Photo-graphies et un peu plus…

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Le 11 janvier, lorsque j’ai pris cette photo, m’amusant de constater que Paris était la ville la plus éloignée d’Auckland parmi toutes celles listées, je ne me doutais pas que 65 jours plus tard, cette distance inédite entre mon toit et moi serait à la fois un avantage et un inconvénient…

Je suis en Nouvelle Zélande depuis le 10 janvier, après une poignée – saine – de jours passée à Singapour, histoire de couper le trajet en deux et de découvrir une nouvelle ville. Je devais en partir le 29 mars pour une courte semaine à Buenos Aires – mêmes raisons – avant de retrouver un Paris printanier et du bon pain. Un tour du monde d’une certaine manière, avec, en prime, le passage de la ligne – virtuelle il va s’en dire – de changement de jour, me faisant arriver à Buenos Aires avant même de partir d’Auckland. Tout est relatif, évidemment…

Mais cette étrangeté temporelle n’aura pas lieu. En tout cas, pas maintenant. Puisque, et c’est le premier impact du coronavirus sur ma petite vie, les vols ont été suspendus la semaine dernière entre l’Argentine et la France.  La Nouvelle Zélande, au bout du monde donc, a longtemps été épargnée par le virus. De telle sorte que depuis 65 jours, un peu moins en réalité car tout s’est accéléré ce week-end, vue d’ici, cette pandémie est restée très abstraite, voire quasi irréelle. C’est très étrange d’être à un endroit où la vie poursuit tranquillement son chemin alors que partout ailleurs le chaos semble gagner du terrain de jour en jour. Le tout, avec 12h de décalage horaire.

Ceci étant dit, la trêve est peut-être finie. Alors que la France est confinée pour au moins 15 jours depuis mardi, que l’Europe ferme ses frontières pour 30 jours, la Nouvelle Zélande – où les cas commencent à se multiplier malgré tout – impose une quarantaine à tous les arrivants et la quitter est de plus en plus difficile (vols annulés, connexions plus assurées…). Il se pourrait même que la liaison maritime entre l’île du sud – où je suis – et l’île du nord – d’où je suis sensée partir le 30 mars (mais je ne suis pas certaine de le vouloir) – soit interrompue… Et puis, la Nouvelle Zélande n’étant pas considérée comme un pays à risque, aucun rapatriement n’est prévu pour le moment. Bref, je ne suis pas en confinement. Je suis juste sur une île, d’une incroyable beauté, à 18 850 km de Paris et je ne sais ni quand ni comment je vais pouvoir y retourner…

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Mind the gap

N’est-il pas absolument fantastique de pouvoir autant s’approcher du soleil sans en subir les conséquences ?

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Ponctuelle

La ponctualité est une question de distance. Certains voudront me corriger et me diront, de temps plutôt. Certes. Mais nous ne parlons pas de la même chose. La preuve avec cette image : plus vous vous en approchez – oui, oui, n’ayez pas peur, approchez votre tête de l’écran, ou si vous êtes sur une machine portative, approchez là de votre tête, un peu comme la cuiller de soupe quand vous étiez enfant… – plus vous vous en approchez donc, plus vous pouvez apprécier sa composition ponctuelle et franchement indéfinie. Avec un peu de patience, vous pourriez presque compter les points un à un an. A cette distance, vous faites simplement face à des tâches claires ou sombres ou plus ou moins claires ou sombres sans réelles significations.

A contrario, si vous vous éloignez de l’écran (ou l’éloignez de vous), c’est une toute autre affaire. Et même si l’image reste nettement floue, les points disparaissent peu à peu pour se muer en courbes délicates et vous êtes désormais en (dé)mesure de donner un nom précis à ces tâches, des yeux, une ébauche de nez, une bouche, un cou, des cheveux… Un visage sans aucun doute… Auquel vous pourriez presque donner un âge approximatif. Et que vous pourriez même identifier facilement si vous connaissiez cette personne en pointillés pourtant éthérée, quasi immatérielle. Et c’est sans doute le plus fascinant…

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L'espace-temps

– Et tu fais quoi, exactement ?

