Photo-graphies et un peu plus…

Le temps de sourire

Dans la vie (oui, c’est un peu pompeux de commencer ainsi, je vous l’accorde, d’autant que cela crée une attente de pensées très profondes pour la suite…)… Donc, dans la vie, il nous arrive d’apprendre des choses qui nous sont utiles au quotidien – je vous laisse dresser votre propre liste – et d’autres qui ne servent strictement à rien, mais qui nous enchantent sur le moment. En tout cas, moi. Un exemple, un exemple ! Plantez-vous devant une vitrine d’horloger ou de joaillier, ou bien, plus simple encore, ouvrez un magazine et trouvez une publicité pour une montre, puis une autre, puis une autre… Ne remarquez-vous rien ? Très souvent, même si la rébellion a bel et bien commencé, ces donneuses de temps – à aiguilles, je précise, sinon, ça n’a absolument aucun intérêt – affichent toute la même heure : 10h10. Comme si, derrière ces double-vitrages ou sur ces pages glacées de magazine, le temps s’était arrêté en plein milieu de la matinée – à l’heure salutaire du café – ou de fin de journée – à l’heure où l’on commence enfin à souffler -, et que cette minute, 10h10, durait éternellement.

Evidemment, c’est un leurre ! Le temps ne s’arrête pas. Mais cette osmose entre ses gardiennes d’ici et d’ailleurs n’en est pas moins poétique. Et une convention des horlogers de part le monde qui ont presque inventé le smiley. Car, à 10h10, quelle que soit l’heure de la journée, la montre que vous regardez vous crie V comme victoire, et surtout, vous sourit ! Ne craignons pas l’anthropomorphisme ! Or un sourire sera toujours plus agréable que la moue désabusée de 8h20, à l’heure du rush matinal entre la tartine tombée sur le parquet côté confiture (c’est mathématique), le petit à déposer fissa fissa à l’école, et le métro déjà bondé qui vous met d’emblée dans l’ambiance… ou alors, de 20h20, de retour du bureau épuisé, pas encore nourri, puant et absolument pas envie de faire d’effort… Avec 10h10, harmonie et esthétique sont donc au rendez-vous. Et puis, à 10h10, le nom de la marque est souvent visible entièrement. Bonus marketing !

En réalité, les DA des agences de publicité n’auraient rien à voir là-dedans… Et il faudrait remonter à 1884 pour trouver l’origine de cette habitude quasi indéboulonnable. Direction Washington où se tient la conférence internationale… de Washington. Depuis le Vieux Continent, il faut compter une bonne semaine en paquebot transatlantique à voile et à vapeur pour atteindre le Nouveau Monde. Allez, venez, je vous ferai un mot pour votre employeur ! 25 pays participent à cette réunion où il se décide quelque chose d’assez incroyable et de si intégré aujourd’hui que l’on croirait qu’il en a toujours été ainsi : la planète va être divisée en 24 fuseaux horaires (bien plus pratique pour les horaires de trains !) et le méridien zéro, de référence donc, va être élu. Trois sont en compétition : le méridien de l’Observatoire de Paris, le méridien situé sur l’Ile de Fer aux Canaries et le méridien de Greenwich. Inutile de faire durer le suspens plus longtemps puisque vous êtes un lecteur du futur : au terme de trois semaines de débats houleux et argumentés, c’est le méridien de Greenwich qui a remporté le plus de suffrage, devenant ainsi le méridien d’origine, celui du « temps universel », de l’heure GMT. Et ce, au grand dam des Français, of course, qui se sont d’ailleurs abstenus de voter (comme quoi, ça ne date pas d’aujourd’hui !). Et bien, figurez vous que ces braves gens auraient conclu cet accord le 22 octobre exactement à 10h10. Et il se dit donc que les horlogers lui rendraient hommage depuis lors !

