Photo-graphies et un peu plus…

(Pas) vu, (pas) pris

Si je ne vais pas naturellement vers le face à face lorsque je suis à l’étranger (j’ai toujours tendance à me mettre dans la peau de l’autre : apprécierais-je, moi, qu’un inconnu se poste devant moi et me tire le portrait comme si j’étais une espèce en voie de disparition ? Pas du tout, alors pourquoi l’imposer aux autres ?), les locaux, les autochtones, les hôtes, les visités, n’en sont pas moins présents dans les images que j’emporte avec moi. Des tranches de vies. Parfois, certains s’imposent plus que d’autres, involontairement et sans que je ne m’en rende forcément compte sur le moment, car cachée derrière mon viseur et concentrée sur l’ensemble. Un peu comme une autruche

Ce qui ne me rend pas invisible pour autant. Et, subséquemment, fait donc de moi une entité visible. Par-delà, ce que je suis en train de faire. En l’occurrence, des photos de Kyotoïtes traversant un passage piétons abrités sous des parapluies. Je dois en effet confesser une tendresse particulière pour les parapluies ainsi que pour les passages piétons. Imaginez donc la combinaison des deux ! De fait, au même titre que j’observe ce groupe de personnes, rien n’empêche chacune de me regarder en retour. A fortiori, que nos regards se croisent. Même si c’est à retardement. De fait, ces rencontres inattendues, pensée finalement assez naïve, me donnent parfois l’impression d’être prise la main dans le pot de miel de châtaignier, impression proportionnelle au sentiment que j’arrive à déchiffrer sur le visage de ces regardés regardant. Dans le cas présent, le léger agacement qu’affiche la dame à droite est largement compensé par le sourire franc que m’offre celle au centre !

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L'arbre à trouvailles

Je suis certaine que cela vous est déjà arrivé… De ne pas mettre la main sur votre magazine de voyage, votre stylo rouge, votre super recette de scones, votre pull bleu pétrole, votre objectif à décentrement, votre brosse à dents de lait, votre ampoule de 50 W, votre trousseau de clés rondes, votre tapis persan, votre paire de chaussettes jaune, votre élastique en plastique, votre poésie préférée de Verlaine, votre jouet en bois, votre gant de soie… alors que vous étiez persuadé qu’ils étaient sur la table basse du salon, sur le bureau de la chambre, dans une chemise posée sur le frigo, au fond du sac à linge sale, dans vos rêves, dans le verre à côté du lavabo de la salle de bains, dans le carton sous votre table de chevet, dans le tiroir de l’entrée, sous vos pieds, autour de vos pieds, dans la petite boîte à pois rouges sur votre bureau, dans les arcanes insondables de votre mémoire, sous le lit du petit, dans la poche de votre jogging… Parfois, ce que nous croyons être à tel endroit n’y est pas ou plus. Il a tout bonnement mystérieusement disparu. Souvent, c’est plutôt parce que nous ne cherchons pas assez que nous ne le retrouvons pas… Parfois aussi, même si c’est rare, nous avons vraiment perdu ces choses-là. Et à défaut de grille à trouvailles arborant fièrement ces effets égarés par mégarde et ramassés par d’autres, nous avons toujours la possibilité d’appeler à l’aide. Ce qui, dans ce genre de circonstances, se résume souvent à un unique mot, voire cri désespéré, notre dernier espoir en quelque sorte : « Mamaaaaannnn ! » « Ouiiii ? » « Tu sais où est mon magazine-stylo-recette-pull-objectif-brosse-ampoule-clés-tapis-chaussettes-élastique-poésie-jouet-gant dont j’ai absolument besoin là tout de suite maintenant sinon je fais un malheur mais je n’ai pas cherché ? » C’est bien connu, les mamans, c’est encore mieux que la NSA, ça sait vraiment tout. Car, comme le dit ce dicton entendu il y a peu et que tout le monde a inconsciemment intégré : « Tant que maman n’a pas cherché, rien n’est vraiment perdu ! ».

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Marcher sur l'eau

Une montagne de paradoxes pour de nouvelles perceptions et d’étranges visions. D’abord, de l’eau dans le désert. Et pas vraiment un ru. Ensuite, une étendue d’eau dans laquelle il est impossible de rester droit ou d’atteindre le fond, qui, a priori, n’est pourtant pas bien loin. Pour le toucher, il suffirait de mettre la tête sous l’eau et de nager jusqu’à lui. La première étape est déjà fortement déconseillée. Surtout pour les yeux, à qui il en faut moins pour être durablement agressés. La seconde, nager sous l’eau, est carrément, et même physiquement, impossible. D’ailleurs, rester trop longtemps dans cette eau-là tout court est contre-indiqué. Après quelques minutes seulement, un picotement un brin désagréable saisit en effet chaque parcelle indemne de votre corps. Imaginez un peu être piqué par des centaines de micro-aiguilles simultanément. Et il se fait clairement douleur si, par malheur, il vous reste quelque part une égratignure, une petite coupure, une ampoule, un bout de peau à vif… Ce corps, dont vous ressentez le poids à chacun de vos pas, ce fardeau parfois, n’existe quasiment plus. Il vit une expérience extraordinaire : défier la pesanteur sans dépasser la stratosphère ! Littéralement, flotter. Cela ne sert pas à grand chose, j’en conviens, mais ne pas être capable de maîtriser ni de contenir ses mouvements dans un environnement familier est confondant, renversant, grisant même si cela donne la sensation, toujours un peu dégradante à mes yeux, de n’être qu’un pantin. Mieux vaut donc le vivre comme un lâcher-prise naturel ! Et de temps en temps, ça fait un bien fou !

