Photo-graphies et un peu plus…

Déjà vu

Comment être sûrs que nous existons vraiment ? Comment savoir que le monde qui nous entoure et dans lequel nous évoluons est réel ? Que la vie n’est pas qu’une monumentale performance ? Et que nous ne sommes pas que de simples personnages interprétant chacun nos rôles sans en avoir conscience et bien évidemment, sans en être les maîtres ? Questions récurrentes, sans réponse apparente et en tout cas, sans réponse supportable, qui vient, qui part, au gré des humeurs et des circonstances aggravantes. Par circonstances aggravantes, j’entends par exemple une extraction de son quotidien, de ses habitudes, de son train de vie, et le retour qui s’en suit plusieurs mois après. J’écris en connaissance de cause après 8 mois passés en Asie du sud-est, principalement Taïwan. Un autre monde assurément. Et si partir est un voyage en soi, revenir en est évidemment un autre.

Non qu’il soit particulièrement difficile de rentrer – même si objectivement, cela peut l’être pour de multiples raisons – simplement, ce retour aux conditions initiales, comme le mobile finalement stoppé par la résistance de l’air dans sa course faussement libératrice, est à chaque fois déconcertant. Déconcertant parce que tous les automatismes mis de côté pendant tous ces mois se réactivent instantanément ; déconcertant parce que rien, à l’échelle macroscopique bien sûr, ne semble avoir changé ; déconcertant parce que l’on re-rentre dans sa vie comme dans une bonne paire de charentaise au creux de l’hiver ; déconcertant parce que le corps se souvient parfaitement de la route à suivre et des obstacles à éviter pour atteindre telle destination ; déconcertant parce que tout le monde autour semble poursuivre exactement la même conversation que celle initiée il y a 8 mois ; déconcertant parce que tout cela semble tellement orchestré, tellement bien huilé que cela ne peut être le fruit du libre arbitre. Et de déconcertant, ce retour devient angoissant. Et voilà que l’on se dit alors, c’est vrai, je n’existe pas, rien de tout cela n’existe vraiment. Tout cela est faux. Pourtant, j’y ai cru. Tel un artefact sur un électrocardiogramme normal, le voyage au long cours est une discontinuité dans un parcours. Un électrochoc avec ses mini-révolutions intérieures, dont on perçoit avec effroi à la fois la puissance potentielle et l’incroyable fragilité car le pire ennemi du changement, on ne le sait que trop bien, c’est la force et le confort de l’habitude… Comment les faire vivre alors dans un milieu qui ne les appelle pas, telle est la question ?

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Les tocs matinaux

Voilà, vous êtes sur le pas de la porte, prêt à dévaler les quelques étages qui vous séparent de la terre ferme où vous ferez une courte escale avant, sûrement, de devoir vous hisser à un nouvel étage plus ou moins élevé pour une bonne partie de votre journée. Vous êtes même déjà en train d’énumérer mentalement vos différents rendez-vous, réunions et autres tâches solitaires pour organiser au mieux votre temps. Le trousseau en main, la clé déjà engagée dans la serrure centrale, vous vous apprêtez à fermer la porte de votre domicile pour de bon quand tout à coup, un pressentiment, que vous ne connaissez que trop bien puisqu’il est quotidien, réussit à se frayer un chemin jusqu’à votre conscience, mettant instantanément votre essai de planification entre parenthèse : « J’ai l’impression d’avoir oublié quelque chose… ».

Vous voilà donc, toujours devant votre porte entrouverte, à « tout » passer en revue. « Ai-je bien éteint le feu ? » Vous savez pertinemment que oui mais vous poussez malgré tout la porte pour vérifier. Notez au passage que vous continuez à employer le mot « feu » alors que vous êtes passé à l’induction il y a plus de 15 ans, et que, de fait, du feu, il n’en reste plus vraiment. « J’ai dû oublier ma carte de transport ! » Et de fouiller frénétiquement dans votre sac, profond et multi-poches, en quête de votre précieux sésame, rangé là où il l’est toujours. « Ah, mon badge, c’est ça, c’est mon badge ! ». Rebelote. Il est bien à sa place, à attendre sagement son flirt du jour avec le portique qui bippe. « Les clés ? » « Dans ta main, Charlotte ! »… Ce rituel matinal fait en effet partie de ces rares moments où l’on fait soi-même les questions et les réponses, et où l’on s’autorise également à s’auto-insulter. « La fenêtre de la salle de bains peut-être ? » Fermée bien sûr. Vous êtes alors sur le point de tout boucler quand l’étincelle se produit : « Ton portable ! » L’horreur ! Imaginez-vous sortir sans votre doudoudadulte ! Comme tout le reste, comme toujours, le téléphone est dans sa cabine feutrée.

