Photo-graphies et un peu plus…

L'aventure intérieure

Je serais exactement dans le même état de suspicion et d’expectative si je me retrouvais, sans avoir été prévenue, à délirer dans mes propres vaisseaux sanguins !

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De loin

La balade qui m’a conduite ici, sur les quais de la nouvelle Meuse, a un goût d’inachevé, et, subséquemment, d’assez exceptionnel. Je suis en transit à Rotterdam pour une poignée d’heures avec un dense programme architectural et il pleut. Pas cette petite pluie fine indécise dont les gouttes semblent défier la gravité tant elles tombent lentement. Non, pas cette bruine aussi inutile qu’inoffensive, qui fait semblant de mouiller, ce qui ne l’empêche pas de m’agacer au plus haut point mais qui n’empêche pas d’avancer pour autant. Une vraie pluie désagréable, insistante, pénétrante, glaciale qui, malgré tout, bouscule un peu les plans initiaux, et donne plus envie de se lover dans un fauteuil devant une cheminée avec un bon livre et un café fumant que d’errer une heure dans une ville pourtant pleine de promesses.

Et puis, ayant déjà passé beaucoup de temps à tourner autour et surtout, sous les maisons-cubes de Piet Blom, arrivée au bord du fleuve, je n’en ai plus assez pour marcher jusqu’au Pont Erasme, le traverser, a fortiori atteindre la presqu’île Kop van Zuid et me mettre aux pieds de De Rotterdam, cette oeuvre monumentale de Rem Koolhaas. Alors, je me contente de l’observer, de là, de loin, un peu perdue dans cette brume mystérieuse gommant tout détail, un peu comme un rêve inaccessible, et je pense au monolithe noir des premières minutes de 2001, l’odyssée de l’espace. Puis je m’en vais, traînant avec moi la douce sensation d’une rencontre prometteuse mais prématurée. La prochaine fois, car il y en aura une, j’irai la toucher. Et qui sait ce qui se passera alors ?

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Le taxi jaune

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J’aime la ville. Pas plus que la nature, mais la ville est mon environnement naturel, en ce sens qu’elle est le lieu où j’ai passé le plus d’années. J’ai appris à aimer l’architecture, en particulier, moderne, et suis, de fait, toujours en quête de constructions remarquables dès lors que je pose le pied dans une nouvelle cité : gares monumentales, bibliothèques de verre, tours détonantes, musées tarabiscotés… Souvent, mais c’est aussi pour les trouver que je choisis de les mettre sur mon parcours, les villes qui m’accueillent ont tout ça à la fois. Les grands noms de l’architecture d’aujourd’hui y ont posé leurs pierres, récemment, faisant jaillir des bâtiments dont la modernité vient trancher avec la tradition centenaire ou moins incarnée par leurs voisins de rue. J’aime cette juxtaposition des époques et des approches, je trouve pertinente et audacieuse cette cohabitation du vieux et du neuf, inscrivant un bâtiment dans une continuité historique.

Là, en fermant les yeux – une chose que j’aime bien faire pour voyager dans mes souvenirs -, je vois la bibliothèque de Seattle, petite merveille biscornue et lumineuse de Rem Koolhaas, je vois le musée Stedelijk de Mels Crouwel à Amsterdam, temple du design en forme de baignoire gigantesque posée sur la ville, ou encore celui du cinéma, The Eye du cabinet d’architectes Delugan Meissel, aux allures de vaisseau spatial ; je vois The Shard, cette tour pointue récemment inaugurée à Londres par son créateur Renzo Piano, ou celle, plus arrondie, de Norman Foster, toujours dans la capitale britannique ; je vois le Jay Pritzker Pavillion de Frank Gehry à Chicago, ses sièges rouges parfaitement alignés et ses courbes métalliques si reconnaissables ; ce qui me renvoie instantanément au Walt Disney Concert Hall commis par le même Gehry à Los Angeles, où Richard Meier a érigé un inoubliable musée, le Getty Center, acceptant de troquer son blanc par un léger crème pour la paix des ménages… C’est vivifiant, c’est euphorisant, ces petites touches de fraîcheur dans ces villes, jeunes ou anciennes ! Mais lorsque je fais le même exercice – fermer les yeux et me concentrer – avec ma propre ville, Paris, je me heurte, sans heurts, à la Tour Eiffel, à l’Arc de Triomphe ou encore à l’Opéra Garnier, puis à l’Arche de la Défense, la bibliothèque François Mitterrand… ah, je trébuche enfin sur le musée du Quai Branly de notre star nationale, Jean Nouvel… Quoi d’autre ? La future canopée de Châtelet-Les Halles ? Et je me dis que je foule chaque jour les trottoirs d’une ville musée, certes magnifique, mais un peu guindée, conservatrice et consensuelle, cultivant sa propre nostalgie comme si elle s’était arrêtée en route et suffisait à faire son charme… Ceci étant écrit, rien n’est perdu et c’est vraisemblablement de la périphérie que viendra l' »original » (les guillemets pour la valeur sûre mais un peu surannée quand même) : il y a quelques jours, je suis tombée nez à nez sur la future Fondation LVMH conçue par Gehry. Cela m’a procurée une vraie joie je dois l’avouer, car je la voyais comme un démenti concret à ce que je ruminais depuis quelques mois et que je viens d’exposer. Bientôt donc, en fermant les yeux, je verrai aussi d’étranges formes en pensant à la ville lumière…