C’est certainement la question qui m’est posée le plus spontanément lorsque j’apprends à quelqu’un que je « fais » de la photo. Quelle est ma spécialité, en somme ? La question a beau être tout à fait légitime – le progrès et la complexité ont fait de nous des êtres spécialisés -, il m’est toujours difficile d’y répondre tant j’ai la sensation de ne privilégier aucune piste. La succession quotidienne de mes clichés sur ce site l’atteste mieux que mes mots. Reste que, comme tout autour de nous, rien n’est figé et tout évolue. Ainsi, il y a encore 4 ans, je pouvais annoncer que je ne faisais quasiment pas de portrait ou de photos où les hommes – au sens large, mes congénères donc – étaient au cœur du sujet et non pas des éléments parmi d’autres de mon champ visuel, ou encore les simples garants d’une universalité flattant mon idéal d’équité. Et puis, j’ai eu envie d’essayer de m’en approcher. Cela ne s’est pas fait sans appréhension, la distance, en particulier, à trouver d’abord puis à instaurer ensuite, entre le « sujet » et soi n’ayant rien à voir avec celle qui s’installe lorsque ce sujet est un paysage par exemple. Et je mets ici de côté le fait que, pour le paysage, le voyeur – simple observateur ou photographe – n’existe pas vraiment. Ce n’est pas le cas pour un autre être humain, quels que soient les efforts de discrétion fournis pour être invisible. Le théâtre s’est avéré être l’une de mes portes d’entrée vers les autres. Il ne s’agit donc là pas de réalité mais de sa représentation.

Avec la Cie Le Bouc sur le toit, que j’ai depuis intégrée, en tant que curieuse – mon métier officiel -, j’ai découvert un monde. Et en tant que photographe, un autre rapport à la distance donc, mais également à la lumière et au temps. Mettons la lumière dans un coin pour l’instant. Quand je parle de temps, je pense à celui de l’action. A moins d’assister aux répétitions et de finir par connaître la pièce travaillée par cœur – ce qui, en pratique, est mon cas -, tout n’est que surprise. Les déplacements, les échanges, les confrontations… A tel point qu’il peut être difficile d’anticiper ce qui va se produire sur scène. De l’autre côté de l’œilleton, cela requiert donc une attention extrême doublée d’une réactivité sans faille. Or, entre le moment où quelque chose se passe, dans la réalité je le précise même s’il n’y a pas vraiment d’alternative, et celui où l’on prend conscience de ce qui s’est passé, il s’écoule déjà 300 ms pour un adulte lambda ; il en faut 150 de plus au minimum pour prendre une simple décision, puis encore 70 pour amorcer la réponse motrice – en l’occurrence, prendre une photo, déclencher. Cela peut vous sembler infinitésimal, mais, à l’échelle d’un regard entre deux personnes, d’un geste subliminal, il est presque déjà trop tard, et ce, pour des raisons totalement indépendantes de notre volonté. De fait, la chance est un facteur à ne pas négliger dans ce contexte… Mais avec un peu d’entraînement, les résultats s’affinent.