Vous avez ainsi perdu 6 bonnes minutes à vérifier, quasi en transe, ce que vous saviez déjà, sans être pour autant capable de passer outre. Rassuré, vous fermez enfin votre porte et dévalez donc les escaliers, le cœur léger et l’esprit moqueur face aux facéties de votre cerveau, ce sacré joueur… Dans 95% des cas, la journée se passe formidablement bien, sans anicroche, c’est-à-dire que, malgré ce que vous susurrait votre petite voix intérieure matinale, vous n’avez vraiment rien oublié. Et parfois, très rarement, une personne – un ami, un collègue, que sais-je encore, un chien ? – avec qui vous venez de passer une heure, ou deux, et que vous êtes sur le point de quitter vous lance, très gentiment : « Au fait, tu ne devais pas m’apporter le plan de Bruxelles ? » « J’étais sûr que j’avais oublié quelque chose en partant ce matin ! » Ce qui ne fait qu’alimenter le processus…

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Zen (ou pas)

C’est une sorte de marronnier… Vous savez, ces sujets que la presse recycle à des fréquences variables et qui vous donnent l’impression qu’elle ne sait pas se renouveler ou qu’elle vous prend pour des Alzheimer précoces, voire des poissons rouges : les meilleures techniques de bronzage ou les derniers régimes avant les vacances d’été, les prix de l’immobilier dans votre région, le palmarès des lycées ou des hôpitaux, les francs-maçons et bien d’autres encore…

Dans ce cas précis, il s’agirait plutôt d’un MCRR, un Marronnier Comportemental Régulièrement Reporté. Vous savez, ces choses que vous vous répétez chaque année en vous disant « cette fois-ci, c’est la bonne, je m’y mets sérieusement (ou tout court) ! », mais que vous finissez toujours par différer pour une raison que vous estimez valable sur le moment et qui, objectivement, ne l’est pas du tout. Cela peut être d’apprendre enfin à jouer du pipo, d’aller faire du tir à l’arc chaque semaine ou de vous mettre au javanais… Ces petits enseignements qui changent une vie mais qui requièrent un minimum d’investissement.

Ainsi, sans réellement m’en rendre compte, cela doit bien faire une petite dizaine d’années que je réussis à me persuader que je vais enfin m’inscrire à un cours de yoga. Ce n’est pas compliqué, le yoga, ce n’est pas comme si je m’étais réveillée un matin avec l’envie d’apprendre à voler ! Et pourtant ! De fait, récemment, prenant enfin conscience d’être bel et bien atteinte du syndrome MCRR, j’ai changé mon fusil d’épaule. J’ai décidé de mettre à la médidation, pensant naïvement que ce serait plus simple – notamment car je pourrais commencer sans avoir à sortir de chez moi – et que cela ne pourrait me faire que du bien – ça frise l’entropie là-haut !.

Un matin, juste après ma dose de caféine, je me poste donc devant mon écran en quête d’une technique de méditation pour débutants-ignares-profanes… J’en choisis une dans la centaine de résultats recensés. Je me sens prête ! J’avale l’introduction, j’acquiesce au terme de chaque phrase, je suis au bon endroit, je me sens prête pour le premier exercice, présenté comme un test pour déterminer si le petit scarabée l’est vraiment ou pas, prêt : ne rien faire pendant 5 minutes ! Et là, c’est le drame, tous les espoirs que je fondais sur ce nouveau futur moi hyper calme et serein s’effondrent net : vraiment, ne rien faire pendant 5 minutes, là, tout de suite maintenant ? Mais vous ne vous rendez pas compte, ce n’est absolument pas le moment ! Et voilà comment, en quelques secondes, la méditation est à son tour devenue un MCRR…

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Le carrefour de tous les dangersCette banale scène de la vie quotidienne kyotoïte me semble totalement surréaliste pour un Français, voire, plus globalement – osons les généralités -, un latin… D’où mon empressement à la photographier, comme si je devais en ramener une preuve à mes petits camarades. Les mi-bas sous short de la demoiselle à pois blanc sur fond noir n’y sont pour rien. Pas plus que la tenue bleue électrique impeccablement repassée, les gants d’un blanc immaculé, la casquette bien vissée sur la tête des agents de la circulation, quand bien même je ne peux nier que l’ensemble impressionne. Non, ce qui me fascine littéralement ici est la présence, naturelle, de trois personnes pour gérer cette toute petite intersection, alors même que les rues sont en sens unique, qu’il y a déjà deux passages piétons latéraux et qu’a priori, le danger est extrêmement limité.

