Photo-graphies et un peu plus…

Un comble !

Je déambulais nonchalamment dans les rues de Lens – bien sûr que c’est possible, ne faites pas vos parisiens 😉 ! – quand, tout à coup, une vague d’indignation a déferlé sans prévenir ! « Oh non ! » a-t-il lâché ! De mon point de vue de photographe à l’affût d’étrangetés visuelles, cette maison sûrement anthropomorphisée involontairement a directement trouvé sa place sur ma carte mémoire (et aujourd’hui, dans ces pages). En pleine rue, une incroyable tête de la taille d’une maison qui n’en était plus une puisque l’on ne pouvait manifestement plus y entrer, ses portes et fenêtres ayant subtilement été remplacées par des yeux – clos, ouverts, allez savoir ? – et une grande bouche arborant un sourire franc ! Bel esprit en des circonstances si cloisonnées… Un peu plus et j’engageais la conversation avec ses briques et parpaings ! Il en était bien évidemment tout autrement, et c’est bien normal, pour l’architecte avec lequel je foulais le macadam. En tant que créateur d’espace(s) de vie(s), qu’un édifice fasse malencontreusement penser à un être humain – et d’une certaine manière, fasse rire – était une véritable faute de goût, un manquement indéniable à la charte officieuse de déontologie des architectes, un sacrilège, voire une hérésie ! En tout cas, un échec cuisant. (Bien sûr, j’en rajoute !) Il n’empêche, voilà donc une nouvelle démonstration de la relativité du point de vue, toujours dépendant du référentiel adopté…

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Straight

J’admire sincèrement ceux qui, ayant une idée derrière la tête, réussissent d’une part à l’attraper – ce qui dépend beaucoup de leur souplesse – et d’autre part à aller droit au but, sans tergiverser ni se perdre dans d’improductives circonvolutions ou se laisser distraire par les sollicitations parallèles auxquelles tous les autres succombent…

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Le temps polit tout

Lorsque j’emprunte un escalier en pierre, je finis toujours par me poser cette question : comment un geste non agressif mais répété inlassablement – un pas devant l’autre – peut-il à ce point altérer un matériau aussi solide que du marbre – en déformant irrémédiablement ses marches ?

C’est la même interrogation qui s’est affichée sur mon écran interne lorsque je suis tombée nez à feu-nez sur cette tête-bouton de porte sculptée, originellement pleine de détails que nous ne pouvons qu’imaginer aujourd’hui, à l’instar de ces archéologues qui réussissent à reconstituer un visage sur la seule base d’un squelette. Mais ce qui m’étonne le plus dans cette affaire, est que ce polissage si efficace et impitoyable soit l’œuvre involontaire de paumes de mains, parmi les zones les plus douces de nos corps… Un peu comme le temps, finalement, qui passe sans que nous puissions y faire quoi que ce soit et finit par nous faire disparaître.

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La tête au carré

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Réminiscence. Un amphi. Il y a quelques années. Cours sur la théorie Gestalt. Le professeur projette une image sur le tableau. Pas une image d’emblée clairement définie et identifiable, mais un ensemble de zones noires et blanches.

– Que voyez-vous ? lance-t-il à son assemblée, avec un petit sourire car il sait le trouble qui va bientôt animer les esprits qui lui font face.

Et moi de lever le doigt, au bout de quelques secondes, légèrement dubitative quant à la réponse que je m’apprête à proposer, même si je n’ai aucun doute sur ce que je vois…

– Oui ?

– Je vois Jésus…

La représentation de Jésus, évidemment, mais ne jouons pas sur les mots. Jésus donc.

Et lui, tout content :

– Qui d’autre voit Jésus sur cette image ?

Personne. Pire, ma réponse en perturbe plus d’un. Me voilà donc à expliquer où se trouve Jésus à mes camarades. Il faut alors plusieurs minutes avant que l’un n’ait la révélation et se joigne à moi pour éclairer les autres, un tantinet résistants. Petit à petit, notre groupe d’illuminés gonfle et des « ça y est, je le vois ! » enthousiastes et soulagés retentissent dans la salle. Il n’y a rien de pire que de se sentir exclu d’un groupe. Mais, alors, Jésus ou pas ? Est-ce la bonne réponse ? Il n’y a pas de bonne réponse, dit le Sage. Chacun y voit ce qu’il veut. J’en déduis que tout ce qui suit est donc une question de persuasion, de suggestion, voire de manipulation.

Ce qui nous conduit à Heidelberg. Sur cette place ombragée où siège la Heiliggeistkirche, ou, plus facilement, l’Eglise du Saint Esprit. C’est totalement fortuit bien sûr. Une place pavée sur laquelle domine un génie imposant et presque intimidant. La grappe de touristes matant une façade remarquable est posée juste sur sa tête. Le voilà qui fait la moue avec sa bouche, agitant l’index et relevant ses longues babouches comme pour mieux signifier son mécontentement. A moins qu’il ne s’agisse d’une mise en garde contre ceux qui cherchent des signes là où il n’y a que des formes. Dans le fond, je préfère l’illusion !

