Comme je m’approche d’une certaine fin – la semaine prochaine, je ne sais plus quel jour exactement, cela fera trois ans que j’ai initié ces duos quotidiens – je me sens d’humeur à passer un gros coup de balai pré-printanier dans la fourmilière !
Par chance, cet été, j’ai pris des fourmis en gros plan… La vie de ces petits insectes est incroyable à observer. Une activité idéale de vacances au soleil… Mais je ne dois pas me perdre en route, car elle va être longue. Donc, le coup de balai pré-printanier…
Les parisiens en conviendront, nous sommes quand même loin des bourgeons… Le coup de balai vraiment très pré-printanier, hivernal donc, dans le dossier hebdomadaire en cours… Vous le savez, ou pas (je l’avais expliqué dans un vieux duo tout ridé aujourd’hui pour justifier l’opération que je suis en train de dérouler sous vos yeux), j’y stocke « quelques » photos susceptibles, pour une raison ou pour une autre, de se retrouver sur ce site. Il contient actuellement 82 photos et, comme chacun sait, il n’y a que 7 jours dans une semaine. Faites le calcul, ça fait 82/7=11,7 semaines. Ce qui nous amène bien plus loin que la semaine prochaine, date anniversaire. Il fallait donc réagir et vite. J’en conviens, en général, le nettoyage par le vide, on s’y jette avec une indicible satisfaction lorsque l’on a achevé un gros projet, une mission importante, mais pas avant. Ce serait prématuré, presque contre-productif : comment, en effet, se concentrer jusqu’au bout si une partie de soi est déjà en train de faire le tri ? Voilà que l’on déchiquette les papiers, les brouillons, les versions intermédiaires entassés dans les chemises depuis des semaines, des mois pour les jeter méchamment (oui méchamment même s’ils ne sont pas responsables) dans la poubelle verte : on recycle quand même ; que notre bureau change de visage (ce qui permet souvent de retrouver un papier hy-per important que l’on croyait perdu à jamais : il était juste en train d’étouffer entre deux piles de bazar) et que l’on se sent, à l’issue, presque libéré. Presque. Dans ces moments-là, on est même heureux de faire le ménage. C’est dire ! Donc, voilà…
Ah, je me sens mieux…
Extrait d’”Etats d’âme sur le macadam”, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…
*
Les jardins du Palais Royal sont bercés par une musique orientale. Les essais de voix précèdent la répétition actuelle. Ingénieur du son, c’est à toi ! Conte des mille et une nuits. Aucun autre bruit perturbateur, si ce n’est celui des pas des visiteurs sur les gravillons. Une voix grave enchaîne des notes, des sonorités plutôt… Un a ou o continu. Derrière, quelqu’un tape du marteau alors que des tiges géantes rouillées sont plantées dans les contre-allées du jardin. Sculpture, art moderne. Abstraction. Les pigeons parisiens ne se sont pas trompés en élisant domicile au sommet de ces outils de Gulliver. Des traînées blanchâtres les « animalisent » quelque peu. Un écriteau sous chaque œuvre, une instruction : Prière de ne pas toucher. Amusant…
Des feuilles jaunes dansent déjà au sol alors que l’automne est encore loin. Où sont les saisons ? L’axe de la Terre aurait-il bougé ? La musique s’est tue. Et c’est la résurrection des voix de passage, du vent dans les feuilles, du vrombissement des moteurs. Un monsieur avance en tirant une charrette. On entendrait presque la musique d’un cheval trottant sur les pavés. Des feuilles, de journal, se tournent alors que les coups de marteau reprennent. Plus loin. Un bébé babille ; de très jeunes enfants s’émerveillent devant le vol d’une demie douzaine de moineaux. La magie du pain dans la main prend. Le caniche est sagement assis sur le banc noir tandis que sa maîtresse découvre les photos qu’elle vient de récupérer. Les arbres feuillus se recoupent, laissant malgré tout une maigre place à la lumière : une raie de jour.
Il est un peu plus tard, il y a plus de monde. Les pavés jouxtant les arcades sont squattés par les sans-chaises, n’ayant pas peur de salir leur culotte. Pas comme cet homme à moustaches, venant précautionneusement d’étendre un torchon sur son fauteuil d’élection. Il s’est aussi préparé sa salade et pique nique à l’ombre. Un peu plus loin, sous des parasols, les plus chics ont une vraie table, une vraie chaise et une véritable assiette. Mais que la terre est bonne !
