Photo-graphies et un peu plus…

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La trêve verbale est terminée. Les mots reprennent leur territoire virtuel !

Croiser une personne connue ou membre du cercle des 6 degrés de séparation à un endroit totalement incongru est toujours un moment fascinant. Comme si le monde était petit, ce qu’il n’est évidemment pas, n’en déplaise aux Enfants du Paradis même si c’est de Paris dont il s’agit alors. Ces convergences – rares – ont ce petit goût de magie que l’on aime associer à certains événements de notre vie. Pourtant pas statisticien, on se prend alors à calculer – ou du moins à faire semblant – la probabilité de survenue de cette rencontre avant de statuer fièrement qu’elle est nulle. Mais voilà, contre toute attente et toute logique, les chemins se sont croisés. Sur Hollywood Boulevard à Los Angeles, sur la route des étoiles donc, un mercredi après-midi d’août ensoleillé, je tombe nez à nez avec des voisins de Vancouver. A Seattle, où les nuits ne sont pas toutes blanches, dans une file d’attente pour un concert, encore un choc frontal avec une personne rencontrée une poignée d’années auparavant à San Francisco. A Hawaii, sur une plage de Kauai au coucher du soleil, les pieds nus dans le sable humide et doré en direction de l’océan, un couple en sort. Nouvelle hallucination ! Nous nous sommes vus pour la première fois la semaine précédente, à Hilo, sur une autre île, alors que nous faisions du couchsurfing chez le même hôte. Rebelote le lendemain sur un chemin de randonnée, ce qui déclenche la prise d’un rendez-vous fixe, maîtrisé, non laissé au hasard cette fois-ci pour en savoir plus… Ce « Pour en savoir plus » nous apprend que nous avons des amis communs. Là, comme ça, à l’autre bout du monde…

Et voilà que la chose s’est reproduite, différemment, à un autre bout du monde (par chance, il y en a plusieurs). Plus polaire. A Tromso. 69°N 18°E. Au nord nord de la Norvège dont le nom porte lui-même la nordicité (excusez du québécisme). Rares sont les villes plus au nord encore. A cette période de l’année, il y fait nuit toute la journée. Ce qui ne signifie pas que la zone est plongée dans une totale obscurité toute la journée non plus. Le soleil ne daigne pas se soulever plus haut que l’horizon mais ses éclats lointains viennent « éclairer » les alentours trois heures par jour… Ce qui laisse 21 heures de vraie nuit ! C’est beaucoup pour nous autres qui sommes habitués à un peu plus d’équilibre entre le jour et la nuit (ce qui me fait penser que les Norvégiens ne doivent pas utiliser l’expression « C’est le jour et la nuit ! »). Bref, à un moment de la journée, un besoin de lumière, même artificielle, se fait sentir.

Or, Tromso a une belle bibliothèque moderne, claire et lumineuse. Un phare dans la nuit polaire. Je pousse la porte d’entrée et suis accueillie par une très agréable chaleur qui me fait ôter bonnet, gants, écharpe, manteau, sous-gants (non, il ne fait pas si froid). Face à moi, une colonne de presse internationale. Je cherche les canards français ayant pignon sur rue dans cet antre du savoir de la ville. Il n’y en a qu’un : Le Nouvel Observateur. Et ce n’est même pas le plus récent. Je l’extrais de son étagère et l’ouvre au hasard. Page 13. Oui, oui, page 13. Je suis médusée. Sur la photo, un ami. Kristophe Noël, mon compère de Médyn et d’autres aventures artistico-photo-littéraires. Là, le type replié sur lui-même pour illustrer un article sur l’autisme qu’il n’est pas, c’est lui. J’en doute alors qu’il n’y a aucun doute à avoir. C’est lui. Comme un film que je rembobine, je me vois choisir d’aller à Tromso pour voir des aurores boréales, entrer dans la bibliothèque pour me réchauffer, prendre Le Nouvel Obs par curiosité d’une francophone en terre étrangère et enfin l’ouvrir, juste comme ça et tomber sur  Kristophe Noël. C’est fou non ? Il y a toujours une interrogation qui filtre dans pareilles circonstances : les coïncidences ont-elles une raison ?

