Photo-graphies et un peu plus…

La fourmigratrice

L’autre matin, à l’heure de pointe, sans vraiment l’avoir voulu, mon corps se retrouve coincé au coeur du magma humain épousant la forme du 3e wagon d’une rame de la ligne 13. Oui, aïe, je vois que certains compatissent ! La ligne 13, que j’ai déjà abordée ici entre autres, est un écosystème à elle toute seule où les lois de la physique, de la thermodynamique, de la nature, des gaz, des grands nombres, de la biologie, de la balistique, bref, où toutes les lois qui régissent notre vie sur Terre abandonnent leur train-train quotidien pour frôler le chaos. En somme, la ligne 13, c’est l’entropie par excellence. On a beau le savoir, c’est toujours un moment difficile à vivre, voire un peu gênant.

De fait, ma parade, c’est de simuler. Oui, je fais comme si j’étais ailleurs, j’essaye d’oublier que je suis collée contre des inconnus, que je n’ai pas encore compris où était passé mon bras gauche, je me jette visuellement dans la partie de Candy Crush de ma voisine (cela a toujours été mon unique façon d’y « jouer »), je suis vaguement les conversations électroniques de certains, je passe d’un visage à l’autre en quête d’une expression unique et forcément somptueuse même si c’est de l’exaspération qui s’en dégage, je me réjouis presque de cette expérience humaine si matinale (bien plus facilement depuis que je ne la vis plus quotidiennement évidemment). Et voilà que l’autre matin donc, quelque chose de mouvant et d’inattendu apparaît à la périphérie droite de mon champ visuel, sur un monsieur en chemise à rayures blanches et bleues, manifestement fatigué. Une toute petite fourmi. Enfin, juste une fourmi. Là, dans ce chaos insondable à la chaleur rappelant la soupe primordiale ayant donné naissance à l’univers, une fourmi. Sans sa colonie. Seule donc.

Qui se demande ce qu’elle fait là, arpente le haut de la chemise du jeune homme en long, en large et en travers, trace sur les chemins de crête avant de rebrousser chemin puis de disparaître quelques secondes hors de mon champ visuel pour revenir de plus belle car elle n’a trouvé aucune issue dans la pochette gauche de ladite chemise. A quoi pense-t-elle ? Comment est-elle arrivée là, sur la ligne 13, ainsi véhiculée par un être humain vers une destination inconnue ? J’imagine déjà que le gars a profité du beau temps de la veille pour faire une machine et laisser sécher son linge sur le balcon de son 2 pièces, sur lequel il a installé quelques plantes vertes dès son arrivée il y a 4 ans maintenant, histoire d’avoir une micro dose de nature à portée de main et aussi un peu de fraîcheur et d’intimité en été. La fourmi vient de passer la nuit sur la feuille la plus longue de son yucca géant, laquelle est posée en partie sur le fil à linge qu’il tend ponctuellement.

C’est ainsi que bon an mal an, elle a commencé par faire une séance d’équilibriste sur le fil avant d’atteindre le sommet du cintre en aluminium auquel est accrochée sa chemise, dès lors, très facile à atteindre puisque dans la continuité de sa progression. Il ne la voit évidemment pas quand il l’attrape après avoir pris sa douche et c’est ainsi que sa fourmi fugue involontairement et se retrouve à quelques centimètres de moi dans cette rame tropicale. J’avoue avoir pensé lui souffler dessus, je ne sais d’ailleurs pas vraiment dans quel but, mais je me ravise vite en anticipant le regard déconcerté que m’aurait lancé le monsieur après qu’il a senti mon souffle atteindre son cou… situation qui aurait pu être mal interprétée. Et puis, souffler sur la fourmi l’aurait sûrement envoyer au sol et par conséquent, à une mort certaine. Je décide donc de suivre ses pérégrinations du regard. Je retiens ma respiration quand elle s’engouffre dans le col de la chemise, redoutant qu’elle atteigne son cou et que, sentant quelque chose le chatouiller, il envoie un signal à son cerveau pour lever son bras et intimer l’ordre à sa main de gratter frénétiquement la zone concernée, augmentant les chances d’écraser la fourmi au passage. Heureusement, rien de tel ne se déroule et elle poursuit ses allers-retours incessants m’incitant à me demander si une fourmi est capable de s’arrêter ou si elle est naturellement hyperactive.