Je mets au conditionnel, car, un peu comme pour l’origine du nom de la marque à la pomme, les hypothèses sont multiples. Je crains d’ailleurs que cette dernière, pourtant assez massivement relayée (ce qui n’est pas un gage de véracité), soit fausse à en croire les minutes de ladite Conférence : elles stipulent que, ce fameux 22 octobre 1884, la réunion a débuté à 13h dans le Hall diplomatique du Département d’Etat pour s’achever à 15h30 le même jour. Pas de 10h10 dans cet intervalle… Oups ! Ce n’est pas grave ! Et confirme une douce pensée : en creusant une information qui ne sert a priori à rien, on finit toujours par s’instruire !

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Le cône glaçant

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Savez-vous quelle est la pire heure de la journée ? « Celle de son réveil ? » me lance l’assemblée en délire. A en croire ce brouhaha inattendu, c’est manifestement (un mot que j’ai utilisé quatre fois en septembre et que, vraisemblablablablement, je trouve assez à mon goût donc !) le cas pour beaucoup de personnes. Mais pas le mien ! L’heure du réveil, même matinale, enfin, très matinale j’entends, marque le début d’une nouvelle journée pleine de promesses et c’est toujours formidablablablable ! Non, à mes yeux, la pire heure de la journée, c’est l’heure perdue.

Mais attention, il ne faut pas qu’elle soit perdue n’importe comment. J’exclus donc l’heure à tourner dans son quartier pour trouver une ?!pu,k de place où se garer sa voiture, ou l’heure à regarder une émission que l’on n’aime pas à la télévision, ou l’heure à patienter à une caisse au supermarché un samedi matin, ou l’heure à chercher cette chemise-là-que-je-portais-l’autre-jour-je-m’en-souviens-très-bien, ou l’heure à attendre que le temps passe sur son canapé en fixant la tige de l’orchidée en face de soi, ou l’heure à refaire ce que l’on vient de mettre une heure à accomplir sans réaliser que l’on était parti dans la mauvaise direction dès le départ… Blablabla. Des choses comme ça.

Je parle de ce laps de temps compris entre la fin d’un rendez-vous, que l’on ne pouvait pas vraiment anticiper, et le début d’un autre, fixé en fonction de celui dont on ne pouvait connaître la fin… Trop court pour rentrer chez soi et se poser un peu car à peine arrivé, il faudrait repartir illico pour ne pas être en retard. Mais aussi trop long pour se rendre à l’entrevue suivante sans être trop en avance et donc avoir à se demander comment occuper le temps restant, malgré tout pas assez long pour entreprendre quoi que ce soit de consistant… J’essaye, autant que faire se peut, d’éviter ces heures perdues car elles ont le don de m’exaspérer. Mais, malgré toutes les précautions, il m’arrive régulièrement d’en passer par là. J’erre alors pendant une heure en pestant contre mon manque d’organisation, en maugréant dans ma barbe tout en comptant les chewing-gum désormais intégrés au bitume à force d’avoir été piétinés, et j’arrive énervée à mon rendez-vous suivant, en faisant preuve d’une mauvaise foi totalement assumée qui décontenance mon interlocuteur initialement tout guilleret et virant rapidement à l’interdit : « ça fait une heure que j’attends !! ». Blablabla.

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La physique quantique a quelque chose de réconfortant pour les petits humains que nous sommes, même si, en tant que petits humains justement, nous ne sommes pas forcément aptes à la comprendre, a fortiori, à mesurer toute sa puissance, voire sa toute puissance. Sans jeux de mots, elle permet, d’un certain point de vue, de relativiser un certain nombre de ces choses qui titillent notre quotidien, en somme, notre réalité. La vraie, la palpable, celle qui fait aïe quand on la pince. Car, grâce à la physique quantique, tout devient théoriquement possible. Et ça, c’est un vrai soulagement ! De celui qu’éprouve Helena dans You will meet a tall dark stranger, le dernier film de Woody Allen, lorsqu’elle réussit à se convaincre que la réincarnation existe. Dès lors, la vie présente n’est plus aussi importante ni stressante, puisqu’elle a été précédée d’autres et sera suivie de nouvelles. C’est une manière radicale de faire baisser la pression.

