Photo-graphies et un peu plus…

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Le temps, c’est un peu comme une valise. Ou un sac à dos, selon le voyageur que vous êtes. Tant que nous n’avons pas essayé de la/le fermer, nous sommes toujours tentés de lui ajouter un ou deux ou trois petit(s) « quelque chose »… De fait, tant qu’un intervalle de temps défini – prenons une journée pour plus de simplicité – n’est pas réellement achevé, nous pensons toujours être en mesure de venir à bout de la liste des missions du jour inaugurée le matin même avec l’enthousiasme frétillant du débutant et une naïveté d’autant plus déconcertante qu’elle s’auto-reconduit. Or, dans ces circonstances un brin myopes, peu importe qu’au cours de cette même journée, les lignes de cette to-do-list ne se noircissent que bien trop lentement par rapport à leur nombre. Dans ce mode de fonctionnement en effet, tant qu’il y a des minutes, il y a de l’espoir !

Le glas sonnant, nous devons pourtant nous rendre à l’évidence : cette valise – ou ce sac à dos donc – est bien trop petit(e) ! Tout comme cette journée est bien trop courte… Evidemment, nous pourrions aussi admettre que prévoir 11 T-Shirts, 3 pulls, 7 paires de chaussettes, 5 pantalons, 3 chemisiers, 2 vestes, 8 slips, 3 ceintures, 4 foulards, 3 paires de chaussures pour 5 jours était franchement exagéré, mais ce serait faire preuve d’un sens des réalités et d’une conscience de soi bien trop aigus. Tout comme concéder que nous ne sommes finalement pas si efficace à la tâche ou que nous avons encore été bien trop optimiste dans l’organisation de notre journée relèverait d’une insupportable honnêteté intellectuelle, laquelle entraînerait, dans le meilleur des cas, une remise en question, elle-même chronophage… Blâmer ceux qui ne peuvent se défendre – la valise, le temps en l’état – est assurément plus réconfortant !

J’ai beau être partie en Nouvelle-Zélande avec le minimum – ce qui, rappelez-vous, m’a conduite à m’équiper en urgence d’un sous-pull en Mérinos ; d’ailleurs, sachez que la laine de Mérinos gratte –, ma valise métaphorique s’apprête à déborder. Ce n’est pas un fait nouveau ceci dit, même si je me soigne. Et j’en assume même l’entière responsabilité. Je me souviens, il y a trois semaines, pendant les 48h coincées entre l’annonce du confinement et son début effectif, je me disais que cette pause forcée allait être l’occasion idéale pour ranger et trier. Non pas ma maison, puisque je n’y suis pas. Mais mes photographies, en particulier celles faites ici depuis janvier, et éventuellement celles prises à Singapour quelques jours avant. Je ne m’y suis pas encore attelé, puisque, à la place, j’ai préféré aller me promener en forêt, commencer ce carnet de (non) confinement puis de confinement parallèlement à celui rédigé par mes trois autres camarades du collectif Les 4 Saisons (1), puis lancer, avec Coralie, et pour une durée d’un mois, la 6eédition d’Objectif3280…

J’ai toujours de bonnes raisons pour différer ce que j’ai imaginé faire dans un premier temps. La première diversion – la forêt – est absolument vitale et me rappelle chaque jour à quel point il me faut quitter Paris pour me rapprocher de la nature. La migration était théoriquement amorcée avant le départ, elle figurait en tête des priorités pour les 2-3 ans à venir. Le monde d’aujourd’hui précipitera sans doute certains choix, d’autant que j’ai envie, à mon échelle, de co-dessiner le monde de demain.

La deuxième est aussi importante, même si les carnets de confinement ont un temps été raillés – au final, chacun fait ce qu’il veut, même si, lorsque l’on prend le parti de partager ses écrits, il me semble essentiel d’avoir conscience d’où on le fait : en l’occurrence pour moi, d’un endroit hyper privilégié où je suis très sereine et où, pour l’heure, je ne manque de rien. Je n’avais pas écrit de tout ce périple. Pourtant, la matière ne manquait pas… Cela fait quelques années que j’écris moins en voyage. La faute au numérique (une autre forme de valise métaphorique !). C’était il y a 10 ans, j’étais à Malte, à La Valette plus précisément, quand j’ai foncé tête baissée dans la photographie numérique. Je m’en souviens comme de la première cigarette que je n’ai jamais fumée. Je baptisais mon reflex de seconde main amicale récemment acquis, j’errais dans les rues blondes de la cité et déclenchais fièrement. Je regardais mon écran, je les trouvais plus belles, mes photos. L’illusion, voire le miroir aux alouettes, de l’immédiateté peut-être ?

