Photo-graphies et un peu plus…

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Vous propose-t-on, à vous aussi, lorsque vous naviguez sur Internet, des publicités pour des masques en tous genres, chirurgicaux, à deux plis, ffp3, antipoussière avec soupape, à visière – même teintée, pour voir la vie en rose peut-être –, ffp2, à usage unique, en tissu lavable, afnor, en tissu homologué, en wax ? Je n’ai jamais été aussi au fait de l’étendue de l’offre de masques ! Et j’imagine bientôt la récupération : « Ce masque bien sous tout rapport vous a été offert par Seforhein ! » ou « Pour deux tablettes de chocolat Côte d’Argent achetées, un masque comestible offert ! ». Je vous l’accorde, cela ne vous protègerait pas réellement – ni les autres –, mais ce serait amusant. Un peu comme de manger une glace en plein été !
Qui a salivé en pensant au chocolat ? Je vérifie simplement un point sur les neurones miroirs que j’avais mentionné il y a quelques jours ou semaines, je ne sais plus, en évoquant le bon pâté du Périgord planqué au fond de la dernière étagère de mon placard que je me ferais un plaisir d’ouvrir en rentrant. Si vous voulez tout savoir, comme le lance Sally à Harry lors de leur trajet Chicago-New York, et bien, nous l’avons ouverte. D’ailleurs, je vais me chercher un morceau de chocolat.

Ah, et sinon, je viens de visualiser le masque que pourrait proposer la marque au swoosh, la virgule à la hauteur de la bouche – pour un sourire permanent, de biais, mais sincère… je suggère, de ce fait, une mutualisation des coûts avec UltraDark – et un nouveau slogan pour l’occasion : « Just keep it! ». A ne pas confondre avec « Just skip it » – « Passez votre chemin » –, en s’associant avec une marque de lessive, qui pourrait cependant avoir du sens dans une perspective de généralisation à long terme de distanciation sociale.

A ce propos, je m’étonnais l’autre jour que mon smartphone se soit aussi rapidement adapté à la situation en me proposant d’emblée, lorsque je compose mes messages, les mots pandémie, coronavirus, confinement, autorisation spéciale d’absence, télétravail, covid-19, apocalypse, chloroquine, rapatriement, dystopie, ambassade (pas de lien de causalité entre ce mot et le précédent), lockdown (parce que j’ai pris le tic de mélanger français et anglais dans certains de mes messages… non, c’est pas vrai), déconfinement, quarantaine, masque, attestation de déplacement dérogatoire, nouvel ordre, nouveau monde, l’après… D’ailleurs, j’attends avec impatience l’édition du Petit Robert 2021 dans lequel vont certainement débarquer d’autres nouveaux mots et néologismes – dans les faits, tous ne le sont pas, mais ils prenaient sérieusement la poussière en pages 264, 517 et 810, ou alors n’étaient utilisés que par une faible proportion de la population, une niche comme on dit – nés de l’imagination et de la créativité prolifique des confinés en temps de pandémie : comorbidité, Sars-coV-2, période d’incubation, gestes barrières, Whatsappero, clapping, coronabdos, lundimanche, confifi, confiner, covidéprimer, zoomer, covidiot, désinfox, cluster, quatorzaine, immunité collective, corona-sceptique… Je ne sais pas comment cela se passe dans le monde des mots, s’ils sont tous là, à vouloir se hisser sur la couverture solide du dictionnaire en levant la première lettre, car ils sont bien élevés : « Moi ! Moi ! Moi ! Je veux me rendre utile ! Je veux aider les humains à s’exprimer de façon juste en cette période si complexe ! » « Qui es-tu toi, j’ai du mal à te lire, tu es très grand ? » lui lance le Gardien des Mots, qui décide également des entrées et des sorties. « Asymptomatique Maître ! » « Ah ! Tu as bien raison, ils vont avoir besoin de toi ! Mais souviens-toi que tu rassureras autant que tu effraieras ! Bon, tu es prêt, je te déconfine ! Va, vis et deviens ! »… Quelques heures plus tard en lançant une recherche sur le mot libéré, rayon Actus. 22400 occurrences : « L’énigme des personnes asymptomatiques », « Environ 25% des personnes infectées seraient asymptomatiques », « Ces asymptomatiques qui vous entourent », « Les personnes asymptomatiques seraient aussi contagieuses que les autres », « Quatre infections sur 5 seraient asymptomatiques selon une étude »… Ce qui, je suis d’accord, n’est pas compatible avec un titre précédent tablant plutôt sur 1 cas sur 4. Mais sommes-nous réellement à une contradiction près ?