Bien évidemment, dans de telles conditions, la pensée, fut-elle furtive, qui consisterait à s’imaginer traverser sans y être expressément invitée par le trio d’hommes bleus n’atteint même pas les cellules pyramidales de mon aire de Brodmann, celle-là même qui est aux manettes de chaque muscle de notre corps. Postée sur le trottoir à devoir attendre le go officiel au lieu de braver les interdits et/ou le danger comme je pourrais le faire en un terrain plus familier, plusieurs questions sérieuses me traversent alors l’esprit (sans bouger pour autant), sur le taux de chômage au Japon (3,4% fin 2014), sur l’âge de la retraite (il passe progressivement de 60 à 65 ans, même si travailler jusqu’à 70 ans est déjà très courant, âge dont doit d’ailleurs être proche l’agent de gauche), mais également sur la proportion de seniors dans la vie active (9% avaient plus de 65 ans en 2012) et dans les emplois peu qualifiés, pseudo « petits boulots » comme ici, et enfin – ou plutôt surtout -, sur l’intérêt, réel, de telles fonctions. Sans doute cette ultime interrogation reflète-t-elle une façon purement occidentale de raisonner… Force est de constater que traverser sauvagement la route n’aurait pas conduit aussi loin dans la réflexion !

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Tsundoku numérique

Il s’agit là d’une déclinaison moderne du tsundoku classique, une sorte de mot valise japonais fusionnant les notions d’empilement vain et de lecture. En somme, c’est l’art de faire des piles avec des livres achetés (ou empruntés) que vous ne lirez (ou ne finirez) jamais. Vous croisez généralement ces édifices équilibristes sur votre table de nuit, au pied de votre bibliothèque, près de la fenêtre, juste à côté du fauteuil où vous seriez pourtant si bien installé pour lire quelques pages. Ces piles prennent la poussière (surtout le premier et les tranches qui dépassent), vous gênent pour passer l’aspirateur (vous essayez de tourner autour sans les faire tomber, ce qui arrive malgré tout une fois sur deux) et vous rappellent à chaque coup d’œil que les journées ne font que 24h et que cette ambition de lecture n’est absolument pas compatible avec les 3 minutes de temps libre dont vous disposez chaque tranche de 2h47 (même si vous pouvez les réunir pour les vivre en une fois).

Personnellement, je ne construis pas de tsundoku, ou si peu. Conclusion logique : soit je ne lis pas, soit je lis tous mes livres… Je vous laisse avec cette interrogation fondamentale. En revanche, je suis une pro de ce que j’ai donc appelé le « tsundoku numérique » et qui me semble beaucoup plus pervers que sa version ancestrale, car, et la photographie numérique l’a bien montré, il est invisible, il ne prend pas de « place » – physiquement, matériellement, concrètement j’entends – et se fait donc vite oublier. Ce tsundoku numérique consiste tout simplement à avoir des dizaines et des dizaines d’onglets ouverts dans plusieurs fenêtres de son navigateur (évidemment, je ne parle ni de tendre pièce de bœuf ni de grands explorateurs) en se disant qu’on les regardera plus tard, car là, présentement, « ce n’est pas le moment ». Autant de liens vers des articles intéressants, des podcasts passionnants, des listes de choses à faire avant de mourir, des tendances à découvrir, des expos à visiter, des Mooc interrompus, des recherches en cours qui conduisent souvent là où vous n’aviez absolument pas prévu d’aller… Autant de savoir à portée de clic donne le vertige et l’agréable sensation d’être plus intelligent, plus informé, plus cultivé, plus tout… Encore faut-il se donner la peine – en l’occurrence, le temps – d’accéder au contenu et ne pas se contenter de le regarder. Car malheureusement, cela ne rentre pas encore tout seul (le rêve de tout écolier !). Ce qui nous ramène au problème évoqué précédemment et à maintes reprises dans ces pages, à savoir que les journées ne font que 24h. Enfin, sur cette planète. De fait, plus tard n’arrive jamais.