Il y a encore quelques jours, je pouvais aussi dire que je ne m’étais jamais essayée à la photo de sport. Et, comme avec le théâtre, j’ai eu envie de voir. Cela aurait pu être du basket-ball, de la natation synchronisée, de l’escrime, c’est vers le foot que je me suis tournée. Les rencontres, ou connaissances, ou amis, ou autres, permettent souvent de réduire le champ des possibles de fenêtres trop grandes ouvertes. Très schématiquement, au foot, des personnes courent après un ballon et tapent dedans dans l’espoir de l’envoyer au fond du filet de l’équipe adverse. Dans les deux cas – courir et taper -, ce sont des gestes qui se préparent un minimum. N’ayant pas la célérité d’une mouche – ces empêcheuses de tourner en rond modifient subrepticement leur plan de vol en moins d’un centième de seconde, soit 50 fois plus rapidement que le temps nécessaire à un œil pour cligner -, lorsque vous vous mettez à courir, ou à sauter, ou à marcher, un observateur extérieur – étrange formule : quid de l’observateur intérieur ? – peut pré-voir, sans trop de risque de se tromper, où vous serez l’instant d’après. Il s’agit là de cinétique de base, de balistique, d’une banale histoire de trajectoire dépendant de conditions initiales. Cette remarque n’en est pas moins cruciale aux yeux du photographe puisque cela signifie que, contrairement à ce qui se passe sur scène et indépendamment de la lenteur intrinsèque de son cerveau dont il ne peut décemment pas se plaindre, il peut anticiper l’action suivante et donc, moyennant quelques rapides calculs, se préparer pour déclencher au « bon moment ». Bien sûr, d’autres paramètres entrent en jeu pour compliquer la prise de vue.

La vitesse en est un, et par extension, la distance, le ballon de football, envoyé de-ci de-là, se muant ici en une sorte de machine à voyager dans le temps. Certes, pas très loin, tout au plus quelques secondes dans le futur, et qui plus est, dans une même unité de lieu générale. Mais c’est loin d’être négligeable. Et pour le photographe, qui n’est pas un ballon, et, à ce titre, a besoin de temps pour se déplacer d’un point A à un point B et se retrouver face à l’action, la donne change. D’autant plus que pendant ce laps de temps, ledit ballon a très bien pu faire un nouveau voyage et se retrouver de l’autre côté du terrain. Ce n’est plus le cerveau qui freine mais bien le corps, son poids, son inertie, son ancrage au sol, pire son incapacité à voler… De fait, la chance est également un facteur à ne pas négliger dans ce contexte sportif. Et d’ailleurs, je lui dois cette image de prime abord sans relief : dans le feu de l’action, affairée à régler cadrage, mise au point, vitesse, zoom, je n’ai pas réalisé que le ballon, exactement au centre de l’image et dans lequel la joueuse au bandeau s’apprête à frapper, n’avait pas vraiment la taille réglementaire et, encore mieux, se jouait subtilement des perspectives et des illusions…

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Vous l’avez probablement remarqué et même personnellement expérimenté, nous avons tous une sorte de radar interne se mettant instinctivement en branle et allumant nos warning – merci à notre cerveau reptilien d’être encore actif ! – dès lors qu’une personne pénètre un périmètre que nous estimons intime sans l’être pour autant, un intime. Bien sûr, il peut y avoir des circonstances atténuantes et une tolérance en fonction de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Par exemple, dans le métro à l’heure de pointe ou dans une galerie commerciale un samedi après-midi où nous sommes cernés par des inconnus à l’allure parfois patibulaire, alors que nous devrions typiquement être dans la configuration d’une distance publique voire sociale (soit entre 1,20 m et plus de 7 m entre les uns et les autres), la frontière de l’intime (sous les 45 cm) est souvent franchie sans pour autant que nous nous repassions notre dernier cours de self defense en accéléré. Car si notre cerveau commence par nous avertir « Arouuuu, attention, plusieurs individus non identifiés vont entrer dans votre périmètre de sécurité (oui, mon cerveau me vouvoie, question de respect !) : contact inévitable« , il sait aussi s’adapter « Surtout, ne paniquez pas ! Et poursuivez votre chemin en faisant comme les autres ! » C’est-à-dire donner des coups d’épaule pour se faufiler dans certains pays, ou, surtout ne pas toucher l’autre dans d’autres sous peine de réanimer le dinosaure qui sommeille en lui…