Oubliant totalement la raison pour laquelle je suis montée dans le métro, je suis le gars lorsqu’il en descend, sans quitter la fourmi des yeux ni savoir vraiment ce que j’espère. Correspondance. Je le suis toujours. Il monte tranquillement dans sa nouvelle rame et a, cette fois ci, l’opportunité de s’asseoir, ce qu’il ne manque pas de faire. Je préfère rester debout, pour avoir un peu plus de marge de manoeuvre vis-à-vis de la fourmi que je vois tout d’un coup prise d’une témérité incroyable puisqu’elle se met à dévaler toute la manche droite de la chemise et à passer sur la vitre contre laquelle il a posé son bras. La voilà à nouveau en expédition, hors de ma portée ! Elle monte, elle descend, elle sonde, cherche des repères, inexistants, elle avance et finit par plonger dans un pull à rayures jaunes et vertes porté par une jeune femme aux cheveux courts ! Décidément ! Là voilà qui descend à son tour du métro, je me jette dans son sillage, je perds la fourmi de vue mais je sais qu’elle est toujours là. Après quelques minutes de marche, la fille s’arrête devant un immeuble et pousse une épaisse porte noire derrière laquelle résonne une musique forte et sourde, je la suis sans regarder où j’entre. Une salle de concert blindée à l’ambiance déchaînée. En pleine matinée. Une autre forme de ligne 13. La fille est juste devant moi, elle s’agite déjà comme une damnée. Bientôt, elle va avoir trop chaud et retirer son pull qu’elle posera alors sur son siège. Je n’aurai plus qu’à tendre le bras et attendre que la fourmi saisisse son ultime chance de recouvrer la liberté… Ce qu’elle finit par faire. Je la place au creux de mes mains que je veille à bien clore, m’extrais de la salle obscure et pars en quête d’un tronc d’arbre où je finis par la relâcher. Elle file vers les sommets sans se retourner. Heureuse, je lève alors la tête, réalise où je suis, regarde l’heure, lance un « zut » faussement coupable et retourne au métro pour me reconnecter à mon plan initial nettement moins palpitant !

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C’est à Antsirabe, au cœur de Madagascar, que j’ai passé mon baptême. De pousse-pousse. Mon baptême de pousse-pousse, oui. Ne riez pas, je suis sérieuse, c’est très intimidant, même si j’en conviens, ce n’est pas aussi terrifiant qu’un premier saut en parachute, même accompagné, ou qu’une plongée à 30 mètres, ce que ne fait jamais un néophyte… Cela remonte à une petite quinzaine d’années mais je me souviens parfaitement avoir longuement hésité avant de solliciter un des nombreux tireurs de ces petites charrettes bigarrées qui patientaient sur le bord des routes. Ce qui me freinait ? Le fait d’être portée et déplacée par un être humain à la seule force de ses bras et de ses jambes.

Dans mon imaginaire, le pousse-pousse renvoyait en effet à la période de la colonisation – toujours palpable par moments – et à une certaine forme d’exploitation de l’homme par l’homme, et, malgré ma curiosité de voyageuse avide de découvertes et d’authenticité, je n’avais pas envie de m’inscrire dans cet a priori. C’est le fait de voir des Malgaches user eux-mêmes de ce mode de transport dans la capitale officielle du pousse-pousse que j’ai fini par changer d’avis et resituer les éléments dans leur contexte d’alors. En somme, un petit métier comme tant d’autres…

Le plus étonnant, même si c’est finalement complètement en phase avec cette tentative de développer des moyens de transport plus verts en Occident pour les courts trajets, qu’ils soient liés au tourisme ou aux livraisons, a été de voir émerger, ces dernières années, des cyclo-pousses ou rickshaw et autres tuk-tuk (une moto ou un scooter à la place du vélo ou des pieds) sous nos latitudes tempérées. Déclinaisons du premier que j’ai d’ailleurs testées par la suite sans – et cela me semble logique – rencontrer cette gêne qui m’avaient saisie à Madagascar. En revanche, ici, même au 21e siècle, aucun pousse-pousse traditionnel dans le paysage – charrié par l’homme – pour autant. Est-ce par souci d’efficacité, de rentabilité à une époque où tout doit aller très vite et où c’est déjà un exploit d’adopter ce rythme plus lent, ou un résidu de cette perception qui m’avait bloquée par le passé ?

