Photo-graphies et un peu plus…

… est un photographe solitaire, ou plutôt qui admet que son plaisir est un plaisir solitaire qu’il n’a à imposer à personne. L’accompagner dans ses virées photographiques n’est donc pas forcément un plaisir partagé… Car, le chasseur d’images, comme tout chasseur qui se respecte (ou pas), est à l’affût. Et être à l’affût du détail, de la perspective, de l’inattendu prend du temps. Un temps passant vite pour l’appareillé mais devenant infini pour vous qui avez cru que c’était une bonne idée de répondre par l’affirmative quand l’autre vous a lancé : « je vais me promener sur la plage, tu viens ? ». Premier conseil : ne jamais répondre « oui » quand un photographe vous pose une telle question. Car, la balade sur la plage ou sous un pont, vous savez quand elle commence ; quant à savoir combien de temps elle durera, sachez que c’est une affaire qui vous échappera totalement et sera entièrement dépendante de la pêche iconique du jour. Seul le pêcheur est en effet habilité à décider quand il faut rentrer au port… Cette échappée temporelle peut donner lieu à de poétiques sarcasmes : « je ne pensais pas que l’on pouvait mettre aussi longtemps à parcourir si peu de chemin ! ». Et si ! Car le photographe peut rester une heure perché sur un rocher habité, sous un pont abandonné, ou à tourner autour d’une brindille striant le sable au gré des coups de vent. Le photographe est ainsi.

En plus de piétiner, d’attendre en vous demandant ce que l’autre a bien pu trouver à ce caillou et à cette tige asséchée – attention, je ne sous-entends pas que l’accompagnant du photographe manque d’imagination -, vous devrez répondre au quart de tour à des injections servies plus ou moins aimablement et faire le caddie : « Tu me passes le 50 s’il te plaît ? » (Euh, c’est quoi le 50 ?) « Le flash, vite ! » Il y a ainsi quelques formules dont il faut se méfier. En voici quelques unes : « Je vais sur le rocher là-bas, je reviens. » Phrase très très ambiguë : Terminator l’a aussi prononcée et il n’est revenu qu’au bout de plusieurs années ! Il y a aussi « Tiens, ça a l’air sympa là-bas, on y va ? » C’est « sympa » photographiquement parlant, ce qui peut être sympa objectivement (ah, ah) mais ce n’est pas une garantie ! Sans parler du « La lumière n’est pas bonne, il faudrait attendre un peu… » Et vous de tenter un « Mais le coucher de soleil n’est que dans 3 heures ! » « Oui, je sais ! On peut aller vers ces rochers en attendant, il y a des anémones ! » « Chouette ! »

Parfois, il vous faudra même poser. Un rôle 100% ingrat car, souvent, ce ne sera même pas pour vous prendre en photo vous particulièrement, mais simplement pour avoir une silhouette en contre-jour sur l’image. Non, vraiment, accompagner un photographe n’est pas une partie de plaisir, sauf à être vous-même un accompagnant avisé et à vous équiper d’un livre dont la lecture hachée n’altèrera pas la compréhension de l’histoire…

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… quand on fait de la route et/ou du camping car l’on est conduit à tuer – involontairement le plus souvent, volontairement parfois – une quantité inavouable d’êtres vivants. On s’entend : des insectes volant, rampant, papillonnant, crapahutant, traversant, piquant… Vous en voyez ou en entendez certains – lorsqu’ils heurtent le pare-brise -, vous en évitez quelques-uns – comme ce chipmunk, qui n’est pas un insecte, qui a choisi de traverser juste au moment où ma carcasse métallique déboulait et qui m’a poussée à donner un stupide mais réflexe double coup de volant, mais, la plupart du temps, vous n’êtes même pas témoin du massacre que vous causez à l’échelle microscopique. La route, pour les insectes et certains mammifères, c’est un peu une roulette russe interminable !

