Photo-graphies et un peu plus…

La croisée des chemins

Parfois, il nous faut choisir entre deux routes qui, de l’extérieur et de prime abord, nous paraissent strictement identiques. Mais une fois la décision prise, sur la base de critères pas toujours objectifs, une fois embarqué sur l’une ou l’autre de ces voies sans retour possible, nous réalisons finalement qu’elles s’éloignent assez rapidement l’une de l’autre sans savoir pour autant où nous aurait conduit celle que nous avons ignorée…

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Pète-au-casque

Certains prétendent que l’on ne rentre jamais vraiment indemne d’un hivernage d’un an, loin de tout, sur une petite île perdue au milieu de l’océan, à croiser les mêmes personnes chaque jour ou presque, par ailleurs bien moins nombreuses que les populations de manchots, d’éléphants de mer et d’otaries, les vrais locataires terrestres du caillou. Sans doute n’ont-ils pas entièrement tort…

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Once again 1

Once again 2

Once again 3

Once again 4

Once again 5

Once again 6

Once again 7

Once again 8

Once again 9

Once again 10

Croiser une personne nous annonçant qu’elle en connaît une autre – de près, de loin – ayant exactement les mêmes nom et prénom que nous, ou que, pas plus tard qu’hier, elle en a  vu une nous ressemblant comme deux gouttes d’eau – expression propre aux pays non touchés par la désertification -, ou apprendre que nous avons au moins un homonyme dans notre propre ville et que nous partageons le même ophtalmologiste, ou pire encore, se retrouver face à lui – l’homonyme – provoque, assurément, une secousse tellurique très intime inversement proportionnelle à la fréquence de ce qui sert communément à nous nommer, et donc à nous désigner, depuis notre naissance. Sans doute, les Marie Martin, cumulant à la fois les prénom et nom les plus répandus en France depuis les années 60, réagissent-elles plus sobrement en effet qu’une hypothétique Noélyne Pourbaix-Lerebourg…

Tout d’un coup, nous réalisons, si la vie ne s’en est pas chargée plus tôt, que nous ne sommes pas uniques, que des gens, de parfaits inconnus aux mœurs peut-être, que dis-je ?, certainement, radicalement différentes des nôtres, répondent aux mêmes injonctions que nous, en dépit du sens commun et de ce qui s’échange sur la portée des prénoms choisis ; que des sosies se baladent librement sur Terre sans que nous ayons vraiment conscience de leur existence et de leur nombre, ni planifié de les rencontrer un jour… Pour autant, et nous le comprenons assez vite heureusement, ces doubles, fantasmés ou pas, n’en sont pas vraiment. Notre unicité est sauve ! Un peu comme avec les premières dix images de cette série à double fond, pur exercice de mathématique combinatoire à la difficulté croissant avec la pratique photographique, images souffrant de ce que nous pourrions appeler « photonymie », dont les formes les plus avancées conduisent inexorablement à des rencontres fusionnelles aussi étonnantes que foisonnantes entre des lieux, des moments, des personnes qui ne se sont évidemment jamais réellement croisés ailleurs que dans mon passé.

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Acte manqué

Il y a quelques années, je me suis demandé si une photo intentionnellement ratée était une photo réussie. Celle-ci, celles qui ont précédé et celles qui ont suivi m’invitent à retourner la question et à me demander si une photo involontairement ratée peut être une photo réussie.

J’étais en effet tellement subjuguée par ces ombres chinoises – quand bien même la scène se déroule au Japon – dévalant la colline sur sa ligne de crête et sur fond de tumulte nuageux que je me suis exclusivement focalisée sur le cadrage, à en oublier d’adapter les réglages de ma boîte à images à ces conditions de lumière un peu particulières. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup : alors que j’avais l’impression d’avoir capté un moment magique dans ces courses légèrement régressives et portées par une insouciance presque incompatible avec les menaces du ciel, j’ai eu la sensation, en découvrant mon forfait, d’avoir raté mon tour. Fort heureusement, le temps est passé par là, amenant avec lui une certaine indulgence. Car c’est évidemment moins la technique qui reste que ce souvenir palpable d’un défilé de gens heureux.

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Filature

L’avantage, lorsque l’on se met l’étrange idée en tête de suivre un steward dans un train, c’est que, comme dans un avion, il n’y a pas réellement d’échappatoire ni d’alternative à la ligne droite (ce qui n’a jamais empêché les hôtesses de nous indiquer vaillamment le chemin pour rejoindre notre place). Par ailleurs, il y a tellement de bruit que l’on peut s’approcher de la cible sans se faire remarquer. Je le conseille chaudement à tous les apprentis en filature !

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Playground

La vie ne tient qu’à un fil… de métal, de préférence. Oui, assumons et laissons-nous gaiement porter par l’enthousiasme et l’insouciance que revêtent parfois ces sentences un peu pressées et juvéniles. En regardant aujourd’hui cette image que j’ai eu un immense plaisir à composer hier (c’est une façon de parler), je mesure encore plus la chance que j’ai eue à cet instant-là.

