Je m’imagine parfaitement me dire, au moment où j’ai pris cette photo : « je suis sûre que dans 4 ans, quand tu prendras enfin le temps de regarder ces photos, tu auras totalement oublié comment tu as réussi à capturer cette insaisissable et énigmatique face cachée de la Lune colonisée par une nature gourmande et envahissante mais ce n’est pas grave, je ne veux pas passer à côté. Tu réfléchiras et avec un peu de chance, ça reviendra. » Mon moi d’il y a 4 ans avait manifestement raison. Reste à savoir sur quoi. Sur le fait d’anticiper l’oubli, ou, au contraire, de me souvenir ?
Encore aujourd’hui (c’est-à-dire, plus de 3 ans après sa naissance), cette photo m’intrigue. J’en suis pourtant l’auteur. D’ailleurs, les deux ne sont a priori pas incompatibles. Pourquoi le photographe serait-il tenu de comprendre ce qu’il fait au moment où il le fait, les raisons qui le poussent à cadrer comme ceci plutôt que comme cela, à préférer tel couple vitesse/ouverture plutôt que tel autre etc ? Déclencher n’a jamais fait disparaître le mystère. Au mieux, il le fige.
En fait, à chaque fois que je regarde cette image, quelque chose d’indéfinissable me perturbe. Les formes, les couleurs, l’objet lui-même, la combinaison de tout cela… C’est d’autant plus étonnant que cette photographie n’a rien de particulier. Mis à part qu’il s’agit d’un détail. D’un bout d’ouvrage. Une extraction un peu flottante – alors que nous l’imaginons aisément lourde – et finalement assez abstraite – car sans ancrage ni à la terre, ni vers le ciel. Donc un peu surréaliste. Et c’est très certainement là, dans cette décontextualisation quasi totale et la pseudo liberté qu’elle confère à ce monolithe à rivets au pouvoir illuminateur, que réside mon trouble (et, au passage, mon attirance pour cette image).
Car, finalement, difficile de deviner la fonction de cette « brique » simplement en la regardant ou d’imaginer de quoi elle est la constituante. Ce qui laisse grand ouvert le champ des possibles. Alors que, lorsque nous voyons une image d’une épaule par exemple, nous n’avons aucun mal à nous représenter ce qui n’est pas montré, le hors-champs, à savoir le bras d’un côté et le cou de l’autre. Puis la tête et le torse. Et finalement le corps entier. En associant instantanément, spontanément et mécaniquement la partie au tout, le mystère de la partie se dissipe…
Course de gouttes de goudron fossilisées sur poteau de carrelet girondin. Recours à la photo pour statuer sur le vainqueur. Arrêt sur image. Egalité parfaite.
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Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
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Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest, Canada, sur le Grand Lac des Esclaves. « Sur » oui, pas « à côté » ou « près » ou « vers ». Marcher « sur » un lac ne peut, a priori, se faire qu’en hiver, à moins d’être doté de pouvoirs surhumains. Et l’hiver, à Yellowknife, il dure un temps certain. Suffisamment pour que l’eau qui emplit son […]
Refuge idéal où s’installer pour réfléchir sur le monde, en étant à la fois à portée et hors de portée de tous. Seul bémol : je n’en ai pas trouvé l’entrée… Je me contenterai donc d’observer le monde se réfléchir sur ses façades pleines d’illusions. 6 Share on Facebook