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Ces femmes au pied de la grotte s’apprêtent à vivre le moment que je préfère lorsque je prends le métro : en sortir ! Aucune ironie dans cette première phrase, hormis cas exceptionnels – la ligne de la poisse notamment -, je suis plutôt une fervente partisane de cette bruyante chenille ! On y lit, on y mange, on s’y observe, on s’y assoupit, on y révise ses langues étrangères, on y chante, on y danse, on s’y parle, on s’y bécote… Le métro, c’est un peu comme un travelling sans cut final sur la vie à l’état confiné où des personnes viennent interpréter un rôle de composition le temps d’une, de trois ou de douze stations avant d’être remplacées par d’autres qui partageront ce même souci d’authenticité.

Les entrailles d’une ville que l’on traverse sans la voir tout en sachant qu’elle pousse bien verticalement au dessus et que la vie y grouille aussi. Parfois, à quelques détails près, on sait exactement ce qui se trame et se trouve là-haut. Tel immeuble à tel angle, tel passage piétons ici, telle boutique en face, tel poteau sur ce trottoir, tel jardin public de l’autre côté du carrefour et ainsi de suite… On s’extirpe alors de l’obscurité sans s’émouvoir de quoi que ce soit. Ou si peu. Parfois, et c’est le plus captivant, on ne sait absolument rien de l’environnement dans lequel on va débarquer en s’extrayant du tube hormis le patronyme de la station qui nous révèle que l’on est arrivé et nos a priori. C’est la découverte totale et brutale, à la fois d’une ambiance, de la faune locale, de l’architecture, de sonorités particulières peut-être, de couleurs mais aussi d’odeurs potentiellement toutes différentes de l’endroit que l’on a laissé derrière soi… Que la surprise soit bonne ou mauvaise – donnant ainsi plutôt envie de rebrousser chemin -, sortir du métro en terre inconnue est, à mes yeux, la promesse d’un voyage en soi. A fortiori, un petit moment de bonheur.

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Que vous soyez en avion, en bus, en train ou en bateau, si le placement est libre, un chaos certain s’empare instinctivement du troupeau d’humains qui cherche à l’intégrer. Le voilà qui trépigne à l’entrée dudit véhicule comme si sa vie en dépendait. Le Français est particulièrement doué dans cette indiscipline perçue comme un manque d’éducation à l’étranger. « Vous êtes arrivé avant ? Et alors ! Que c’est petit de s’attacher à ce point à ces détails chronologiques… Tout le monde finira par entrer ! ».

Entrer oui, certes, mais l’ambition de l’amnésique des bonnes manières aux propos nonchalants va forcément au-delà du simple fait d’avoir une place, puisqu’il a déjà payé pour cette dernière. Le but, c’est d’avoir une bon-ne place. Mêlée à l’entrée, croche-pieds, bousculades, dénigrement, pression sont les travers les plus avouables du « premier arrivé, premier servi ». Une fois dans le ventre du véhicule, on se presse lentement vers celle que l’on estime être sa place idéale. Heureusement, la bonne place de l’un peut être considérée comme mauvaise par l’autre… C’est parfois ce qui nous sauve du duel à l’épée à l’orée de la forêt encore pleine de sommeil.

Sur un bateau par exemple, à la belle saison, on a presque tous envie de squatter les ponts extérieurs, où, comme ailleurs, les places sont limitées. Tout le monde s’y presse au début, au sens propre, maudissant son voisin et le sien également d’éprouver la même envie. Heure de pointe sur la plate-forme, le tableau doit sembler ridicule du haut de la cabine de pilotage. Mais petit à petit, au fur et à mesure que le bateau s’éloigne des côtes protégées, qu’il navigue seul dans un immense courant d’air, le vent et le froid s’engouffrent, poussant une partie des passagers à se déporter vers l’intérieur, à l’abri. Petite joie sur le visage des résistants dont l’espace vital croît proportionnellement à l’exode des plus frileux. Et pour entériner définitivement cette victoire par forfait, les plus courageux d’entre eux n’hésitent pas à marquer leur territoire en s’allongeant et en se prélassant sans complexe au soleil comme si plus rien d’autre n’existait…

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N’avez-vous pas l’impression qu’il manque quelque chose à cette photo ? Non pas à la photo en tant que telle, mais à ce qu’elle montre ? En lieu et place de nos tourniquets doublés de claquantes portes saloon faisant passer les mâchoires de requin blanc pour de la guimauve, de simples bornes marquent l’entrée dans un territoire à tarification spéciale : les transports publics. On y scanne sa carte, on y passe son billet puis on avance, librement. Sans portique, même bas, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays…

