Photo-graphies et un peu plus…

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En l’espace de quelques mois, j’avais presque oublié l’existence de cette désagréable sensation… Celle de mes mains métaphoriquement en proie aux flammes de passer d’un extérieur très froid à un intérieur à température modérée, c’est-à-dire bien plus élevée que ce que le thermomètre accroché sur un battant des volets peut indiquer. La sensation de vive chaleur puis de picotement commence par les extrémités, par le bout des doigts, avant de progresser lentement mais inexorablement, phalange après phalange, vers la paume des mains, qui, comme des tomates en plein soleil, se mettent à rougir, gonfler puis à méchamment démanger. On dirait une soudaine poussée d’urticaire. C’est insupportable ! Les refroidir à l’eau froide n’y change rien, les frotter encore moins. Un mauvais moment à passer, comme pouvait l’être une anesthésie à l’ancienne chez le dentiste : une piqûre directement enfoncée dans la gencive ! Mais avec l’effet diamétralement opposé : là où cette dernière vise à insensibiliser totalement (ce que l’on espère vivement) la zone touchée, l’autre – l’amplitude thermique – exacerbe à outrance la sensibilité de nos appendices préhenseur, extrêmement utiles par ailleurs !

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Un jeudi soir, sous un chapiteau du Village du Cirque sur la Pelouse de Reuilly. Le Bouc sur le Toit est à nouveau au travail. En comité restreint cette fois-ci. Et pour une semaine. L’objet du délit : Sei, courte pièce écrite par Caroline Dumas de Rauly, inspirée de l’histoire de Sei Shônagon, dame de compagnie de l’Impératrice du Japon autour de l’an 1000. J’arrive au milieu de la répétition avec les deux et uniques comédiens de la pièce en gestation mise en scène par Virginie Berthier, éclairée par Etienne Gennatas et servie par les vidéos de Zita Cochet : Luc Guiol et Maimouna Coulibaly. Je ne fais que passer… car ce n’est qu’un début. Deux autres pièces font partie de ce nouveau projet un brin féministe… Vous trouverez quelques photos de cette parenthèse enchantée en cliquant sur la photo ci-dessus ou bien .

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Prendre cette photo m’a rappelé une remarque de mon professeur de dessin au lycée. Il y a quelques phrases d’enseignants, comme cela, qui m’ont marquée, sans qu’elles aient toujours de lien direct avec le contenu de leurs cours. En la matière, c’est une appréciation de ma professeur de français de 1re qui gagne, haut la main, la palme de la sentence la plus mémorable. Je vous la livre telle que je m’en souviens, c’est-à-dire, à la virgule près : « La médiocrité du français gène des travaux de plus en plus satisfaisants ». Sentence servie dans un contexte où j’étais parmi les 5 premières de la classe. Je n’ose imaginer ce qu’elle a écrit aux suivants. Un mélange subtil de compliment et de vacherie que, comme le lait, j’ai eu du mal à digérer, ne sachant s’il fallait que je m’attarde plus sur le mot fort et violent « médiocrité » ou celui, encourageant et porteur d’espoir « satisfaisants ». Je n’ai pas tranché mais force est de constater que cela n’a pas altéré mon désir d’écriture, qui n’existait pas forcément à cette époque d’ailleurs, même si la formule a traversé les décades comme un saint sacrement. J’ai cru l’avoir croisée dans la rue il y a quelques mois. En blonde. Fausse. C’était très furtif et je n’ai pas cherché à vérifier. Que lui aurais-je dit ? « Vous vous souvenez, je suis la fille au français médiocre mais aux travaux de plus en plus satisfaisants ? ». Je me demande ce qu’elle penserait en apprenant que le verbe est devenu mon quotidien. Je pourrais même pousser un peu plus loin et me demander en quoi ce défi qu’elle me lançait à travers cette phrase sibylline n’a-t-il pas été le catalyseur de cette nécessité d’écrire, mieux.

La remarque de mon professeur de dessin m’a plongée dans une perplexité toute différente, à tel point, qu’aujourd’hui, je doute encore de l’avoir bien entendue. Son ton catégorique à l’époque avait ôté toute velléité de contradiction même si je n’en pensais pas moins. Notre salle d’arts plastiques était perchée au dernier étage du lycée, avec une belle hauteur sous plafond, partiellement des verrières. Un vrai atelier d’artiste avec ses tâches de peintures sur le parquet. Il y avait des ombres sur le dessin que je lui présentais pour un retour éclairé. Des ombres à la tonalité différente. En clair, des ombres plus sombres que d’autres. Parce qu’il y avait plusieurs éclairages. Logique. Même plus que ça, optique. Un peu rieur, il m’avait alors dit que les ombres ne s’additionnaient pas. Une ombre n’était qu’une ombre, toujours fidèle à elle-même. Et pourtant, quand on voit la multi-projection de cet escabeau sur le béton, force est de constater que l’ombre est loin d’être si monotone…

