Photo-graphies et un peu plus…

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Cela vous est déjà forcément arrivé… Soit d’être totalement coincé dans votre voiture au milieu d’un embouteillage monstre et malheureusement quotidien, à pester dans votre cage et à envier, tout en les détestant, les gens marchant sans entrave sur les trottoirs adjacents (« pfffff ! mais pourquoi, mais pourquoi, mais pourquoi ? ») ; soit, au contraire, d’être l’une de ces personnes marchant librement sur les trottoirs adjacents à regarder les automobilistes inertes avec un mélange de pitié et de basse satisfaction (« Vous n’avez qu’à marcher, prendre le vélo ou les transports en commun ! »)…

Certains piétons – enfin, peut-être n’est-ce l’initiative que d’une seule et unique personne ? – ont poussé le vice un peu plus loin en prenant le temps de tricoter ces quelques lettres et en accrochant ce message gentiment moqueur sur les grilles d’un parc longé par une rue systématiquement congestionnée… Une bonne blague pour les arpenteurs de trottoir, modérément appréciée par ceux coincés derrière leur volant. Et, pour tous, la preuve, toute en finesse, de l’absurdité intrinsèque d’une telle situation dans laquelle plongent volontairement – car ils pensent ne pas avoir le choix – une portion de citadins…

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Les lettres d'Edgar

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Rue des petits hôtels. Un couple de touristes chinois, l’air perdu. Une feuille à la main. Probablement un plan du quartier. Jette un regard désespéré, donc plein d’espérance, dans ma direction. Egarés, ils sont, en effet. Ils cherchent un hôtel. « Au 89. » Au 89 de quelle rue ? « Au 89. » Point. Comme si le 89 était une adresse en soi. Comme le 55 (L’Elysée) ou le 38 (Quai des Orfèvres) voire le 104 (rue d’Aubervilliers, dans un autre genre, plus culturel). D’ailleurs, il insiste. « Mais on a trouvé le 89. »

Quelques explications s’imposent pour que la suite de leur séjour ne se transforme pas en chasse aux trésors géante. En anglais (ils viennent de Shangaï) : il peut y avoir des numéros 89 dans toutes les rues – premier haussement de sourcils – ; le plus important, pour se retrouver, est le nom de la rue – deuxième haussement de sourcils – ; ensuite, vous cherchez le numéro – petite lueur dans le regard, mais furtive. Ce qui nous semble totalement évident – la récurrence du numéro : comment faire plus simple ? – ne l’est pas dès lors que d’autres frontières viennent à nous, et inversement, quand nous nous extrayons de nos périmètres habituels. Leur désarroi m’a instantanément renvoyée à celui que j’ai pu ressentir, il y a quelques mois, à Kyoto, en plein cœur d’un enchevêtrement de petites rues, sans nom ni numéro. « A partir de là, il faut demander son chemin… » lâchent-ils, nonchalamment, dans les guides.

