Photo-graphies et un peu plus…

L'équilibriste

Il y a toujours un doute avec une image fixe… On ne sait pas ce qui s’est passé avant que son cœur ne se mette à battre ni ce qu’il adviendra de ce et de ceux qui la composent après, une fois l’attention du capteur de présent aimantée, légitimement ou pas, par autre chose. Ou plus trivialement, une fois le viseur baissé. Continue-t-elle à vivre, à l’abri des regards partageurs, à poursuivre sa route comme si de rien était ? A vrai dire, pourquoi en serait-il autrement ?

Et qu’en est-il alors de cet homme qui joue insolemment les équilibristes entre un début et une fin invisibles dont on ne sait s’ils sont loin ou proches, et fait ainsi frissonner de terreur tous ceux qui l’aperçoivent, depuis la terre ferme, chancelant sur sa poutrelle métallique ? Est-il arrivé là facilement ? Péniblement ? A l’image de ce que suggère ce geste figé un peu gauche ? Et surtout, que s’est-il passé l’instant d’après ? A-t-il vacillé ? S’est-il ressaisi ? Peut-être accroupi pour se recentrer et repartir d’un bon pied ? Aurait-il pu basculer et se rattraper miraculeusement à la barre avec ses bras, soulevant cris et émoi dans l’assemblée spectatrice ? Ou, de façon plus optimiste, a-t-il réussi à joindre l’autre rive sans encombre et sous les applaudissements ?

Rien de tout cela en vérité car il n’a absolument pas bougé d’un iota. Ni avant que son cœur ne se mette à battre ni après que tous ceux ayant cru en son existence et ayant naïvement eu peur pour lui, ne se soient rendus compte de la supercherie. Car l’équilibriste n’était qu’un artifice, un pantin stoppé dans son élan, une émotion incroyablement réelle suspendue dans le temps, finalement, un déséquilibre éternel.

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Photophobie radicale

Le négatif a, curieusement, une âme de vampire : il vénère l’ombre de sa cartouche opaque et le dos bien hermétique d’un appareil photo ; en toute logique, il ne supporte pas la lumière, directe ou pas, et se consume irréversiblement à son contact… Aussi, lorsque, par accident ou mégarde – une erreur de manipulation, un choc brutal… -, celle-ci réussit à se faufiler jusqu’à lui à une vitesse telle que toute réaction humaine est malheureusement vaine, toutes les formes, toutes les histoires, tous les regards, tous les événements qu’il a au préalable pu capter – de la lumière, pourtant – se teintent d’un rouge-orange vif avant de disparaître pour toujours comme s’ils n’avaient jamais existé et que le monde s’arrêtait là, net…

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