Photo-graphies et un peu plus…

L'attente

L’an passé ou plus loin encore, faute de clone compréhensif ou plutôt de clone tout court, je me suis mise à scanner, plus ou moins méthodiquement, les négatifs de mes années argentiques. Au bout du 4 487e scan, je me suis sentie un peu lasse… La répétition sans doute. J’ai donc stoppé là, temporairement j’espère, ma mission de préservation et de réactivation de ma mémoire. En quelques semaines, j’avais ainsi vu défiler plusieurs années de ma vie, essentiellement la partie composée de voyages et d’évasions, celle des moments forts.

J’avais parcouru des dizaines de milliers de kilomètres, du désert du Namib au Machu Picchu en passant par les plages de Californie ; j’avais arpenté New York, Monbasa et Istanbul ; j’avais croisé des manchots, des girafes et même des dromadaires ; j’avais siroté du thé marocain, savouré des pasteis de nata portugaises et dévoré des burgers canadiens le tout arrosé de cappuccinos italiens ; j’avais revu des amis, de la famille et des inconnus, dont certains sont toujours là et d’autres plus… J’avais parcouru tout cela et beaucoup d’autres choses encore sans trop me voir finalement. Ce qui m’avait fait repenser au titre d’un film d’Isabel Coixet, « Ma vie sans moi », même si cela n’avait rien à voir. Ma vie sans moi donc car je n’y apparaissais pas formellement, mais ma vie à moi puisqu’il s’agissait bien là de ce que j’avais vécu et voulu enregistrer de ce que j’avais vu sachant que j’allais certainement l’oublier, un jour prochain, tout du moins dans les détails. C’est une étrange sensation…

A cette époque là, je ne savais pas que la photographie allait prendre autant de place dans ma vie. J’en suis toujours étonnée d’ailleurs (même si cela me paraît tout à fait logique finalement). Ce qui m’a fait poser un regard d’un autre type sur ces images extraites du passé au moment même où je les scannais assez machinalement, me refusant à faire un tri drastique entre les « bonnes » photos ou les « mauvaises » photos. Car une mauvaise photo peut rappeler un très bon souvenir. Au-delà de cette montagne de réminiscences, donc, j’avais devant moi des années de recherche inconsciente, j’avais l’évolution de ma photographie, son cheminement, ses tâtonnements, ses errances, ses ratés (très nombreux a posteriori), ses approximations, ses systématismes, ses retours en arrière, ses réflexions, ses codes, ses leitmotivs, ses déclics et parfois ses fulgurances… Parmi elles, j’ai une vraie tendresse pour cette image. Fin des années 1990. Sri Lanka. Sud. Je suis juste dans la jeep devant. Je ne me cache pas pour prendre cette photo. Aujourd’hui, le trio de tête m’interpelle étrangement. Alors qu’ils sont ensemble, dans cette même unité de lieu motorisée et cahotante, il me semble évident qu’ils sont tous trois ailleurs, chacun sur sa planète, chacun dans son monde, chacun dégageant une atmosphère particulière, chacun avec une relation singulière à ce monde dans lequel, techniquement, nous vivons tous et où nous sommes à la recherche d’éléphants…

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Défaut de conception

Comme moi, vous avez sûrement entendu, dans votre prime jeunesse, qu’il était méchant de se moquer du physique de vos petits camarades d’école ou de jeu. Car ce n’était pas la faute de Pierre si la nature l’avait doté de grandes oreilles (et peut-être un peu son père aussi, qui devenait indirectement la cible collatérale de la moquerie) ni celle de Nora si elle louchait un peu (ce qui la faisait immanquablement ressembler à votre chat complètement fêlé). A l’époque, vous n’étiez qu’un enfant et vous appreniez juste le pouvoir des mots. Or, pour apprendre, il fallait tester donc se moquer. Vous aviez ensuite appris à tourner sept fois votre langue dans votre bouche avant de lancer des sentences susceptibles de blesser vos interlocuteurs et aviez tranquillement poursuivi votre vie sans subir ni créer de traumatisme inoubliable…

Jusqu’à ce que vous ne tombiez sur cet éléphant à la réserve d’Etosha en Namibie. Franchement, c’est quoi cette trompe ? Vous en avez déjà vu, vous, des trompes qui traînent à ce point par terre ? C’est comme si vos bras touchaient le sol ! Je vous assure, c’est loin d’être pratique au quotidien (est-ce de cette éventualité que vient l’expression « avoir le bras long » ?) Et cela nécessite une logistique que l’on a peine à imaginer. Combien de fois, dans la précipitation, cet éléphant a-t-il marché dessus, puis trébuché, devenant la risée du plan d’eau de récréation dès son plus jeune âge ? Et à quoi est-ce dû : un problème de coordination de la croissance de la trompe et de celle du reste du corps ? « Ach, zut, elle a poussé trop vite » remarque l’ingénieur en chef du rayon éléphant. « Trop tard ! Et puis, on peut bien vivre avec un petit défaut » lui répond laconiquement le sous-chef en sortant néanmoins la bête de la chaîne pour lui éviter la sauvage élimination par l’intraitable responsable du contrôle qualité qu’ils entendent d’ici : « combien de fois devrais-je vous répéter d’arrêter la trompe à 30 centimètres du sol ? Ça vous plairait, à vous, d’avoir les bras qui ratissent le sol ? (Vous voyez !) Et en plus, vous l’avez fait sur le petit aussi ! Allez, aux lions ! » En fait, là, spontanément, vous lui trouvez quand même un avantage à cette trompe anormalement longue : celui de pouvoir l’enrouler autour du cou en hiver, telle une écharpe intégrée ! Oui, je sais, ce n’est pas gentil de se moquer…

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De la poudre aux yeux !

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Après les mots, les animaux ! Dans le top 10 à définir des animaux particulièrement fascinants, il y aurait les éléphants (pour un autre jour) et puis les zèbres. Je ne sais pas quel styliste a eu l’idée saugrenue de leur coller des rayures à la naissance, mais il a dû oublier qu’ils allaient vivre avec toute leur vie, notamment dans la savane. En termes de camouflage, on a fait bien plus pertinent…

En fait, il y a bien une explication totalement rationnelle à cette tenue… Van Wong, le styliste en question, était amateur de boîte de nuit, et notamment de ce fameux effet stroboscope qui décompose l’image et surtout les gestes. On sait que les gens sont présents, proches même, mais on a du mal à les repérer. A fortiori, à les rejoindre… « Ah, excusez moi, ce n’était pas vous que je cherchais ! » La première fois, positivement troublé par le flou artistique dans lequel l’effet visuel l’avait plongé, et l’alcool aidant, il faut bien le dire, en rentrant chez lui, Van Wong s’est immédiatement installé à sa table de dessin pour essayer de matérialiser ce qui défilait encore devant ses yeux (la persistance rétinienne, c’est terrible). A l’aube, sa pièce à vivre était couverte de feuilles gribouillées. Il y en avait vraiment  partout. Lui, s’était assoupi sur sa dernière esquisse : des rayures… Voilà comment est née la tenue du zèbre. Car si le zèbre seul est totalement vulnérable, un troupeau de zèbres fuyant ensemble devient un véritable casse-tête visuel pour le prédateur qui chercherait à en attraper un !

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