Photo-graphies et un peu plus…

The show must go on

Ces derniers jours, j’ai fait un voyage un peu inhabituel en Tatatalité ! La Tatatalité est un drôle de pays que je connais plus par temps vacancier que scolaire. C’est nettement moins contraignant. J’ai de fait été confrontée à des situations totalement inédites, certainement très banales en réalité. Par exemple, ce matin, à 8h22 exactement, peut-être 23, une maman s’avance vers la maîtresse et lui lance : « Ah ! On a eu un accident de T-Shirt ce matin ! »… Personne ne m’avait dit que l’on pouvait avoir des accidents de T-Shirt ! En même temps, c’est assez logique, les parents ont des accidents de trottinette, des accidents de cigarette, des accidents de voiture, des accidents de la vie. Les enfants, eux, ont des accidents de T-Shirt ! Chaque drame a son échelle. Sauf qu’aujourd’hui n’était pas réellement le jour à avoir un accident de T-Shirt. D’ailleurs, j’imagine qu’en temps normal, la maman n’en aurait pas fait mention et lui en aurait simplement mis un autre. C’est vrai qu’un chocolat chaud est si vite renversé au petit matin, les yeux encore endormis… Non, aujourd’hui, c’était le pestacle de fin d’année ! Et il fallait arborer une tenue spéciale, victime d’un irréparable accident donc. Je me permets de fait de conseiller le petit-déjeuner en pyjama, les dégâts collatéraux sont moindres…

Revenons à nos moutons… Assister à un spectacle de fin d’année de classes de maternelle est assurément une autre aventure rocambolesque non dénuée d’un certain charme et bien sûr émotionnellement forte. Evidemment, en tant que papa, mama, tata, papi, mami, on n’a d’yeux que pour la chair de sa chair, ou la chair de la chair de sa propre chair, ou la chair de la chair de sa fratrie. Honnêtement, les autres enfants, on les regarde à peine, sauf s’ils font n’importe quoi, ce qui peut avoir des vertus très rassurantes en tant que parents… Et puis, on a beau se contorsionner sur son petit siège, souvent, on ne le voit même pas son propre enfant, parce que, par définition, il est petit, parce qu’il y a plein d’autres enfants, petits aussi, et qu’ils se télescopent de telle sorte qu’il y en a toujours un ou deux pile poil dans l’axe visuel. Enfin, alors même que la fenêtre s’ouvre et que le champ est enfin libre pour accompagner ses moindres faits et gestes d’un regard plein de douceur, de fierté et d’amour, c’est déjà la fin. 6’32 », vraiment ? J’ai à peine pu faire une photo et trois vidéos (ouais, je suis une groupie !) ! Les enfants quittent la scène et sont remplacés par d’autres enfants, puis par d’autres, et encore d’autres, et d’autres encore – ah oui, le vôtre est passé en premier, pas de bol ! – et là, le temps semble se dilater… Alors, vous finissez par les regarder, les enfants des autres (l’issue de secours est bloquée) – celui qui cherche ses parents depuis qu’il est sur scène et oublie qu’il est là pour chanter et danser, celle qui connaît tout parfaitement par coeur et ne fait pas un faux pas, celui qui s’est trompé de groupe, celle qui sanglote un peu, celui qui ne peut pas s’empêcher de bailler, celui qui a le rythme dans la peau, celle qui fait coucou de la main vers ses parents au fond qui lui renvoie son coucou et qui ne s’arrête pas… -, et aussi les maîtresses, à genou (quelle abnégation !), qui chantent et font tous les mouvements depuis le côté de la scène pour pallier les amnésies partielles de leurs petits élèves (ce qui a aussi pour conséquence immédiate de faire dériver leurs regards vers jardin). Le spectacle change de camp… Et puis, c’est le final, une explosion de couleurs, de cris, de joie, de sauts, et les voilà qui chantent en choeur : « C’est quoi l’amoouuurrrrr ? Chai pas ! Chai pas ! C’est quoi l’amooooouuuurrrrr ? Chai pas ! Chai pas ! ». Bon, moi, je sais. Un peu. Un peu !

