Photo-graphies et un peu plus…

Raymond m'appelle

Raymond, je ne l’attendais pas vraiment en fait. Je l’ai trouvée là (oui, oui, vous avez bien lu), sur le bord de la route, la one O one, entre South Bend et Willapa. Au milieu de nulle part. Vraiment. Nulle part. Malheureusement, il y a parfois des « nulle part », qui relient des « part » subjuguants, où l’on est malgré tout obligé de s’arrêter – des escales techniques dans le jargon – car ils sont eux-mêmes cernés d’autres « nulle part ». Et qu’entre un « nulle part » et un autre « nulle part », ma foi, cela reste un « nulle part »… Et généralement, à l’instar de Sheldon qui, d’après Harry, est parfait pour dévitaliser une dent, d’un « nulle part », l’on n’attend absolument rien. De fait, m’arrêter à Raymond pour la nuit, dont le nom déjà, même énoncé à l’américaine, « reillemonde », annonçait la couleur, n’aurait dû me laisser aucun souvenir…

Si je suis là ce soir à vous en causer, c’est que, justement, je me souviens de Raymond. De ses rues désertes, oui ; de son motel resté dans son jus depuis des décennies et refuge d’une faune pas totalement rassurante, un peu aussi ; de son unique dinner ouvert après 7 pm, de l’autre côté de l’autoroute, oui, parfaitement. Car c’est ici qu’est né le souvenir de Raymond. Bien sûr, je ne le sais pas encore en poussant la porte de ce restaurant typique de burger qui incarne la quintessence de l’american way of life, avec ses néons étincelants, ses tables en formica cintrées d’un tour de zinc reluisant et ses chaises en moleskine, son faux plafond et ses ventilos qui brassent l’air chaud… Please wait to be seated. Obéissance même s’il y a l’embarras du choix. Là, ok, sur la banquette. La serveuse, une jeune fille fringante, apporte la carte avec un grand sourire. Elle, pas la carte. Puis s’éloigne. Du français sort de ma bouche. Son oreille se tend. Elle disparaît dans la cuisine, derrière les portes saloon, au fond à gauche sur la photo. Puis revient, prête à prendre la commande, et surtout à poser mille questions :

– Where are you from?

– Paris. In France. In Europe. (En trois temps s’il vous plaît. Parce qu’après plusieurs mois en Amérique du Nord, vous avez adopté cette habitude d’accoler l’Etat à la ville dont vous parliez, comme si, en France, on disait : « J’habite Marseille, PACA. ». La précision est d’autant plus nécessaire ici – mais inutile en réalité, mon accent m’ayant déjà trahie – qu’il y a un Paris en Arkansas, Idaho, Californie, Illinois, Indiana, Iowa, au Kentucky, dans le Maine, le Michigan, le Mississippi, le Missouri, dans l’Etat de New York, en Ohio, Oregon, Pennsylvanie, Tennessee, Virginie et bien sûr, merci Wim, au Texas !

Are you in Raymond for vacation?

– (Là, il s’agit quand même d’être diplomate et de ne pas tenter de traduire cette histoire de « nulle part » qui pourrait vexer la personne en charge de mon dîner) No, no, I am on my way to Seattle.

There’s nothing to do here anyway…

J’invente peut-être cette ultime réponse, mais la mienne l’a, semble-t-il, rassurée quant à ma capacité à discerner le insane du boring. Bref, je vous épargne les 998 autres questions. La donzelle repart vers la cuisine, et tout d’un coup, patratas, un immense cri aigu traverse la porte saloon qui bat encore de l’aile, puis la salle et arrive jusqu’à moi – il est exactement là le souvenir de Raymond, dans ce cri primal totalement inattendu dans l’état actuel des choses et irrésistiblement drôle qui dit : « They’re from Pariiiiiissssssss! »

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… ou la salle d’attente d’un cabinet médical. En poussant la porte, la première question que vous vous posez est : combien y a-t-il de personnes dans la pièce ? C’est-à-dire, à passer avant vous, quand bien même vous avez un rendez-vous et qu’il est pile poil l’heure, ce qui vous fait réaliser, soit dit en passant, que ce sont là les seules occasions où vous êtes ponctuel (à méditer). Trois, quatre, cinq ? La journée est finie ! Vous lancez un bonjour à l’assemblée, qui répond proportionnellement au retard pris par le médecin. En gros, ceux qui attendent depuis 1h30 vous ignorent totalement ou vous regardent avec des yeux désespérés « ça fait une heure que je suis là, j’ai autre chose à faire et encore moins envie d’être poli ! ». Vous vous posez donc sur une chaise, libre de préférence, et c’est à ce moment précis que point la deuxième question : qu’est-ce qu’ils ont  ? En gros, pourquoi vont-ils voir le médecin ? Pour vous, vous savez, mais eux, c’est quoi leur problème ? Elle, en face, elle a une grosse enveloppe à la main, des radios, et un bras bandé… Une chute ? Lui, juste à côté, il n’arrête pas de tousser, tout comme son voisin… Oh, celui-là n’a vraiment pas l’air bien en point, tout rouge, avachi sur sa chaise… Vous pensez à tous ces microbes qui flottent dans ces 8 m2, des microbes que vous n’aviez pas en arrivant, et que vous emporterez peut-être avec vous en sortant, histoire de vous donner une bonne raison de retourner voir le médecin dans 3 jours, le temps d’incuber tout ça…