A cette époque, je ne pouvais imaginer à quel point ce glissement matériel allait complètement révolutionner ma pratique photographique jusqu’à lors majoritairement argentique. D’abord quantitativement puisque j’ai réalisé près de 120 000 clichés digitaux depuis – enfin, bien plus puisque ceux que j’ai effacés ne sont pas comptabilisés. Une quantité indécente qui, aujourd’hui, pose de sérieuses questions d’organisation, de classement et de mémoration. Fort heureusement, la révolution a aussi été qualitative, ce que je perçois comme une conséquence directe de la possibilité de multiplier les prises sans que les coûts suivent la même courbe ascendante. Cette facilité déconcertante à faire et à refaire à l’infini – et donc à s’approcher par dichotomie du but à atteindre – est totalement désinhibante donc salutaire, même si elle ne suffit évidemment pas. Ce seront en effet toujours les yeux – en connexion directe avec le cœur et le corps – qui prendront une photo et non l’appareil vissé devant. Et ceux-là doivent continuellement apprendre à voir et à voir autrement…

Par conséquent, le temps que je passais avant à retranscrire, avec des mots et au jour le jour, mes impressions de voyageuse est désormais remplacé par un temps de triage et de pré-traitement de mes prises de la journée. Aussi personnelles soient-elles, donc autobiographiques, mes images ne remplacent pourtant pas les mots. Aussi suis-je très heureuse d’avoir pu reprendre la plume de pixels à l’occasion de cette étrange situation.

La troisième diversion, c’est Objectif3280, que je ne développerai pas forcément ici pour l’avoir déjà abordé à deux reprises. Que je trouve immodestement ce projet magnifique ne le rend pas moins chronophage, mais c’est un fait, non une surprise, et c’est aussi un choix assumé. Car si la forêt me relie à la Terre, si les mots me relient à mon être, et bien, Objectif3280 me relie aux autres… Aucune de ces diversions n’est donc plus importante que l’autre, et aucune n’est à négliger : les trois forment un tout indissociable et interconnecté, agissent à différents niveaux de ma petite personne, l’animent, l’enrichissent, participant ainsi à mon équilibre. C’est un mot sur lequel je reviendrai probablement, car, en plus d’être beau, il me semble qu’il nous permet d’avoir une lecture du monde assez intéressante…

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Au compte goutte

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Lumière intérieure

Encore gorgé du généreux soleil de la journée, il n’avait pas réussi à s’éteindre quand la nuit fut venue…

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La balanciel

Je poursuis mon inventaire très personnel des néophotologismes avec cette splendide « balanciel », autrement dit, une balançoire ayant l’étrange particularité d’être accrochée au ciel. J’en conviens, si nous nous laissons aller à être un peu trop terre à terre en nous référant uniquement à nos connaissances actuelles sur le ciel, et en particulier, sur sa composition – une bonne dose de diazote, une quantité raisonnable de dioxygène, une pincée d’argon et un soupçon de dioxyde de carbone, en résumé, de l’air, donc, un gaz, donc une substance occupant tout l’espace disponible et surtout non préhensible, a fortiori auquel on peut difficilement accrocher quoi que ce soit -, l’existence de la balanciel est difficile à concevoir. D’où l’intérêt et la force de la preuve par l’image !

