Photo-graphies et un peu plus…

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J’ai beau savoir que je suis l’auteur de cette photographie, et donc que cette scène a vraiment existé, je ne me fais absolument pas à ce tableau ! On dirait même un mauvais montage de deux bouts de photographies prises à des endroits diamétralement opposés du monde. Enfin, pas totalement opposés… D’un côté, le bateau à roues à aubes, que l’on imagine plutôt naviguer sur le Mississippi, crachant sa vapeur blanche dans un ciel bien bleu, Mark Twain, Tom Sawyer et une nature luxuriante compris. De l’autre, une micro-portion de l’immense Port de Hambourg, le troisième européen par la taille, au charme industriel intrinsèque indéniable, ne se mariant malheureusement absolument pas à l’univers dans lequel l’on se projette en voyant l’embarcation… Esthétiquement, c’est une faute de goût difficilement rattrapable !

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Lucky you

Dans la vie (c’est son grand retour !), il faut accepter d’être agréablement surpris par ce que l’on a généralement tendance à éviter voire dénigrer, en tout cas dont on n’attend rien en particulier. Par exemple, qu’une échoppe plantée au milieu d’une route et vendant des kebab et autres sandwichs défiant tous les conseils du PNNS  introduise un peu de magie et de gaité dans une ville monochrome…

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Cachez ce sein...

Force est de constater qu’il nous est impossible de ne pas les toucher… Nous ne nous en rendons évidemment pas compte sur le moment mais les effleurements inlassablement répétés par des mains baladeuses toutes différentes les unes des autres finissent par laisser des traces indélébiles sur les sculptures composant cette énième fontaine de Neptune (ce qui n’est pas péjoratif), et, d’une certaine manière, par nous trahir même si ce « nous » est indéfini et collectif.

Le plus amusant est bien sûr de repérer les sites les plus courtisés. Et si l’on peut aisément comprendre – comme le suggère la photographie de cette dame se faisant prendre en photo devant une déesse nonchalante et réchauffée – que les genoux et la main gauche sont manifestement des endroits sur lesquels les gens s’appuient en de telles circonstances, difficile d’imaginer que le sein gauche serve à ce point de béquille… Non, pour ce dernier, la motivation est vraisemblablement différente, un peu plus grivoise assurément, même si l’on ne saurait se satisfaire d’une surface aussi froide.

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Cela peut arriver n’importe où, n’importe quand, et même à n’importe qui… Tout d’un coup, alors que vous êtes tranquillement en train de dérouler un récit palpitant à votre camarade de marche, c’est le trou noir complet. Le blanc total. Vous ne savez plus ce que vous deviez dire, vous ne savez plus où vous vouliez en venir, vous avez beau chercher, vous avez perdu le fil de votre pensée. A fortiori, de la discussion. Petit aparté : il est assez paradoxal, quand on y réfléchit un tant soi peu, que l’absence momentanée – celle de l’oubli – soit à la fois associée au noir et au blanc, que l’on a plus souvent tendance à opposer.

Savez-vous ce qui se passe en réalité dans ces moments-là ? Vos pensées sont en fait attrapées au vol par ces reflets lumineux jaillissants des fenêtres – ces fameux « blancs » – qui donnent cette étrange sensation que les immeubles nous envoient des clins d’oeil. L’amnésie est diversement longue ou courte, et ne dépend d’ailleurs pas de vous, mais du soleil. S’il est présent ou absent. Et, telle une porte magique, dès que le reflet se referme sur lui-même, – parce qu’il n’y a plus de rayons par exemple – les idées en suspens s’extirpent du grand blanc et regagnent idéalement ceux qui les ont émises s’ils sont encore dans les environs. A défaut, elles viennent alors traverser l’esprit de personnes passant par là et qui ne comprennent pas, pourquoi, tout d’un coup, elles se mettent à penser au Jardin des Tarots de Nikki de Saint Phalle en Toscane alors même qu’elles n’en ont jamais entendu parler !

