Photo-graphies et un peu plus…

Erreur de débutant

Lorsque, à l’issue de ma 7e demande, faisant elle-même suite à 3 années pleines de cours d’histoire, de géographie et de langues anciennes, j’ai enfin eu droit à ma première formation pratique au voyage dans le temps, il y a bien longtemps maintenant, nos mentors – choisis sur des critères très stricts : ils avaient notamment tous réussi à voyager jusqu’au XXIIIe millénaire avant notre ère ; ce n’est certes pas le début de la civilisation humaine, mais tout de même, l’atteindre requiert une maîtrise des aléas spatio-temporels plus qu’exceptionnelle – nous répétaient au moins une fois par heure que le plus important, quand nous nous trouvions dans un siècle qui n’était celui de notre naissance, était de réussir à nous fondre dans la masse. A ne pas nous faire remarquer, à devenir invisible aux yeux des autres en quelque sorte, ce qui permettait d’éviter le pire qu’ont malheureusement connu de nombreux voyageurs étourdis à savoir, se faire enfermer, voire éliminer selon les lieux et les temps, pour folie avérée, et donc rater l’unique voyage retour vers le présent.

C’est en partie pour cette raison qu’avant tout déplacement, tout ce que nous emportions avec nous – essentiellement une tenue conforme à celle de l’époque où nous nous rendions et quelques deniers – était doublement vérifié par des experts en littérature et d’autres en histoire du vêtement. Au-delà des fautes de goût contre lesquelles les examinateurs ne pouvaient rien, l’anachronisme était l’erreur qu’il fallait absolument bannir. Car elle trahissait immédiatement celle ou celui qui la véhiculait… Autant dire qu’avec son téléphone portable exhibé en pleine rue, ce touriste du dimanche s’apprêtait à vivre des moments difficiles…

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Un message circule ces dernières semaines sur le réseau social au milliard d’abonnés… Ceux qui y surfent – soit, une personne sur sept dans le monde – l’ont certainement vu, doutant peut-être même de son authenticité ; ceux qui n’y sont pas – que ce soit volontaire ou non – seront peut-être encore plus fiers de leur statut de non membre après avoir lu ce texte. Ce message, qui fleurit sur les murs des uns et des autres, mais plus souvent des détenteurs de Pages (entreprises, structures, associations, musées, artistes…) apprend à la communauté que Facebook a changé ses paramètres et que désormais, sauf à payer, seuls 10% des « amis » ou « fans » recevront systématiquement les informations qu’ils publient. Evidemment, il n’y a pas écrit « Payer » sous les posts mais « Promouvoir »… Subtile nuance… Pour l’heure, il existe encore une parade simple – et c’est elle que s’attachent à décrire les porte-voix publics pour retarder l’oubli – mais certainement décourageante quand on a 130 contacts, ce qui n’est ni plus ni moins que la moyenne par personne encartée. Cette parade consiste à aller sur la Page ou le mur de chacun et – je vous passe les détails techniques car j’en ai déjà perdu en route, des lecteurs – en faire un « Centre d’intérêt »… Ce qui laisse entendre que parfois, il n’y a aucun intérêt à être connecté à tel ou tel fil d’information que l’on a pourtant choisi, souvent dans un état de noble sobriété. Et je ne parle pas des séances de yoga de Gwendoline ! D’où une question : quel intérêt peut-il y avoir à suivre les actualités d’une entité dont on a que faire ? A priori, aucun. Donc, par définition, si on est « ami » ou « fan », c’est que l’on y trouve son compte. Et que l’on a donc envie de savoir ce qui se passe…

L’autre point qui m’interpelle est l’existence même de cet appel au secours. Car, si seulement 10% des contacts – comment sont-ils choisis ? – reçoivent les posts et que ce sont toujours les mêmes, cela ne règle pas le problème des 90% de personnes qui n’auront pas accès à cette information source. Celle-là même qui déclenchera, peut-être, l’acte de déclaration sous huissier de « centre d’intérêt ». Sauf si, comme dans un voyage dans le temps où interférer sur son passé alors que l’on vient du futur a forcément des conséquences sur celui que l’on sera dans le futur et donc a fortiori sur celui qui fait ce voyage dans le temps (désolée, je suis allée voir Looper il y a quelques jours et ça me travaille), la liste des 10% évolue au fur et à mesure que les fans s’affichent officiellement intéressés, de telle sorte qu’au bout d’un certain temps (au moins trois générations), 100% des contacts auront été informés et choisi leur camp ! Il y a quelque chose de profondément absurde dans cette nouvelle évolution, qui est en contradiction totale avec les objectifs originels de ce réseau qui affiche encore sur sa page d’accueil qu’il est « gratuit (et le sera toujours) »… Ce qui est vrai techniquement puisqu’il ne faut rien débourser pour s’inscrire. Mais une fois la porte poussée, d’autres règles s’appliquent. Bien moins philanthropiques. C’est un peu comme entrer dans une bibliothèque publique et réaliser que les étagères portent tous des livres aux feuilles vierges…