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La vie des bibliothèques nord-américaines est légèrement différente de celles que j’ai pu aborder en France. J’entends, les prestigieuses, les nationales, les grandes… Je dirais, moins solennelles. Ce qui n’implique pas que chacun n’y respecte pas le périmètre de son voisin. Ceci dit, les bibliothèques nord-américaines sont tellement grandes que le voisin, parfois, c’est un peu comme dans les prairies du Saskatchewan, il faut bien chercher pour les trouver. Un point commun malgré tout, ici comme là-bas et réciproquement, les bibliothèques regorgent de pages noircies. C’est leur raison d’être. Des romans, des revues, des guides, des thèses, des livres d’art, d’informatique, sur la faune, la flore, et même sur les bibliothèques elles-mêmes et l’écosystème qui s’y développe petit à petit comme la vie dans une boîte de Pétri (Julius de son prénom, mais rien à voir avec la chanteuse qui demande à Eve de se lever)…

Parmi ces livres, il y a une catégorie très particulière : celle des livres que l’on « doit avoir lu pour être un homme » sur cette planète où les terres cultivables s’amenuisent chaque jour. Vous savez, ces livres auxquels il est fait régulièrement référence comme s’il s’agissait d’un Martine et qui peuvent mettre mal à l’aise ceux qui ne les ont pas lus et se retrouvent piégés dans une conversation où leur seul espoir est de réussir à faire illusion. Bref, il y a quelques semaines, j’ai décidé que l’Ulysse de James Joyce faisait partie de cette liste d’incontournables, persuadée qu’après l’avoir ingurgité, je me sentirai mieux. Non, je n’ai pas lu Ulysse. La bête m’est arrivée par avion. Colis spécial. Je ne réalisais pas, je pense, l’ampleur de la tâche qui m’attendait en me lançant dans cette aventure livresque. Catégorie F16 chez Folio. Je suis sûre qu’ils l’ont créée exprès pour cette masse ! 1172 pages. Je vous épargne les couvertures. 5 cm d’épaisseur. 622 g (super pour faire quelques exercices musculaires à tout moment de la journée).

La première phrase ? « En majesté, dodu, Buck Mulligan émergea de l’escalier, porteur d’un bol de mousse à raser sur lequel un miroir et un rasoir reposaient en croix. » Prometteur. Et la dernière ? Non, je ne peux pas, elle fait 67 pages, si cette règle que l’on apprend en primaire selon laquelle une phrase commence par une majuscule et se termine par un point est toujours d’actualité. Je n’y suis pas. Loin de là. Car pendant plusieurs jours, cela a plutôt une longue odyssée pour ce livre, bringuebalé dans mon sac partout où j’allais. De temps en temps, je l’en sortais croyant être prête à lire cette première phrase, puis feignais d’avoir autre chose à faire de plus urgent. Et puis, un jour, je me suis lancée. J’ai ouvert et j’ai lu 39 pages d’un coup. Et puis, un autre jour, aujourd’hui en l’occurrence, je suis tombée sur un lien. Celui de la liste selon Esquire des 75 livres qu’un homme doit avoir lu. Chic. Alors, j’ai cliqué sur le lien, et j’ai passé en revue couvertures et titres. C’est en arrivant vers les 10 derniers que mon palpitant s’est mis à battre un peu plus vite et que j’ai eu un pressentiment : Ulysse n’allait pas avoir sa place dans ce best of… Et effectivement, point d’Ulysse à l’horizon. Bon, je fais quoi moi maintenant avec mon 3 en 1 ?

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