Mais il arrive aussi que vous vous retrouviez avec des gens – des personnes que vous connaissez bien, avec lesquelles vous vous sentez bien, en qui vous avez confiance – ne gérant pas les distances – personnelles a priori, donc, entre 45 cm et 1m20 – de la même façon que vous. Ce qui peut donner lieu à une jolie valse dont vous êtes le/la seul/e à être conscient/e pour la simple et bonne raison que c’est vous qui menez la danse. Et si vous menez la danse, c’est tout bonnement parce que vous trouvez qu’ils sont trop proches de vous voire au seuil de votre distance intime. Gêné/e par cette proximité – qui n’est pas de la promiscuité pour autant -, vous vous sentez obligé/e de reculer d’un pas, ce qui vous replace à une distance que vous jugez désormais raisonnable. Vous pouvez alors poursuivre la conversation sans être perturbé/e par ces centimètres qui vous séparent les uns des autres. Mais voilà qu’en réaction à votre repli, les autres se rapprochent à nouveau, jusqu’à retrouver la configuration initiale. Warning en alerte, vous faites un nouveau pas en arrière en vous déportant un peu sur le côté, en espérant que cette fois-ci, cela leur montera au cerveau. Et bien non ! Car tout cela se fait de façon totalement inconsciente. Pour vous en assurer, vous rééditez même l’expérience – c’est ça, la démarche scientifique – qui se conclut effectivement de la même manière que les deux fois précédentes. Après 5 minutes de ce petit va-et-vient qui vous amuse et vous agace à la fois, vous avez bougé de 5 mètres vers le sud-ouest. Vous êtes bien le/a seul/e à l’avoir remarqué mais vous êtes aussi le/a seul/e à ne plus savoir du tout ce qui s’est dit pendant ce laps de temps, trop occupé/e que vous étiez à chercher à maîtriser l’espace…

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J’ai appris une funeste nouvelle en début de semaine : un jour, il n’y aura plus d’éclipses totales du Soleil. Un jour, ce splendide et prodigieux pas de deux entre notre satellite et l’âme de notre système solaire baissera définitivement le rideau. Un jour, il faudra se contenter d’éclipses partielles, et encore. Certes, cette disparition définitive ne surviendra pas avant 600 millions d’années, mais tout de même… Il est des phénomènes, dont celui-ci ou celui des marées par exemple, dont on n’imagine pas qu’ils puissent avoir un début et une fin. Allégation totalement ridicule et naïve puisque tout bouge dans notre univers, au sens propre.

En l’occurrence, la Lune s’éloigne de notre chère planète bleue un peu plus chaque année… De telle sorte que le formidable miracle – ou, la formidable coïncidence – qui a fait que le Soleil est « aujourd’hui » 400 fois plus grand que la Lune et que la distance qui les sépare est, grosso modo, 400 fois celle qu’il y a entre la Terre et la Lune, faisant donc que lors de ces fameux rendez-vous diurnes, la Lune cache entièrement le Soleil, ne pourra plus avoir lieu. Cette manifestation naturelle des plus magique et poétique sera balayée par les impitoyables lois de la physique. Je savoure donc d’autant plus la chance inouïe d’être née à cette époque, chance dont je n’avais absolument pas conscience lorsque, comme des millions de personnes en Europe, j’ai pu entre-apercevoir – cumulonimbus calamitus oblige – l’éclipse totale du soleil de 1999 (j’y reviendrai d’ailleurs)… Ceci dit, qui sait à quoi ressemblera la Terre dans 600 millions d’années et si nous, homo sapiens sapiens, la peuplerons toujours ?

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– Dis, Lou, c’est quoi cette boîte de sardines ?

Lou (moi donc) ne lève même pas la tête et continue à chercher une photo.

L’autre, un peu plus insistant :

– Dis, Lou ! C’est qu-oi cet-te boî-te de sar-di-nes ?

Lou, toujours plongée dans ses fichiers…

L’autre, malin :

– Lou, comment on devient artiste ?