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Les boites mystère

La première boite mystère croisée dans ce parc était seule, isolée, au pied d’un arbre. Je l’ai remarquée immédiatement, la trouvant étrange instantanément. Il y en avait deux autres un peu plus loin de part et d’autre d’un chemin de terre. C’est sûrement à ce moment là que j’ai commencé à m’interroger sur leur fonction, me demandant en premier lieu ce qu’elles pouvaient bien cacher. Des caisses en bois, grises, toutes, ou presque, de taille identique, sécurisées, souvent disposées de façon symétrique et en tout cas, très ordonnée… Ma lente progression dans le parc s’accompagnait, virage après virage, allées après allées, de nouvelles rencontres avec ces boites intrigantes disposées dans des configurations différentes à chaque fois. Il m’a fallu un temps fou rempli de mille questions pour arriver à la conclusion que ces caisses n’étaient pas si mystérieuses et qu’elles n’étaient là que pour protéger du froid hivernal glacial les classiques sculptures du jardin, fragiles même si au coeur de pierre… C’est incroyable comme certaines évidences peinent, parfois, à trouver leur chemin vers la conscience quand celle-ci n’y est pas préparé et cherche plutôt la complexité…

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Littéralement

… cet homme va droit dans le mur. Dans le muret si vous préférez, mais fondamentalement, cela ne change pas grand chose, et par ailleurs, cela altère légèrement l’expression consacrée… A le voir courir ainsi, sans ralentir d’un iota à l’approche de l’obstacle, on se dit même qu’il y met beaucoup d’entrain, d’élan et de volonté. Ce n’est manifestement pas le type à se laisser enfermer entre quatre murs. Et même si, là, présentement, il est au pied du mur, croyez-vous pour autant qu’il va réellement se prendre le mur ? Non, bien sûr ! Et, déjà, ses mains sont prêtes pour la prochaine étape libératrice : s’appuyer dessus sans chercher à le contourner et faire le mur. C’est le rebondissement salvateur !

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Au bout du couloir

Je ne retournerai pas en arrière, je ne retraverserai pas ce couloir à rebours pour me trouver à nouveau dans cette dernière salle, au bout du bout du monde, cette salle que j’ai cherchée frénétiquement dès que j’ai mis le pied, enfin les pieds, dans ce musée, où j’espérais glaner quelques indices sur sa localisation précise. Tout au long de ma quête, j’ai maté d’un oeil distrait et discret les 700 ans d’histoire de l’art qui défilaient à mes côtés. Je me suis quand même arrêtée, une poignée de fois, tant c’était saisissant de beauté. Puis, je repartais en mission : le trouver. Allais-je vraiment devoir arpenter les 12000 m2 de l’antre culturel pour le rencontrer ? Ce jeu de piste auquel me conviaient les conservateurs était-il réellement nécessaire ? Sur mon chemin, je l’imaginais sublimement mis en lumière, seul sur son mur, au coeur de tout. Ne le voyant pas, j’ai même douté, à un moment de sa présence en ces lieux, pensant qu’il avait été prêté à une autre institution, qu’il faisait alors des heureux à des milliers de kilomètres de là, alors que j’y étais aussi pour lui. Il a ainsi fallu aller au bout, au bout du bout du monde donc, pour me trouver face à lui et être saisie d’une émotion si forte – ventre serré, pulsation accélérée, chaleur instantanée, fébrilité incontrôlée – que des larmes ont réussi, sans s’annoncer, à s’échapper. J’ai dû les sécher, pour débrouiller l’image, et je me suis posée, face à lui. Après quelques minutes, je l’ai abandonné. Je ne retournerai pas en arrière, je ne retraverserai pas ce couloir à rebours, je ne me retrouverai plus devant Le voyageur contemplant une mer de nuages

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J’aime cet exercice de pensée totalement gratuit et invérifiable qui consiste à imaginer ce qui a conduit à l’existence d’un phénomène. Le gang des Prudopunkt a manifestement repris du service après quelques semaines à faire profil bas ! Ce groupuscule rassemblant des personnes âgées de 7 à 77 ans – oui, comme les lecteurs des Tintin – amatrices de land art mais bizarrement étroites d’esprit, s’est en effet mis en tête d’intervenir sur toutes les sculptures de corps dénudés de la ville de Berlin. So schockierend n’est-ce pas ?