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Au bout du couloir

Je ne retournerai pas en arrière, je ne retraverserai pas ce couloir à rebours pour me trouver à nouveau dans cette dernière salle, au bout du bout du monde, cette salle que j’ai cherchée frénétiquement dès que j’ai mis le pied, enfin les pieds, dans ce musée, où j’espérais glaner quelques indices sur sa localisation précise. Tout au long de ma quête, j’ai maté d’un oeil distrait et discret les 700 ans d’histoire de l’art qui défilaient à mes côtés. Je me suis quand même arrêtée, une poignée de fois, tant c’était saisissant de beauté. Puis, je repartais en mission : le trouver. Allais-je vraiment devoir arpenter les 12000 m2 de l’antre culturel pour le rencontrer ? Ce jeu de piste auquel me conviaient les conservateurs était-il réellement nécessaire ? Sur mon chemin, je l’imaginais sublimement mis en lumière, seul sur son mur, au coeur de tout. Ne le voyant pas, j’ai même douté, à un moment de sa présence en ces lieux, pensant qu’il avait été prêté à une autre institution, qu’il faisait alors des heureux à des milliers de kilomètres de là, alors que j’y étais aussi pour lui. Il a ainsi fallu aller au bout, au bout du bout du monde donc, pour me trouver face à lui et être saisie d’une émotion si forte – ventre serré, pulsation accélérée, chaleur instantanée, fébrilité incontrôlée – que des larmes ont réussi, sans s’annoncer, à s’échapper. J’ai dû les sécher, pour débrouiller l’image, et je me suis posée, face à lui. Après quelques minutes, je l’ai abandonné. Je ne retournerai pas en arrière, je ne retraverserai pas ce couloir à rebours, je ne me retrouverai plus devant Le voyageur contemplant une mer de nuages

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Zikéchairdepoule

Les mécanismes « réflexe » de notre corps ont toujours quelque chose d’un peu bouleversant car, d’une certaine manière, ils outrepassent notre conscience. Même si, a posteriori, on peut comprendre les raisons pour lesquelles ils se sont déclenchés, à l’instant t, ils demeurent inattendus. Ainsi en est-il de la très classe « chair de poule », réaction – réflexe donc – du corps face à certains stimuli, classiquement le froid – comme ici -, ou une émotion forte – la peur, le plaisir, la jouissance… Face à de telles situations, une batterie de muscles horripilateurs reliant poils et peau se contractent, entraînant, dans la foulée, trois réactions en chaîne : des micro-bosses à la surface de la peau, des poils dressés et une fine couche d’air isolante destinée, originellement, à réguler la température de notre corps très attaché à ses 37°C (quelle sophistication au passage !). Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’avoir froid pour avoir la chair de poule, une émotion forte ressentie alors que la température extérieure est de 39°C pouvant également déclencher un épisode de piloérection. La faute à notre cerveau et à notre hypothalamus, stimulés de façon similaire dans les deux cas !

Oh, le long et strident crissement de craie sur un tableau en ardoise ! Le simple fait d’y penser – quelle complexité à nouveau ! – provoque une décharge rayonnant le long de ma colonne vertébrale jusqu’à titiller les muscles horripilateurs de mes bras (j’adore découvrir de nouveaux mots impossibles à placer dans une conversation !). Une émotion forte ? J’en doute ! Même écho cutané face aux émotions collectives : quand, tout d’un coup, de parfaits inconnus partageant un même événement se retrouvent dans un geste unique, qui en devient extrêmement puissant. Là, c’est une émotion forte positive. Voire euphorique.

Cela peut se produire à l’occasion d’un concert par exemple, quand le public se met à chanter en chœur, ou quand arrive enfin le tour de notre chanson préférée et qu’on la reconnaît dès les premières mesures. Se produit alors le même phénomène qu’avec la craie crissant lentement sur le tableau noir (oui, je le fais exprès : craie, craie, craie !) : l’émotion – ici, de plaisir – est anticipée. Et rebelote pour nos muscles horripilateurs, décidément très sollicités ce soir. C’est là le fruit d’une délicate et subtile mécanique interne mise au jour par une équipe de chercheurs canadiens et convoquant, pêle-mêle, décharge de dopamine – un neurotransmetteur impliqué, entre autres, dans l’humeur et jouant un rôle central dans la dépendance (à la drogue oui, mais aussi au chocolat) et le renforcement positif (schématiquement : reproduire ce qui nous fait plaisir) -, circuit de la récompense  (désir – action – satisfaction) et neurones du striatum (en mode reconnaissance).