Par exemple, dans la vraie vie, nous avons parfois des difficultés à faire des choix. Et puis, une fois que nous avons finalement réussi à en faire un, nous ne pouvons nous empêcher, dans un laps de temps plus ou moins long selon les individus, de nous demander ce qu’il  serait advenu si nous en avions fait un autre. La physique quantique résout potentiellement ce cruel problème de conscience, grâce aux univers parallèles. En schématisant grossièrement, et cela m’a été rappelé ce soir par une lumineuse conférence portée par l’éclectique Martin Winckler et le lumineux Stéphane Durant sur la faisabilité des voyages dans le temps, la théorie quantique stipule que tous les possibles existent parallèlement. C’est la raison pour laquelle il y a une autre photo à droite. Dans la vie réelle, celle dont je suis consciente, la mienne, je n’ai pas réussi à en exclure. Mais, grâce à l’existence de ces mondes parallèles, je n’ai plus à m’en soucier, car je sais que, quelque part, un autre moi a choisi la deuxième photo.

Le fait est que j’hésitais entre trois images pour illustrer ce texte. Et voilà qu’une chose étrange se produit. En me promenant dans mon désert, je tombe, non pas sur, mais dans un trou de vers. Vous savez, ces trous qui commencent comme des trous noirs, mais qui, en « réalité », ont une sortie. Bref, j’en ressors donc, un peu secouée, dans une autre dimension. Bingo, je suis dans un de mes univers parallèles. Et étant donné ma difficulté à faire des choix, ça doit vraiment être le chaos là haut ou je ne sais où. Bref, rencontre avec une copie de moi-même, celle qui avait choisi la première photo. Ce qui signifie que j’ai choisi la deuxième… Paradoxe ! Comment aurais-je pu faire ce choix et mettre celui de ma copie en premier ? Quoi qu’il en soit, moi et moi échangeons nos arguments quant à cette notion de choix d’image, les petites billes à l’infini, les rouages d’horloges superposées démultipliés. Tous se valent en fait. Et sans nous en rendre compte, nous tombons, non pas sur mais dans un nouveau trou de vers. Deux fois en 2 432 ans, une chance inouïe ! Et là, nous basculons toutes les deux dans un de nos autres univers parallèles, celui de notre troisième choix. Celle-là, juste au dessus. Avec une autre copie de moi-même, enfin, de nous-mêmes, en train de se demander si elle n’aurait pas mieux fait de choisir la deuxième, donc la mienne. Ce qui tombe bien, puisque je finissais par avoir des doutes quant à mon choix.  Ces espèces de fils de lumières qui se coupent et se recoupent dans un univers recourbé sur lui-même, c’est quand même pas mal. Heureusement, comme tout est possible en théorie, avec ma deuxième copie, nous décidons, d’un commun accord, d’échanger nos vies. Sans regret, je dis donc au revoir à mes deux copies, tout en prenant bien soin de ne pas révéler à celle qui a accepté de prendre ma place qu’un tas de copies l’attends sur le bureau… Une fois seule, avec mes circonvolutions, une question me taraude : si ma deuxième copie m’a remplacée, qui est l’originale désormais ? Oh hé, il y a quelqu’un ? J’ai comme la nette impression que certains ont choisi d’aller voir dans un de leurs mondes parallèles s’ils y étaient !

