Photo-graphies et un peu plus…

Se perdre dans une ville inconnue est un vrai délice. Enfin, se perdre… Je m’entends… La découvrir sans plan, sans idée préconçue, sans s’imposer de visiter tel ou tel lieu supposé emblématique comme il l’est dit à la page 32 de notre guide, la découvrir sans la pression du temps qui passe et ce souci qu’il fait naître de tout voir, surtout ce qui est « à voir »… Chaque croisement conduit alors à une unique question : gauche ou droite ? Un véritable apprentissage du choix, s’appuyant sur des raisons différentes à chaque fois selon l’humeur du coin : la mer au bout, du monde qui passe, un reflet d’arc en ciel dans une fenêtre, l’étroitesse d’une rue, des enfants qui jouent, une étrange vitrine, un rideau rouge flottant au vent, jusqu’à rien… Oui, visiter une ville en ne choisissant d’aller que dans les rues où il n’y a personne. La quête de solitude peut en effet être un objectif du promeneur faussement égaré…

Se balader dans une ville inconnue, sans autre but que celle de la parcourir, c’est un peu comme se promener sur les lignes de sa main… sur sa ligne de vie en l’occurrence… On ne sait pas trop où on va, on ne sait pas, qui d’elle ou de la vie, nous conduit vraiment… Elle est là, apparemment bien droite, bien marquée, bien longue, évidente. Mais en s’approchant un peu, on aperçoit quelques ramifications. La ligne s’affine, se gondole, s’écourte puis se termine… La marque de nos choix ? Gauche ou droite… Comment savoir sur quelle portion de ligne conduit tel choix ? Et puis, ces choix, ont-ils déjà été faits ou sont-ils à venir ? A ce moment, on se dit qu’il aurait quand même été bien pratique de naître avec une échelle sur la main… Au moins, on aurait eu un indice sur le moment…

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Certains reviennent de leurs voyages avec des photos de vacances… De mon côté, je réalise que, de plus en plus, je m’extrais de mon sommeil assaillie de photos de rêve. Pendant les quelques minutes suivant mon réveil – ensuite tout s’évanouit – je me souviens m’être baladée dans des contrées imaginées, amalgame de paysages connus et irréels, allant à la rencontre de parfaits inconnus ou d’avatars d’anciennes connaissances. Toujours avec l’appareil en bandoulière, déclenchant là où je le ferais s’il s’agissait d’un véritable voyage… Il arrive que ce tourisme de mon inconscient me fasse remonter le temps… Et jusqu’à aujourd’hui, c’est toujours vers le passé que je me suis tournée… Un passé que je n’ai pas vécu pour autant… Mais là n’est pas le plus curieux ! Il y a quelques jours, en transférant mes photos du jour sur mon disque dur, l’opération a subitement été stoppée. Certaines images bloquaient… J’ai finalement réussi à les extraire de l’appareil… Comment dire…  J’avais  comme une sensation de déjà-vu, mais aussi la certitude de n’être jamais allée là « en vrai »… Impossible ! Tout dans l’image relevait du passé, les couleurs, les vêtements, les coupes de cheveux, les enseignes… Puis j’ai compris : mes photos de rêve devenaient réalité…

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… au rayon chaussures, décidément très à l’honneur cette semaine ! Le chaos d’une banale fin de journée dans un grand magasin ! Spectacle désolant de paires démembrées, hécatombe de sandales, de mules, de ballerines et autres escarpins à talon abandonnés à même le sol faussement duveteux et réconfortant… Le matin même, tout le monde était parfaitement aligné, en rang deux par deux, bien au garde à vous, prêt à être happé par des mains théoriquement douces mais en réalité malmené pendant de nombreuses heures au cours desquelles le répit ne sera, pour certaines, que de courte durée.

Chaque samedi, chaque jour de solde, en particulier le premier, je me pose la même question : pourquoi certaines femmes et/ou filles, très respectables au demeurant j’en suis certaine, se transforment-elles en véritable tempête lorsqu’elles s’introduisent dans une boutique de vêtements, de chaussures, de sacs… à en oublier le b-a-ba de la vie en société, le respect des uns pour les autres, en particulier pour les jeunes vendeuses qui, après leur passage halluciné dans un état second, devront retrouver les duos éparpillés, reboutonner mardi avec mardi, remettre les chemisiers oubliés au rayon lingerie à leur place, replier les gilets amoncelés à un bout du présentoir, ramasser tout ce qui a été donné en pâture aux moutons qui se sont constitués dans la journée du fait des allées et venues charriant leur lot de poussière ?