Demander son chemin, demander son chemin… Cette lapalissade requiert que l’une des deux hypothèses suivantes soit vérifiée : la première, que le visiteur parle japonais ou soit au moins en mesure de bafouiller quelques mots, ou, à l’inverse, que la personne interrogée parle une langue qui soit commune aux deux parties. C’est définitivement l’option la plus simple. Le premier cas peut néanmoins conduire à une impasse, tant urbanistique que linguistique, car en faisant l’effort de poser une question dans la langue locale, le questionné peut lui-même faire l’hypothèse que vous la connaissez et donc vous répondre comme il le ferait à un voisin. C’est-à-dire, sans prendre les précautions qui s’imposent lorsque l’on s’adresse à un étranger non polyglotte – débit plus lent, mots plus simples… Là, deux options sont à nouveau possibles : acquiescer et faire comme si vous compreniez tout – faire semblant donc, au risque de partir dans la direction opposée à celle indiquée une fois les explications terminées – ou interrompre la personne dans ses explications ultra-détaillées – à la boutique de chaussures, prendre à droite jusqu’au restaurant de nouilles, puis tourner à gauche à la maison au toit vert avant de reprendre à gauche au poteau électrique sur lequel est fixé un panneau : attention enfants ! – pour lui faire comprendre que vous n’y entendez strictement rien, au risque d’être à l’origine d’un fâcheux incident culturel – cela se fait-il d’interrompre quelqu’un là-bas ? (inutile de vous dire que cela ne se fait ici non plus…) Dans de telles circonstances, on se demande surtout comment font les facteurs ! En quoi l’absence de repères peut-elle être plus claire que leur présence ? Et pourquoi ce choix d’anonymiser les rues ? Un résidu de tradition ancestrale où tout le monde se connaissait, une façon de savoir qui arrivait dans le quartier, une philosophie altruiste, un manque d’imagination face au maillage de la ville ? A San Rafaël, dans la Baie de San Francisco, ils ont aussi sacrifié l’exercice consistant à baptiser les rues, mais d’une autre manière : en les appelant par des chiffres, 1st street, 2nd street, 3rd street – jusque là, rien d’étonnant aux Etats-Unis – et, pour les rues perpendiculaires, par des lettres – A, B, C, D… donc. De telle sorte que vous avez l’impression d’être sur un plateau de bataille navale quand vous vous y promenez. « Rendez-vous à l’angle A6-B5 ! » « Touché coulé ! … Oups, pardon ! Réflexe hexagonal ! »… Bref, avec un peu de temps, à Kyoto, San Rafaël ou Paris, on finit toujours par trouver ce que l’on cherche… 89 ou pas…

Ce qui me conduit presque naturellement au off des photos ci-dessus, faites aujourd’hui, spécialement pour l’occasion de ce duo. Force est de constater que le numéro 89 n’est pas si systématique que cela à Paris… Loin de là ! Sur un trajet d’1h30, pédestre et à vélo, ma moisson n’a pas été plus épaisse que ce qui figure là-haut. Et ce, pour diverses raisons… Je ne parle pas du bus de touristes coincé à un carrefour étroit et bloquant la circulation sur des dizaines et des dizaines de mètres, ou de la gigantesque manifestation condamnant des quartiers entiers et qui a fait regretter à tous les motorisés de l’être… Il y a certes de longues rues dans la capitale mais nombreuses, parmi elles, changent de nom à chaque passage de carrefour. Il y a aussi beaucoup de rues relativement courtes finalement. Il y a des rues qui s’arrêtent au 83, si près du but… D’autres où le 89 existe bien mais est occupé par une boutique de vêtements, une boulangerie, une banque, en somme, un commerce qui n’a pas jugé bon de laisser le numéro visible… J’ai même vu, juste avant de poser pieds à terre et après un détour non négligeable par une rue que j’estimais sûre, un saut de numéro : la plaque du 87 était bien fixée à l’immeuble qu’elle incarnait et cela passait directement au 91 ! Aucune trace du 89 ! Je me suis retournée, cherchant le petit lutin chargé de contrecarrer mes plans photographiques du moment, mais je n’ai rien vu. Il devait déjà être en train de garer son Vélib à la dernière place de « ma » station… Pour que je tourne encore un peu !

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Litanie… Je suis arrivée sur cette feuille avec ce mot à l’esprit. Aucune association d’idée envisageable… « énumération monotone, souvent de griefs, de plaintes. » Tout à l’heure, il y avait primesautier. Qui signifie : « qui agit de son premier mouvement, sans réflexion préalable ». Synonyme : spontané. Et puis, tout de suite, il y a « pantomime ». Soit « un mime » ou « un art d’exprimer des sentiments, des idées par des attitudes, des gestes sans parole ». En fait, je cherchais « palinodie », employé dans le sens d’une rétractation, d’un changement d’opinion. Que de mots inusités ! Jouer avec les mots, leurs sens, leur consonance, leur histoire ou celle à laquelle ils font penser… Maîtriser le maniement des lettres comme d’autres les épées…

