Photo-graphies et un peu plus…

On la connaît tous, cette petite phrase, pour l’avoir soi-même prononcée ou se l’être entendue dire. Une façon diplomatique d’avouer que l’on aime pas spécialement (ce mot est important) ce qu’une personne, que l’on n’a pas envie de froisser, est en train de nous montrer avec un enthousiasme non feint. Ceci dit, la personne en question, qui use du même stratagème de temps à autre, n’est pas dupe et répond souvent par un « Tu n’aimes pas, c’est ça ? ». Deux solutions se présentent alors à nous : assumer effectivement ce que l’on pense vraiment au risque de vexer celle que l’on voulait épargner et qui voudra forcément savoir pourquoi l’on aime pas, ce à quoi vous serez obligé de répondre, tout en étant bien incapable de cacher que vous trouvez cette table basse vitrée montée sur une roue de chariot absolument immonde (cela parlera peut-être à certains fans de Billy Cristal), ou, s’enfoncer dans la parade en tentant de limiter la casse. Le plus sain est qu’après un « à chacun ses goûts », celui qui le reçoit ne poursuive pas.

Ce n’est pas ce qu’ont décidé de faire les habitants de cette place du Bari Gottic barcelonais, qui, à chaque fois qu’ils ouvrent leur fenêtre, tombent nez à nez avec cet artefact immense de grillage fuselé comme un aéronef prêt à s’envoler, ce qu’ils aimeraient probablement… Et ils sont plusieurs à protester via des affiches accrochées… aux grilles de leurs balcons et clamant « No a l’escultura ». La bête a en effet de quoi désarçonner et questionner celui qui s’approche du lieu. Ce qui est aussi le rôle de l’art. Enfin, de l’Art. Et il n’y a pas de faute de goût dans l’Art. Juste des gens qui ne peuvent pas comprendre la portée d’une telle œuvre. Evidemment, tous les matins, tous les soirs devant soi, de façon très pragmatique, c’est autre chose. Voilà donc ce que je suggère aux mécontents : qu’ils fassent pousser des plantes grimpantes le long de ces fils de fer qui feront d’excellents tuteurs, et, ainsi, obtiendront-ils, au bout de quelques mois, une agréable canopée sous laquelle ils auront plaisir à se reposer et où viendront se nicher quelques perruches vertes… Pourquoi pas ? Il en faut pour tous les goûts !

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Osons une lapalissade liminaire : la découverte d’une ville est multi-sensorielle. Enfin, pas nécessairement une ville. La découverte d’un lieu en général, qu’il s’agisse d’une ville, d’une maison, d’une forêt ou de tout autre chose. Mais arrêtons nous sur la ville. La vue et l’ouïe sont les premiers sens a priori sollicités, dans de telles circonstances. Ceux qui sont en éveil car ils sont en terre inconnue. Le toucher l’est aussi, d’une certaine manière dans la mesure où nous avons les pieds sur terre. Mais, de façon totalement réductrice, j’associe plutôt le toucher aux mains… Une ville peut aussi se goûter, mais cela me semble plus relever de la métaphore.

Enfin, il y a l’odorat. Une ville se sent. Une ville sent. On a d’ailleurs facilement tendance à dire que la ville « sent mauvais »… La pollution, les pots d’échappement, les déjections canines, l’urine humaine, les détritus… C’est, bien heureusement, une impression totalement exagérée. Et une ville peut sentir tout à fait autre chose. Montréal, par exemple, sent la cuisine à partir de 16h30 – 17h. C’est en tout cas la sensation que j’ai eue les premières semaines lorsque je me trouvais dehors à ces heures-ci. Un mélange de steak frit et de muffin venant chatouiller les narines quelle que soit la rue où l’on se trouve, donnant l’impression que les agents de la ville ont été missionnés pour diffuser cette mixture détonante histoire d’aiguiser les appétits. Résultat diamétralement opposé pour moi : j’ai l’impression que l’on me sert goûter et dîner dans la même assiette alors que je n’ai pas faim.

Deuxième expérience olfactive citadine, pour le moins étonnante. Limite hors sujet. Direction New York. Une odeur me réveille en pleine nuit. Il est 4h. Quelque chose de fort, de piquant… D’habitude, c’est plutôt le bruit qui est susceptible de nous extraire des bras de Morphée. Là, non. C’est une odeur de feu, d’incendie, de cramé, de plastique brûlé. L’odeur est si prégnante que je vérifie que ce n’est pas la maison qui brûle. Non. Mais l’odeur est bien réelle, émanation d’un feu qui s’est déclaré un bloc à l’est dans une bodega familiale. Ce réveil est-il une manifestation de l’instinct de survie ? En tout cas, une preuve par l’exemple que les sens n’attendent pas la conscience pour s’exercer.

Enfin, Chicago, ville d’une beauté architecturale saisissante où les yeux et les oreilles sont sur-sollicités. Là, bizarrement, une odeur totalement incongrue vient titiller le nez. Une odeur de chocolat. Ici, puis là, et encore là. En plein cœur de la skyline, en pleine nuit. On ne peut pas faire plus ville. J’ai l’impression que cette odeur me poursuit quelle que soit la route empruntée. Certes, c’est mieux qu’un gangster ! Et puis, il fait froid et un chocolat chaud ne serait pas superflu, mais de là à avoir des hallucinations olfactives, il y a un pas que je ne souhaite pas encore franchir. Evidemment, au premier stimulus, la recherche d’un café commence. Tout est fermé. En dernier recours, j’ouvre le guide, avec l’espoir d’y trouver l’explication. Bingo ! Une chocolaterie, sans Charlie, est située à quelques miles de là, dans la ville même, et joue les ensorceleuses masquées ! Un détail. Mais voilà, désormais, à mes « yeux », Chicago aura l’odeur de cacao…

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