Alors que de hauts systèmes de sécurité sont en voie d’installation dans les gares de proche banlieue parisienne, le contraste entre nos mœurs et celles du pays du soleil levant est à nouveau saisissant. Car, plus de sécurité, il s’agit plutôt, dans nos contrées latines, d’ériger des murs anti-fraude, en tout cas, destinés à la rendre plus difficile. Et de rappeler que « transport public » n’est pas synonyme, tout du moins pas encore, de « transport gratuit » même si tel est le credo d’un autre réseau RATP (le Réseau pour l’abolition des transports payants)… Au Japon donc, on monte dans le bus par la porte arrière et on paye en sortant, par l’avant, juste à côté du chauffeur. L’idée même de filer à l’anglaise, sans payer, semble n’effleurer l’esprit de personne. Bizarre, non ? A contrario, dans notre chère capitale, a fleuri, ces dernières années, une poignée de jingles polis lancés par les chauffeurs selon leur humeur. Ainsi, lorsqu’une personne entre sans s’acquitter de son dû, ce qui arrive régulièrement, une petite musique se met en marche et une femme à la voix douce – c’est toujours une femme qui est chargée de remettre la planète sur les rails ! – prend le relais : « Nous vous rappelons qu’il est obligatoire de valider son titre de transport ! ». Ou, dans d’autres circonstances, qu' »il est interdit de monter par l’arrière du bus », qui est, de fait, une manière de ne pas valider son précieux sésame… Les étourdis, qui ne pensaient pas à mal, fouillent alors frénétiquement dans les dix huit poches avec lesquelles ils se promènent pour en extraire leur pass et aller le valider de façon assez ostensible tandis que les autres font la sourde oreille.

Cela me rappelle une petite histoire new yorkaise racontée par une Française en vacances avec son frère. Celui-ci avait manifestement été alpagué de façon assez musclée par la police – et il suffit de les croiser une fois pour comprendre que ça peut être un moment désagréable – après avoir sauté par dessus la barrière du métro, histoire de ne pas rater celui qui arrivait à quai. Comme à la maison, quoi ! Son étonnement m’avait étonnée… Même à Londres, où le ticket de métro dépasse les 4 euros, les portiques semblent là pour la forme. Je me dois toutefois de préciser qu’un agent veille à chaque entrée de métro et que cela produit sûrement son petit effet. Bref, la question demeure : le Français est-il fraudeur à ce point ? La fraude est-elle une question de prix, de principe, de nature, un acte de rébellion ou un manque de respect à l’égard des biens partagés ? La question reste en suspens mais se pose dès que je me retrouve face à des systèmes où, par défaut, on fait confiance à ceux qui les utilisent…

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– Dis, Lou, c’est quoi cette boîte de sardines ?

Lou (moi donc) ne lève même pas la tête et continue à chercher une photo.

L’autre, un peu plus insistant :

– Dis, Lou ! C’est qu-oi cet-te boî-te de sar-di-nes ?

Lou, toujours plongée dans ses fichiers…

L’autre, malin :

– Lou, comment on devient artiste ?

Lou lâche instantanément sa souris, se redresse et commence :

– Alors, cette boîte de sardines, c’est une métaphore…

Point d’interrogation en face…

– … une image, si tu préfères… une façon de parler de quelque chose en le comparant à autre chose…

Léger éclaircissement dans la mine.

– Comment sont les sardines dans cette boîte ? lui dis-je.

– A l’huile !

– Oui, mais encore ?

– Elles n’ont plus de têtes !

– Effectivement, mais quoi encore ? Regarde bien… Il n’y a pas quelque chose qui te saute aux yeux ?

Le petit, très concentré…

– Elles sont serrées ! lâche-t-il, persuadé d’avoir mis le doigt sur la réponse attendue.