Combien de temps peut effectivement mettre une fourmi pour traverser une simple deux voies ? Avançant à une vitesse moyenne variable selon l’espèce comprise entre 1 mètre en une minute et 1 mètre en 42 minutes, sur une distance de 6 mètres, si l’on intègre une partie des bas côtés sur lesquels les exterminateurs à roues débordent souvent, cela fait un calvaire durant de 6 minutes à 4h12 ! Un temps pendant lequel la fourmi voyageuse a le cœur battant à toute vitesse – ce qui ouvre une double question : la fourmi a-t-elle un cœur d’une part, et est-elle consciente du danger d’autre part ?. Heureusement pour elle, le macadam, même d’apparence très lisse quand on le foule en voiture, fourmille d’anfractuosités dans lesquelles la fourmi peut se réfugier lorsque ses antennes perçoivent les vibrations du danger en approche. L’exercice demeure périlleux et d’une manière générale, une fourmi ne traverse une route que lorsque c’est vraiment nécessaire, c’est-à-dire, lorsque le danger à rester d’un côté de la route dépasse celui qu’il y a à la traverser ! L’alternative existe : passer sous la route. Une colonie s’y est essayé il y a peu mais a dû rebrousser chemin après 32 jours de forage incessant pour des raisons logistiques notamment. Sans plan et menée par une fourmi en chef dépourvue de sens de l’orientation, la colonie a en effet refait surface du même côté de la route ! Et puis, chaque passage de voiture engendrait des affaissements de terrain dans les tunnels qu’elle avait fraîchement dégagés…

A côté de ces fourmis aventurières, il y a les moustiques. De fidèles compagnons de bords de lacs. Le moustique n’a pas bonne réputation car il pique. Ensuite, ses piqûres démangent, vous vous grattez, vous arrachez la peau, la douleur vous réveille en pleine nuit, vous vous maudissez d’avoir voulu faire du camping… le cycle infernal… Bref. Le moustique seul se gère. En revanche, lorsqu’ils débarquent en escadron par dizaines dès lors que vous plantez votre tente, qu’ils vous tournent autour tels des vautours affamés, et se posent alternativement sur votre épaule droite, votre cheville gauche, votre oreille droite et votre joue gauche, votre pacifisme en prend un coup ! Tant qu’ils n’ont pas réussi à vous piquer, vous résistez en vous agitant pour les éloigner une micro-seconde. Vous continuez à vous dire « non, non, moi, je ne tue pas d’animaux, même des insectes ! ils ne m’ont rien fait ! » Autant dire que le discours change radicalement dès qu’un premier moustique puis un deuxième réussissent à déjouer votre attention et à planter leur dard dans votre fragile épiderme, vous faisant sursauter et faire un mouvement brusque pour les déloger de leur point de contact – geste vain, la piqûre étant effective puisque vous en avez senti la douleur -. Vous êtes alors sans pitié envers les moustiques qui oseraient s’approcher de vous, qu’ils aient ou pas, l’intention de vous pomper votre sang ! Au bout de quelques minutes, c’est l’hécatombe. Les cadavres d’anophèles jonchent le sol, vous avez mal aux mains d’avoir tant applaudi, quelques ailes collées sur la paume, et vous êtes désespéré car il n’y en a pas moins autour de vous pour autant ! C’est ainsi qu’ils finissent par vous avoir, les moustiques, par épuisement !

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A l’école et plus tard, on nous apprend qu’un mètre égale un mètre, qu’on le regarde de face, de travers, dans un sens ou dans un autre, que l’on soit de ce côté de la planète ou de l’autre côté, même si les unités peuvent différer. Un mètre = un mètre. Une équation simple, une conclusion facile à retenir. Et pourtant, dans certaines circonstances, on pourrait croire, un peu comme avec le temps, que le mètre est à géométrie variable. Un trajet constitue l’une de ces circonstances, une marche ou une randonnée par exemple. Mais pas n’importe laquelle : les boucles sont hors jeu. Ce qu’il faut, c’est un aller et un retour. Le même donc.

Et bien, 8 fois sur 10, statistique totalement hasardeuse, le retour semble plus court que l’aller, et cela indépendamment du terrain (montée à l’aller, descente au retour ou inversement) ! Même si cela contredit l’enseignement primaire, cela paraît, somme toute, plutôt logique. Car l’aller, c’est l’inconnu. Même si l’on sait de combien de kilomètres il se compose, on n’en voit pas le bout. Ne connaissant pas le terrain, notre corps est en mode « repérage ». C’est comme si l’on agissait – en l’occurrence, marchait – tout en apprenant, en mémorisant le parcours, intégrant ses passages difficiles et ses moments de pause. Ainsi, une fois arrivé à l’attendu end of trail, et prêt à repartir dans l’autre sens, cet « apprentissage » n’étant plus à faire, il ne nous reste plus qu’à marcher et à admirer, tout simplement, l’autre côté du paysage (il faut se garder des surprises quand on fait une boucle). Certes, pas dans nos pas exactement, mais avec cette sensation parfois rassurante d’être déjà passé par là, d’aller plus vite donc d’avoir moins marché. Ce qui est donc un leurre !

