Photo-graphies et un peu plus…

JC17_DSC2788-72-site

Non que nous soyons au bagne – bien au contraire –, mais des voix – réelles et minoritaires – nous suggèrent de penser, quand même, au retour. Or, le retour, c’est demain, et comme je l’écrivais hier, ma pensée s’arrête à aujourd’hui. Soit. Par acquis de conscience et aussi parce que j’ai bien intégré l’impermanence de la situation, vendredi, je suis donc allée surfer sur le site d’Air New Zealand. La compagnie, très bien au demeurant, qui a dû annuler par deux fois notre retour vers l’Hexagone, a transformé nos places en avoir valable 12 mois avant de remiser la plupart de ses avions au garage pour une durée indéterminée dépendant de la stratégie que le gouvernement néo-zélandais présentera publiquement le 20 avril, soit deux jours avant la fin supposée du confinement. Verdict : en avril, toujours aucun vol vers Paris ; en mai, il faut atteindre la dernière semaine pour en trouver une poignée, à des prix que nous préférerions éviter et/ou avec une/deux escale(s) dans des villes qui, pour l’heure, n’inspirent pas vraiment confiance. A l’instar de LAX, la ville où l’on se lâche, la Ville des Anges de Christa Wolf – je crâne un peu ici en faisant du placement de produit : c’est en effet l’une de mes photos qu’avait choisi Le Seuil pour la couverture de son ouvrage (1) –, Los Angeles donc. Ville fascinante, tentaculaire – même si c’est en partie contradictoire avec ce que je m’apprête à écrire –, déconcertante qui m’avait donné l’impression d’être un archipel d’îles – Santa Monica, Beverly Hills, Venice Beach, Bel Air, Little Tokyo, Downtown LA, Hollywood, Skid Row, Pacific Palissades, Montecito Heights et les autres – entourées par un océan de banlieue aux pavillons identiques obéissant à un plan hippodamien un brin soporifique pour l’adoratrice de rues biscornues que je suis.

Bref, LA, très peu pour nous, même si fin mai, c’est presque au bout du temps à l’échelle du calendrier actuel et que personne n’est en mesure de prédire dans quel état sera le monde. Mieux, espérons-le, même s’il est naïf de croire que ce sera le cas partout. Toujours est-il qu’après avoir inscrit nos critères dans un tableau croisé dynamique afin d’y voir plus clair et appuyé sur « Entrée », nous avons jeté notre dévolu sur un vol début juin passant par Singapour, l’un des pays à avoir le mieux géré la crise en s’y attaquant dès janvier. Bien entendu, personne, pas même la compagnie aérienne, ne s’aventurerait à affirmer que le vol aura bien lieu. Espérons que l’adage « Jamais deux sans trois » ne se vérifiera pas. Et si tel doit être le cas, et bien, nous trouverons une alternative. Le futur n’existant pas encore, inutile de se mettre martel en tête dès maintenant.

Je ne me mets pas d’œillères, je sais pertinemment qu’il nous faudra rentrer. Même si le choix de ce mot – « faudra » – trahit sans doute une légère frustration, a minima une forme d’indécision. Il faudrait – ah ah ! – que je puisse écrire que j’ai envie de rentrer. Mais je crois ne pas être capable de prononcer cette phrase pour le moment. C’est étrange d’ailleurs. Si je n’étais pas partie, je ne me poserais pas cette question. Ce qui n’est pas la lapalissade que l’on pourrait croire… Ce n’est pas que je ne veuille pas retrouver ma famille, mes amis, ma maison. Je ne suis simplement pas sûre de vouloir retrouver la France. Et c’est bien la première fois que je me fais cette réflexion.

De loin, avec tous les biais cognitifs que cela présuppose, en compulsant et croisant les informations véhiculées par les médias – plus connus pour leur tropisme fort pour les mauvaises nouvelles et les polémiques stériles, autant dire qu’ils sont au paradis –, celles attrapées via les réseaux sociaux – qui, dans la continuité de ce que j’évoquais précédemment sur la théorie des bulles (2), sont également biaisées car partant de moi et orientées par des algorithmes dont je ne maîtrise pas les motivations primaires et premières –, et enfin celles – les plus réconfortantes et les moins angoissées finalement, de mes proches –, difficile de se faire une idée juste. Mais c’est évidemment la dérive totalitaire, autoritaire et punitive mise en place par les instances dirigeantes à coups d’attestations, d’isodistances, de tracking, de contraventions, de peines de prison, de recommandations contradictoires, de mensonges déguisés, d’incohérences inassumées, d’infantilisation ridicule… qui me secoue et me fait douter de la France de demain… Même si la France ne se résume pas à un gouvernement, aux pouvoirs limités dans le temps, même si demain n’existe pas encore.