– Oui, c’est ça ! D’où l’expression « être serré comme des sardines ». Donc, cette boîte de sardines, en fait, c’est ce à quoi me fait spontanément penser le métro que je dois prendre le matin  pour aller au travail. Le métro, c’est la boîte ; les sardines, c’est nous… Et je peux t’assurer que la vie de sardine en boîte est loin d’être appréciable. Vois-tu, les retards récurrents, les problèmes techniques à répétition, l’alternance des rames entre les deux directions, font que ces rames sont systématiquement bondées, en particulier en heures de pointe (d’où leur nom d’ailleurs). Mais quand je dis « bondées », c’est presque trop gentil, elles sont surpeuplées. De vraies bétaillères ! Et encore, je suis sûre qu’il existe désormais des lois européennes pour interdire de mettre trop d’animaux dans une surface donnée ! Il faut vraiment le voir pour le croire… Imagine-toi sur le quai. Comme ça, de l’extérieur, le wagon semble plein. Les faces sont plaquées contre les vitres des portes, les mines sont totalement défaites, implorant la pitié : non, ne rentrez pas… De l’intérieur, il l’est, je te l’assure. Sauf que ceux qui attendent impatiemment sur le quai ne sont pas de cet avis, ils n’ont que faire de la compassion, il faut qu’ils pointent à leur poste ! Et là se trouve la magie du métro matinal : pour le voyageur qui a l’impression de revivre chaque jour le même cauchemar et qui n’espère plus avoir une réelle place dans la rame, l’objectif est d’y entrer coûte que coûte. En poussant un peu par ci, un peu par là, entraînant des micro-mouvements de foule à l’intérieur, en laissant à peine ceux qui veulent s’échapper du pressoir de sortir… Tout le monde peste, un peu dans sa barbe. C’est le dépit. C’est horrible ce dépit-là. C’est comme une visite chez le dentiste. Un mauvais moment à passer mais il faut bien le faire… Et puis, sans t’en rendre compte, tu as un pied à gauche, un autre de l’autre côté de la jambe droite de ton voisin que tu pourrais chatouiller sous les bras si tu étais bien disposé (et lui aussi) et le reste du corps vrillé vers le haut de la rame pour capter un peu d’air. Preuve de la plasticité à toute épreuve de notre corps… Heureusement, la densité humaine est telle qu’une position totalement déséquilibrée n’est pas synonyme de chute pour autant. Voilà donc que l’on se « repose » sur des bouts d’êtres, que nous sommes tous là, avec notre bulle de sécurité percée de toutes parts, à vivre une intimité non désirée avec de parfaits inconnus. Qu’un sorte et le mikado s’effondre… Parfois, il est difficile à certains de réfréner certaines poussées belliqueuses. Cela se comprend. Heureusement, les bras étant bloqués en position basse, les agressions sont majoritairement verbales. Le pire entendu : rame bondée, on pousse, on pousse, on pousse… Une jeune femme avec un paquet fragile entre les mains dans le sas principal. Quelle idée aussi, pourrait-on penser, de prendre le métro à cette heure-ci avec un paquet fragile ? Il y a aussi des gens qui partent en vacances avec leur grosse valise ou sac à dos qui prennent le volume de trois personnes, ou des poussettes dépliées avec marmaille inside – 4 personnes… On leur en veut et en même temps, faut bien continuer à vivre ! Bref, la donzelle avec sa boîte fragile… Voilà qu’elle lance un « Ta gueule ! » à une vieille dame qui avait dû manquer sa dernière séance de PNL et n’avait donc pas su capter les micro-signaux que lui envoyait la jeune femme bien sous tous rapports apparents depuis quelques secondes : « Pas le matin ! » « Pas le matin ! » « Pas le matin ! »… Comprendre : « Ne pas me prendre la tête dès le matin ! »… Et la dame, insistante, « Oui, mais, quand même vous pourriez faire attention… » « Ta gueule ! » donc. Effroi dans l’assemblée. Quand même… Oui, quand même… Cette ligne transporte des gens dans des conditions inacceptables, mais quand même, un peu de respect pour les aînés. Oui, moi, je suis comme ça. Bref. Elle finit par s’excuser… Non, pas d’excuse… par se justifier quelques minutes après… le métro est arrêté entre deux stations, ça laisse le temps de penser à ce que l’on vient de dire, à se rappeler du chapitre sur la maîtrise de soi parcouru la veille, à se convaincre que ce n’est pas grave… « Oui, quand même, ça ne se fait pas ! » finissent par dire les gens collés à la jeune-à-la-boîte-fragile-et-aux-joues-rouges… Ce qui ouvre une courte lamentation sur cette ligne maudite qui énerve tout le monde, les salariés, les employeurs, les recteurs d’université aussi, et en premier lieu les passagers, les sardines quoi… Evidemment, face à cette fatalité, je ne peux m’empêcher de me demander si les choses auraient été différentes si cette ligne ne s’était pas appelé 13 mais 15… La RATP aurait dû faire comme dans les compagnies aériennes américaines, supprimer la rangée 13 de leurs avions, forcément capteur de tous les dysfonctionnements connus sur les différentes lignes de son réseau !

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