Photo-graphies et un peu plus…

JCF7_DSC9534-72-site

Voilà une semaine exactement que je suis rentrée. Ou alors, voilà une semaine exactement que j’ai quitté la Nouvelle Zélande. Le résultat est le même, mais la nuance existe.

Cela fait aussi bientôt 4 mois que je n’ai pas vu, en vrai, en chair et en os, ma famille et mes amis. De retour de voyages plus ou moins longs, c’est naturellement vers eux que je me tourne rapidement. Pas là. Et je ne sais quand je pourrai les embrasser et les serrer à nouveau dans mes bras. A partir du 12 mai peut-être, pour ceux vivant à 100 km à la ronde. Plus tard encore, sans que cela ne soit clairement défini, pour les plus proches. Paradoxalement. Je me demande si l’on peut s’habituer à ne voir les personnes que l’on aime qu’au travers d’un écran, en deux dimensions.

Je crois qu’après tout cela, après tous ces contacts évités et chargés d’une potentielle dangerosité, après ces semaines à considérer les autres corps comme des menaces, ce sera un moment étrange. Même avec les intimes. Un peu comme un premier rendez-vous, maladroit. Il y a d’ailleurs de fortes chances que certains de nos nouveaux réflexes de distanciation physique aussi bien personnelle que sociale perdurent et viennent s’ajouter à nos radars internes, se mettant instinctivement en branle et allumant nos warning – merci à notre cerveau reptilien d’être encore actif ! – dès lors qu’une personne pénètre un périmètre que nous estimons intime sans l’être pour autant, un intime. Ces distances s’avèrent d’ailleurs très variables d’une personne à l’autre, mais aussi d’une culture à l’autre. Voilà qui me renvoie instantanément au Japon, où les contacts physiques en public sont (très) mal vus, et simultanément, en Italie ou en Tunisie, à l’autre bout du spectre en matière d’interactions corporelles… D’ailleurs, la proxémie, qu’a conceptualisé l’anthropologue Edward Twitchell Hall dans les années 60 et décrit dans son livre « La dimension cachée » que j’ai dû lire il y a 20 ans, a assurément joué un rôle important dans la transmission du coronavirus au sein de territoires définis. Les experts en la matière se pencheront peut-être dessus une fois la tempête passée.

Ceci étant dit, depuis une semaine donc, entre rencontres fortuites et heureuses dans la rue, rendez-vous arrangés amicaux à 1 mètre or so et montre en main, moments partagés sur le palier chacun de son côté, échanges inattendus à la criée entre balcon et ras du bitume, ma vie sociale au temps du corona – même minutée, « périmétrée », surveillée, distanciée – ressemblerait presque à quelque chose…

En dépit de cela, il n’en demeure pas moins que la froideur du béton me saute aux yeux comme jamais auparavant. J’ai toujours aimé la ville, l’arpenter en long en large et en travers, les yeux en l’air à admirer les façades, à scruter les édifices en construction, mais là, je ne vois que des murs, que des frontières, que des barrières, que des obstacles. La ville m’apparaît si inhumaine que j’ai presque du mal à comprendre comment son étreinte a pu durer si longtemps.

Là-bas – j’ai eu maintes fois l’occasion de le dire, de l’écrire et je ne me priverai pas de me répéter, car, désormais loin, je réalise encore plus ma chance d’avoir pu vivre cette immersion et à quel point le timing est parfait –, j’ai eu la sensation d’être à la fois intimement et concrètement connectée à la Terre et au Cosmos, à la montagne, aux océans, aux profondeurs de la planète, aux forêts, aux rivières et à tous leurs habitants, aux étoiles, aux galaxies et au-delà… Cela demande un réel effort de projection voire d’imagination dans nos cités ultra-bétonnées où l’on ne voit même plus la terre, ni les étoiles, et parfois même pas le ciel, où les arbres sont enfermés, les fleuves dirigés… Ce lien me paraît pourtant essentiel, vital même, notamment parce qu’il nous relie à quelque chose d’incommensurable tout en invitant à aimer notre planète. Et, aimer, idéalement, c’est respecter. Je pense à cette maxime « loin des yeux, loin du cœur » souvent associée aux personnes que l’on finit par oublier ou désaimer, faute de les voir… Et bien, elle est aussi vraie avec la Nature, intérieure et extérieure, sur Terre et au-delà. N’oublions pas de regarder et d’aller voir au-delà des cités de pierre pour nous rappeler qui nous sommes et qui sait, aller voir là-bas si nous y sommes…

Share on Facebook

JC6_DSC5603-72-site

La vie s’organise simplement ici, à Wellington. Très simplement. Beaucoup plus simplement que ce que nous pouvons lire, entendre, voir par ailleurs. Et plus particulièrement en France où nous pourrions être et d’où nous parviennent vos échos, personnels ou collectifs, privés ou publics, chaleureux, optimistes, motivés, angoissés, exaspérés ou désabusés. J’utilise le conditionnel parce que, quelque part dans ma petite tête, même si cela soulève de vertigineuses interrogations, je me dis que si nous sommes là, c’est que nous devons ou devions être là.