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Danger substanciel

Un nouveau venu du côté des néophotologismes… Comme son nom l’indique, le danger substanciel est un danger venu du ciel – par avion par exemple – sous forme d’une substance – ici, un spray d’ADN – qui menace substantiellement notre intégrité d’être humain et qu’il faut donc fuir en courant avant qu’il ne nous atteigne et ne nous change à jamais. Evidemment, cela suscite un certain nombre d’interrogations à la fois scientifique, technique, philosophique, physiologique, biologique, génétique et tous les autres mots en -ique…

Tout d’abord, comment a-t-on réussi à transformer l’ADN en un liquide pulvérisable ? Quelle couleur ou quelle odeur a un spray d’ADN ou en tout cas, comment le repérer quand on se promène nonchalamment, l’air de rien ? Et à qui cet ADN appartient-il exactement ? Personnellement, si on me pulvérise de l’ADN de génie, genre Einstein par exemple, si tant est que l’on puisse corréler personnalité et ADN, je ne bouge absolument pas : j’absorbe, j’encaisse, je m’offre entièrement à lui ! Le fait que l’on nous exhorte à fuir n’est de fait pas très bon signe… et invite à se poser une autre question : qui envoie cet ADN là ? A quelles fins ? Et qui nous prévient du danger ?

Enfin, une fois touché par cet ADN alien, que devient-on ? Un mutant ? Comment réussit-il à s’intégrer à notre propre génome ? Ce dernier est-il en mesure de résister ? Au bout de combien de temps des modifications apparaissent-elles ? Sont-elles uniquement comportementales ? Ou peuvent-elles être physiques ? Et, surtout, sont-elles irréversibles ? Redevenons-nous nous-même après avoir essuyé les assauts abêtissants d’un spray d’ADN ? Etre ou ne plus être soi-même, telle est la question !

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Henri

Regarder cette image provoque en moi la même réaction qu’entendre ou lire le nom de Henri Poincaré. Pas Raymond, bien que, dans les faits, cela revienne au même. Question de culture et d’affinités personnelles. Et en réalité, Raymond ou Henri, peu importe. C’est Poincaré qui m’interpelle. A ce détail de taille près qu’Henri était mathématicien – et physicien, et philosophe et ingénieur également selon la devise dix-neuviémiste vaguement célèbre : qui peut le plus peut plus encore – et que Poincaré pour un mathématicien, c’est cocasse cocasse, cocasse au carré donc. Un peu comme un ophtalmologiste qui s’appellerait Le Borgne par exemple. Il se peut d’ailleurs que ce patronyme sibyllin soit en partie à l’origine de sa vocation. Personnellement, cela aurait titillé ma curiosité.

Toujours est-il que je ne peux pas m’empêcher d’essayer, en vain, de dessiner un point carré dès lors que j’entends ou lis ce nom. Or, c’est impossible. Testez pour voir : prenez votre plus belle plume, votre crayon HB ou votre stylet et dessinez-moi un point ? Alors ? Il est rond, n’est-ce pas ? Un point est naturellement rond, d’où le rond point, expression tautologique par excellence communément utilisée lorsque l’on est au volant : « Vous prenez le point, vous prenez le rond, vous prenez le rond-point ! ». Poincaré est-il un oxymore fusionnel pour autant ?

Et quid, alors, de ce « Sammelpunkt », « Point de rassemblement » pour nous ? Et pourquoi se retrouve-t-il dans un panneau carré ? Il n’y a absolument aucune logique dans ce choix. Et si ce panneau semble indiquer un endroit où se réunir, en l’état, point de rassemblement en effet. Nada, que dalle, nichts. Personne ! (Mot trouble brandi à la fois pour signaler la présence d’êtres humains – il y a 13 personnes à table – mais aussi leur absence – il n’y a personne à table. Bref, personne donc. Les nouvelles vont bien vite, s’exclamerait le chat de Geluck tandis que celui de Schrödinger chercherait encore à donner au point une double forme ronde et carrée simultanément…