De temps en temps toutefois, un peu comme avec les urgences du moment, agacée par tant d’immobilisme et la vision de tous ces intercalaires tronqués, je me plante devant une de mes fenêtres ouvertes, me lance dans une lecture effrénée d’un article au contenu désormais obsolète puis d’un autre puis d’un autre, dans l’écoute d’une émission que je n’entends qu’à moitié car ce n’est toujours pas le moment, je teste une nouvelle appli, découvre l’œuvre de tel ou tel artiste… J’essaye d’aller plus vite que le temps en faisant du tri. Et donc en réussissant à fermer quelques onglets. Parfois même, je triche. Oui, je crée des marque-pages. L’onglet disparaît de ma vue – satisfaction de façade toujours bonne à prendre – mais il a juste été relégué au deuxième sous-sol ! Nous nous reverrons dans un an au mieux ! Mais, au-delà de ces travers individuels un peu lâches, au même titre que les livres dans une bibliothèque, ces onglets en disent surtout beaucoup sur ce qui attire notre attention et attise notre curiosité, sur nos lubies passagères, sur nos rêves, nos projets, nos hésitations, nos idées, nos peurs, a fortiori, sur nous, même si c’est une photographie à l’instant t. Mais un instant qui dure parfois éternellement…

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L'arbre à trouvailles

Je suis certaine que cela vous est déjà arrivé… De ne pas mettre la main sur votre magazine de voyage, votre stylo rouge, votre super recette de scones, votre pull bleu pétrole, votre objectif à décentrement, votre brosse à dents de lait, votre ampoule de 50 W, votre trousseau de clés rondes, votre tapis persan, votre paire de chaussettes jaune, votre élastique en plastique, votre poésie préférée de Verlaine, votre jouet en bois, votre gant de soie… alors que vous étiez persuadé qu’ils étaient sur la table basse du salon, sur le bureau de la chambre, dans une chemise posée sur le frigo, au fond du sac à linge sale, dans vos rêves, dans le verre à côté du lavabo de la salle de bains, dans le carton sous votre table de chevet, dans le tiroir de l’entrée, sous vos pieds, autour de vos pieds, dans la petite boîte à pois rouges sur votre bureau, dans les arcanes insondables de votre mémoire, sous le lit du petit, dans la poche de votre jogging… Parfois, ce que nous croyons être à tel endroit n’y est pas ou plus. Il a tout bonnement mystérieusement disparu. Souvent, c’est plutôt parce que nous ne cherchons pas assez que nous ne le retrouvons pas… Parfois aussi, même si c’est rare, nous avons vraiment perdu ces choses-là. Et à défaut de grille à trouvailles arborant fièrement ces effets égarés par mégarde et ramassés par d’autres, nous avons toujours la possibilité d’appeler à l’aide. Ce qui, dans ce genre de circonstances, se résume souvent à un unique mot, voire cri désespéré, notre dernier espoir en quelque sorte : « Mamaaaaannnn ! » « Ouiiii ? » « Tu sais où est mon magazine-stylo-recette-pull-objectif-brosse-ampoule-clés-tapis-chaussettes-élastique-poésie-jouet-gant dont j’ai absolument besoin là tout de suite maintenant sinon je fais un malheur mais je n’ai pas cherché ? » C’est bien connu, les mamans, c’est encore mieux que la NSA, ça sait vraiment tout. Car, comme le dit ce dicton entendu il y a peu et que tout le monde a inconsciemment intégré : « Tant que maman n’a pas cherché, rien n’est vraiment perdu ! ».

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Ce week-end, prolongé pour les plus chanceux, vous avez peut-être déjeuné ou dîné chez des amis, une vieille tante éloignée, dans la famille de votre frère ou chez votre gentille voisine. Dans tous les cas, le repas était excellent – vous aviez insisté pour apporter le dessert, en l’occurrence, la plus belle tarte aux fruits de votre boulangerie quotidienne -, les échanges nourris et la bonne humeur de saison. En résumé, un parcours sans faute. Vous avez été le parfait invité, celui que l’on rêve d’avoir à nouveau à sa table avant même de l’avoir désertée… Jusqu’à ce moment où, un peu trop sûr et fier de vous, vous vous êtes mis en tête d’aider à débarrasser tous ces verres et couverts, toutes ces assiettes et coupelles débordant de la table, du plan de travail et de la desserte. Et donc, à remplir le lave-vaisselle de vos hôtes.