Quoi qu’il en soit, n’ayant pas encore 1 milliard de fans et n’étant donc pas en mesure d’abuser de ma position dominante, il n’y a aucune raison pour laquelle je vous priverais des 90% manquant de cette photographie…

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C’est le nom de l’agence de voyage temporel qui a le vent en poupe en ce moment. Peut-être parce que, contrairement à d’autres, plus anciennes et plus généralistes, celle-ci a osé la spécialisation et choisi un créneau bien particulier : les années 20. Avec le recul, les voyagistes du temps, tout aussi touchés par les modes que leurs homologues seulement géographiques (sans que cela ne soit péjoratif), ont remarqué qu’il y avait toujours beaucoup de postulants pour cette décade de l’entre-deux guerre. Le music hall, les belles tractions, les débuts de la haute couture, le charleston, les arts déco, les cheveux courts à la garçonne, la prohibition, les chapeaux cloche et autres borsalinos à la Eliot Ness, tout cela est effectivement très cinégénique… C’est d’ailleurs sur les films que ces clients du futur, mais du passé, s’appuient pour déterminer leur époque de destination. « Des films d’époque », comme on dit.

Ainsi en est-il de cette photo de tournage de l’un des films de démonstration mis à la disposition des clients à l’agence. Je m’en souviens comme si c’était hier, puisque c’est moi qui l’ai prise. La nuit venait à peine de tomber et j’entrais tout juste dans le Vieux Montréal, où les premiers gratte-ciels du Canada ont été érigés et où l’architecture néo-classique à l’anglo-saxonne domine avec fierté. Les ampoules des réverbères n’étaient pas encore allumées. C’est une heure un peu étrange, où il fait encore un peu jour mais plus vraiment, mais pas encore nuit non plus. Photographiquement parlant, une heure sans relief dont on attend la fin avec impatience. Bref. Place des Armes, des ventouses. Et qui dit ventouse, dit parfois tournage. C’était effectivement le cas. Il y a quelque chose de magique à tomber, par hasard, sur un tournage, a fortiori, lorsque c’est un « film d’époque ». Le voyeur qui est en nous nourrit toujours le secret espoir de voir « quelqu’un de connu », une star quoi !, ce qui, en réalité, est extrêmement rare. Il attend, il attend, et réalise finalement, qu’un tournage, c’est long. Ceux-là se passent souvent dans des petites rues, dans de vieux quartiers, à l’abri des regards indiscrets. Pour les pavés, les vieilles bâtisses… Un film d’époque tourné à Dubaï serait pour le moins déroutant en effet… Et d’ailleurs, s’il n’y avait pas eu cette succession immanquable de tractions lustrées comme un camion tout neuf – une petite trentaine au moins -, j’aurais sans doute poursuivi mon chemin, la pellicule étant vraisemblablement rangée pour la journée, la ruelle étant enveloppée d’un calme post-combat. Débarquer dans ces espaces-temps filmiques, comme dans toute reconstitution historique sérieuse, nous extrait instantanément de notre présent et nous propulse dans un temps que nous n’avons, souvent, pas connu. Un voyage dans le temps, en quelque sorte… Sans attendre qu’il n’existe réellement.

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Il n’y a vraisemblablement pas que moi qui ai été perturbée par la conférence d’hier, quand bien même cette photo a été prise avant hier (ce qui vous donne une nouvelle opportunité de lire Réconfortante quantique). Ce banal écureuil, gardien officiel de terrains de tennis pendant l’hiver, en est tout retourné. Mais qui se cache réellement derrière cette silhouette gracile suffisamment agressive pour vous faire douter de la sympathie des casse-noisettes envers l’espèce humaine ?

Flashback. Je prenais tranquillement des photos de petits monticules de feuilles mortes rassemblées par le vent lorsque je l’ai vu s’approcher de moi. D’abord, au sol. En se cachant plus ou moins derrière des bancs quand je le regardais. Puis, défiant partiellement les lois de la gravitation, à même la grille, se servant de ses griffes pour avancer avec une facilité déconcertante à la verticale. D’où deux questions. Le sang des écureuils ne converge-t-il pas au cerveau ? Et si tel est le cas, disposent-ils d’un système de circulation spécifique leur permettant de rester longtemps la tête en bas sans en éprouver la moindre gêne ? Je m’éloigne un peu, il me suit, et ainsi de suite sur une dizaine de mètres. Chaque fois que je me retourne, il est là, à m’envoyer son regard noir, à tel point que je commence à me demander s’il est capable de se jeter sur moi. Cette simple pensée me fait doucement sourire, car dans cette position, il faudrait au minimum un double salto arrière sans élan pour faire le bond nécessaire pour m’atteindre. Mais, depuis hier, je me dis qu’un certain nombre de choses habituellement inconcevables pour mes synapses, sont, en fait, tout à fait cohérentes. Admettons donc, par exemple, que l’on associe métempsychose et voyage dans le temps… Il se peut donc bien que nous ayons ci-dessus à faire à la réincarnation, 200 ans plus tard, du premier vrai voltigeur équestre de l’histoire du cirque, j’ai nommé Laurent Franconi, qui s’est un temps produit rue du Faubourg du Temple à Paris ! Auquel cas, je serais potentiellement moi-même Bulle, la jument sur laquelle il faisait ses acrobaties ! Cela me semble une explication possible à cette attirance animale… Il y a décidément beaucoup trop de trous de vers dans les parages !