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Le globe-trotter ramène souvent beaucoup de clichés dans ses valises… Autant d’images des paysages admirés, des villes traversées, des musées visités, des forêts arpentées, des objets collectionnés, mais aussi, des personnes croisées. Les autochtones. Les locaux. Les vrais ! Des portraits volés au téléobjectif ou au grand angle, à la va-vite. Des portraits consentis aussi. Parfois moyennant quelques pièces. Le moins glorieux pour le preneur d’image à mon sens. Mais, finalement, une démarche compréhensible de la part des photographiés, qui, d’une certaine manière, poussent le vice à son paroxysme : si les visiteurs se croient au musée ou au zoo, il est normal qu’ils s’acquittent d’un droit d’entrée, même symbolique !

Nous sommes évidemment tous l’autre de quelqu’un et c’est aussi cet exotisme, cette différence que nous allons chercher en voyageant. Et que nous avons la tentation d’enfermer dans nos boîtes à images. Cela a quelque chose d’un peu dérangeant. D’ailleurs, j’ai toujours le réflexe de tourner la tête lorsque je vois un appareil braqué sur moi. Hors de question que je sois l’exotique de service ! Car nous ne sommes « jamais » exotique chez nous, sur nos propres terres !

Pour rester cohérente, je prône donc l’éthique de réciprocité, même si, dans les faits, je ne l’applique pas toujours. Une parade consiste donc à faire de l’anti-portrait. C’est-à-dire, à prendre des photos de ces personnes tout en prenant soin de ne pas montrer leur visage. Ce qui peut s’avérer compliqué lorsqu’ils sont plusieurs à entrer dans le champ… Une tête coupée, une tête tournée, une tête cachée par une manche, une autre prise dans l’ombre… L’image continue à avoir sa vie malgré tout et surtout, à montrer la vie qui s’y trame. Ainsi, mais peut-être est-ce un leurre ?, ai-je la sensation de « plus » respecter ces autres qui défilent devant moi comme des pays sages.

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La catastrophe a été évitée de justesse cette fois-ci ! Un peu plus, et j’en écrasais bien deux ou trois ! Je ne sais pas ce que cela aurait donné, ceci dit, puisque je ne suis même pas capable d’en attraper une… En fait, j’avais fini par les oublier, après tout ce temps… Je ne sais d’ailleurs toujours pas ce que c’est. Je suis allée montrer mes photos à un chercheur du Muséum d’histoire naturelle. Il n’avait jamais rien vu de tel, mais a gardé une image pour la transmettre à un collègue entomologiste à Bali.

En zoomant sur les images, cette petite tête ressemblerait presque à des noix, même si elles ne s’ouvrent pas comme ça. Bref, ce simple écho avec quelque chose de connu m’a suffi à leur donner un nom : les Nutshead. Cela s’arrête là, n’ayant toujours pas trouvé le moyen de communiquer avec ces minuscules créatures ayant la fâcheuse tendance à apparaître là où on les attend le moins, et toujours de nuit donc. Cet élément éthologique se confirme avec cette troisième rencontre. Je pourrais faire une seconde hypothèse : les Nutshead se déplacent plus facilement en groupe. Bref, je sais désormais que je serai probablement conduite à les voir à nouveau. A moi donc de creuser pour découvrir leur nature d’ici là…

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category: Actus
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Il s’est passé plusieurs jours entre ma première rencontre avec ces êtres étranges et la deuxième, survenue de façon tout aussi inattendue que la précédente. Evidemment, j’en ai passé autant à faire des recherches sur ces petites têtes. Nada. Cette deuxième rencontre survenant à nouveau de nuit, j’en déduis qu’elles sont plutôt nocturnes. Pour le moment, c’est la seule hypothèse que je suis en mesure de formuler. J’ai bien essayé de leur parler. Mais après leur ricanement, elles n’ont plus émis aucun son. Elles sont restées comme figées. Et lorsque j’ai voulu en attraper une, ma main s’est arrêtée à quelques centimètres de hauteur. « Quelque chose » m’empêchait d’aller plus loin. Je m’y suis reprise à plusieurs fois avec le même résultat. J’ai donc pris quelques photos et suis partie, ne sachant si je les reverrai un jour.

J’ai donc été heureusement surprise de les revoir. Cette deuxième rencontre n’a pas eu lieu à la plage mais en plein cœur de la ville, à des centaines de kilomètres de là. J’en ai d’ailleurs reconnu une. Celle avec le sourire amical… Enfin, c’est ainsi que je l’interprète, mais je peux me tromper. Elles étaient moins nombreuses cette fois-ci ; les autres étaient peut-être cachées ceci-dit. Et à nouveau, aucun échange si ce n’est de regards. Interrogateur et incrédule pour ma part. De leur côté, elles avaient l’air de savoir exactement ce qu’elles faisaient. Après quelques minutes de communication unilatérale, je suis repartie, légèrement agacée. A quoi sert de rencontrer l’étrangeté si rien ne se passe ?

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