Pour aboutir à cette conclusion – l’anticipation d’un intense plaisir produit par la musique déclenche une décharge de dopamine, laquelle est elle-même liée à la dépendance donc, ce qui expliquerait peut-être pourquoi nous sommes capables d’écouter des heures, et des jours, et des semaines, la même musique sans nous lasser pour autant -, les chercheurs ont fait écouter à leurs cobayes PETscannés et IRMf-isés des titres qu’ils avaient eux-mêmes choisis pour leur donner la chair de poule. J’ai testé pour vous (j’espère que vous louerez mon degré d’investissement pour ce duo) et ai donc écouté tous les morceaux proposés dont je connaissais la plupart. Malheureusement, pas de sursaut émotionnel pileux… Et voilà qu’hier matin, j’ai écouté ça

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Une fois n’est pas coutume, je commence par le texte car ce qui suit devrait être un joyeux bazar. Tout comme le sont certains étals de vide-grenier amateur, où l’on trouve tout et souvent, n’importe quoi, parmi lesquels des objets dont nous voudrions nous-même nous débarrasser s’ils nous appartenaient. Et que nous sommes pourtant prêts à acquérir car à 1 €, le « n’importe quoi » prend du galon et peut encore faire des heureux… On se dit : « A ce prix-là, ce n’est pas grave si cela ne fonctionne pas, si cela casse dans dix jours, si je ne le mets pas, si je le perds, si on me le vole, si… Au pire, je le revends au prochain vide-grenier ! ».

Du coup, j’ai loué mon mètre linéaire car, comme avant un déménagement hâtif, j’ai besoin de faire un peu de vide dans mon dossier hebdomadaire où j’accumule les photos envisagées pour ces duos quotidiens. Il y en a quelques unes que je ne peux plus voir en peinture, certaines prennent la poussière, et de nouvelles idées s’accumulent dans les carnets avec d’autres photos… Et puis, ce sont les vacances, cette coupure tant attendue où, comme au 1er janvier de chaque année, nous tentons de prendre de bonnes résolutions (soit dit en passant, c’est simplement car nous avons enfin le temps de nous poser, de sortir la tête hors de l’eau, et donc de penser, que nous essayons de reprendre la main sur notre quotidien pour les mois à venir ; ce que nous appelons communément des résolutions donc). Bref, trêve de bavardage, il est faussement 6h du matin, l’heure de tout déballer sur mon stand et d’essayer de lier ces images, dans l’ordre où elles se présentent à moi alors qu’elles n’ont rien en commun.

C’est parti :

Il faut toujours un point de départ. Une gare aux ombres énigmatiques et un sombre passager fuyant feront amplement l’affaire…

Oublions la gare de la ville où on y danse on y danse et prenons la vedette ! Cet îlot qui, de la crête de Crater Lake, a des allures de vaisseau fantôme (comprenez, on ne le voit pas tout le temps), ressemble, depuis le niveau de l’eau, à un trou noir, une sorte de grotte inversée dans un décor de rêve…

Qui nous ferait ressortir directement dans les ruelles de Kyoto où, un peu avant la tombée de la nuit, les geishas défilent en silence et sous le crépitement des flashs de badauds les attendant au tournant…

Je me suis alors demandé où pouvaient les conduire leurs pensées à cet instant précis où elles n’étaient plus qu’un personnage au visage figé, qu’une icône aux yeux des autres dont ils voulaient rapporter une image à tout prix… Peut-être sur cette plage Quileute de La Push, de l’autre côté de l’océan Pacifique, où reposent ces trois rochers majestueux…

Et où, paradoxalement, on traverse les paysages à vive allure…

Au risque de se heurter à un mur étrangement colonisé par du lichen déshydraté… Heureusement, une manœuvre réflexe permet d’éviter le choc frontal mais elle nous projette directement à l’embouchure de ce nouvel abysse, de cette sombre porte carrée sans fond apparent.

A l’autre bout de laquelle se trouve une plage normande éclairée sporadiquement par des pétards de fête nationale. C’est là que ça se gâte, que je perds le fil et que tout s’enchaîne sans transition ni autre explication que de courtes légendes lapidaires…

Paris, Nuit Blanche… Succès démesuré. Approcher l’installation de Vincent Ganivet relève du parcours du combattant. Lassés, les gens passent à côté sans lui jeter un œil.

Sagrada Familia. La lumière, dont je force volontairement le trait, inonde ce lieu d’une beauté sans pareille provoquant un séisme émotionnel de 9 sur l’échelle de Richter…

Pour le cliché, tout simplement. Impossible de se trouver à un tel endroit sans penser à un calendrier. Cela a quelque chose d’un peu ringard et en même temps, la ringardise a parfois ses avantages…

Sous les poursuites roses, une montagne humaine se lève et fait une hola aussi difficile à saisir que magique à voir… S’ensuit une avalanche d’images non légendées, un mélange de chaud et de froid, d’ici et d’ailleurs, de réalité et de faux-semblant, de proche et de lointain… Des images qui s’enchaînent sans d’autre raison que celle imposée par leurs noms qui s’enchaînent.