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La physique quantique a quelque chose de réconfortant pour les petits humains que nous sommes, même si, en tant que petits humains justement, nous ne sommes pas forcément aptes à la comprendre, a fortiori, à mesurer toute sa puissance, voire sa toute puissance. Sans jeux de mots, elle permet, d’un certain point de vue, de relativiser un certain nombre de ces choses qui titillent notre quotidien, en somme, notre réalité. La vraie, la palpable, celle qui fait aïe quand on la pince. Car, grâce à la physique quantique, tout devient théoriquement possible. Et ça, c’est un vrai soulagement ! De celui qu’éprouve Helena dans You will meet a tall dark stranger, le dernier film de Woody Allen, lorsqu’elle réussit à se convaincre que la réincarnation existe. Dès lors, la vie présente n’est plus aussi importante ni stressante, puisqu’elle a été précédée d’autres et sera suivie de nouvelles. C’est une manière radicale de faire baisser la pression.

Par exemple, dans la vraie vie, nous avons parfois des difficultés à faire des choix. Et puis, une fois que nous avons finalement réussi à en faire un, nous ne pouvons nous empêcher, dans un laps de temps plus ou moins long selon les individus, de nous demander ce qu’il  serait advenu si nous en avions fait un autre. La physique quantique résout potentiellement ce cruel problème de conscience, grâce aux univers parallèles. En schématisant grossièrement, et cela m’a été rappelé ce soir par une lumineuse conférence portée par l’éclectique Martin Winckler et le lumineux Stéphane Durant sur la faisabilité des voyages dans le temps, la théorie quantique stipule que tous les possibles existent parallèlement. C’est la raison pour laquelle il y a une autre photo à droite. Dans la vie réelle, celle dont je suis consciente, la mienne, je n’ai pas réussi à en exclure. Mais, grâce à l’existence de ces mondes parallèles, je n’ai plus à m’en soucier, car je sais que, quelque part, un autre moi a choisi la deuxième photo.

Le fait est que j’hésitais entre trois images pour illustrer ce texte. Et voilà qu’une chose étrange se produit. En me promenant dans mon désert, je tombe, non pas sur, mais dans un trou de vers. Vous savez, ces trous qui commencent comme des trous noirs, mais qui, en « réalité », ont une sortie. Bref, j’en ressors donc, un peu secouée, dans une autre dimension. Bingo, je suis dans un de mes univers parallèles. Et étant donné ma difficulté à faire des choix, ça doit vraiment être le chaos là haut ou je ne sais où. Bref, rencontre avec une copie de moi-même, celle qui avait choisi la première photo. Ce qui signifie que j’ai choisi la deuxième… Paradoxe ! Comment aurais-je pu faire ce choix et mettre celui de ma copie en premier ? Quoi qu’il en soit, moi et moi échangeons nos arguments quant à cette notion de choix d’image, les petites billes à l’infini, les rouages d’horloges superposées démultipliés. Tous se valent en fait. Et sans nous en rendre compte, nous tombons, non pas sur mais dans un nouveau trou de vers. Deux fois en 2 432 ans, une chance inouïe ! Et là, nous basculons toutes les deux dans un de nos autres univers parallèles, celui de notre troisième choix. Celle-là, juste au dessus. Avec une autre copie de moi-même, enfin, de nous-mêmes, en train de se demander si elle n’aurait pas mieux fait de choisir la deuxième, donc la mienne. Ce qui tombe bien, puisque je finissais par avoir des doutes quant à mon choix.  Ces espèces de fils de lumières qui se coupent et se recoupent dans un univers recourbé sur lui-même, c’est quand même pas mal. Heureusement, comme tout est possible en théorie, avec ma deuxième copie, nous décidons, d’un commun accord, d’échanger nos vies. Sans regret, je dis donc au revoir à mes deux copies, tout en prenant bien soin de ne pas révéler à celle qui a accepté de prendre ma place qu’un tas de copies l’attends sur le bureau… Une fois seule, avec mes circonvolutions, une question me taraude : si ma deuxième copie m’a remplacée, qui est l’originale désormais ? Oh hé, il y a quelqu’un ? J’ai comme la nette impression que certains ont choisi d’aller voir dans un de leurs mondes parallèles s’ils y étaient !

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