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L'extrapolation

Encore aujourd’hui (c’est-à-dire, plus de 3 ans après sa naissance), cette photo m’intrigue. J’en suis pourtant l’auteur. D’ailleurs, les deux ne sont a priori pas incompatibles. Pourquoi le photographe serait-il tenu de comprendre ce qu’il fait au moment où il le fait, les raisons qui le poussent à cadrer comme ceci plutôt que comme cela, à préférer tel couple vitesse/ouverture plutôt que tel autre etc ? Déclencher n’a jamais fait disparaître le mystère. Au mieux, il le fige.

En fait, à chaque fois que je regarde cette image, quelque chose d’indéfinissable me perturbe. Les formes, les couleurs, l’objet lui-même, la combinaison de tout cela… C’est d’autant plus étonnant que cette photographie n’a rien de particulier. Mis à part qu’il s’agit d’un détail. D’un bout d’ouvrage. Une extraction un peu flottante – alors que nous l’imaginons aisément lourde – et finalement assez abstraite – car sans ancrage ni à la terre, ni vers le ciel. Donc un peu surréaliste. Et c’est très certainement là, dans cette décontextualisation quasi totale et la pseudo liberté qu’elle confère à ce monolithe à rivets au pouvoir illuminateur, que réside mon trouble (et, au passage, mon attirance pour cette image).

Car, finalement, difficile de deviner la fonction de cette « brique » simplement en la regardant ou d’imaginer de quoi elle est la constituante. Ce qui laisse grand ouvert le champ des possibles. Alors que, lorsque nous voyons une image d’une épaule par exemple, nous n’avons aucun mal à nous représenter ce qui n’est pas montré, le hors-champs, à savoir le bras d’un côté et le cou de l’autre. Puis la tête et le torse. Et finalement le corps entier. En associant instantanément, spontanément et mécaniquement la partie au tout, le mystère de la partie se dissipe…

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Sous le sable

Ces petits grains de sable qui s’insinuent sans s’annoncer dans une mécanique bien huilée, que l’on perçoit d’abord et logiquement comme des obstacles, donc négativement, avant de réaliser, en prenant un peu de recul, combien ils peuvent, au contraire, se transformer en atouts…

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Une fois n'est pas coutume

Pour créer cette photo (avais-je vraiment besoin d’aller jusque là pour constater que ce grillage était infranchissable et qu’il n’y avait rien de l’autre côté ?), je me suis forcée à faire ce que, souvent, je m’interdis, à savoir demi-tour. Ou remarcher dans mes pas, qu’ils soient motorisés ou pas. La question n’est pas tant de ne pas accepter de se tromper (ce qui peut-être le cas quand on doit faire marche arrière) que de ne pas s’ennuyer à reparcourir un même chemin. De fait, quand le cas se présente, je préfère changer de route ! On a tous des bizarreries plus ou moins cachées…

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360

 

Prendre un reflet en photo, c’est une manière simple de capturer un intérieur et un extérieur, c’est donc s’autoriser à ne pas choisir entre l’un ou l’autre. D’une certaine manière, c’est aussi avoir des yeux dans le dos (ou sur les côtés plutôt pour limiter les risques d’autoportrait involontaire), ce qui est physiquement impossible malgré l’expression consacrée, donc extrêmement satisfaisant. C’est un peu tricher finalement. C’est privilégier une approche globale également, certes parfois un peu confuse, plutôt qu’un point de vue unique et directif. C’est surtout choisir de créer un dialogue artificiel entre deux scènes géographiquement proches tout en étant éloignées l’une de l’autre. Comme ici, entre ces parts de pizza d’un côté, les gondoliers de l’autre, l’eau entre les deux. En somme (au sens propre comme au figuré), une certaine image de Venise, et, plus largement, de l’Italie…

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L'adage est vrai

Et l’adage dit : « Qui se ressemble s’assemble »… En l’occurrence, dans le cas présent, je serais plutôt tentée de l’inverser pour le transformer en : « Qui s’assemble se ressemble ». Dans certaines cirsconstances, en particulier, de représentation publique, je plébiscite l’harmonie vestimentaire au sein du couple, notamment colorimétrique, en optant, entre autres possibilités, pour des couleurs complémentaires. C’est symbolique bien sûr (peut-être même un cliché pour les rabat-joie). C’est beau aussi. Et le beau est toujours un ravissement pour l’esprit.

