Photo-graphies et un peu plus…

Zikéchairdepoule

Les mécanismes « réflexe » de notre corps ont toujours quelque chose d’un peu bouleversant car, d’une certaine manière, ils outrepassent notre conscience. Même si, a posteriori, on peut comprendre les raisons pour lesquelles ils se sont déclenchés, à l’instant t, ils demeurent inattendus. Ainsi en est-il de la très classe « chair de poule », réaction – réflexe donc – du corps face à certains stimuli, classiquement le froid – comme ici -, ou une émotion forte – la peur, le plaisir, la jouissance… Face à de telles situations, une batterie de muscles horripilateurs reliant poils et peau se contractent, entraînant, dans la foulée, trois réactions en chaîne : des micro-bosses à la surface de la peau, des poils dressés et une fine couche d’air isolante destinée, originellement, à réguler la température de notre corps très attaché à ses 37°C (quelle sophistication au passage !). Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’avoir froid pour avoir la chair de poule, une émotion forte ressentie alors que la température extérieure est de 39°C pouvant également déclencher un épisode de piloérection. La faute à notre cerveau et à notre hypothalamus, stimulés de façon similaire dans les deux cas !

Oh, le long et strident crissement de craie sur un tableau en ardoise ! Le simple fait d’y penser – quelle complexité à nouveau ! – provoque une décharge rayonnant le long de ma colonne vertébrale jusqu’à titiller les muscles horripilateurs de mes bras (j’adore découvrir de nouveaux mots impossibles à placer dans une conversation !). Une émotion forte ? J’en doute ! Même écho cutané face aux émotions collectives : quand, tout d’un coup, de parfaits inconnus partageant un même événement se retrouvent dans un geste unique, qui en devient extrêmement puissant. Là, c’est une émotion forte positive. Voire euphorique.

Cela peut se produire à l’occasion d’un concert par exemple, quand le public se met à chanter en chœur, ou quand arrive enfin le tour de notre chanson préférée et qu’on la reconnaît dès les premières mesures. Se produit alors le même phénomène qu’avec la craie crissant lentement sur le tableau noir (oui, je le fais exprès : craie, craie, craie !) : l’émotion – ici, de plaisir – est anticipée. Et rebelote pour nos muscles horripilateurs, décidément très sollicités ce soir. C’est là le fruit d’une délicate et subtile mécanique interne mise au jour par une équipe de chercheurs canadiens et convoquant, pêle-mêle, décharge de dopamine – un neurotransmetteur impliqué, entre autres, dans l’humeur et jouant un rôle central dans la dépendance (à la drogue oui, mais aussi au chocolat) et le renforcement positif (schématiquement : reproduire ce qui nous fait plaisir) -, circuit de la récompense  (désir – action – satisfaction) et neurones du striatum (en mode reconnaissance).

Pour aboutir à cette conclusion – l’anticipation d’un intense plaisir produit par la musique déclenche une décharge de dopamine, laquelle est elle-même liée à la dépendance donc, ce qui expliquerait peut-être pourquoi nous sommes capables d’écouter des heures, et des jours, et des semaines, la même musique sans nous lasser pour autant -, les chercheurs ont fait écouter à leurs cobayes PETscannés et IRMf-isés des titres qu’ils avaient eux-mêmes choisis pour leur donner la chair de poule. J’ai testé pour vous (j’espère que vous louerez mon degré d’investissement pour ce duo) et ai donc écouté tous les morceaux proposés dont je connaissais la plupart. Malheureusement, pas de sursaut émotionnel pileux… Et voilà qu’hier matin, j’ai écouté ça

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L'imprécis

Ne trouvez-vous pas que le désert porte bien mal son nom ? Car le désert, celui-là – avec ses reliefs amovibles, ses ondulations charmeuses, ses dunes enchantées, ses crêtes volatiles, sa houle sèche, ses empreintes chargées, sa végétation héroïque – est tout sauf désert. Il est simplement plein d’une vie différente.

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Collectionneur par procuration

A en croire mes étagères, l’éléphant est mon animal préféré. En tout cas, il semble se passer quelque chose entre lui et moi. Enfin, entendons-nous bien, si je suis unique, il n’en est rien de l’éléphant, ce qui rend assez puérile cette annonce selon laquelle l’éléphant serait mon animal préféré. Car, d’une part, je ne suis pas familière avec tous les animaux peuplant cette planète – et il serait donc plus correct d’indiquer que l’éléphant est mon animal préféré parmi ceux que j’ai déjà eu l’opportunité de croiser -, et d’autre part, je ne connais pas tous les éléphants sur Terre, même si leur nombre a dramatiquement baissé, permettant alors une telle généralisation.