Que faut-il comprendre alors ? Que les rassemblements sont interdits au pied de ce panneau ? « Point de rassemblement ici ! » Ou, au contraire, qu’ils y sont attendus. Se pose alors la question de la pertinence du recours au mot « point » quand on sait que c’est « le plus petit élément constitutif de l’espace géométrique, c’est-à-dire un lieu au sein duquel on ne peut distinguer aucun autre lieu que lui-même ». Il n’a donc aucune largeur ni épaisseur ni longueur ni dimension. Un point est un point, un point c’est tout, même si tout le reste – les ronds, les carrés, les sphères, les polyèdres réguliers, les pentadécagones, les érables, les pâquerettes, les briques, les huttes, les chèvres, les araignées, les clémentines, les biscuits et même les vieillards – n’est finalement qu’un ensemble de points agglomérés et collés les uns à côté des autres. Comment donc des personnes – celles de la présence -, même schématiquement incarnées, pourraient-elles se retrouver sur un unique point, fût-il de rassemblement ? Ce modeste panneau est bien plus énigmatique qu’il n’y paraît…

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Contrainte forte

Le panneau est on ne peut plus clair : ne peuvent monter dans ces taxis jaunes que des hommes chauves arrivant de profil à la portière. En plus d’être contraignant, c’est très sexiste et discriminatoire !

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L'art de rien

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Vous comprendrez, j’espère, que cet endroit doive rester secret… On se transmet son emplacement exact de génération en génération, et, un peu comme avec les astrophysiciens, il faut qu’un membre du groupe trépasse pour pouvoir en introniser un nouveau. C’est que ce qui s’échange là, à l’abri des regards et en silence, est extrêmement précieux. Le luxe ultime pour certains !

En journée ou en pleine nuit, peu importe, c’est ouvert 24h/24, deux populations se croisent derrière ce mur de crépis blanc cassé : ceux qui s’ennuient, qui ne savent que faire de leur temps, qui estiment en avoir trop et qui préféreraient que les journées soient plus courtes, et ceux, au contraire, qui n’arrêtent pas de courir après lui, qui n’en ont jamais assez pour accomplir tout ce qu’ils ont prévu, qui vivent d’optimisation et de frustration, et qui rêveraient de journées plus longues. Ainsi les premiers s’y rendent-ils régulièrement pour déposer une minute de leur temps – pas plus de 8 fois par jour – que les seconds s’empressent de récupérer – pas plus de 8 fois par jour également.

Vous me direz qu’avec une minute par ci, une minute par là, on ne va pas très loin. Ce à quoi je vous répondrais : détrompez-vous ! Car il y a en fait deux écoles chez les récupérateurs de temps : les cigales, autrement dit, ceux qui sont incapables de thésauriser et qui utilisent leurs minutes dès qu’ils les obtiennent comme si elles leur brûlaient les doigts, et les fourmis, qui, jour après jour, les mettent de côté, un peu comme un compte épargne temps classique, et qui, au bout d’un certain laps de temps, se retrouvent avec un, deux, trois jours, une semaine de plus, cagnotte dans laquelle ils ponctionnent en cas d’urgence, atteignant ainsi une sérénité remarquable.

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De façon générale et quasi universelle, les panneaux de signalisation ont, par définition, pour fonction d’indiquer, je dirais même plus, de signaler, la proximité ou l’entrée d’un site : une ville, un parc, une aire d’autoroute, une gare, une forêt, un musée, un hôpital, une grotte, un département, une réserve naturelle… En somme, quelque chose de concret, de solide, de palpable, de réel. Pourvu d’un contenu, des immeubles des gens, des arbres des fleurs, des voitures des toilettes, des trains des passagers, des arbres des animaux, des tableaux des gardiens, des malades des soignants, des insectes des stalactites, des villes des champs, des girafes des éléphants… Je trouve donc plutôt réjouissant et puissant que, une fois n’est pas coutume, un tel panneau se fasse non pas l’écho de ce qui existe mais de ce qui n’existe pas : une ligne purement imaginaire, située dans un désert qui plus est ! Prenons-en de la graine et allons planter, dans nos contrées un peu trop conventionnelles, les marques de nos rêves et utopies !

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