Sauf que si, sauf que chacun y pense tout de même, à l’après. D’un côté, les plus pessimistes – eux s’estiment sûrement réalistes – annoncent que, malheureusement, rien ne changera fondamentalement, que ce sera sûrement pire même, que la machine reprendra son rythme infernal, en premier lieu pour rattraper le temps perdu ces derniers mois – car le temps, c’est de l’argent ! De l’autre, les plus optimistes voient en cet événement mondial bouleversant l’opportunité inédite de basculer vers un monde plus juste, d’instaurer une nouvelle dynamique, de nouveaux espoirs, de repartir à zéro comme si l’on réinitialisait le système Terre-Homme – et imaginent déjà comment atteindre l’autonomie alimentaire, comment moins exploiter les ressources de la planète, comment transformer les avions en bateau… En vrai, nous ne savons pas, puisque demain n’est pas encore arrivé. Mais la vie n’étant ni noire ni blanche, il y a fort à parier que demain sera un mélange des deux. Ce qui, logiquement, signifie que les optimistes auront gagné…

(1) https://www.seuil.com/ouvrage/ville-des-anges-christa-wolf/9782021041019

(2) Pour en savoir plus, lire cet article… https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2016/08/30/comment-les-algorithmes-nous-enferment-dans-une-bulle-intellectuelle/

Share on Facebook

Straight

J’admire sincèrement ceux qui, ayant une idée derrière la tête, réussissent d’une part à l’attraper – ce qui dépend beaucoup de leur souplesse – et d’autre part à aller droit au but, sans tergiverser ni se perdre dans d’improductives circonvolutions ou se laisser distraire par les sollicitations parallèles auxquelles tous les autres succombent…

Share on Facebook

Ph(o/au)tocensure

Ph(o/au)tocensure 2

Ph(o/au)tocensure 3

Ph(o/au)tocensure 4

Conformément à cette vérité iconographique selon laquelle 1 + 1 = 3, la juxtaposition de ces quatre photographies prises en quatre lieux très éloignés les uns des autres – Berlin en Allemagne, Thuan An au Vietnam, Doha au Qatar et Quinault aux Etats-Unis – pourrait suggérer que je cherche à faire passer un message. Je vous laisserai pourtant seuls maîtres de vos propres associations d’idées pour me concentrer sur chaque image indépendamment des autres. Ce qui ne les empêche pas d’être toutes unies par une même réflexion, ou pensée, ou impression : celle, partagée, qu’il peut être difficile de faire de l’humour, ou tout simplement d’être léger, sur certains sujets dans le monde actuel, la capacité de distanciation de certains s’étant réduite comme peau de chagrin ces derniers temps. Ou encore celle que certaines images renvoient inévitablement à des événements passés dans l’inconscient collectif alors qu’elles ne s’en font absolument pas l’écho, notamment car elles ont été prises avant qu’ils ne se produisent.

« Le clou du spectacle ». C’est le titre que je serais tentée de donner à la première photographie prise au coeur de l’Eglise du Souvenir, reconstruite sur les ruines de l’ancienne, et devenue symbole de paix et de réconciliation post 2e guerre mondiale. Limite, limite, me soufflent certains.

Direction le cimetière de Thuan An coincé sur une langue de terre donnant sur la Mer de Chine, où les sépultures, posées de façon chaotique sur des dunes mouvantes, se fissurent, s’éventrent voire se font engloutir comme si elles étaient prises dans des sables mouvants. En errant entre les tombes, je découvre des bouts d’un mannequin en résine, démembré, d’abord une tête, et un peu plus loin, une jambe, et puis encore un peu plus loin, des bras, une poitrine. Et puis tout le reste dans un coin. Je recompose le corps en trois-quatre images dans ce lieu de culte où les corps se décomposent, mais différemment. Aujourd’hui, impossible de les regarder avec la neutralité voire l’amusement qui étaient miens en déclenchant : ce faux corps déchiqueté et immaculé me renvoie désormais, et certainement pour longtemps, au tragique vendredi 13 novembre.

« Pyjama party ». C’est le titre que je serais tentée de donner à cette procession blanche en dish-dash et keffieh déambulant sur le tarmac de l’aéroport de Doha le pas alerte et le coeur léger.

