Photo-graphies et un peu plus…

Se fondre dans le paysage

De l’importance des saisons en photographie… Qu’aurait donné l’image de ces trois cerfs – si, si, il y en a bien trois, regardez bien – en plein hiver sous la neige ou en plein été, sur un tapis d’herbe verte ? Quelque chose de plaisant, certainement, mais également de plus anecdotique que le trompe-l’oeil saisissant et poétique qu’offrent les humeurs de cette demi-saison où tombent les feuilles mortes…

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L'appeau qui s'effrite

Les cerfs sika du parc de Nara, l’une des anciennes capitales du pays du soleil levant, ont beau ne plus être considérés comme des messagers des dieux depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, ils n’en sont pas moins devenus des « trésors nationaux » au même titre que le sanctuaire d’Itsukushima, les Rouleaux des enfers ou encore la sculpture de la Déesse de la compassion aux 11 visages à Kyotonabe… A ce titre, ils sont protégés, chouchoutés et très, voire trop, régulièrement nourris par les visiteurs à base de Shika-senbei, de fines galettes de riz dont ils ont rapidement intégré la forme et l’odeur, et qu’ils ne lâchent pas des yeux dès lors qu’ils en ont repéré une au bout d’un bras ou même dans un sac. Un peu comme une guêpe aimantée par les effluves de romarin d’un poulet rôti que vous cherchez à manger tranquillement mais en vain au bord d’un lac lui-même au milieu de rien et abandonné de tous… Oui, ça sent le vécu !

Dans les deux cas, cela peut donner lieu à de curieux ballets, successions de pas en avant puis de pas en arrière, auxquels s’ajoutent quelques pas de côté : ainsi cette femme-patchwork, qui a acheté son sachet de biscuits avec la ferme intention de les offrir à une poignée de ces sacrés cervidés, voit-elle sa BA compliquée par la hardiesse et l’insistance de ce daim à épi. De telle sorte qu’au lieu de lui donner tout simplement son biscuit, et ainsi d’en finir au plus vite, la voilà qui le fait involontairement bisquer, ce qui le rend encore plus entreprenant, et elle encore plus hésitante, au point de se demander si elle ne va pas se contenter de le jeter en l’air pour se débarrasser de son inquiétude naissante…

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Certains se cachent, des heures durant, derrière des buissons en espérant qu’un cerf traverse majestueusement la plaine verdoyante arrosée par le soleil. Et souvent, au moment où ils renoncent et plient bagage, alors même qu’ils ont démonté leur matériel, le cerf apparaît et les toise, comme s’il avait lui-même patienté derrière un buisson jusqu’à ce que ses pacifiques observateurs ne se lassent… Il est des endroits où, à quelque heure de la journée que ce soit, le spectacle se joue devant nous, sans facétie. Comme là, à la sortie des arrivées d’un aéroport !

Côté extérieur, il y a ceux qui viennent avec un bouquet de fleurs, une fleur unique ou une grappe de ballons colorés ; il y a les fébriles, près des barrières, qui lancent leur regard le plus loin possible dans le couloir pour apercevoir les leurs un peu plus tôt, ; il y a ceux qui tapotent leur téléphone toutes les 10 secondes en espérant un signe de vie avant le signe de vue ; il y a ceux qui ne connaissent pas ceux qu’ils vont chercher et qui brandissent une petite affiche devant eux ; il y a ceux qui  ne peuvent attendre dans le silence et s’interrogent sur la tenue, les bagages, l’humeur de ceux qu’ils vont accueillir ; il y a ceux qui vont d’une sortie à l’autre et qui se disent qu’ils auraient dû se donner un rendez-vous plus précis… Côté intérieur, il y a ceux qui n’espèrent personne et qui filent droit sans jeter un œil à toutes ces âmes en attente ; et puis il y a ceux qui se savent attendus et qui cherchent, dans le magma humain impatient, un visage amical, amoureux, familial…

Le plus beau est évidemment quand les regards se croisent enfin, que les sourires illuminent les visages, que les petits sautent de joie et se mettent à courir en direction de leur père, mère, oncle, tante, que les bras se tendent et s’ouvrent à l’autre, que des petits cris de bonheur s’échappent de certains, que les premiers baisers et/ou mots s’échangent, que quelques larmes perlent sur les joues… Un bonheur simple, euphorisant et universel d’une forte intensité qui dure de quelques secondes à quelques minutes. Le petit groupe, discrètement observé par ceux qui attendent leur tour, abandonne alors la scène pour des échanges moins publics. Et à peine sorti du champ, il est remplacé par d’autres accolades, instillant à nouveau dans l’assemblée une telle plénitude que cela devrait être prescrit à tout être qui bat de l’aile…

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Cerf-volant, drôle de juxtaposition pour ce petit bout de tissu fan de haute voltige capable de virevolter magnifiquement selon la dextérité de celui qui tient les rênes. Ah, rêne, cerf… peut-être y a-t-il malgré tout un lien ? Ce serait évidemment mieux avec « renne » mais… En fait, l’origine du mot se trouverait plutôt du côté du serpent, serp… Le serp s’étant, au gré de l’évolution du français, transformé en cerf, pour leur homonymie. Dans la foulée, soucieux de conserver le son, les faiseurs de mots de l’époque en ont sacrifié le sens, même si l’objet reste fondamentalement animal.

Ceci dit, il est effectivement plus facile d’imaginer un serpent faire ce genre d’acrobaties aériennes qu’un cerf… Question de poids probablement. Et puis, les rennes, avec leurs bois, ce n’est pas très pratique. Rien de tel pour s’emmêler les fils… Et les fils, pour un cerf-volant, c’est fondamental : ils assurent la connexion entre la terre et l’air ! Pour ce classique spécimen losangique, deux suffisent. Gauche, droite. On tire, on lâche, on enroule, on recule, on avance, on écarte les bras… Mais si simples soient-ils, ils font rêver les plus petits pour lesquels l’envolée demeure magique ! Comment en effet interpréter autrement leur désarroi lorsque, faute de vent, le cerf-volant s’échoue tragiquement sur le sable, incapable de flirter à nouveau avec les nuages ?

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