Ce quatuor, dont les paires bleue et jaune ne se connaissent a priori pas, semble plutôt atteint du « syndrome du jumeau », ce qui est totalement différent ! Ne cherchez pas dans Wikipédia, il n’existe pas, je viens de l’inventer. Mais je suis certaine que cela ne vous empêche pas de deviner ce dont il s’agit car vous vous êtes forcément retrouvés face à des jumeaux-melles habillé-es à l’identique (c’est assurément bien plus pratique pour les parents devant déjà se dédoubler pour assurer la maintenance de base). Un face à face soulevant deux types de réaction : « Oh, c’est mignon, ils sont habillés pareil ! » versus « C’est malin ! Je n’arrivais déjà pas à les distinguer, c’est pire maintenant ! ». Le culte du même poussé à son paroxysme.
Est-ce le même critère de « praticité » qui préside chez ces couples ? Achètent-ils tout en double ? Se concertent-ils le matin pour décider de la tenue du jour ? Ou, pire, n’ont-ils pas conscience que d’une certaine manière, ils se diluent l’un dans l’autre, et donc s’effacent en tant qu’individu pour former un tout indivisible, une cellule en somme ? Ce qui soulève une question majeure à laquelle je ne répondrai pas ici : qu’est-ce que le couple ? Où commence le « nous », où s’arrête le « je » ?
Evidemment, lorsque j’ai pris cette photo, je n’ai pas pensé une seule seconde à toutes ces implications sociales et personnelles. J’ai trivialement été attirée par le comique de l’effet miroir à peine rompu par la femme de droite, subtil intrus car la seule à ne pas tenir d’appareil photo… Mais on ne sait jamais vraiment où l’analyse a posteriori d’une image peut nous conduire.

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LogiquementLorsque vous arpentez une ville avec un appareil photo en bandoulière, la probabilité de survenue de certains événements particuliers augmente drastiquement. C’est un peu comme lorsque vous fumez une cigarette en plein rue, il y a plus de chance qu’une personne ayant le tabac mais pas le feu vous interpelle pour que vous l’allumiez, la cigarette, plutôt que votre camarade de marche qui a décidé d’arrêter de fumer pile poil la semaine passée (ce qui fait de vous un ami pas très empathique au passage, mais c’est une autre histoire). Les informations que son cerveau a eu à traiter pour en arriver à cette conclusion ne sont pas très complexes : puisque votre cigarette est allumée, alors vous devez disposer de ce que nous appelons communément, un briquet. A défaut, des allumettes. Bien sûr, la probabilité pour que vous ayez vous-même demandé du feu à une autre personne qui fumait à une terrasse accompagnée d’un ristretto et d’un journal n’est pas nulle. Et ainsi de suite. Mais elle est faible.

Même chose avec l’appareil photo. En plus d’augmenter la probabilité que vous vous en serviez et donc preniez effectivement des photos, en avoir un autour du cou vous expose à certaines demandes, en particulier dans les lieux touristiques. Gestuelles parfois : un couple (ou trouple ou groupe) s’approche de vous, hésitant et souriant à la fois, vous indique son propre appareil photo puis un monument dans le champ (visuel), enchaîne avec des allers-retours de la main entre l’appareil, le monument (ou autre), eux et vous, avant de simuler une prise de vue avec l’index. Vous aviez compris bien avant cette ultime étape… Les demandes peuvent aussi être verbales : « Could you take a picture of us, please? ». Oui, souvent, les gens qui demandent à être pris en photo sont polis. Comme les joyeux lurons ci-dessus, qui m’ont vue me contorsionner au sol pour prendre de sombres et menaçants nuages que vous ne pouvez malheureusement pas admirer ici. J’en entends déjà plusieurs se dire : « Mais comment se fait-il que tu aies la photo si tu l’as prise avec leur appareil ? » (Oui, mes lecteurs peuvent me tutoyer.) Facile, mais pas systématique : une fois leur photo prise, je demande si je peux en prendre une pour moi, pour ma galerie personnelle d’heureux anonymes…

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Le temps polit tout

Lorsque j’emprunte un escalier en pierre, je finis toujours par me poser cette question : comment un geste non agressif mais répété inlassablement – un pas devant l’autre – peut-il à ce point altérer un matériau aussi solide que du marbre – en déformant irrémédiablement ses marches ?

C’est la même interrogation qui s’est affichée sur mon écran interne lorsque je suis tombée nez à feu-nez sur cette tête-bouton de porte sculptée, originellement pleine de détails que nous ne pouvons qu’imaginer aujourd’hui, à l’instar de ces archéologues qui réussissent à reconstituer un visage sur la seule base d’un squelette. Mais ce qui m’étonne le plus dans cette affaire, est que ce polissage si efficace et impitoyable soit l’œuvre involontaire de paumes de mains, parmi les zones les plus douces de nos corps… Un peu comme le temps, finalement, qui passe sans que nous puissions y faire quoi que ce soit et finit par nous faire disparaître.

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