Lou lâche instantanément sa souris, se redresse et commence :

– Alors, cette boîte de sardines, c’est une métaphore…

Point d’interrogation en face…

– … une image, si tu préfères… une façon de parler de quelque chose en le comparant à autre chose…

Léger éclaircissement dans la mine.

– Comment sont les sardines dans cette boîte ? lui dis-je.

– A l’huile !

– Oui, mais encore ?

– Elles n’ont plus de têtes !

– Effectivement, mais quoi encore ? Regarde bien… Il n’y a pas quelque chose qui te saute aux yeux ?

Le petit, très concentré…

– Elles sont serrées ! lâche-t-il, persuadé d’avoir mis le doigt sur la réponse attendue.

– Oui, c’est ça ! D’où l’expression « être serré comme des sardines ». Donc, cette boîte de sardines, en fait, c’est ce à quoi me fait spontanément penser le métro que je dois prendre le matin  pour aller au travail. Le métro, c’est la boîte ; les sardines, c’est nous… Et je peux t’assurer que la vie de sardine en boîte est loin d’être appréciable. Vois-tu, les retards récurrents, les problèmes techniques à répétition, l’alternance des rames entre les deux directions, font que ces rames sont systématiquement bondées, en particulier en heures de pointe (d’où leur nom d’ailleurs). Mais quand je dis « bondées », c’est presque trop gentil, elles sont surpeuplées. De vraies bétaillères ! Et encore, je suis sûre qu’il existe désormais des lois européennes pour interdire de mettre trop d’animaux dans une surface donnée ! Il faut vraiment le voir pour le croire… Imagine-toi sur le quai. Comme ça, de l’extérieur, le wagon semble plein. Les faces sont plaquées contre les vitres des portes, les mines sont totalement défaites, implorant la pitié : non, ne rentrez pas… De l’intérieur, il l’est, je te l’assure. Sauf que ceux qui attendent impatiemment sur le quai ne sont pas de cet avis, ils n’ont que faire de la compassion, il faut qu’ils pointent à leur poste ! Et là se trouve la magie du métro matinal : pour le voyageur qui a l’impression de revivre chaque jour le même cauchemar et qui n’espère plus avoir une réelle place dans la rame, l’objectif est d’y entrer coûte que coûte. En poussant un peu par ci, un peu par là, entraînant des micro-mouvements de foule à l’intérieur, en laissant à peine ceux qui veulent s’échapper du pressoir de sortir… Tout le monde peste, un peu dans sa barbe. C’est le dépit. C’est horrible ce dépit-là. C’est comme une visite chez le dentiste. Un mauvais moment à passer mais il faut bien le faire… Et puis, sans t’en rendre compte, tu as un pied à gauche, un autre de l’autre côté de la jambe droite de ton voisin que tu pourrais chatouiller sous les bras si tu étais bien disposé (et lui aussi) et le reste du corps vrillé vers le haut de la rame pour capter un peu d’air. Preuve de la plasticité à toute épreuve de notre corps… Heureusement, la densité humaine est telle qu’une position totalement déséquilibrée n’est pas synonyme de chute pour autant. Voilà donc que l’on se « repose » sur des bouts d’êtres, que nous sommes tous là, avec notre bulle de sécurité percée de toutes parts, à vivre une intimité non désirée avec de parfaits inconnus. Qu’un sorte et le mikado s’effondre… Parfois, il est difficile à certains de réfréner certaines poussées belliqueuses. Cela se comprend. Heureusement, les bras étant bloqués en position basse, les agressions sont majoritairement verbales. Le pire entendu : rame bondée, on pousse, on pousse, on pousse… Une jeune femme avec un paquet fragile entre les mains dans le sas principal. Quelle idée aussi, pourrait-on penser, de prendre le métro à cette heure-ci avec un paquet fragile ? Il y a aussi des gens qui partent en vacances avec leur grosse valise ou sac à dos qui prennent le volume de trois personnes, ou des poussettes dépliées avec marmaille inside – 4 personnes… On leur en veut et en même temps, faut bien continuer à vivre ! Bref, la donzelle avec sa boîte fragile… Voilà qu’elle lance un « Ta gueule ! » à une vieille dame qui avait dû manquer sa dernière séance de PNL et n’avait donc pas su capter les micro-signaux que lui envoyait la jeune femme bien sous tous rapports apparents depuis quelques secondes : « Pas le matin ! » « Pas le matin ! » « Pas le matin ! »… Comprendre : « Ne pas me prendre la tête dès le matin ! »… Et la dame, insistante, « Oui, mais, quand même vous pourriez faire attention… » « Ta gueule ! » donc. Effroi dans l’assemblée. Quand même… Oui, quand même… Cette ligne transporte des gens dans des conditions inacceptables, mais quand même, un peu de respect pour les aînés. Oui, moi, je suis comme ça. Bref. Elle finit par s’excuser… Non, pas d’excuse… par se justifier quelques minutes après… le métro est arrêté entre deux stations, ça laisse le temps de penser à ce que l’on vient de dire, à se rappeler du chapitre sur la maîtrise de soi parcouru la veille, à se convaincre que ce n’est pas grave… « Oui, quand même, ça ne se fait pas ! » finissent par dire les gens collés à la jeune-à-la-boîte-fragile-et-aux-joues-rouges… Ce qui ouvre une courte lamentation sur cette ligne maudite qui énerve tout le monde, les salariés, les employeurs, les recteurs d’université aussi, et en premier lieu les passagers, les sardines quoi… Evidemment, face à cette fatalité, je ne peux m’empêcher de me demander si les choses auraient été différentes si cette ligne ne s’était pas appelé 13 mais 15… La RATP aurait dû faire comme dans les compagnies aériennes américaines, supprimer la rangée 13 de leurs avions, forcément capteur de tous les dysfonctionnements connus sur les différentes lignes de son réseau !