Comme ça, ça n’a l’air de rien. Il n’y a, a priori, en effet rien de plus simple que de remplir un lave-vaisselle. Les verres en haut. Les assiettes et les couverts en bas. Dans la pratique, s’aventurer sur cette piste-là peut rapidement conduire à l’impasse, à l’incompréhension, au jugement impitoyable… Car, vous l’avez déjà probablement réalisé au cours de votre vie, si courte soit-elle : chacun a sa façon à lui de ranger son lave-vaisselle ! Corollaire de cette assertion un peu lapidaire mais véridique : imaginer organiser son contenu autrement n’est même pas pensable. D’abord, il y a ceux qui rincent tout avant de combler leur machine et ceux qui estiment que c’est à elle de faire correctement son travail. Il y a ceux qui mettent les couteaux, couverts, petites cuillers, cuillers à soupe ensemble pour gagner du temps à l’étape du rangement : il suffira de prendre la grappe et de la ranger. Et puis ceux qui, surtout, veillent bien à mélanger les couverts entre eux, persuadés qu’ils seront mieux lavés ainsi. Il y a ceux qui retournent les couteaux, pointes vers le bas, pour ne pas se piquer malencontreusement. Et ceux qui les laissent pointer vers le haut. Tant pis pour les étourdis. Quand certains laissent un intercalaire vide entre chaque assiette – parce que, sinon, ça ne lave pas bien -, d’autres occupent l’espace disponible au maximum. Côté verres et bols, mêmes questions existentielles : s’il existe un consensus pour retourner tous ces contenants creux vers l’étage inférieur de telle sorte que, sauf accident, ils ne se remplissent pas d’eau pendant le lavage, il y a ceux qui osent superposer les bols entre eux – juste un petit peu – et ceux qui les posent très précisément les uns à côté des autres. Il y a ceux qui mélangent les verres de tailles différentes et ceux qui se remémorent leurs cours de primaire sur les ordres croissant et décroissant, et les rangent du plus petit au plus grand, ou vice et versa… Il y en a qui acceptent de mettre les verres à pied dans la machine et d’autres qui préfèrent les laver à la main. On ne sait jamais. Etant entendu que ce ne sont pas des petits lutins armés de piolets, éponges et autres objets dangereux, qui sont chargés de nettoyer toutes ces saletés, mais de l’eau, certes énergique, mais rien de très menaçant… Ma liste n’est pas exhaustive, mais montre déjà que remplir le lave-vaisselle de quelqu’un d’autre est un véritable acte de bravoure qui requiert un minimum de préparation. Un simple conseil donc : arrêtez-vous à la bonne impression que vous avez laissée à l’issue du repas même si cela peut vous paraître impoli, ou, si vous voulez faire du zèle, informez-vous sur les règles locales pour éviter les « Ah non, je les mets dans l’autre sens ! C’est plus logique… »

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C’est un fa, j’aime travailler en musique. Ne pas être en mesure d’en écouter dans ce contexte studieux est même susceptible de me perturber. Souvent, je suis du genre mélomane monomaniaque. A écouter le même album en boucle pendant des semaines jusqu’à en connaître par cœur les notes, les transitions, les rythmes et les mots, comme si je me préparais à réciter une poésie. Je sais, à chaque nouvelle seconde qui passe, quel son va résonner à la suivante. Il n’y a pas vraiment de surprise, ce qui a quelque chose de rassurant, de réconfortant, d’efficace. Dans la vie, ne fonctionnons-nous pas un peu comme cela aussi ? En allant finalement toujours dans les mêmes quartiers, en empruntant à peu près les mêmes chemins pour y aller, en ingurgitant régulièrement les mêmes menus… D’agréables petites habitudes qui, progressivement, se muent en routine.

A l’inverse, j’aime tout autant l’expectative dans laquelle me plonge le mode aléatoire, ce fameux shuffle auquel Monsieur Lazhar n’entend rien dans le film éponyme, et ce, malgré son nom qui lui fait écho. Avec le shuffle, tout d’un coup, des pistes oubliées remontent à la surface, ressuscitées ; d’autres, ignorées, se font connaître ! Le requiem de Mozart côtoie le râle d’Eminem, les chants diphoniques d’Huun-Huur-Tu les vocalises de Björk, sans que quiconque ne crie au scandale, sans que cela soit une aberration musicale, sans que cela n’altère l’attention malgré les divergences de tempo, de voix, d’ambiances… Le hasard crée sa propre polyphonie et s’avère être un DJ plutôt avisé.

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