Les Prudopunkt agissent essentiellement la nuit pour des raisons évidentes qu’il est inutile de détailler ici, ce qui ne les empêche pas de se faire souvent surprendre, leurs lampes frontales trop fortes alertant les voisins. Les Prudopunkt maîtrisent évidemment tous les noeuds marins, qu’ils sont capables de réaliser les yeux fermés avec des lianes, des tiges… Par principe, ils n’utilisent d’ailleurs que des matériaux végétaux trouvés à proximité de leur futur forfait, qu’ils ne perçoivent bien sûr pas comme tel. Ce soir-là, Birgit est aux commandes. Elle est même particulièrement fière de sa fine ceinture de liane et du noeud coulant qui lui a permis de placer subtilement cette feuille d’érable desséchée devant l’objet du délit. En rentrant chez elle, exténuée, Birgit éprouve pour la première fois de la journée cette douce sensation du devoir accompli. Seulement, Birgit n’a pas anticipé la bise matinale du lendemain, qui, bien en verve ce jour-là, n’a eu qu’à souffler un peu pour faire glisser la feuille vers des latitudes plus basses, exposant à nouveau, non sans une pointe d’humour et de moquerie, ce qu’elle s’était attaché à cacher avec application…

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Un jour, il y a quelques années, j’ai croisé un de mes amis Facebook dans un lieu public. Enfin, croisé… Je l’ai reconnu surtout, au loin. Enfin, il était juste devant moi. Dans une file à attendre son tour. Un photographe dont j’aimais assez la poésie et la démarche. Il sautait plutôt, ou s’élevait, c’est plus juste. Un pas de danse suspendu dans des endroits parfois incongrus. On ne s’était jamais vus. Cela arrive tout le temps de nos jours. On communiquait exclusivement par pouces levés, dans un sens plutôt que dans l’autre d’ailleurs (c’était avant les j’adore, je suis triste, je suis en colère, je suis waouh,  je me marre…). Et puis, il ne savait pas à quoi je ressemblais. De fait, la reconnaissance était-elle à sens unique. C’est bête, mais, sur le moment, je n’ai absolument pas eu envie d’émettre cette phrase ridicule : « Bonjour ! Nous sommes amis sur FB ! ». Ne trouvez-vous pas que cela n’a absolument aucun sens ? D’associer ainsi une notion qui sous-entend une grande proximité et même une certaine intimité entre deux personnes, a fortiori, une relation physique IRL – in real life comme on a fini par qualifier cet espace-temps solide dans lequel nous dormons, mangeons, déféquons, agissons, aimons, pensons, mourons – au plus virtuel des réseaux dont on dit – et expérimente chaque jour chacun à sa manière – qu’il a ruiné les relations humaines, les vraies.

« Ami Facebook », c’est un oxymore, éminemment stratégique, qui alimente cette douce illusion que nous ne sommes pas seuls, que des personnes ne nous connaissant pas réellement, et vivant parfois à des endroits que nous ne pourrions même pas pointer sur une carte, peuvent quand même s’intéresser à nous ou à ce que nous faisons, que les amis de nos amis sont nos amis et même que les amis des amis de nos amis sont aussi nos amis. Cette forme avancée de consanguinité numérique a secoué la théorie des 6 degrés de séparation émise pour la première fois en 1929 par Frigyes Karinthy, stipulant que « toute personne sur le globe [peut] être reliée à n’importe quelle autre, au travers d’une chaîne de relations individuelles comprenant au plus cinq autres maillons » alors que 2,07 milliards de personnes vivaient sur Terre à cette époque. Grâce au réseau bleu et avec une population mondiale 3,5 fois supérieure, le 6 est tombé à 3,5 (chiffres 2016). Le monde rétrécit à vue d’œil mais là aussi, c’est une illusion : celle que nous connaissons les personnes qui évoluent dans nos univers virtuels car nous échangeons des informations, des commentaires, nous réagissons à ce qu’elles écrivent et réciproquement, nous « rions » ensemble, nous savons ce qu’elles font, ce qu’elles écoutent, ce qui les énervent, les rend heureuses, parfois même ce qu’elles mangent, si elles sont insomniaques, si elles ont des voisins bruyants… Tout un faisceau de données qui font que lorsque nous nous présentons devant une telle personne pour la première fois, nous savons une myriade de choses sur elle sans qu’elle nous les ai apprises personnellement. Rien de nouveau sous la neige, mais cette temporalité inversée – je sais avant que tu ne me dises – est à la fois stupéfiante et déstabilisante. Et incite encore plus à passer de l’autre côté du miroir pour en avoir le cœur net et remettre les choses dans l’ordre ! Je dois d’ailleurs concéder que de belles et réelles amitiés sont nées de relations initiées dans le monde virtuel… Reste à trouver la formule de présentation adéquate… « Bonjour ! Je vous suis sur FB ! » Non, non, pas vraiment mieux sauf si vous voulez passer pour un psychopathe…