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J’aime la ville. Pas plus que la nature, mais la ville est mon environnement naturel, en ce sens qu’elle est le lieu où j’ai passé le plus d’années. J’ai appris à aimer l’architecture, en particulier, moderne, et suis, de fait, toujours en quête de constructions remarquables dès lors que je pose le pied dans une nouvelle cité : gares monumentales, bibliothèques de verre, tours détonantes, musées tarabiscotés… Souvent, mais c’est aussi pour les trouver que je choisis de les mettre sur mon parcours, les villes qui m’accueillent ont tout ça à la fois. Les grands noms de l’architecture d’aujourd’hui y ont posé leurs pierres, récemment, faisant jaillir des bâtiments dont la modernité vient trancher avec la tradition centenaire ou moins incarnée par leurs voisins de rue. J’aime cette juxtaposition des époques et des approches, je trouve pertinente et audacieuse cette cohabitation du vieux et du neuf, inscrivant un bâtiment dans une continuité historique.

Là, en fermant les yeux – une chose que j’aime bien faire pour voyager dans mes souvenirs -, je vois la bibliothèque de Seattle, petite merveille biscornue et lumineuse de Rem Koolhaas, je vois le musée Stedelijk de Mels Crouwel à Amsterdam, temple du design en forme de baignoire gigantesque posée sur la ville, ou encore celui du cinéma, The Eye du cabinet d’architectes Delugan Meissel, aux allures de vaisseau spatial ; je vois The Shard, cette tour pointue récemment inaugurée à Londres par son créateur Renzo Piano, ou celle, plus arrondie, de Norman Foster, toujours dans la capitale britannique ; je vois le Jay Pritzker Pavillion de Frank Gehry à Chicago, ses sièges rouges parfaitement alignés et ses courbes métalliques si reconnaissables ; ce qui me renvoie instantanément au Walt Disney Concert Hall commis par le même Gehry à Los Angeles, où Richard Meier a érigé un inoubliable musée, le Getty Center, acceptant de troquer son blanc par un léger crème pour la paix des ménages… C’est vivifiant, c’est euphorisant, ces petites touches de fraîcheur dans ces villes, jeunes ou anciennes ! Mais lorsque je fais le même exercice – fermer les yeux et me concentrer – avec ma propre ville, Paris, je me heurte, sans heurts, à la Tour Eiffel, à l’Arc de Triomphe ou encore à l’Opéra Garnier, puis à l’Arche de la Défense, la bibliothèque François Mitterrand… ah, je trébuche enfin sur le musée du Quai Branly de notre star nationale, Jean Nouvel… Quoi d’autre ? La future canopée de Châtelet-Les Halles ? Et je me dis que je foule chaque jour les trottoirs d’une ville musée, certes magnifique, mais un peu guindée, conservatrice et consensuelle, cultivant sa propre nostalgie comme si elle s’était arrêtée en route et suffisait à faire son charme… Ceci étant écrit, rien n’est perdu et c’est vraisemblablement de la périphérie que viendra l' »original » (les guillemets pour la valeur sûre mais un peu surannée quand même) : il y a quelques jours, je suis tombée nez à nez sur la future Fondation LVMH conçue par Gehry. Cela m’a procurée une vraie joie je dois l’avouer, car je la voyais comme un démenti concret à ce que je ruminais depuis quelques mois et que je viens d’exposer. Bientôt donc, en fermant les yeux, je verrai aussi d’étranges formes en pensant à la ville lumière…

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Cela faisait six mois que j’attendais cet instant, que j’attendais ce 6 septembre 2012, car c’est ce jour-là que devait sortir Ville des anges de Christa Wolf, publié au Seuil. Non que je sois fan de cet écrivain allemand – que je ne connaissais pas il y a sept mois -, ou que je lise systématiquement tous les ouvrages portant sur Los Angeles – mon intérêt n’a pas réellement dépassé la curiosité que suscite une cité aussi mythique -, ou encore que je sois actionnaire de la prestigieuse maison d’édition… C’est en fait beaucoup plus trivial puisque c’est une de mes photos qui a été utilisée pour la couverture de ce livre. La chance de la première fois, que je n’ai pas pu m’empêcher d’immortaliser il y a quelques heures, histoire de faire savoir un peu…