Voilà, en un coup d’ailes, c’est fini. Le stand est quasi vide. Je me sens légère tout d’un coup…

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Le mot « frappée » a été utilisé. « Tarée » aussi, si je me souviens bien. Et « folle », bien sûr. Tout cela m’étant modestement destiné et voulant à peu près dire la même chose, j’en conviens. Il y a surtout eu une certaine incrédulité, pour ne pas dire une incrédulité certaine, avant et après que tout cela se soit passé. Pourtant, rien de bien transgressif dans ce que je m’apprête à résumer. J’ai simplement assisté à un spectacle de danse… Attendez, j’en entends qui protestent votre honneur… Comment ? Je ne dis pas tout ? Bon, d’accord, le spectacle commençait à 6h30. Du matin, oui. Drôle d’horaire pour une représentation… Je pense que, spontanément, absolument tout le monde est d’accord avec ce point sauf ceux qui sont en plein jetlag.

Passé le choc horaire, le petit doigt se prend pour Desnos et lâche un faible mais décidé « Et pourquoi pas ? ». Oui, pourquoi pas ? Paris est une ville formidable où il se passe mille choses à la fois, même à des heures indécentes. 70 danseurs amateurs, 10 violoncellistes, la Tour Eiffel en arrière plan et potentiellement du soleil. Comme ça, sur le papier, même virtuel, c’est plutôt intriguant. La question est ensuite de savoir à quel point cette curiosité peut convaincre une personne – moi en premier lieu – de se lever à 5h35 en plein milieu de semaine et à ainsi s’amputer d’au moins deux heures de sommeil à jamais perdues ? C’est là où justement, la curiosité devient folie aux yeux de certains. Que Sharon Fridman, le chorégraphe qui a eu cette géniale idée décalée, leur pardonne… Je ne dis pas que cela a été facile. Ni que je n’ai pas eu envie de faire comme si je n’avais pas entendu la sonnerie répétitive de mon réveil. Ou que je n’ai pas essayé de me convaincre que ce n’était pas si grave de ne pas assister à cette prestation de bon matin. Comme écrit plus haut, Paris est une ville formidable où il se passe mille choses à la fois, aussi à des heures normales. Sauf que j’étais réveillée, qu’il ne pleuvait pas (un des arguments préparés la veille comme cause éventuelle de renoncement) et que je n’avais donc plus aucune raison valable de ne pas filer dare-dare vers le Parvis de Chaillot.

Où l’on se rend compte qu’à 6h du matin, les métros sont déjà pleins d’une population de travailleurs de nuit rentrant enfin chez eux. Ce qui relativise notablement l’exploit. Il y a quelques nuages à l’horizon, le soleil n’est pas encore passé au dessus, des retardataires – dont je fais partie – courent dans les couloirs du métro pour ne pas trop en manquer tout en se disant – en tout cas, moi – que c’est quand même étrange de courir dans les couloirs du métro à une heure où la torpeur pèse encore sur tout. C’est qu’il y a du monde sur le Parvis ! Des fous, des tarés, des frappés, cernant chaleureusement les artistes au cœur de la scène improvisée ! Il fait bon. Rizoma. Le spectacle a commencé. Lentement mais sûrement. Au sol. Danse contact. Les uns contre les uns, les uns sur les autres, les uns avec les autres, les uns entre les autres, les uns sous les autres… Et vice et versa. Une chorégraphie à la fois burlesque et émouvante, douce et violente, drôle et poignante accompagnée parfaitement par les langoureux accords des violoncellistes. Quand le soleil sort enfin de l’horizon ouateux, venant arroser de ses bienveillants rayons les danseurs ne faisant plus qu’un et les musiciens jouant à l’unisson, une étrange petite boule me serre soudainement la gorge. Je ne m’inquiète pas car je la connais bien… C’est la petite boule des moments forts. Des émotions pures et inattendues, qui donnent des ardeurs d’alien pacifique à mon cœur, qui font croire que l’impossible est probable. Aussi rares qu’indispensables. Le dernier pas est posé, la dernière note est lâchée, la parenthèse s’achève. Et tout le monde vacille. Flotte. Puis se disperse. Paris se réveille. La circulation se densifie. Le bruit des moteurs ronge l’atmosphère, envoyant valser les dernières notes en suspens. Et le cours normal d’une journée de milieu de semaine reprend naturellement le dessus…

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