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Henri

Regarder cette image provoque en moi la même réaction qu’entendre ou lire le nom de Henri Poincaré. Pas Raymond, bien que, dans les faits, cela revienne au même. Question de culture et d’affinités personnelles. Et en réalité, Raymond ou Henri, peu importe. C’est Poincaré qui m’interpelle. A ce détail de taille près qu’Henri était mathématicien – et physicien, et philosophe et ingénieur également selon la devise dix-neuviémiste vaguement célèbre : qui peut le plus peut plus encore – et que Poincaré pour un mathématicien, c’est cocasse cocasse, cocasse au carré donc. Un peu comme un ophtalmologiste qui s’appellerait Le Borgne par exemple. Il se peut d’ailleurs que ce patronyme sibyllin soit en partie à l’origine de sa vocation. Personnellement, cela aurait titillé ma curiosité.

Toujours est-il que je ne peux pas m’empêcher d’essayer, en vain, de dessiner un point carré dès lors que j’entends ou lis ce nom. Or, c’est impossible. Testez pour voir : prenez votre plus belle plume, votre crayon HB ou votre stylet et dessinez-moi un point ? Alors ? Il est rond, n’est-ce pas ? Un point est naturellement rond, d’où le rond point, expression tautologique par excellence communément utilisée lorsque l’on est au volant : « Vous prenez le point, vous prenez le rond, vous prenez le rond-point ! ». Poincaré est-il un oxymore fusionnel pour autant ?

Et quid, alors, de ce « Sammelpunkt », « Point de rassemblement » pour nous ? Et pourquoi se retrouve-t-il dans un panneau carré ? Il n’y a absolument aucune logique dans ce choix. Et si ce panneau semble indiquer un endroit où se réunir, en l’état, point de rassemblement en effet. Nada, que dalle, nichts. Personne ! (Mot trouble brandi à la fois pour signaler la présence d’êtres humains – il y a 13 personnes à table – mais aussi leur absence – il n’y a personne à table. Bref, personne donc. Les nouvelles vont bien vite, s’exclamerait le chat de Geluck tandis que celui de Schrödinger chercherait encore à donner au point une double forme ronde et carrée simultanément…

Que faut-il comprendre alors ? Que les rassemblements sont interdits au pied de ce panneau ? « Point de rassemblement ici ! » Ou, au contraire, qu’ils y sont attendus. Se pose alors la question de la pertinence du recours au mot « point » quand on sait que c’est « le plus petit élément constitutif de l’espace géométrique, c’est-à-dire un lieu au sein duquel on ne peut distinguer aucun autre lieu que lui-même ». Il n’a donc aucune largeur ni épaisseur ni longueur ni dimension. Un point est un point, un point c’est tout, même si tout le reste – les ronds, les carrés, les sphères, les polyèdres réguliers, les pentadécagones, les érables, les pâquerettes, les briques, les huttes, les chèvres, les araignées, les clémentines, les biscuits et même les vieillards – n’est finalement qu’un ensemble de points agglomérés et collés les uns à côté des autres. Comment donc des personnes – celles de la présence -, même schématiquement incarnées, pourraient-elles se retrouver sur un unique point, fût-il de rassemblement ? Ce modeste panneau est bien plus énigmatique qu’il n’y paraît…

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