Tout à l’heure, il y avait des traces blanches dans le ciel bleu ; celles des déjections des avions survolant de très haut la capitale. Je me suis alors souvenue des traces noires sur le bitume. Alors que les premières s’évanouissent en quelques minutes, les secondes marquent à jamais un drame, un choc. Une sortie de route… Effrayante peut être la direction suivie par ces lignes. Au volant, on se retrouve à reconstituer l’accident auquel on n’a, bien entendu, pas assisté. On s’imagine l’ampleur des dégâts, la violence de l’impact en réalisant que ces marques de pneus sont perpendiculaires à la route, s’arrêtent près d’un mur, sont interrompues par un bas côté profond. Comment cela a-t-il pu arriver ? Redouble-t-on de prudence pour autant ? En fait, non. Ici, la ronde des affamés se poursuit, tandis que sur une route, ailleurs, s’inscrivent de nouvelles épitaphes.
Où vont-ils tous ces marcheurs ? Etrange… Ces deux-là se bécotent debout et n’arrivent pas à se quitter. Le berger allemand, attaché au pied d’une chaise, surveille le vol d’un pigeon. Un homme se promène avec une chaise sur la tête et s’installe devant la fontaine. Ceux-là testent la solidité du banc avant de s’asseoir. La maman pousse vigoureusement la poussette de son bébé à bob. Et lui dort, affalé à terre, en habit d’hiver. Des gens qui passent, se prélassent et se délassent. Pourquoi pas s’enlacent ? Et puis, se lassent. Oui, et puis ceux là s’en vont… Comme tous en fait.
Que vous soyez en avion, en bus, en train ou en bateau, si le placement est libre, un chaos certain s’empare instinctivement du troupeau d’humains qui cherche à l’intégrer. Le voilà qui trépigne à l’entrée dudit véhicule comme si sa vie en dépendait. Le Français est particulièrement doué dans cette indiscipline perçue comme un manque d’éducation à l’étranger. « Vous êtes arrivé avant ? Et alors ! Que c’est petit de s’attacher à ce point à ces détails chronologiques… Tout le monde finira par entrer ! ».
Entrer oui, certes, mais l’ambition de l’amnésique des bonnes manières aux propos nonchalants va forcément au-delà du simple fait d’avoir une place, puisqu’il a déjà payé pour cette dernière. Le but, c’est d’avoir une bon-ne place. Mêlée à l’entrée, croche-pieds, bousculades, dénigrement, pression sont les travers les plus avouables du « premier arrivé, premier servi ». Une fois dans le ventre du véhicule, on se presse lentement vers celle que l’on estime être sa place idéale. Heureusement, la bonne place de l’un peut être considérée comme mauvaise par l’autre… C’est parfois ce qui nous sauve du duel à l’épée à l’orée de la forêt encore pleine de sommeil.
Sur un bateau par exemple, à la belle saison, on a presque tous envie de squatter les ponts extérieurs, où, comme ailleurs, les places sont limitées. Tout le monde s’y presse au début, au sens propre, maudissant son voisin et le sien également d’éprouver la même envie. Heure de pointe sur la plate-forme, le tableau doit sembler ridicule du haut de la cabine de pilotage. Mais petit à petit, au fur et à mesure que le bateau s’éloigne des côtes protégées, qu’il navigue seul dans un immense courant d’air, le vent et le froid s’engouffrent, poussant une partie des passagers à se déporter vers l’intérieur, à l’abri. Petite joie sur le visage des résistants dont l’espace vital croît proportionnellement à l’exode des plus frileux. Et pour entériner définitivement cette victoire par forfait, les plus courageux d’entre eux n’hésitent pas à marquer leur territoire en s’allongeant et en se prélassant sans complexe au soleil comme si plus rien d’autre n’existait…
Lorsque vous vous rendez à Londres par exemple, vous savez que, si vous le désirez, vous pouvez voir Buckingham Palace ; dans le golfe du Tonkin, la Baie d’Halong ; si vous allez à New York, vous vous attendez à apercevoir la Statue de la Liberté ; à Gizeh, la pyramide de Khéops ; à Paris, la Tour Eiffel ; à Niagara, les chutes éponymes ; à Yulara, Ayers Rock et ainsi de suite. Même si vous n’y êtes qu’une seule et unique journée. De façon générale, vous savez que, sauf cataclysme totalement imprévisible mais possible, en vous déplaçant sciemment à tel ou tel endroit pour admirer tel monument ou telle merveille de la nature, vous pourrez effectivement observer l’objet de votre désir. Le voyage a ses certitudes et elles sont les bienvenues. D’un certain point de vue, c’est la moindre des choses puisque cet élément convoité – naturel ou créé par l’homme donc – peut être ce qui a motivé l’évasion. Et il est rassurant de pouvoir se reposer sur leur pérennité même si les uns et les autres se dégradent irrémédiablement, du fait du temps qui passe et qui polit tout sur son passage, et de la présence même de l’homme, même respectueux de ce qui l’entoure.