A en croire mes étagères, je collectionne les éléphants. Les petits, les moyens, les grands – toutes proportions immobilières parisiennes gardées -, les éléphants d’Asie – à petites oreilles -, les éléphants d’Afrique – à grandes oreilles -, les éléphants en bois, en pierre, en tissu, en terre, et même en métal, les éléphants unis, les éléphants peints, les éléphants gris et les roses aussi. Je ne sais plus trop comment j’en suis arrivée là. En réalité, je le sais parfaitement. Un jour, je suis allée au Sri Lanka, j’ai visité une nurserie d’éléphants, j’ai acheté une petite sculpture d’éléphant que j’ai, en rentrant, posée sur une étagère. Plus tard, je suis allée au Kenya et j’ai fait de même. Et puis, j’ai reçu des amis chez moi. Ils ont remarqué les deux éléphants sur l’étagère et ont décrété que c’était une collection. Et qu’il fallait l’alimenter. Ils m’en ont donc ramené un de leur propre voyage aux antipodes. Que j’ai mis à côté des autres, sur l’étagère. Cela partait d’une bonne intention. Je ne leur en veux plus. Puis, d’autres amis sont venus. Et ont vu les trois éléphants sur l’étagère, et ont pensé, intérieurement, que je les collectionnais. Et le jour où il leur a fallu me trouver un cadeau, ils ont repensé aux trois éléphants – une image furtive, comme une bulle de BD, est apparue au-dessus de leur tête et ils se sont crus sauvés -. Ils m’en ont offert un quatrième. Et ainsi de suite, jusqu’au 18e… Avez-vous remarqué que ce sont souvent les autres qui font de vous un collectionneur alors que cela n’était pas dans vos intentions ?

Bref. Un jour, je suis allée en Namibie, et comme il y avait des éléphants et que j’avais fini par croire que je collectionnais les éléphants, j’ai fait des photos d’éléphants. Pour diversifier les supports. En tant que collectionneuse d’éléphants, cela me semblait totalement logique et sensé. Je ne me suis même pas posée la question. J’ai foncé tête baissée. Mais aujourd’hui, je lance un appel : quelqu’un aurait-il la bonté de m’offrir un éléphant de mer pour semer la zizanie dans ma réserve et rompre le cycle pachydermique ?

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Le rituel

Longer la plage dans un sens, puis, arrivés au ponton, là où l’on ne peut plus avancer, marquer un bref temps d’arrêt, se retourner, et l’arpenter dans l’autre sens, avec la même concentration, la même tête baissée, jetant parfois des regards absents d’un côté vers la ville, de l’autre vers l’horizon, jusqu’à ce que la digue ne bloque le passage et n’oblige soit à l’enjamber pour poursuivre – mais ce serait comme sortir du cadre – soit à faire demi-tour à nouveau – et ce serait bien plus simple. Une promenade sur la plage s’apparente parfois aux longueurs enchaînées mécaniquement dans une piscine de laquelle on ressort groggy mais rasséréné.

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Tomber dessus

Il est des cimetières que l’on n’oublie pas. Celui de Bonifacio, arpenté pour la première fois il y a quasiment 20 ans et instantanément adopté, en fait partie. Grâce à son emplacement : posé sur un plateau à la pointe sud de la ville, il surplombe majestueusement la bleue Méditerranée dansant à ses pieds. Grâce à ses tombeaux mitoyens également : d’un blanc pur et joyeux qui font de ce cimetière marin un espace harmonieux gorgé de lumière où la tragédie de la mort semble presque accessoire. A l’issue de notre seconde rencontre, j’ajouterai désormais : grâce à ses  sombres ombres. Qui, par l’entremise remarquée du soleil, viennent sublimement habiller et habiter ses bas fonds, et ainsi rendre l’invisible visible : une croix manque…

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Vieux couple

Mêmes pattes fines et allongées, mêmes faces blanchies et plissées, mêmes postures légèrement de guingois en partie liées à l’inclinaison de la rue, mêmes fatigues sur les épaules, mêmes lassitudes dans les regards, mêmes classes un peu surannées… Pour sûr, ces deux-là ont fait un bout de chemin ensemble…

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Le mur des végétations

Inutile de vous racler la gorge, il ne s’agit pas d’elle. Mais de cet enchevêtrement inextricable de branches, de lianes, de troncs, de feuilles, d’arbres, de cette nature sauvage décomplexée, de cette forêt tropicale impénétrable et mystérieuse, de cette nébuleuse végétale envoûtante, si recroquevillée sur elle-même que même les sons semblent ne pouvoir s’en échapper. Comme dans l’espace, où personne ne nous entendrait crier…

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L'improbable rencontre

Je me souviendrai toute ma vie de cette plage. Elle correspond en effet à ce que l’on qualifie communément de « paradis sur Terre ». Certes, la notion conserve encore tout son mystère (et a d’ailleurs déjà fait l’objet d’un questionnement dans ces pages), mais vous conviendrez aisément que cette vue est plutôt plaisante. Se baigner dans ses eaux turquoises et mouvementées est par ailleurs interdit. Manifestement, le panneau, planté juste à l’entrée de la plage, n’a absolument aucune autorité sur les visiteurs, incapables de résister à l’appel – qui le pourrait ? – des déferlantes du mal nommé Pacifique. Ce n’est toutefois pas pour ces deux raisons que cette plage restera à jamais gravée dans ma mémoire.