Comme si, dans ce chaos qui prend l’humanité de court, tout en ayant été annoncé depuis longtemps par des observateurs éclairés attachés à faire le lien entre toutes choses – actions, choix, comportements… – que d’autres ont préféré penser déconnectées pour ne pas avoir à s’interroger sur leurs conséquences, tout était déjà prévu, planifié, orchestré 3, 2, 1, c’est parti ! Par qui, par quoi, pourquoi ? Forcément, ce sont les questions qui se posent logiquement après une telle phrase. Je n’ai pas de réponse.

En revanche, je sais que j’ai passé une partie de l’année 2019 à revoir et à travailler ma propre perception des notions de hasard, de liberté, de déterminisme, d’humanité, tant à l’échelle individuelle que collective, à me familiariser avec celui que l’on appelle le « monde invisible » – une gageure pour le produit de Descartes que je suis en partie mais une évidence dès lors que l’on s’ouvre à l’existence d’autres grilles de lecture – et, si je suis honnête et cohérente avec moi-même, je dois aborder ces circonstances inédites à travers ce prisme bien plus large, qui m’échappe. Et accepter, peut-être, que si je suis là, à vivre sereinement cette situation absolument dramatique pour certains, ce n’est donc pas un hasard. Mais alors, pour quoi ? Je n’ai pas plus de réponse pour le moment.

Je me souviens aussi avoir passé une partie de l’année 2019 à répéter que tout était connecté. Je pensais alors à l’infiniment grand l’infiniment petit, le près le lointain, le passé le présent le futur, la vie la mort, les souvenirs, le réel la fiction, l’homme la nature, le visible l’invisible… Ce sentiment – loin d’être nouveau pour moi, même si je le vis plus intensément désormais – a irrigué mes dernières créations, mes dernières pensées, mes dernières errances…

Je ne pensais évidemment pas à ce virus qui nous prouve à quel point, concrètement, dans ce monde qui est le nôtre, ce que nous faisons, chacun et ensemble, peut avoir des répercussions à une échelle difficile à appréhender. Car, dans les faits, tout ce que nous traversons actuellement n’est-il pas parti d’une seule et unique personne – le fameux patient 0 ? Cela aussi, c’est absolument vertigineux !

C’est effrayant et en même temps, c’est stimulant. Car si une seule personne peut être à l’origine d’un tel bouleversement à l’échelle planétaire, à l’inverse, et selon cette même logique implacable que tout est relié, nous pouvons imaginer qu’une seule personne insufflant, au choix, l’espoir, l’optimisme, le respect, la solidarité, la bienveillance, la considération, la solidarité, l’empathie, l’amour est, elle aussi, capable de toucher des milliards de personnes… Or, il suffit de se pencher sur les news quelques minutes pour réaliser qu’il n’y a pas une personne à l’œuvre en ce moment avec cet objectif mais des centaines voire des milliers de personnes partout dans le monde. Des milliers d’êtres humains qui accueillent, qui cousent, qui offrent, qui soignent, qui chantent, qui dansent, qui partagent, qui cuisinent, qui écoutent, qui veillent, qui restent chez elles, qui accompagnent, qui aiment, qui tendent la main, le cœur et l’âme… Alors, quelque part au fond de moi, je me dis que c’est déjà gagné…

Share on Facebook

_DSC0635-72

D’abord, s’étonner de voir la Tour de Pise peinte sur un transformateur électrique d’un boulevard ordinaire de Chungli, ville de la banlieue de Taipei, la capitale de Taiwan. Ensuite, sourire en réalisant que l’artiste – qui a pourtant bien pris soin de respecter le nombre de niveaux de la Tour et de dessiner ses colonnes de marbre si caractéristiques – a toutefois choisi de lui confisquer ce trait de caractère qui la rend si célèbre et visitée aujourd’hui : son inclinaison. Puis enfin, remarquer ce duo de tubes au rôle urbain indéfini et se dire que l’honneur de l’Italie est sauf : heureusement, les tuyaux veillent à rétablir la vérité !