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A l’école et plus tard, on nous apprend qu’un mètre égale un mètre, qu’on le regarde de face, de travers, dans un sens ou dans un autre, que l’on soit de ce côté de la planète ou de l’autre côté, même si les unités peuvent différer. Un mètre = un mètre. Une équation simple, une conclusion facile à retenir. Et pourtant, dans certaines circonstances, on pourrait croire, un peu comme avec le temps, que le mètre est à géométrie variable. Un trajet constitue l’une de ces circonstances, une marche ou une randonnée par exemple. Mais pas n’importe laquelle : les boucles sont hors jeu. Ce qu’il faut, c’est un aller et un retour. Le même donc.

Et bien, 8 fois sur 10, statistique totalement hasardeuse, le retour semble plus court que l’aller, et cela indépendamment du terrain (montée à l’aller, descente au retour ou inversement) ! Même si cela contredit l’enseignement primaire, cela paraît, somme toute, plutôt logique. Car l’aller, c’est l’inconnu. Même si l’on sait de combien de kilomètres il se compose, on n’en voit pas le bout. Ne connaissant pas le terrain, notre corps est en mode « repérage ». C’est comme si l’on agissait – en l’occurrence, marchait – tout en apprenant, en mémorisant le parcours, intégrant ses passages difficiles et ses moments de pause. Ainsi, une fois arrivé à l’attendu end of trail, et prêt à repartir dans l’autre sens, cet « apprentissage » n’étant plus à faire, il ne nous reste plus qu’à marcher et à admirer, tout simplement, l’autre côté du paysage (il faut se garder des surprises quand on fait une boucle). Certes, pas dans nos pas exactement, mais avec cette sensation parfois rassurante d’être déjà passé par là, d’aller plus vite donc d’avoir moins marché. Ce qui est donc un leurre !

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