En descendant vers l’eau, dans un état de quasi hypnose, mes pas ont croisé ceux d’un couple qui en sortait. Nos regards ont rapidement suivi. Retour au monde réel en un clin d’oeil quand bien même ce qui suit est totalement irréel. Large sourire de part et d’autre. J’ai fait la connaissance de ce couple – des français en vadrouille – la semaine précédente, sur une autre île de l’archipel hawaïen. Certes, nous savions les uns et les autres que nous serions à nouveau sur le même bout de terre pendant 2-3 jours mais nous n’avions pas, comme cela se fait parfois entre voyageurs, convenu de nous y retrouver.

La probabilité de se revoir était donc relativement faible. Laissez-moi vous énumérer toutes les conditions qu’il a fallu réunir – par qui, je ne sais pas – pour que cela se produise : être sur la même île au même moment ; avoir décidé de se rendre sur cette plage, assez isolée, de Kauaï, sans s’être concertés ; se trouver sur cette plage isolée de Kauaï à la même heure ; se trouver sur la même portion de cette plage isolée de Kauaï somme toute assez longue ; se croiser sur cette portion de plage isolée de Kauaï somme toute assez longue, c’est-à-dire s’éloigner de l’océan pour les uns et s’en approcher pour les autres en suivant des trajectoires strictement identiques ; lever la tête à ce moment-là. Se reconnaître. Et s’extasier des hasards de la vie.

L’histoire ne s’arrête pas là. Le lendemain, le même trek est au programme de la journée. Mais à nouveau, ce n’est qu’une information partagée. Pas une invitation à le faire ensemble. Les horaires ne sont pas compatibles. Et pourtant, en fin d’après-midi, nous nous recroisons à nouveau, sur le bord de la route, après nos marches respectives. Nous avons alors estimé, après une fulgurante concertation, que le maître des conditions convergentes nous envoyait un signe. Auquel nous avons répondu en nous donnant rendez-vous, le soir même, pour un verre de l’amitié. Figurez-vous qu’en discutant de tout et de rien, et surtout de ce qui nous avait conduits ici, là, maintenant, nous avons réalisé que nous avions une connaissance commune : lui avait fait un stage avec le meilleur ami du fils de mes parents – mon frère oui – que, bien sûr, je connaissais. Si la rencontre sur la plage était déjà exceptionnelle, imaginez un peu ce que nous avons ressenti en mettant au jour cette connexion ! Ce jour-là, j’ai temporairement cru au destin ! Car, enfin, quelle est réellement la probabilité de rencontrer, par deux fois, quelqu’un que l’on ne connaît pas – et que l’on connaît sans le connaître à l’issue de la première fois – qui connaît quelqu’un que l’on connaît, le tout, à l’autre bout du monde ? Apparemment, elle n’est pas nulle ! Et c’est tout simplement époustouflant !

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ça bulle !

Cette situation a le goût des petits bonbons acidulés offerts par certains restaurateurs après un repas : une sucrerie, souvent superflue, que l’on attrape et glisse dans sa bouche avec la culpabilité d’un pickpocket débutant. Plus clairement, une dame dans un pot de yaourt à la fraise en pleine conversation téléphonique et arrêtée juste devant un trio de gendarmes préférant mater ailleurs… C’est bête mais la cocasserie m’arrache un sourire… Qui, comme un baiser, est une gourmandise qui ne fait pas grossir. Ainsi parlait Marilyn Monroe.

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L'équilibriste

Il y a toujours un doute avec une image fixe… On ne sait pas ce qui s’est passé avant que son cœur ne se mette à battre ni ce qu’il adviendra de ce et de ceux qui la composent après, une fois l’attention du capteur de présent aimantée, légitimement ou pas, par autre chose. Ou plus trivialement, une fois le viseur baissé. Continue-t-elle à vivre, à l’abri des regards partageurs, à poursuivre sa route comme si de rien était ? A vrai dire, pourquoi en serait-il autrement ?

Et qu’en est-il alors de cet homme qui joue insolemment les équilibristes entre un début et une fin invisibles dont on ne sait s’ils sont loin ou proches, et fait ainsi frissonner de terreur tous ceux qui l’aperçoivent, depuis la terre ferme, chancelant sur sa poutrelle métallique ? Est-il arrivé là facilement ? Péniblement ? A l’image de ce que suggère ce geste figé un peu gauche ? Et surtout, que s’est-il passé l’instant d’après ? A-t-il vacillé ? S’est-il ressaisi ? Peut-être accroupi pour se recentrer et repartir d’un bon pied ? Aurait-il pu basculer et se rattraper miraculeusement à la barre avec ses bras, soulevant cris et émoi dans l’assemblée spectatrice ? Ou, de façon plus optimiste, a-t-il réussi à joindre l’autre rive sans encombre et sous les applaudissements ?

Rien de tout cela en vérité car il n’a absolument pas bougé d’un iota. Ni avant que son cœur ne se mette à battre ni après que tous ceux ayant cru en son existence et ayant naïvement eu peur pour lui, ne se soient rendus compte de la supercherie. Car l’équilibriste n’était qu’un artifice, un pantin stoppé dans son élan, une émotion incroyablement réelle suspendue dans le temps, finalement, un déséquilibre éternel.

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