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Etapes de vols imperceptibles à l’œil nu saisies par l’extension de mon regard. La photo, qui enregistre parfois le mouvement, peut aussi le capturer, le stopper net, comme si elle avait le pouvoir d’arrêter le cours du temps pour nous montrer ce que nous ne sommes pas en mesure de capter en temps réel. Comme si un simple clic-clac nous ouvrait les portes d’un autre niveau de réalité. Tout semble alors immuable. Cela donne à cette image une impression insensée, quasi contre nature.

Des oiseaux, des pigeons pour être juste, chacun figés à une phase différente de leur vol, formant un ensemble erratique dans le ciel, convergeant malgré tout vers un unique et même but : attraper ces quelques miettes de pain jetées à la volée par un généreux maltais. On pourrait croire qu’ils ont été posés là, juste pour l’image. Mais posés sur quoi ? On s’attendrait presque à les voir tomber, comme s’ils se réveillaient subitement d’un doux rêve dans lequel ils se seraient échappés des vitrines de la maison Deyrolle. Tout est en fait parfaitement maîtrisé, tout est en fait parfaitement normal… Et le vol, n’est-il pas ce chemin parcouru pour atteindre un objectif fixé, enchaînement de pas dont on n’a pas toujours conscience et rendus invisibles par notre impatience, mais qui existent bel et bien ?

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D’où nous vient cette habitude de regarder les bateaux passer, en particulier sous les ponts ? Combien de promeneurs, en en voyant un s’approcher, interrompent leur marche, s’arriment à la balustrade, penchent légèrement la tête et filent, sans s’en rendre compte, vers une rêverie solitaire inspirée par le seul glissement cahoteux du vaisseau sur l’eau et les conduisant de l’autre côté du rivage ? Il n’y a pourtant rien, de prime abord, d’extraordinaire dans la scène.

Réminiscence de la petite enfance peut-être ? Dès le plus jeune âge en effet, les parents prennent soin de s’arrêter net dès qu’un bateau passe : « oh, regarde le bateau sur l’eau! » disent-ils à leur progéniture en suivant le bateau du doigt. Même initiative dès qu’un train passe : « oh, regarde le train qui arrive ! » en le suivant du doigt ou dès qu’un avion passe : « oh, regarde l’avion là-haut » en le suivant aussi du doigt… C’est très important de savoir suivre du doigt un objet qui bouge ! Bref, un apprentissage méthodique de la spatialisation et de la richesse des modes de transport ! Vraisemblablement quelque chose qui s’inscrit dans notre cerveau reptilien (oui, oui, c’est exagéré) puisque, des années après, on se retrouve, parfois très pressés pourtant, à faire une pause sur les ponts afin de voir parader des inconnus bienheureux. On imagine alors leur vie, on se demande d’où ils viennent, et puis on finit par penser que l’on aimerait bien, aussi, être dans un bateau, un train, un avion pour rendre visite à l’ailleurs…

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48° 50’ 22” N 2° 19’ 12” E, 750 logements, 3 000 habitants, 88 000 m2 habitables, 64 000 m2 de parking (ils avaient prévu la congestion automobile du siècle suivant à l’époque), 16 étages (sans les parkings), 5 ans de construction, occupation des lieux dès 1966 par de jeunes cadres dynamiques (déjà), de hauts fonctionnaires (aux étages élevés) et des intellectuels (ça, c’est étrange)… A l’époque, il faut « déjà » être pistonné pour avoir la chance de poser ses valises dans l’un des appartements de l’ensemble, des 3, 4, 5 pièces traversants exclusivement avec de larges baies vitrées allant du sol au plafond, qui laissent entrer la lumière mais aussi les regards. De l’autre côté du trottoir, l’ensemble imposant se meut en un immense aquarium humain