Vous le constatez vous-même chaque jour, la lumière qui arrose gracieusement notre planète provient du Soleil. Elle met très exactement 8 minutes et 19 secondes à nous parvenir. Ce qui nous faisait dire, en primaire, que si le Soleil venait à exploser, nous ne le saurions que plus de 8 minutes après. Nous n’en serions pas saufs pour autant puisque nous n’en aurions pas conscience avant d’en ressentir les premiers effets dévastateurs. C’est sans doute mieux ainsi d’ailleurs. Imaginez la panique globalisée et totalement inutile de ces 8 dernières minutes de vie collective… Un peu moins en réalité pour ceux déjà en plein sommeil, qu’il faudrait réveiller pour leur annoncer la (mauvaise) nouvelle alors qu’il serait bien plus généreux de les laisser dormir… Au moins, ils ne se rendraient compte de rien !

Toujours est-il que pendant ce temps-là – comparable, en durée, à une efficace séance d’abdominaux, au récent triplé de Cristiano Ronaldo contre Grenade, à un résumé de la filmographie de Tom Hanks par lui-même, ou à un 3 000 mètres couru par un athlète rapide mais pas exceptionnel -, la lumière, elle, a parcouru la modique distance de 149 597 870 km. Distance généralement arrondie à 150 millions de km, quand bien même la différence (402 130 km) correspond à peu de choses près (enfin à 17 663 km tout de même, soit, en suivant la courbure de l’océan, à l’espace séparant Santiago du Chili de Hwado en Corée du Sud) à la distance moyenne entre la Lune et nous (384 467 km puisque vous voulez vraiment tout savoir). N’hésitez pas à griffonner un rapide schéma si vous n’avez pas tout suivi, tout s’éclaircira.

Voilà donc que cette extraordinaire lumière solaire a traversé l’espace, en frôlant peut-être Mercure et Vénus, avant d’arriver dans le chic patio du MoMa à New York. Et paradoxalement, ce n’est pas elle qui m’a attirée, mais au contraire, son absence – seulement due à sa présence – incarnée par ces ombres qu’elle a magnifiquement projetées au sol et qui n’auraient été que pur fantasme si un simple petit nuage s’était interposé entre le soleil et ces éléments bien terrestres…

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Lâche-toi

La photo de dos est-elle une photo lâche, ou plutôt de photographe lâche, ou plutôt de photographe qui ne fait pas véritablement face, qui n’assume pas complètement ce qu’il est en train de faire et qui, à défaut de se cacher pour le faire – derrière un arbre avec un zoom indécent par exemple – préfère le cacher aux autres tout en le faisant ? Bien sûr que non (pouvais-je réellement répondre autrement ?). De prime abord, la photo de dos paraît toutefois plus facile à réaliser que la photo de face(s). Détrompez-vous !

La photo de dos a ses subtilités, ses contraintes et exige de la part de ceux qui la pratiquent une grande réactivité et une maîtrise certaine de la transparence, caractère particulièrement complexe à acquérir pour tout être humain normalement constitué. Car, pour qu’une photo de dos soit réussie, il est primordial de ne capter aucune face de face. En d’autres termes, en plus d’attendre le moment, parfois très court, où tout le monde est retourné, de quart ou de profil, il faut, en outre, ne pas être repéré, ne pas attirer l’attention – une véritable gageure dans un contexte comme celui-ci comme vous l’imaginerez aisément -, ne croiser aucun regard qui trahirait non seulement notre présence mais également l’opération en cours.

Ce n’est certes pas interdit par le règlement intérieur du parfait photographe… Simplement, la photo ainsi faite changerait de nature et un observateur extérieur ne l’aborderait absolument pas de la même manière. Son regard convergerait inéluctablement vers la personne de face, qu’elle percevrait alors comme une sorte d’élu du photographe, comme l’objet de son attention, avant, dans le meilleur des cas, de jeter un œil discret au reste de l’image. A contrario, dans la photo de dos totale, chaque dos, chaque détail, chaque posture, chaque geste, chaque élément de l’image devient important et, en quelque sorte, unique, donc digne d’intérêt, c’est-à-dire, digne d’être regardé. Ainsi la photo de dos s’apparente-t-elle à une photo démocratique mettant chacun sur un pied d’égalité, sur laquelle l’œil se balade librement d’un coin à l’autre sans être fortement guidé par celui du photographe…

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Le plein d'illusion

Evidemment, je pourrais vous expliquer parfaitement ce phénomène étonnant à grands renforts de sinus, d’indices de milieux, de gradients de températures, d’angles de réfraction du rayon, ou encore d’équation eikonale (oui, j’en suis capable), invoquer les Fata Morgana, l’effet Novaya Zemlya et autre loi de Descartes, mais je préfère la version magique (et faussement naïve) et ainsi me persuader, et vous avec, que j’ai réussi à capturer la trace de quelque chose qui n’existait pas : un mirage !

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L'homme à l'attaché-case

Je l’ai repéré il y a une minute à peine, avec son pantalon noir, sa chemisette blanche et sa progression hésitante, de celle des découvertes et fascinations. C’est rare de croiser un homme avec un attaché-case dans un musée. Je le suis brièvement du regard, l’observe cadrer, avec son smartphone, les lignes alambiquées dessinées par Frank Gehry. Et je croise les doigts pour que ce moment, parfait à mes yeux, ne soit pas gâché par l’entrée, aussi intempestive que statistiquement fort probable, d’un visiteur parasite dans le champ. Le subtil et fugace équilibre de cette composition hasardeuse et fragile s’écroulerait aussitôt comme un château de cartes.

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Les passants

Aimer les cimetières et déambuler dans leurs allées comme s’il s’agissait d’un endroit tout à fait neutre, a des vertus décomplexantes : on s’autorise à s’y amuser un peu ; parfois, on s’emploie à s’y faire peur aussi. Enfin, juste semblant…

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