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La première rencontre visuelle avec les taxis kyotoïtes est assez réjouissante. Les suivantes aussi à vrai dire. Tout commence par les apparences, donc l’extérieur. Même s’il existe plusieurs compagnies de taxi et plusieurs couleurs, le modèle de voiture est constant : de belles et un peu pompeuses Toyota Crown Comfort ou Royal Saloon aux portes s’ouvrant automatiquement mais dont le design et la taille font presque figure de contresens au regard des voitures « modernes » circulant autour, bien plus petites et un peu plus fuselées. La petite enseigne lumineuse fixée sur le toit et à la forme parfois très surprenante – un cœur, un éléphant, une fleur… – ajoute au dépaysement et surtout à ce sentiment d’être, à certains moments, dans un jeu vidéo réel. Mais c’est sans nul doute en se penchant un peu pour découvrir le chauffeur et son environnement intérieur que le spectacle est le plus fascinant. Les voir ainsi, vêtus de costumes noirs, coiffés de casquette (et si elle n’est pas sur la tête, elle est toute proche), dotés de gants blancs immaculés, royalement assis sur des sièges recouverts de fines housses en dentelle, le tout en affichant un flegme soleil-levant génère deux sentiments contradictoires : la douce moquerie face à un décorum que l’on qualifierait aisément de kitsch mais aussi le respect face au sérieux avec lequel ils interprètent leur rôle de chauffeur des affairés et des égarés…

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En général, on a plutôt tendance à dire que l’on ne voit pas le temps passer : « Comment, on est déjà vendredi ? », « Quoi, j’ai déjà 42 ans ? », « La dernière fois que je l’ai vu, il portait des couches culottes ! » En résumé : la vie passe vite, la vie file, la vie défile ! Ne dit-on pas d’ailleurs « revoir sa vie en accéléré » ? Mais pourquoi pas au ralenti finalement ?
Il est vrai que les circonstances dans lesquelles nous sommes amenés à employer cette expression stipulent, par nature, que nous n’avons potentiellement plus beaucoup de temps devant nous, et que cette fin toute proche déclenche cette urgence de tout – notre propre histoire – passer en revue avant le clap final. Ceci dit, une personne capable de témoigner qu’elle a vu sa vie défiler en accéléré n’a, par définition, pas vécu le clap final pour la simple et bonne raison qu’il a fallu qu’elle soit vivante pour nous en faire part. Je serais, par déduction, tentée de dire que l’on est en mesure de voir une action au ralenti quand elle ne nous semble pas fatale ou ne nous concerne pas directement, dans notre chair. Un verre qui tombe d’une table et dont on voit la chute seconde après seconde à tel point que l’instant se mue en éternité ; un accident de voiture à un carrefour que l’on visualise avant même qu’il ait lieu… Dans les deux cas, ces perceptions distordues du temps nous confrontent à notre incapacité à réagir. Le verre explosera bien en mille morceaux en entrant en contact avec le carrelage. L’accident aura bien lieu malgré nos pensées.
Voir la vie au ralenti n’est pas naturel, indépendamment de l’urgence dans laquelle nous vivons ou de l’ingestion éventuelle de substances illicites. Ce qui rend le fait de pouvoir l’expérimenter encore plus fascinant et hypnotisant, car cela nous arrache à notre propre temps. J’en ai fait l’expérience vendredi en me rendant au sous-sol du Laboratoire où est actuellement présenté Figure Studies de l’artiste américain David Michalek. J’arrive dans une salle sombre, vide, hormis les huit grands écrans aux murs. Dessus, devant un fond noir, des personnes, souvent nues, bougent. Un bien grand mot. En réalité, e-l-l-e-s b-o-u-g-e-n-t. Extrêmement lentement, à tel point que parfois, l’on peut croire qu’elles sont immobiles. L’artiste a utilisé une caméra filmant à 3 000 images/s pour enregistrer des actions de 5 secondes seulement. En repassant le film à vitesse normale (25 images/s), ces infimes 5 secondes se transforment en des séquences de 10 minutes où chaque tressaillement de muscle ou de gras est perceptible, amplifié et magnifié par la lenteur. Où la décomposition des mouvements composent une partition des corps inattendue. Aux côtés des athlètes au corps olympien, des danseurs à la maîtrise parfaite du geste, des messieurs et mesdames toutlemonde, toutesformes, toutescouleurs, toutesorigines… Il faut accepter de rester posté devant chaque écran l’un après l’autre pour se faire happer par cette infinie lenteur et pour en saisir la subtile beauté. C’est dans cette persévérance, fondamentalement opposée à nos rythmes de vie, que l’on peut se laisser surprendre tout d’un coup par un sentiment qui nous avait pourtant quitté : celui que le temps s’est arrêté, ou presque, et que dans ce non-acte, dans cette négation de la tyrannie de l’accélération qui gomme tous les détails, il nous permet justement de distinguer précisément tout ce que nous pouvons accomplir lorsqu’il passe. C’est en effet incroyable de voir tout ce qu’une personne – qui a certes répété sa « chorégraphie », qu’il s’agisse d’un saut, d’arroser des plantes, de danser, de simplement se retourner… – peut faire dans un laps de temps aussi court… 5 secondes, ce n’est rien. 1, 2, 3, 4, 5. 5 secondes, dans la vraie vie, on ne les prend même pas. Et pourtant, là, dans cette pièce isolée du monde extérieur, ces 5 secondes semblent déjà durer toute une vie… Surtout, courez-y !

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