Photo-graphies et un peu plus…

Petite cuisine interne

Alimenter quotidiennement un site comme je le fais ici depuis plus de 5 ans requiert d’instaurer une sorte de régime iconographique équilibré. L’idée, ou plutôt l’espoir, est en effet d’éviter l’overdose ou l’indigestion de certains ingrédients – trop de photos de chats, trop de photos de fleurs par exemple (!) -, ou la répétition maladive, qui conduit inexorablement à l’ennui. Le mien en premier lieu – désolée pour cette impolitesse -, le vôtre aussi bien sûr, que vous soyez 10 ou 1 000. Car, il n’y a rien de plus terrible à mes yeux que l’ennui, quoiqu’en disent certains philosophes qui le vénèrent.

De fait, même s’il y a bien évidemment des images, des thématiques récurrentes et clés dans ces pages – quoi de plus normal puisque toute photographie n’est ni plus ni moins que la matérialisation d’un intérêt personnel et, à ce titre, elle participe à l’écriture d’une autobiographie -, j’essaye, autant que faire ce peut de varier régulièrement les plaisirs. Ainsi passé-je en revue la dizaine de duos précédents pour, à l’issue du tour d’horizon, et comme s’il s’agissait d’une salade à composer, lâcher très trivialement des sentences comme : « Tiens, cela fait longtemps que nous ne sommes pas allés en Namibie » ou « Il n’y a pas du tout de rouge sur cette page… » ou « Où sont les hommes ? » ou encore « Bon, la mer, l’océan, on a compris, tu aimes l’eau et les grandes étendues, mais ça suffit… » ou « Cela manque de verdure quand même ces temps-ci »…

Ce soir, je me suis donc dit : « C’est le moment de retourner en ville avec une photo très urbaine ». Un peu froide donc, mais pas nécessairement désincarnée. Direction Los Angeles, la cité des anges autant que des clichés. Comme ceux sur lesquels je tombe en m’extrayant du Bradbury, ce splendide immeuble rénové au « cœur » de la ville – si tant est que cette mégalopole puisse en avoir un – où ont été tournées les premières scènes de Blade Runner : les voitures dans un banal petit parking privé, celle de la police que l’on imagine déjà hurlante à pourchasser tel ou tel brigand, la folie des grandeurs avec cette gigantesque fresque murale d’Eloy Torrez représentant l’une des légendes d’Hollywood, Anthony Quinn, en icône christique – autre leitmotiv étasunien – sur un fond qui fait justement écho à l’aménagement du rez-de-chaussée du Bradbury, comme si l’un menait forcément à l’autre et réciproquement. Comme s’il était impossible d’échapper à la fiction en errant dans les rues de Los Angeles…

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Direction le sous-sol sombre comme il faut d’un petit musée à l’abri des rayons du soleil (ah, ah, ah !), et pour cause, on y expose des mots. Des lettres, des équations, des partitions, des décrets, des annonciations, des dessins, des déclarations, des brouillons, des idées fabuleuses, des hypothèses brillantes, des ébauches de chef d’œuvre qui ne connaissent pas encore leur valeur… Des traces laissées par d’illustres défunts sur lesquelles on se recueille comme sur une tombe et se penche avec déférence. Si la tombe ne dit rien de la personne qui y repose, il en est autrement de ces mots attrapés au vol… Ecrits à la main. A la plume même. Là est l’essentiel… L’écriture, cet acte vital qui transforme la pensée intime en signaux – courbes, traits et ponctuations – accessibles à tous et qui dévoile, par sa seule forme, son rythme, son allure, sa géométrie, un bout de la personnalité de celle ou celui qui tient la mine. Albert Einstein, Romain Gary, Hector Berlioz. Rigueur, clarté et régularité parfaite pour le physicien relatif ; rondeur, précipitation et doute pour l’écrivain aux deux visages ; respiration, ouverture et liberté pour le musicien romantique. Comme ça, à vue d’œil, une première esquisse de caractères…

Profitons-en, car, dans vingt, trente ans, peut-être un peu plus, nous devrons nous contenter de polices de caractère ! Quel avenir, en effet, pour un musée des lettres et des manuscrits au 21e siècle, à l’heure où tout passe par de l’arial narrow, du times new roman ou de l’helvetica neue ? Viendrons-nous nous extasier devant les fichiers des futurs auteurs, scientifiques, artistes et politiques, en y cherchant quelque vérité humaine ? Ou nous moquer de ces ancêtres qui étaient encore obligés d’utiliser leur main pour écrire, à l’image de ceux qui entrechoquaient des silex pour faire du feu ? Nous n’écrivons déjà plus à la main, ou nettement moins. C’est désormais sur nos claviers voire nos écrans, directement, que nous tapotons pour remplir nos « feuilles blanches », rédiger nos thèses, faire nos devoirs. Nous nous envoyons des courriels et non plus des lettres. Heureusement, un rituel fait de la résistance : celui de la carte postale de vacances, qui n’a pas encore cédé à cette lame de font* dévastatrice…

* police de caractère, en anglais

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category: Actus
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« Des bruits répétés. Des bruits répétés et très forts. Sur la porte. Quelqu’un frappe violemment sur la porte. Insiste. Les coups ne s’arrêtent pas. La cuisine est balayée par une lampe torche. Police. » (…)

Reportage fortuit à Montréal, une courte nuit de samedi à dimanche…

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