Fascination réelle pour ces assemblages de lettres alors que j’ai parfois l’impression de tourner en rond avec un vocabulaire inscrit dans le marbre… Quelle serait-elle, cette fascination, si les pages du dictionnaire n’avaient plus de secret pour moi ? Une condition demeure. Rien ne sert de connaître les mots, encore faut-il les utiliser. Et donc avoir l’occasion de ne pas les oublier. Mais le temps est-il le seul moteur de l’oubli ? Un moteur tourne, ce qui signifie que ce qui est oublié finit toujours par revenir à l’esprit. Tout est une question d’exercice. Des stimuli ! Circulation sanguine. J’ai pensé « apoxie ». Pourquoi ? Ce mot n’existe pas. En revanche, il y a « apoplexie ». Curieusement – ou pas – c’est « une perte brutale de la connaissance et de la mobilité volontaire, due le plus souvent à une hémorragie cérébrale. » Etrange. Je terminerai sur ces mots « être ange », pour mieux partir aux royaumes des rêves. Sphère tout aussi mystérieuse…

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Une chose est certaine : vous aurez beau lire, relire, re-relire, re-re-relire et même re-re-re-relire un article, un journal, une lettre, un mail, un cartel, un texte lambda que vous avez rédigé et qui est destiné à être diffusé, il restera toujours au moins une couille timide. Une coquille si vous préférez. C’est comme ça ! Au bout d’un certain nombre de relectures, certaines lettres en trop ou en moins, certains espaces oubliés ou ajoutés, certaines fautes grossières ou totalement innocentes, deviennent irrémédiablement invisibles. Ce que vous savez parfaitement car ce n’est pas la première fois que vous écrivez un article, un journal, une lettre, un mail, un cartel, un texte lambda destiné à être diffusé. D’où l’intérêt, à un moment d’épuisement visuel absolument normal, de poser le papier en question sur un bureau qui n’est pas le vôtre, mais idéalement celui d’une personne douée avec les lettres, pour qu’elle puisse y jeter un regard neuf, celui-là même qui vous a quitté après la 6e relecture… Pourtant, malgré cette ultime précaution, il arrive que de vulgaires erreurs survivent au quintuple passage du peigne fin orthogrammairiphique… Heureusement, une fois l’article, le journal, la lettre, le mail, le cartel aux yeux de tous, il y a toujours une bonne âme pour vous annoncer, avec un grand sourire ou avec dépit, que vous en avez oublié une voire, quand c’est possible, pour vous corriger plus ou moins élégamment et discrètement… Maintenant, le but est de savoir où se trouve la coquille de ce texte !

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Cela aurait pu être « J’en donne ma main à couper », mais cela ne va pas avec la suite… La main, tendre la main, donner, recevoir, charité, œuvre caritative, associations… Voilà. Comme cela arrive régulièrement à notre époque échangiste, en vous abonnant à tel ou tel magazine, en cadeau de bienvenue, le magazine en question vous vend à ses propres contacts. Comme ça, sans vous demander votre avis. Ou alors, en tout petit, au verso de la feuille que vous avez signée, au milieu d’un dessin très chargé qui vous fait penser à « Où est Charly ? ». De fait, tout d’un coup, de nouvelles enveloppes apparaissent dans votre boite aux lettres. « Tiens, je ne connaissais pas cette association ! » ou « C’est bien ce qu’ils font, eux ! ». Au début, c’est excitant, vous ouvrez les enveloppes, vous lisez les lettres de sollicitation, vous vous amusez d’avoir des autocollants à votre nom même si vous ne les utilisez pas, vous êtes partiellement ému (ce n’est pas que vous êtes sans cœur ou insensible, simplement, vous n’avez pas besoin qu’on sorte le tire-larmes pour vous faire comprendre le tragique d’une situation), vous pensez même donner… A un moment. Puis approchent les fêtes et bizarrement, les enveloppes se multiplient. Dilemme : comment choisir ?

Ne pas choisir peut être une solution. Alors, un matin de grand bonheur, vous sortez votre chéquier et en remplissez quelques-uns. Oh, pas de grandes sommes, mais suffisamment pour « sauver plusieurs vies » qu’elles disent. Hop, direction l’enveloppe pré-affranchie – elles vous facilitent la tâche – et la boite aux lettres. Vous lâchez votre petit paquet en ayant le sentiment d’avoir modestement participé à quelque chose de bien. Et puis, vous oubliez. Mais, les associations, elles, ne vous oublient pas. D’abord, elles vous remercient, ce qui est plutôt poli, et vous envoient un stylo, des enveloppes, des étiquettes, une carte du monde… quelque chose. Bon, un peu kitsch à votre goût mais vous comprenez l’attention. Il y a aussi une lettre retraçant ce que deviennent les dons. Très instructif. Puis, vous oubliez. Mais, les associations, elles, ne vous oublient toujours pas. C’est logique, d’un certain point de vue. Régulièrement (beaucoup ne payent pas l’acheminement), elles vous envoient de super cadeaux qui gonflent les enveloppes, des magnets, des cartes de vœux et leurs enveloppes, des seringues en plastique, des stylos en forme de seringue, des annuaires…