Au même titre que les photos publicitaires sont généralement non contractuelles, cette convergence du désir du voyageur et de la réalité n’est pas garantie, quels que soient les efforts fournis ou les conditions réunies pour y accéder. Elle est certes courante, mais pas certaine. Vous pouvez ainsi planifier une semaine de safari au Kenya et ne voir que d’affreuses hyènes, de banales antilopes ou d’amusants suricates alors que vous rêviez de croiser le regard de lions, de girafes, d’éléphants ou encore de zèbres… Bon, j’avoue, vous n’auriez vraiment pas de chance… Reste que la rencontre avec ces animaux, même évoluant dans un parc et suivis à la trace par des pisteurs dévoués et missionnés pour vous satisfaire, est aléatoire, hors de portée de ce que vous maîtrisez habituellement. Et c’est en partie ce doute, cette attente pleine d’espérance qui rend la confrontation si puissante lorsqu’elle arrive. Et la frustration immense lorsqu’elle n’a pas lieu.
Il en est de même avec les phénomènes extra-terrestres. En particulier, les aurores. Boréales, australes, ne chipotons pas pour les hémisphères… Même lorsque les conditions optimales sont réunies donc — faire l’équilibriste à l’extrême nord du globe (entre 63°N et 70°N) – ce qui n’est déjà pas une mince affaire – ; choisir la bonne période, entre septembre et mars – ce qui laisse une fenêtre assez large – ; privilégier une année où l’activité du soleil, à l’origine de ce spectacle renversant, est à son apogée – en ce moment et pour un an encore ; multiplier les chances d’en voir – en restant plusieurs jours dans ladite zone –, vous pouvez rentrer bredouille de votre pêche au miracle atmosphérique ou avec quelques sardines dans le filet alors que vous rêviez de marlins, d’espadons et autres barracudas. En l’occurrence, cette aurore-là, si belle soit-elle avec le recul, est une sardine. Si déplacé que cela puisse résonner pour qui n’en a jamais vu. Niveau 1 sur une échelle en comptant 10. Ce qui laisse imaginer le séisme sensoriel que peut provoquer la vue de cette danse autant particulière que particulaire de niveau 5, 7 voire plus. Un Graal émotionnel que j’ai, par chance ou malchance, pu ressentir, à l’occasion de mon dépucelage auroral totalement inattendu il y a une douzaine d’années. Un Graal émotionnel que je cherche donc à revivre depuis, que je souhaite à chacun d’éprouver tant il dépasse l’entendement, et qui motivera une nouvelle évasion avec son lot d’aspiration, d’inspirations, de gorge serrée, de larmes versées et d’éblouissement certain… Et finalement, ne pas être sûr de ce que l’on va découvrir ailleurs est une belle façon de ne pas se lasser du voyage…
Les voyages, c’est un peu comme une boîte de chocolats (c’est de saison !)… ou non, comme une boîte de macarons (des Pierre Hermé forcément… private joke stambouliote), quand vous plongez votre main dedans, il est difficile (impensable ?) de s’arrêter… Et sitôt ce macaron pistache cannelle de ceylan griotine avalé dont les consonances vous ont téléporté au cœur des plantations de thé de Nuwara Eliya, vous ne rêvez que d’une chose : attraper celui au thé vert matcha et croustillant au sésame noir qui vous fait de l’œil et vous conduit, en un claquement mesuré de prémolaires, dans un ryokan traditionnel de Nara… Tout cela devrait vous combler, vous satisfaire, vous rassasier, au moins pour un temps ! Que nenni ! A peine la dernière miette de votre macaron Imagine (c’est son nom ! Un indice en soi(e)) disparue, à peine votre main reposée sur votre table de toujours, à peine votre raison reprend-elle le dessus sur votre gourmandise qu’une seule envie vous chatouille : sentir la fraîcheur d’un fruit de la passion mêlée à la douceur d’un chocolat au lait (les amateurs le reconnaîtront) vous glisser sur les papilles et entendre un air de samba brésilienne…
En apercevant, au détour d’un virage serré, cette femme en imper rouge et parapluie blanc filer vers la lumière sous cette chape d’arbres verts, touffus et hauts, je voyais déjà une image fantasmée, rêvée, tout en étant bien consciente qu’il était trop tard et qu’elle allait m’échapper. Je savais que la pluie et la faible […]
Share on FacebookCette nuit, des vents à 120 km/h ont soufflé sur Wellington, pourtant nichée au creux d’une baie. Cela bougeait encore pas mal ce matin, aussi avons-nous préféré différer notre incursion quotidienne en forêt. Les branches craquaient déjà bien hier, ce serait dommage d’échapper au coronavirus mais d’être assommé par un bout de bois. Ceci dit, […]
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