Share on Facebook

Au bout du couloir

Je ne retournerai pas en arrière, je ne retraverserai pas ce couloir à rebours pour me trouver à nouveau dans cette dernière salle, au bout du bout du monde, cette salle que j’ai cherchée frénétiquement dès que j’ai mis le pied, enfin les pieds, dans ce musée, où j’espérais glaner quelques indices sur sa localisation précise. Tout au long de ma quête, j’ai maté d’un oeil distrait et discret les 700 ans d’histoire de l’art qui défilaient à mes côtés. Je me suis quand même arrêtée, une poignée de fois, tant c’était saisissant de beauté. Puis, je repartais en mission : le trouver. Allais-je vraiment devoir arpenter les 12000 m2 de l’antre culturel pour le rencontrer ? Ce jeu de piste auquel me conviaient les conservateurs était-il réellement nécessaire ? Sur mon chemin, je l’imaginais sublimement mis en lumière, seul sur son mur, au coeur de tout. Ne le voyant pas, j’ai même douté, à un moment de sa présence en ces lieux, pensant qu’il avait été prêté à une autre institution, qu’il faisait alors des heureux à des milliers de kilomètres de là, alors que j’y étais aussi pour lui. Il a ainsi fallu aller au bout, au bout du bout du monde donc, pour me trouver face à lui et être saisie d’une émotion si forte – ventre serré, pulsation accélérée, chaleur instantanée, fébrilité incontrôlée – que des larmes ont réussi, sans s’annoncer, à s’échapper. J’ai dû les sécher, pour débrouiller l’image, et je me suis posée, face à lui. Après quelques minutes, je l’ai abandonné. Je ne retournerai pas en arrière, je ne retraverserai pas ce couloir à rebours, je ne me retrouverai plus devant Le voyageur contemplant une mer de nuages

Share on Facebook

En attendant le printemps

… la sirène est en stand-by et le corbeau, à l’affût !

Share on Facebook

Not that cool

Cela partait pourtant d’une bonne et généreuse intention, cette balançoire accrochée solidement à ce A géant… sauf qu’à chacun de ses passages, la jeune fille manquait de s’embrocher aux fers de lance du portail métallique. Un jour, lasse de ces dangereux allers-retours qui l’obligeaient à se contenir, elle s’est puissamment élancée pour se jeter dans le vide et passer au-dessus de la piquante haie verte. En atterrissant sur le trottoir de l’autre côté de la grille, elle n’était déjà plus cette figure en deux dimensions jusqu’à présent condamnée à vivre à la surface de ce mur-prison, derrière les barreaux. Au contact de l’air, la jeune fille avait instantanément pris du relief et avait déjà disparu en se fondant rapidement dans la foule, comme n’importe qui. Sur le mur de briques, la balançoire, abandonnée, était désormais vide… Pas pour très longtemps. Dès le lendemain, un peintre viendrait écourter ce moment de solitude en dessinant un petit garçon. Le 7e depuis le début de l’année…

Share on Facebook

La loi du milieu

Quelqu’un m’a un jour dit, il y a très longtemps mais bien dans notre galaxie – et je suis d’ailleurs persuadée de l’avoir déjà mentionné ici – qu’il serait bénéfique de m’auto-imposer des contraintes d’écriture. C’est certain, cela donne un cadre. Certain. Ce soir, j’ai donc décidé d’imposer une contrainte forte à mon extension supposément intelligente. De la soumettre à une forme d’écriture automatique en quelque sorte en ne sélectionnant que les mots du milieu suggérés par le dictionnaire intégré de ma messagerie, en partie biaisé par mes récents échanges antérieurs… Cette photo n’a, vous vous en doutez, pas été choisie au hasard puisqu’elle porte le numéro 5000. 5000, à mi-chemin entre 1 et 9999, première et dernière image d’un tour du cadran photographique… Le plus étonnant – et c’est un pur hasard (mais le hasard n’est-il pas une notion que nous avons inventée simplement pour nous persuader que nous pouvions orienter nos propres vies ?) – est que cette photographie aie une composition aussi centrale. Et même auto-centrée. Quand bien même un monde nous sépare.

C’est donc parti pour quelques lignes sans autocensure qu’à cet instant précis, je ne suis absolument pas en mesure d’anticiper (évidemment, la grammaire va sûrement prendre quelques libertés) :

« Merci pour l’adresse. On part au relationnel. Vous pouvez me joindre au courant. Sinon, je ne suis pas sur que tu vas bien. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. Il y a des agences de voyages, les gens qui ont été, le temps de véritablement trier les annonces pour cette semaine. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. (…) »

J’imagine que je pourrais poursuivre la boucle éternellement, enfin, jusqu’à vider la batterie… Serait-ce à analyser comme un rêve au réveil ? Toujours est-il que j’aime beaucoup l’idée d’aller au « relationnel » comme s’il s’agissait d’un nouveau pays à découvrir…

Share on Facebook

Tentative d'immersion

Share on Facebook

Rester concentré

Share on Facebook

Déjeuners sur l'herbe

Share on Facebook