Et enfin, la bannière étoilée. Quiconque a déjà eu l’occasion de voyager aux Etats-Unis – à défaut, de visionner des films ou des séries américaines – sait à quel point elle est omniprésente – en toutes tailles et dans les moindres recoins du pays – et les Américains lui vouent un culte sans borne, que nous jugerions, nous Français peu friands de cette forme d’exhibition patriotique, excessif voire ringard. Oui, mais là encore, c’était avant… Car depuis quelques semaines, le drapeau tricolore, avec lequel la majorité des hexagonaux gardait une certaine distance de sécurité, n’a jamais été aussi présent – de mémoire de vivante – aux fenêtres, sur les murs (les vrais, en brique, les faux en 0 et 1), dans la rue, sur les bâtiments et partout… Un hommage, un symbole de rassemblement et d’unité certes, mais aujourd’hui, difficile de ne pas se demander, parmi ceux flottant encore au vent, combien sont ceux liés à un sentiment nationaliste et sclérosant légitimé par les dernières élections, plutôt que patriotique et ouvert sur les autres…

Ces quatre exemples me montrent à quel point l’interprétation que l’on peut faire d’une photographie est fluctuante, fugace, temporaire et varie en fonction des éléments contextuels survenus entre le temps de la prise de vue et celui du commentaire, qui, de fait, doit lui-même être idéalement daté. Ils me confirment aussi que, dans ce monde terriblement sérieux, il m’est primordial de cultiver et de partager, sans manquer de respect à qui que ce soit pour autant, ce décalage et cette dérision face aux choses de la vie, étranges ou pas…

Share on Facebook

Les voyages, c’est un peu comme une boîte de chocolats (c’est de saison !)… ou non, comme une boîte de macarons (des Pierre Hermé forcément… private joke stambouliote), quand vous plongez votre main dedans, il est difficile (impensable ?) de s’arrêter… Et sitôt ce macaron pistache cannelle de ceylan griotine avalé dont les consonances vous ont téléporté au cœur des plantations de thé de Nuwara Eliya, vous ne rêvez que d’une chose : attraper celui au thé vert matcha et croustillant au sésame noir qui vous fait de l’œil et vous conduit, en un claquement mesuré de prémolaires, dans un ryokan traditionnel de Nara… Tout cela devrait vous combler, vous satisfaire, vous rassasier, au moins pour un temps ! Que nenni ! A peine la dernière miette de votre macaron Imagine (c’est son nom ! Un indice en soi(e)) disparue, à peine votre main reposée sur votre table de toujours, à peine votre raison reprend-elle le dessus sur votre gourmandise qu’une seule envie vous chatouille : sentir la fraîcheur d’un fruit de la passion mêlée à la douceur d’un chocolat au lait (les amateurs le reconnaîtront) vous glisser sur les papilles et entendre un air de samba brésilienne…

Share on Facebook

La fin des vacances, c’est quand on troque les tongs dans lesquelles on a glissé ses pieds pendant 15 jours pour des chaussures fermées ; la fin des vacances, c’est quand on se met à penser à la façon dont on va organiser sa première journée de travail ; la fin des vacances, c’est quand on remise sa petite robe au fin fond du placard en lui disant « à l’année prochaine ! » ; la fin des vacances, c’est quand on s’interroge sur la température qu’il fait là où on vit en pensant, à tort, qu’il y fera forcément un sale temps ; la fin des vacances, c’est quand on commence à regarder un coucher de soleil depuis la route avec une vraie nostalgie ; la fin des vacances, c’est quand on se dépêche d’écrire les cartes postales achetées en début de séjour alors que l’on pensait avoir le temps ; la fin des vacances, c’est justement quand on se dit que le temps a passé vite ; la fin des vacances, c’est quand on se met en tête de prendre de bonnes résolutions, un peu comme au passage de la nouvelle année – au retour, je prends un abonnement à la piscine ! – ; la fin des vacances, c’est quand on fait le tour des pièces qui nous ont accueillis les bras ouverts en vérifiant que l’on n’y a rien oublié (en particulier sous le lit, même si, en soi, cette attention est un acte étrange supposant que des objets placés sur des fauteuils, des bancs, des meubles peuvent non seulement se déplacer mais en plus se cacher) ; la fin des vacances, c’est quand on se remémore ses précédentes vacances en se disant : « c’est bien, quand même, les vacances » (ce qui sous-entend que, pendant l’année, on l’oublie presque) ; la fin des vacances, c’est quand on écrit un texte sur la fin des vacances à l’aéroport en attendant d’embarquer avec une heure de retard parce que c’est comme ça et que ça fait durer le plaisir… Bref, la fin des vacances, c’est nul !

Share on Facebook

Top, c’est parti ! Je suis le premier à vous souhaiter la bienvenue lorsque vous arrivez dans un tout nouveau pays, après deux ou dix-huit heures de voyage, que vous soyez pétillant ou exténué ! Je sais à la seconde où vous m’utilisez que vous avez franchi une nouvelle frontière ! Je fais en sorte que vous ne perdiez pas le fil, que vous ne soyez jamais déconnecté du reste du monde, de votre famille, de vos amis. Je suis transparent avec vous sur ce qui vous attend en ces terres éloignées. Je suis ? Je suis ? Votre opérateur téléphonique ! Qui vous rappelle, l’air de rien, combien il vous faudra débourser pour appeler depuis Tombouctou, Djakarta ou Buenos Aires. Merci à vous de penser autant à nous…