Conscient de l’inutilité de votre paranoïa microbienne, vous vous tournez alors vers la table. Il y a toujours une table dans une salle d’attente. Il n’y a d’ailleurs pas grand chose d’autre, en plus des chaises. Et sur cette table, où que vous alliez, c’est-à-dire, quelle que soit la spécialité du médecin, il y a des magazines. Souvent, des titres que vous ne lisez pas habituellement, ou alors sans le clamer haut et fort. Vous les scannez du regard, en soulevez un, deux, trois, avant d’en extraire un de la pile et de l’ouvrir… Vous avez une impression de déjà-lu ou entendu, vous refermez le magazine, regardez la date. Novembre 2012. Normal. Vous reposez l’exemplaire, repiochez dans la pile comme si vous étiez en train de faire une partie de loto, vous en exhumez un. Cette fois-ci, avant de l’ouvrir, vous vérifiez qu’il est récent. Mars 2010. Wouah ! Voyage dans le temps… D’un autre côté, ça vous amuse de voir comment on s’habillait il y a 3 ans (si, si, ça change), de redécouvrir les tendances ou les actus de l’époque en sachant ce qui s’est passé après toutes les théories plus ou moins fumeuses développées dans les diverses feuilles de chou, mais bon, vous refermez la bête, bien décidé à trouver un magazine récent, un magazine d’aujourd’hui, un magazine de votre temps. C’est reparti pour un tour de loto, cette fois-ci, vous ne faites que jeter un oeil sur les couvertures à la recherche de la perle rare, vous creusez un peu en sous-sol pour voir si les magazines ne sont pas empilés du plus récent au plus ancien (ce ne serait pas très pratique, je vous l’accorde : le matin, le médecin entrerait dans la salle, déposerait tous les magazines sur sa moquette grise, poserait le dernier numéro de Modes & Travaux sur la table avant de le couvrir de toute la pile passée… tordu !). Mais non, tout est daté, tout est obsolète, tout a déjà été feuilleté, peut-être par d’autres patients d’autres cabinets. C’est parfait si vous avez 2 ou 3 ans de retard dans les nouvelles du monde. Mais où sont les numéros du présent ? Et pourquoi ne pas les mettre à disposition, comme les autres ? Par crainte du vol ? Qui irait, en effet, emprunter (restons innocent) un numéro vieux de 2 ans ? Les questions sans réponses se multiplient, vous êtes perdu dans vos pensées mais quelque chose, un son, vous ramène à la réalité… C’est votre tour ! Le médecin est à la porte et vous appelle. Pendant que vous tergiversiez avec ces feuilles d’un autre âge, la salle s’est vidée (quid des microbes ?), la nuit est tombée (ce n’est définitivement plus l’été), vous n’avez rien lu et le temps a filé, presque sans que vous ne vous en rendiez compte, et alors même que le contenu de votre attente a été de constater que le temps était déjà passé…

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Ce week-end, prolongé pour les plus chanceux, vous avez peut-être déjeuné ou dîné chez des amis, une vieille tante éloignée, dans la famille de votre frère ou chez votre gentille voisine. Dans tous les cas, le repas était excellent – vous aviez insisté pour apporter le dessert, en l’occurrence, la plus belle tarte aux fruits de votre boulangerie quotidienne -, les échanges nourris et la bonne humeur de saison. En résumé, un parcours sans faute. Vous avez été le parfait invité, celui que l’on rêve d’avoir à nouveau à sa table avant même de l’avoir désertée… Jusqu’à ce moment où, un peu trop sûr et fier de vous, vous vous êtes mis en tête d’aider à débarrasser tous ces verres et couverts, toutes ces assiettes et coupelles débordant de la table, du plan de travail et de la desserte. Et donc, à remplir le lave-vaisselle de vos hôtes.