Cela ne s’arrête pas, même si certaines finissent par abandonner. On dirait même qu’elles se coordonnent pour envoyer leur courrier puisque vous recevez parfois trois lettres le même jour… Au bout de quelques mois à ce régime, sans pour autant avoir réitéré votre petit geste, cela commence à vous agacer. Vous n’ouvrez même plus les enveloppes. Après plusieurs années, l’énervement, voire la colère, prend le relais : à cumuler tous les gadgets que vous avez reçus pendant ce laps de temps, on doit bien atteindre la somme que vous avez envoyée ce matin-là. Evidemment, certains doivent être ravis de ces petites récompenses, sinon, elles n’existeraient pas. Mais pas vous. Alors, voilà, vous avez pris votre décision : vous ne donnerez plus et vous chercherez Charly au verso ! Un vrai gâchis !

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« Ecrire, ce doit être une souffrance », m’avait-il dit. Sur le coup, cette petite phrase m’avait fait mal. Je ne comprenais, en effet, pas pourquoi faire ce que l’on aime devait être douloureux. D’une manière générale, pour tout être normalement constitué (mais, est-ce qu’il existe vraiment ?), lorsqu’une action nous fait souffrir, on évite d’avoir à la faire… On me rétorquera peut-être que l’on n’a pas toujours le choix. De quatre choses l’une, soit ce qui m’a été asséné comme une vérité irréfutable est faux et je suis soulagée, soit c’est vrai et c’est malheureux. Pourquoi l’écrivain, le peintre, le sculpteur, l’artiste en général, traîne-t-il cette maudite image de torturé ? Ne peut-on créer dans la joie, la paix et la bonne humeur ? Faut-il alors, lorsque l’on désire être l’un ou l’autre (là, encore, est-ce vraiment un désir, ou quelque chose qui s’impose à soi, et donc, qui n’est pas forcément de l’ordre du conscient… encore que le désir peut être inconscient…), s’autoflageller pour être certain de créer quelque chose de profond ? en tout cas, qui soit pris au sérieux ?

Ce qui me conduit à évoquer un questionnaire conçu par une unité de recherche en littérature de l’Université Sorbonne nouvelle pour préparer une table ronde sur notre rapport à la littérature. Il y a notamment une question liée aux raisons pour lesquelles un écrivain écrit et des réponses si diverses et variées de leur part, que l’on peut imaginer qu’elles sont franches. C’est vrai, on est sensé savoir pourquoi on fait ce que l’on fait ! Donc, en vrac, parce qu’on a à dire ce que personne n’a dit, parce que c’est comme une sorte de jeu pour adulte, par terreur vaniteuse de disparaître complètement, parce que je ne sais pas parler, parce que ça me donne plus d’argent et d’une façon gratifiante, pour devenir célèbre et être libre, parce que j’aime mentir, par amour des mots, pour ne pas devenir fou, pour mettre en accusation l’humanité, pour qu’on m’aime davantage, bon qu’à ça et enfin, pour créer de l’ordre, de la beauté, de la vie. J’aime bien cette dernière raison, même si, spontanément, je n’associe pas l’ordre à la beauté et à la vie. Pour créer de la beauté, de la vie, idéalement pour partager une vision, un univers, réel ou inventé. Pour voir le monde autrement et montrer ce que l’on ne voit pas toujours. Comme avec l’image. Pour le plaisir surtout. Le bonheur que cela procure de jouer avec les mots, les idées, les sons, les  lignes, les couleurs, les formes… la vie. Voilà. Ceci était le 300e duo de ce site…

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