Share on Facebook

Share on Facebook

Share on Facebook

… L’excitation préfigurant la découverte d’un ailleurs inconnu et plein de promesses. Je hais les départs en vacances ! Ce stress qui les précèdent malgré les planifications, les anticipations et les ablutions. J’adore les départs en vacances ! Regarder le temps qu’il fait là-bas, se réjouir des températures estivales qu’il y règne et faire remonter à la surface son maillot de bain ou ses chemises à manches courtes… Je déteste les départs en vacances ! Et cet enchaînement d’actions incontournables, tel un rite initiatique : clore les dossiers à la va-vite pour partir l’esprit libre, finir les restes dans le frigidaire pour ne pas gâcher, mettre un peu d’ordre chez soi pour une raison absurde puisque personne n’en profitera, vider les poubelles pour éviter l’asphyxie au retour, arroser les plantes pour qu’elles survivent à notre absence, prier pour les poissons rouges qui heureusement auront tout oublié dans 3 secondes et 42 centièmes. J’adore les départs en vacances ! Se plonger dans les guides, surligner les lieux à ne surtout pas omettre, s’imprégner de la culture, se programmer quelques journées précisément… Je déteste les départs en vacances ! Ces dernières minutes où l’on se repasse sa valise en accéléré en étant persuadé d’avoir oublié quelque chose d’important puis, le départ approchant, en relativisant : « t’as ton passeport, ton billet et une carte de crédit, c’est le principal ! »… Où l’on ferme la porte à clé que l’on range bien au fond du sac, où l’on court inutilement après un bus dont l’arrêt a été déplacé pour cause de travaux, que ce dernier se trouve immobilisé plusieurs minutes interminables car un chauffeur de camion a décidé, justement ce jour-là où l’on a un avion à prendre, d’essayer de passer sous un pont trop bas pour lui ! J’adore les départs en vacances ! Lorsque l’on arrive à l’aéroport, puis au comptoir de la compagnie aérienne, que l’on se déleste de nos sacs forcément trop remplis, que l’on nous délivre notre carte d’embarquement en nous souhaitant « bon voyage » et que l’on se pose enfin en attendant le décollage… La pression retombe, le présent s’efface, et si le corps est encore là, la tête est déjà ailleurs…

Share on Facebook

Certains se cachent, des heures durant, derrière des buissons en espérant qu’un cerf traverse majestueusement la plaine verdoyante arrosée par le soleil. Et souvent, au moment où ils renoncent et plient bagage, alors même qu’ils ont démonté leur matériel, le cerf apparaît et les toise, comme s’il avait lui-même patienté derrière un buisson jusqu’à ce que ses pacifiques observateurs ne se lassent… Il est des endroits où, à quelque heure de la journée que ce soit, le spectacle se joue devant nous, sans facétie. Comme là, à la sortie des arrivées d’un aéroport !

Côté extérieur, il y a ceux qui viennent avec un bouquet de fleurs, une fleur unique ou une grappe de ballons colorés ; il y a les fébriles, près des barrières, qui lancent leur regard le plus loin possible dans le couloir pour apercevoir les leurs un peu plus tôt, ; il y a ceux qui tapotent leur téléphone toutes les 10 secondes en espérant un signe de vie avant le signe de vue ; il y a ceux qui ne connaissent pas ceux qu’ils vont chercher et qui brandissent une petite affiche devant eux ; il y a ceux qui  ne peuvent attendre dans le silence et s’interrogent sur la tenue, les bagages, l’humeur de ceux qu’ils vont accueillir ; il y a ceux qui vont d’une sortie à l’autre et qui se disent qu’ils auraient dû se donner un rendez-vous plus précis… Côté intérieur, il y a ceux qui n’espèrent personne et qui filent droit sans jeter un œil à toutes ces âmes en attente ; et puis il y a ceux qui se savent attendus et qui cherchent, dans le magma humain impatient, un visage amical, amoureux, familial…

Le plus beau est évidemment quand les regards se croisent enfin, que les sourires illuminent les visages, que les petits sautent de joie et se mettent à courir en direction de leur père, mère, oncle, tante, que les bras se tendent et s’ouvrent à l’autre, que des petits cris de bonheur s’échappent de certains, que les premiers baisers et/ou mots s’échangent, que quelques larmes perlent sur les joues… Un bonheur simple, euphorisant et universel d’une forte intensité qui dure de quelques secondes à quelques minutes. Le petit groupe, discrètement observé par ceux qui attendent leur tour, abandonne alors la scène pour des échanges moins publics. Et à peine sorti du champ, il est remplacé par d’autres accolades, instillant à nouveau dans l’assemblée une telle plénitude que cela devrait être prescrit à tout être qui bat de l’aile…

Share on Facebook