file, au niveau du carrefour où tout a commencé. Sur le ring. Jusqu’alors vide. S’ensuit une discussion d’abord cordiale, puis assez rapidement animée, très animée même, entre les partisans de chaque côté. En l’absence de règles de priorité, qui part en premier ? La plus grosse voiture, lance l’un ! Non, la plus petite, répond l’autre. On tire à la courte paille, essaye un autre… Les propositions s’enchaînent en même temps que le jour décroît. Après quelques heures d’infructueuses tergiversations, un type qui observait la scène de loin retourne dans sa voiture, remet le contact, et sort de la file en trombe. Aussi simple que cela. Prenant donc la rue à contre sens, sous le regard hagard de ses voisins de voiture témoins d’un acte inédit de désobéissance civile, et réussissant, en quelques secondes, à s’échapper de ce capharnaüm. Evidemment, il est aussitôt imité pas ses congénères et après quelques minutes, le statu quo n’a fait que changer de sens…

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