Dans son histoire, le lieu est connu pour être devenu un « bastion du militantisme culturel, social et politique ». Les mouchottiens se rassemblent en association de locataires. C’est à elle que nous devons les Jardins de l’Atlantique, posés sur la Gare Montparnasse et que les locataires voient chaque jour en se penchant à leur fenêtre… Et la Fête des Voisins, « fête de Mouchotte » pour les intimes, ils l’avaient déjà initiée à l’époque… On parlait alors du Village Mouchotte. Mais avec les années, le collectif s’est effacé au profit de l’individuel. La solidarité inter-voisins s’est évanouie, évaporée. Les locataires ont été remplacés par des propriétaires-bailleurs. Aujourd’hui, les grenouilles disparaissent des terrasses ! D’étranges rituels ont aussi été relevés dernièrement par des espions bien placés : des perchoirs à pigeons sont apparus du jour au lendemain, des mégots ont été dispersés et disposés en rond autour du cendrier qui les accueillait. Du vaudou ? L’enquête est lancée. Mais force est de constater que la modernité a peut-être eu raison de l’osmose qui faisait l’identité et la force du site… Sommes-nous si différents de nos anciens ?

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Le train-train quotidien n’a-t-il pas une toute autre saveur lorsque le ciel est bleu, que le soleil chauffe déjà depuis longtemps à l’heure où le réveil sonne et que les hirondelles en sont aux essais de moteurs zélés (ah ah) pour les 24h du Mans locales ? Les fenêtres sont grandes ouvertes, chacun hésite entre telle chemise verte à manche courte et telle jupe bleue légère, se dit qu’il serait grand temps d’acheter des nus pieds (en déplaise à nos chaussures rouges à tous), car cette fois-ci, c’est sûr, l’été s’installe pour de bon…

Le beau temps fait passer presque toutes les tracasseries habituelles, celles qui auraient énervé un jour de pluie, comme si chacun se mettait dans une bulle de tolérance inédite. Nous voilà donc très météo-dépendants, ce qui n’est pas nouveau et même un phénomène très connu des habitants des pays scandinaves et du grand nord en général où les jours s’allongent à faire disparaître la nuit, et inversement. Aujourd’hui, nous allons tous dire : « C’est super ce beau temps ! », « ça fait du bien après cet hiver qui n’en finissait pas ! », « et ce week-end, c’est pareil ! C’est vraiment l’été cette fois-ci »… Aujourd’hui, nous allons peut-être « se faire une terrasse », ou « se faire un pique-nique » sur les quais de Seine en fin de journée comme tous ceux qui se seront dit ça le matin en pensant qu’ils seraient seuls à y avoir pensé. Mais ce n’est pas grave ! Aujourd’hui, il fait beau, tout le monde accepte de tourner un peu pour trouver sa place… au soleil.

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La vie de chaussure n’est pas toujours une succession de pas tranquilles… J’oserais dire que tout dépend des pieds qui sont dedans et de la personne à qui ils appartiennent… La chaussure et le pied, c’est un peu comme un vieux couple. D’ailleurs, « avoir trouvé chaussure à son pied » a un véritable sens hors du contexte d’une boutique de souliers ! Le duo s’apprivoise. Les premiers jours, c’est la chaussure qui domine, pressant un peu ici, puis là, suffisamment pour faire naître une légère douleur ici puis là, mais assez modérément pour que le pied et son propriétaire n’en soient pas vaccinés d’emblée et ne les cachent définitivement au fond du placard comme pour mieux oublier la faiblesse qu’a constitué le fait de les acheter. Tout ça pour montrer au pied à qui il a affaire… Seulement, voilà ce que, dans son coin, le pied pense : « elle va se faire à moi ». Et force est de constater qu’il a raison : le pied finit par s’installer dans la chaussure et prendre ses aises, comme s’il avait toujours été là. Jour après jour, pour compenser ses éventuels travers et sa démarche bancale, il râpe quelques millimètres de semelle, légèrement sur le talon droit, de façon plus insistante sur le gauche. Ainsi la chaussure et lui finissent-ils par former un tout d’une stabilité à toute épreuve, une communication silencieuse s’installe entre eux, le pied sait exactement ce qu’il peut lui demander de faire et la chaussure sait comment préparer le pied aux moments difficiles : ainsi parés, comme les deux doigts de la main pourrait-on dire – même si l’expression est étrange en soi si l’on concède que tout être normalement constitué en a 5 par main -, ils sont prêts à parcourir le monde !