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Le soir venu ou au petit matin, des êtres étranges arpentent parfois les plages équipés d’une extension de bras et d’un casque. Ils les balayent en long en large et en travers, au sens figuré, en quête d’objets métalliques enfouis sous le sable – quelques pièces, bijoux et autres capsules de bouteilles – et perdus par les plagistes du jour ou de la veille. D’autres tracent le même chemin sinueux, la tête également penchée vers le sable, sans pour autant rechercher ce qui brille. Pour ceux-là, le butin se compose de beaux coquillages, de grains de sable remarquables, de galets bien lisses, de morceaux de bois flottés… Souvent, ces trésors, petits, ne se laissent pas voir du premier coup d’œil, ils requièrent un peu de concentration, d’effort, de sélection… De loin, on repère un coquillage à fière allure, on s’approche, on se baisse, on le ramasse, on lui retire grossièrement le sable qui lui colle à la carapace, on le regarde avec cet air de juge arbitre d’un 100 mètres hommes aux Jeux Olympiques et on décide soit de le mettre dans notre poche, soit de lui rendre sa liberté et de le rejeter nonchalamment au sol…

Exceptionnellement, le trésor trouvé sur la plage est immensément grand et extrêmement surprenant. Inutile de se pencher pour le voir, il s’impose à tous comme une fontaine à eau en plein milieu du désert. Ainsi en est-il de cet arbre mort dont les racines, tournées vers l’océan, reposent sur la plage, tandis que son tronc est partiellement inhumé dans le sable, derrière. Un arbre gigantesque, au bois lisse lavé par le sable, le vent, le sel… Un arbre accueillant au fond duquel on peut se lover sans crainte… Un arbre ludique que l’on peut escalader facilement… On tourne autour, on s’extasie, on le caresse avant d’être secoué par une question pourtant évidente : comment est-il arrivé là ? Ses congénères ne sont pas du même bois. Amené par les hommes ? Pour quelle raison ? Et comment ? Je sais que les Egyptiens ont réussi à ériger des pyramides sans grue, mais quand même… Se pourrait-il que l’océan, un jour de grande colère, ait eu la force de balloter ce mastodonte peut-être tombé d’une falaise et de le faire s’échouer sur le sable, rendant ainsi à la Terre ce qu’elle a engendré ? Même si un « non » incrédule s’affiche machinalement sur l’écran de contrôle, ce dernier est bien en peine de lui trouver une alternative plus convaincante…

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Si, si, le voyageur peut avoir la pression ! En particulier, lorsqu’il sait qu’a priori – après, dans l’absolu tout est possible – il n’ira qu’une seule fois dans sa vie – concept totalement différent du CAFAMUFODAVI – à l’endroit qu’il s’apprête à découvrir. Une fois, c’est déjà une grande chance parfois, mais cela reste peu malgré tout. Cette hypothèse est souvent liée à la distance qui sépare ladite destination de son lieu de résidence. Car, qui dit loin, dit généralement coûteux. Au moins pour le transport.

Certes, le voyageur peut aussi être riche, auquel cas, la pression ressentie sera toute autre, peut-être au moment de choisir entre un massage californien et un massage suédois… Insupportable dilemme à la solution évidente : les deux bien sûr ! Non, je parle du voyageur lambda, celui qui a travaillé toute l’année, qui a éventuellement économisé sur ses sorties, ses cigarettes, ses tenues pour s’offrir une aventure au bout du monde (le bout du monde étant une notion toute relative).

Ce voyageur-là, au moment même où il pose les pieds sur le tarmac, le quai, le trottoir, au moment où il respire l’air de ce nouveau pays pour la première fois, il sait que le temps est désormais compté. Conscient de l’unicité du moment, une partie de lui cherchera donc à voir un maximum de choses dans le temps imparti, de quelques jours à quelques semaines au mieux pour un séjour classique. Une gageure évidemment, le « vite fait bien fait » ayant ses limites, notamment en voyage. Mais la pression – celle de ne rien manquer – est trop forte… Et à l’issue de son tour bien organisé, il en aura probablement plus vu que les locaux eux-mêmes pensant avoir le temps de visiter leur propre pays ou ville puisqu’ils y vivent. Cela ne l’empêchera pas de ressentir une légère frustration en remontant dans l’avion, le train, la voiture car, forcément, il n’aura pas « tout » vu ou n’aura pas pu faire « tout » ce qu’il aurait voulu faire… Il arrive aussi parfois que la raison l’emporte sur ce désir d’exhaustivité et de consommation d’ailleurs : le voyageur décide volontairement de réduire ses ambitions, indépendamment d’événements naturels tels qu’une coulée de lave susceptible de lui bloquer  irrévocablement la route, acceptant ainsi d’en voir moins mais de le faire mieux. Sans doute est-ce dans de tels moments qu’il gagne en maturité et en sagesse…

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