Papillonner, c’est le petit nom que j’avais donné à cette photo lorsque je l’ai postée sur ce site le 26 août 2011. Pour le papillon d’abord, éphémère animal magique et poétique, qui venait de prendre son envol après quelques secondes de repos sur une branche déshydratée sur fond d’Océan pacifique et de ces hauts palmiers si emblématiques de ce littoral photogénique de la côte ouest américaine. Pour la symbolique ensuite : je rentrais tout juste d’une année de vadrouille nord-américaine qui s’était conclue par deux mois à dormir chaque soir dans de nouveaux draps, avec un nouveau paysage de l’autre côté de la fenêtre de la chambre du motel, de l’ouverture de la tente, du hublot ou de la vitre du train… Papillonner, découvrir, goûter, frôler, survoler, c’est ce que j’avais fait avec le plus grand sérieux pendant cette parenthèse hexagonale aussi indispensable que temporaire. J’ai adoré papillonner, ressentir cette légèreté du corps et de l’esprit en prise avec l’ailleurs, penser que seules mes envies d’alors guidaient des choix se résumant souvent à : la route de gauche ou celle de droite ? J’adore toujours papillonner, même ici, pour l’illusion qu’ainsi conditionnée, voire formatée, je suis capable d’ajouter quelques notes imprévues à ce quotidien de papier à musique qui nous agrippe avec une ferveur maline… Contrairement à ce que l’on nous apprend, le papillon a la vie longue… Longue vie aux papillons !

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Cette photographie, prise depuis la base de l’une des rampes d’accès aux quais de la gare de Los Angeles, a été publiée, virtuellement, dans la série Photos de vacances du Journal de La Photographie. Un moment photogénique et symbolique volé avant de monter à bord du Sunset Limited et de partir pour une épopée ferroviaire de 4 jours ralliant la cité des anges à la grande pomme…

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– Where are you from?
– Denver…
– No way! Are you kidding? That’s a long way… I’ve never been there. Denver is such a beautiful city.

Ah bon ? Quelques minutes plus tard, un peu plus lointain…

– Where are you from?
– London!
– No way! Are you kidding? That’s a long way… I’ve never been there. London is the most beautiful city on the world!

Evidemment ! Le lendemain matin…

– Where are you from?

C’est pas vrai, il recommence ?
– Reno!
– No way! Are you kidding? That’s a long way… I’ve never been there. Reno is such a beautiful city! I’ve never been to California…

Je pose mon carnet, me retourne et scanne les environs. Bingo ! Cette litanie sort de la bouche de ce monsieur à l’air plutôt sympathique. Appelons-le Bob, malgré sa perruque un poil mal ajustée. C’est sa façon très personnelle d’engager la conversation avec des inconnus dans ce Sunset Limited dont la mission est de nous traîner de Los Angeles à La Nouvelle Orléans en 48h chrono. Pas une minute de plus, pas une de moins. Ce qui relève de l’exploit ! A la fois pour la ponctualité sur une aussi grande distance, que sur la durée du périple sans sortir du pays (où nous conduiraient 48 heures de train depuis Lyon par exemple ?)

Bob est seul mais n’a pas l’intention de se plonger dans un livre comme le font la plupart des voyageurs qui élisent domicile dans le wagon panoramique dès le lever du jour. Non, Bob, qui se dit architecte – ce que doit probablement confirmer la présence de plusieurs stylos et crayons dans sa poche gauche de chemise, artifice d’autant plus étonnant qu’il n’a ni carnet ni cahier avec lui – veut discuter, échanger avec ses semblables. Bob est un électron libre. Il progresse cahin caha dans la voiture secouée par de légers spasmes (tout étant relatif puisque LA-NO, c’est principalement une ligne droite…), s’accrochant là où il peut, se pose sur un siège libre, qu’il fait pivoter vers sa gauche ou sa droite en fonction de ce que lui inspire son nouveau voisin. Une fois son choix fait, il le regarde de façon un peu insistante pour capter son regard et met le magnéto en marche : Where are you from? Il le dit avec un si grand sourire que personne n’ose lui tourner le dos. Tout le monde a pourtant repéré son petit manège, catégorie comique de répétition bien rôdé. Le wagon n’est pas si grand et Bob, enchaînant les prises de contact calibrées comme il mangerait des fraises Tagada, pas si discret. Et comme moi, chacun a bien conscience de la suite qu’il a prévu de donner à cette entrée en matière quelque peu artificielle et impersonnelle donnant parfois lieu à des échanges un peu plus fournis qui, s’ils ont tous la même teneur – origine géographique, destination finale, raison du voyage entrecoupés de oh, de ah et de no way! -, n’en demeurent pas moins uniques. Chacun sa façon d’occuper le temps qui s’écoule…

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