Et c’est ce qu’ils font, pour les plus chanceux ! On ne le devinerait pas comme ça, mais ces chaussures rouges, de simples baskets d’un modèle qui ne devrait plus se faire pour certains, ont parcouru des dizaines de milliers de kilomètres. New York, Mombasa, Paris, Tabarka, Swakopmund, Kalutara, Zabriskie Point, Marrakech, Lisbonne et j’en passe. Histoire parfaite, jusqu’à un drame récent. L’an dernier, mon pied s’apprêtant à fouler le sol de Stockholm, me réclame sa chaussure rouge. Bien sûr, les chaussures rouges ! Sauf qu’un vide abyssal se trouvait à la place habituelle des chaussures rouges. Après avoir retourné l’appartement, fouillé ma mémoire dans ses moindres recoins pour reparcourir nos chemins ensemble et revoir, peut-être, le lieu où elles auraient été malencontreusement rangées, après avoir passé quelques coups de fil aux endroits où elles auraient pu se réfugier suite à je ne sais quel événement vraisemblablement contrariant, il a bien fallu admettre que mes chaussures rouges avaient bel et bien disparu. Une grande tristesse avait fini par s’emparer de mes pieds et de moi par la même occasion, mais nous n’avons jamais voulu nous résoudre à les oublier. Parfois, ma bouche lâchait des désespérés « mes chaussures rouges » à des moments totalement incongrus ou pire, quand mes yeux en voyaient au bout d’autres pieds… Quelques mois ont passé, pendant lesquels je n’ai pas voulu les remplacer, jusqu’à ce qu’un jour, arrive à mon oreille droite un étonnant message : « Au fait, il faudra que je te rende tes baskets rouges. Enfin, bon, tu ferais mieux de les changer parce qu’elles ne sont pas top quand même ! » « Mes chaussures rouges » s’exclama, libérée, ma bouche. Je les avais prêtées pour qu’elles aillent faire un tour au ski avec d’autres pieds ! Et le temps du voyage, j’avais oublié. Oui, oui, je sais. Pour quelqu’un qui parle de ses « chaussures rouges » comme de la prunelle de ses yeux, c’est un peu mesquin. Mais l’histoire ne s’arrête pas là : pendant tout ce temps, elles avaient elles-mêmes été déposées dans un appartement appartenant à d’autres pieds encore et victime d’un départ d’incendie ! Mes chaussures rouges, tapies au fond d’un sac en papier attaqué par la chaleur pendant les événements, s’en étaient sorties quasi indemnes : un peu de noir sur le dessus et une persistante odeur de brûlé ! Le soulagement ! Quelle fin atroce cela aurait été ! De retour au bercail, je les ai laissées se remettre de leurs émotions, reprendre contact avec un quotidien classique et échanger avec leurs collègues de banc… Et puis, au bout de quelques semaines à ce régime, mon pied s’apprêtant à fouler le sol maltais m’a fait… du pied. Il était temps, grand temps de reprendre la route ensemble ! Face à la mer, il leur a alors promis qu’ils ne se feraient plus d’infidélité…

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Les étages élevés amènent parfois les observateurs à plier leur dos en deux, afin de voir ce qui se trame là où le verre tutoie les nuages. Les étages élevés amènent les preneurs de photos à faire de même. Avec une légère angoisse en prime, totalement imperceptible par tout élément extérieur : comment faire entrer tout cela dans ce petit rectangle qui sert de cadre ? Cela se corse lorsque ce même preneur d’images souhaite emporter avec lui un peu de ce sol sur lequel il se meut. La contorsion se fait douleur. Mais elle fait aussi apparaître d’étranges signes. Triple zéro. 000. Une  flèche vers la droite. Le début d’une rue. Pine Street même. N’est-ce pas étonnant de commencer quelque chose par du rien ?

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Un grand-père promenant son petit-fils venu pour le week-end. Probablement parisien et apprenti penseur, en attestent sa marinière,  ses bottes et la position de son bras dans le dos. Une mer plate, un ciel bleu et deux voiliers a l’horizon – un grand, un petit – pour parfaire le cliché. Il est parfois agréable de pouvoir se reposer sur des valeurs sûres…

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