Comme ça, ça n’a l’air de rien. Il n’y a, a priori, en effet rien de plus simple que de remplir un lave-vaisselle. Les verres en haut. Les assiettes et les couverts en bas. Dans la pratique, s’aventurer sur cette piste-là peut rapidement conduire à l’impasse, à l’incompréhension, au jugement impitoyable… Car, vous l’avez déjà probablement réalisé au cours de votre vie, si courte soit-elle : chacun a sa façon à lui de ranger son lave-vaisselle ! Corollaire de cette assertion un peu lapidaire mais véridique : imaginer organiser son contenu autrement n’est même pas pensable. D’abord, il y a ceux qui rincent tout avant de combler leur machine et ceux qui estiment que c’est à elle de faire correctement son travail. Il y a ceux qui mettent les couteaux, couverts, petites cuillers, cuillers à soupe ensemble pour gagner du temps à l’étape du rangement : il suffira de prendre la grappe et de la ranger. Et puis ceux qui, surtout, veillent bien à mélanger les couverts entre eux, persuadés qu’ils seront mieux lavés ainsi. Il y a ceux qui retournent les couteaux, pointes vers le bas, pour ne pas se piquer malencontreusement. Et ceux qui les laissent pointer vers le haut. Tant pis pour les étourdis. Quand certains laissent un intercalaire vide entre chaque assiette – parce que, sinon, ça ne lave pas bien -, d’autres occupent l’espace disponible au maximum. Côté verres et bols, mêmes questions existentielles : s’il existe un consensus pour retourner tous ces contenants creux vers l’étage inférieur de telle sorte que, sauf accident, ils ne se remplissent pas d’eau pendant le lavage, il y a ceux qui osent superposer les bols entre eux – juste un petit peu – et ceux qui les posent très précisément les uns à côté des autres. Il y a ceux qui mélangent les verres de tailles différentes et ceux qui se remémorent leurs cours de primaire sur les ordres croissant et décroissant, et les rangent du plus petit au plus grand, ou vice et versa… Il y en a qui acceptent de mettre les verres à pied dans la machine et d’autres qui préfèrent les laver à la main. On ne sait jamais. Etant entendu que ce ne sont pas des petits lutins armés de piolets, éponges et autres objets dangereux, qui sont chargés de nettoyer toutes ces saletés, mais de l’eau, certes énergique, mais rien de très menaçant… Ma liste n’est pas exhaustive, mais montre déjà que remplir le lave-vaisselle de quelqu’un d’autre est un véritable acte de bravoure qui requiert un minimum de préparation. Un simple conseil donc : arrêtez-vous à la bonne impression que vous avez laissée à l’issue du repas même si cela peut vous paraître impoli, ou, si vous voulez faire du zèle, informez-vous sur les règles locales pour éviter les « Ah non, je les mets dans l’autre sens ! C’est plus logique… »

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Imaginez-vous à la terrasse d’un bistro, par un beau samedi ensoleillé. Si si, c’est possible. La serveuse arrive avec son plateau bien garni et lance à la table rieuse : « Les cafés, c’est pour qui ? » Des bras se lèvent, les cafés sont déposés là où ils ont été demandés, précédés d’une odeur poussant chacun à se redresser comme pour mieux la sentir. Certains y plongent un sucre, d’autres une cuiller, les mêmes en général… Et puis, en chœur, tout le monde approche sa tasse de sa bouche et y laisse couler sa première gorgée de café. Un geste totalement anodin en apparence. En réalité, un acte de bravoure…

Mi août, la nouvelle fait le tour des rédactions santé en mal de sujets : une étude américaine montre que boire du café protège contre le cancer de la peau. C’est encore l’été quelque part, voilà qui décomplexe les amateurs de petit noir sur la plage ! Quelques mois auparavant, une équipe suédoise a annoncé que boire 5 tasses de café par jour réduisait de 57% le risque d’avoir un cancer du sein. Une information à coupler avec la conclusion d’autres études précisant, qu’au delà de 3 tasses par jour, ce qui est le cas de 5, le café induit une perte de concentration et une augmentation du stress, qui est lui-même l’une des dix causes responsables du cancer du sein… Cela se corse !

D’un autre côté, des chercheurs finlandais ont révélé que, jusqu’à 5 tasses quotidienne, donc 3, le risque d’insuffisance cardiaque diminuait chez les femmes. On dit pourtant que le café accélère le rythme de notre palpitant, ce qui justifie le fait qu’il soit déconseillé aux personnes faisant de la tachycardie… Toujours est-il que d’autres scientifiques annoncent qu’après 4 tasses par jour, le risque de fausse couche double. Chez la femme, il pourrait aussi, à partir d’une certaine dose, générer de l’incontinence. En parlant de cela, des études ont prouvé que, côté fumeurs, boire du café limitait les risques de développer un cancer de la vessie. Malheureusement, pour le non fumeur, la tendance s’inverse légèrement… Et à haute dose, toujours chez la gent masculine, le café diminue la probabilité d’avoir un cancer de la prostate. Augmentant le risque de fractures et favorisant l’ostéoporose, il aurait, par ailleurs, et dès la 4e tasse, un effet protecteur contre la maladie de Parkinson, que l’on sait accompagnée d’un risque plus élevé de chutes donc de fractures… Et bien entendu, des chercheurs de tous horizons travaillent d’arrache-pied pour trouver quelque vertu à cette petite graine noire, responsable d’insomnies chez certains alors que le sommeil consolide la mémoire, dans la maladie d’Alzheimer… Mais nous n’en sommes pas encore là. Bien sûr, les amis du début n’ont pas conscience de tout cela. Et si, par le plus grand des hasards, c’était le cas, et bien, ils n’en seraient pas plus avancés sur le comportement à adopter pour préserver leur santé. Bref, autant ne pas savoir et se faire plaisir ! Allez, santé !

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