Photo-graphies et un peu plus…

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Octobre 2016. Je déambule dans Tunis comme je le fais partout ailleurs. En absorbant tout ce qui s’y passe, à l’affût de l’inattendu, de l’incongru, du décalé mais avant tout, curieuse de la vie qui s’y déploie, simplement. En réalité, je déambule dans Tunis comme nulle part ailleurs. Car je suis une sang mêlée, car je n’y ai pas mis les pieds depuis 8 ans, car je questionne mon identité. Et que la révolution est passée par là. C’est évident, j’erre dans Tunis avec une attention décuplée, en quête de signes, d’apaisement voire de réconciliation. Vite, je suis captivée par ce tramway couleur d’espoir serpentant dans la ville dans un raffut métallique trahissant son grand âge. Une scène mouvante et classique offrant aux compositeurs d’images des cadres à la fois naturels et contraignants, derrière lesquels défilent des vies singulières et artificiellement rapprochées. Je l’entends arriver. Je m’approche des voies, cadre et déclenche. Il me regarde, comme absent ; elle m’observe, je veux le croire, avec douceur. Une rencontre furtive, impromptue et étrangement calme, qui me renvoie à mes propres interrogations. Comment ça va ? Labess, labess…

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L'ouverture de tropCela aurait pu être la balance des blancs – car c’est souvent elle qui génère mes ires photographiques matinales en donnant une teinte exagérément bleutée à mes premières images du jour après une sortie nocturne virant au jaune, compensé à base de degrés kelvin, et à l’issue de laquelle j’ai oublié de rétablir les réglages neutres de ma boite à images numériques -, mais, cette fois-ci, c’est bel et bien d’ouverture dont il s’agit !

Je viens tout juste de photographier le couloir assez sombre d’un restaurant abandonné s’avançant sur l’eau dans lequel erre un gardien du cru quand ces jeunes ont déboulé. J’ai filé, concentrée sur leurs dos destinés à intégrer ma série en cours à en oublier que j’avais ouvert mon diaphragme de plusieurs stops pour capter les plantes survivantes restées dans l’obscurité dudit couloir. Et a fortiori, que ces caractéristiques techniques n’avaient plus lieu d’être dans des conditions de lumière normales. Il m’est plusieurs fois arrivé d’aborder le sujet ambigu de la photo « ratée » dans ces pages. Ambigu car tout étant subjectif, le  « raté » en devient relatif lui aussi. Cette image-là est ratée dans le sens où cette surexposition absorbeuse de détails et d’informations n’était pas volontaire, mais le fruit d’une faute d’inattention, bref, de ma précipitation. Et pourtant, cette image ratée me plaît comme ça, partielle, incroyablement blanche comme la peinture des maisons alentour, comme cette page sur laquelle tout reste à écrire, comme cette jeunesse joyeuse qui a l’avenir devant elle, et avec lui, beaucoup de responsabilités…

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S'enluminer

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Le globe-trotter ramène souvent beaucoup de clichés dans ses valises… Autant d’images des paysages admirés, des villes traversées, des musées visités, des forêts arpentées, des objets collectionnés, mais aussi, des personnes croisées. Les autochtones. Les locaux. Les vrais ! Des portraits volés au téléobjectif ou au grand angle, à la va-vite. Des portraits consentis aussi. Parfois moyennant quelques pièces. Le moins glorieux pour le preneur d’image à mon sens. Mais, finalement, une démarche compréhensible de la part des photographiés, qui, d’une certaine manière, poussent le vice à son paroxysme : si les visiteurs se croient au musée ou au zoo, il est normal qu’ils s’acquittent d’un droit d’entrée, même symbolique !

Nous sommes évidemment tous l’autre de quelqu’un et c’est aussi cet exotisme, cette différence que nous allons chercher en voyageant. Et que nous avons la tentation d’enfermer dans nos boîtes à images. Cela a quelque chose d’un peu dérangeant. D’ailleurs, j’ai toujours le réflexe de tourner la tête lorsque je vois un appareil braqué sur moi. Hors de question que je sois l’exotique de service ! Car nous ne sommes « jamais » exotique chez nous, sur nos propres terres !

Pour rester cohérente, je prône donc l’éthique de réciprocité, même si, dans les faits, je ne l’applique pas toujours. Une parade consiste donc à faire de l’anti-portrait. C’est-à-dire, à prendre des photos de ces personnes tout en prenant soin de ne pas montrer leur visage. Ce qui peut s’avérer compliqué lorsqu’ils sont plusieurs à entrer dans le champ… Une tête coupée, une tête tournée, une tête cachée par une manche, une autre prise dans l’ombre… L’image continue à avoir sa vie malgré tout et surtout, à montrer la vie qui s’y trame. Ainsi, mais peut-être est-ce un leurre ?, ai-je la sensation de « plus » respecter ces autres qui défilent devant moi comme des pays sages.

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