Quant à se hisser jusqu’à elle, deux solutions. La première, des plus logiques : le ciel déroule ses bras de corde jusqu’au sol et, comme avec la balançoire, qui se pratique également en journée, il vous suffit de vous poser sur la planche avant que le ciel ne vous remonte à sa hauteur, et convoque un léger zéphyr pour vous balancer sans que vous n’attrapiez froid ou ayez mal au coeur. Seconde option, bien plus amusante mais aussi relativement risquée : sauter sur un trampoline jusqu’à atteindre ladite planche déjà haut perchée, s’y harponner tant bien que mal, et, par chance, se la couler douce dans les airs…

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S'envoyer en l'air

Le saut de nuage est une nouvelle discipline poético-sportive fraîchement homologuée par le CIDISMS (Comité Intersidéral Des Idées Saugrenues Mais Salvatrices) créée par un groupuscule de rêveurs en réponse à l’absurdité croissante du monde. Il se pratique en plein air, et idéalement par beau temps mais pas trop, l’idée principale étant de réussir, par tous les moyens existants à ce jour et ceux à venir qui nous sont donc encore inconnus, à sauter au-dessus d’un nuage, sans le faire tomber évidemment, tout en déclamant des vers de Baudelaire.

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Casse-tête

Un bref regard vers ce fond de lac aux airs de puzzle pour joueurs extrêmement patients suffit à comprendre à quel point cette terre de haute altitude où la photosynthèse se fait plus que discrète, a été si durablement privée d’eau, celle-là même qui est à l’origine de toute vie sur Terre, qu’elle n’est plus capable d’accueillir et de boire la fine pellicule qui vient pourtant la recouvrir.

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Eminence grise

Il faut imaginer que ce mur de brume gris-bleu ancré dans l’océan se poursuit au-delà du cadre, à gauche et à droite jusqu’à couvrir tout l’horizon. Que cette masse incroyable a gonflé peu à peu, lentement mais sûrement, de telle sorte que personne ne l’a réellement vu arriver, un peu comme dans une partie d’1-2-3-soleil où celui qui compte réalise bien, à chaque fois qu’il se retourne, que chacun a avancé sans pour autant les avoir vu bouger. Ainsi en est-il de cette falaise cotonneuse, un brin effilochée, impénétrable et mouvante face à laquelle le spectateur médusé éprouve une double envie : fuir pour se mettre à l’abri d’un danger indéfini, ou, au contraire, l’attendre, de pied ferme, continuer à la regarder grignoter l’océan mètre après mètre, à la voir noircir les vagues miroitant encore sous les derniers rayons du soleil couchant, et se laisser envelopper par cette atmosphère apocalyptique à la beauté saisissante, hypnotisante, grisante que l’on a peine à croire menaçante, pour éprouver le vide, la perte de repère, l’inconnu absolu et pouvoir répondre à cette question dès lors obsédante : qu’y a-t-il, de l’autre côté ?

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L'extrapolation

Encore aujourd’hui (c’est-à-dire, plus de 3 ans après sa naissance), cette photo m’intrigue. J’en suis pourtant l’auteur. D’ailleurs, les deux ne sont a priori pas incompatibles. Pourquoi le photographe serait-il tenu de comprendre ce qu’il fait au moment où il le fait, les raisons qui le poussent à cadrer comme ceci plutôt que comme cela, à préférer tel couple vitesse/ouverture plutôt que tel autre etc ? Déclencher n’a jamais fait disparaître le mystère. Au mieux, il le fige.

En fait, à chaque fois que je regarde cette image, quelque chose d’indéfinissable me perturbe. Les formes, les couleurs, l’objet lui-même, la combinaison de tout cela… C’est d’autant plus étonnant que cette photographie n’a rien de particulier. Mis à part qu’il s’agit d’un détail. D’un bout d’ouvrage. Une extraction un peu flottante – alors que nous l’imaginons aisément lourde – et finalement assez abstraite – car sans ancrage ni à la terre, ni vers le ciel. Donc un peu surréaliste. Et c’est très certainement là, dans cette décontextualisation quasi totale et la pseudo liberté qu’elle confère à ce monolithe à rivets au pouvoir illuminateur, que réside mon trouble (et, au passage, mon attirance pour cette image).

Car, finalement, difficile de deviner la fonction de cette « brique » simplement en la regardant ou d’imaginer de quoi elle est la constituante. Ce qui laisse grand ouvert le champ des possibles. Alors que, lorsque nous voyons une image d’une épaule par exemple, nous n’avons aucun mal à nous représenter ce qui n’est pas montré, le hors-champs, à savoir le bras d’un côté et le cou de l’autre. Puis la tête et le torse. Et finalement le corps entier. En associant instantanément, spontanément et mécaniquement la partie au tout, le mystère de la partie se dissipe…

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La vague

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Silencieuse ouate d'altitude

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