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Qu’ont en commun nos pharmacies, nos mairies, nos stations de métro, nos parcmètres et parfois nos églises ? Ils donnent l’heure. De telle sorte que le badaud citadin sans montre ni portable (qui la donne aussi, l’heure) peut savoir, assez régulièrement, à quel moment précis de la journée il est passé devant la pharmacie de la rue Hermel, la mairie du 9ème, puis la station Cadet et le parcmètre du 26 rue de Paradis. Des balises salutaires sur un parcours non chronométré mais pas totalement libéré du temps malgré tout. Ainsi, presque innocemment, inconsciemment, chaque coin de rue nous rappelle-t-il l’heure qu’il est. Cette omniprésence temporelle est-elle le reflet de la manière dont le temps – ou plutôt sa gestion – envahit notre vie dans une ville comme Paris ?

Revenons un peu en arrière, car je sens qu’il y a eu un blocage dès la deuxième ligne : « un badaud citadin sans montre ni portable ». Un « ça n’existe pas, ça n’existe pas » desnosien arrive à mon oreille droite. Eh. Pourquoi pas ? Il suffit d’oublier sa montre et d’avoir la batterie de son portable déchargée ! Il suffit de vouloir vivre en dehors de toute contrainte horaire, et plus globalement, en dehors du temps. Un défi de taille pour les petits hommes que nous sommes et qui passons une bonne partie de notre temps à courir après le temps qui passe ; qui, dès le réveil, savons qu’à la fin de la journée, quelle que soit l’énergie déployée pendant ce laps de temps, quels que soient le sérieux et la bonne foi avec laquelle nous avons établi nos plannings, nous serons en retard. Dans ce contexte, nous avons plutôt tendance à regarder 50 fois notre montre ou l’horloge de notre ordinateur qu’à les snober. Combien de temps passons-nous chaque jour à vérifier l’heure qu’il est ? Et finalement, combien en perdons-nous à nous demander à quel point nous sommes en retard ? Beaucoup trop. D’ailleurs, il est temps de passer à la suite.

Qui est que les vacances sont un des rares moments où nous nous autorisons à vivre sans cette oppression du temps. Enfin, pour certains. Nous vivons alors comme ce citadin imaginaire. Sans montre, sans portable. Sans temps. Dans l’attente. Du jour qui passe. Et, en quelques jours à peine, nous nous retrouvons alors à suivre le rythme du jour et de la nuit, nous levant avec le soleil, nous couchant avec lui. Naturellement. Sans en ressentir une quelconque fatigue alors que nous sommes bien incapables d’avoir ce tempo en « temps normal », tempo que nous jetons d’ailleurs aux oubliettes, légèrement nostalgiques, dès lors que le temps des cerises a sonné. Pourtant, cette course contre le temps ne semble pas être une fatalité. Si l’on se base sur l’hypothèse de fin de premier paragraphe – présence du temps dans la ville comme reflet de notre relation avec lui – comment interpréter l’absence d’horloge publique officieuse à Montréal ? Les seules qui traînent sont au point mort, couvertes de poussière ou rouillée par la pluie… Montre en berne, portable en sommeil, je me transforme en ce citadin imaginaire s’étonnant de l’absence de repère temporel dans une cité aussi grande et vivante, mais espérant faire durer le plus longtemps possible ce luxe de vivre un peu hors du temps.

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Célèbre réplique de lapin blanc anthropomorphisé à l’honneur actuellement sur les écrans qui tombe à point nommé en ce jour de changement d’heure… Nous passons à l’heure d’été – c’est une blague sûrement – et « perdons » donc une heure. Il y a ceux qui n’avaient pas fait faire un tour à leurs aiguilles il y a quelques mois et qui n’auront qu’à se souvenir que, désormais, ils sont à l’heure. Il y a ceux qui, pendant quelques jours, vont continuer à faire des calculs : il est 13h, mais en fait, il est 12h. D’autres leur diront alors qu’il ne faut pas raisonner comme ça… Il y a ceux qui ne s’en rendront compte qu’au moment où on leur dira que la séance a commencé depuis une heure déjà. Et puis, il y a ceux qui ne l’apprendront que le lendemain et qui lâcheront un laconique : « Ah, c’était hier le changement d’heure… Mais ça sert à quoi ça déjà ? »

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