Photo-graphies et un peu plus…


J’ai fait la maligne, il y a deux jours, avec cette histoire de pluie diluvienne à propos de laquelle j’annonçais fièrement que, non seulement, elle ne me dérangeait pas, mais qu’en plus, je lui trouvais beaucoup d’atouts ! Ma nuit passée m’oblige à revenir sur certains éléments…

Vous savez, c’est un peu quand on se dit : « Tiens, ça fait longtemps que je n’ai rien cassé ! » et que, le lendemain, on fait un faux mouvement en racontant une histoire, et que, porté par l’enthousiasme, on envoie valser un verre, qui se brise alors en mille morceaux sur le carrelage… Une partie de nous ne peut s’empêcher de se demander si le verre aurait pu être épargné si l’on n’avait pas eu cette pensée la veille. Ce soir, je me demande donc si l’inondation dont a été victime ma très charmante chambre amstellodamoise sous verrière poreuse par temps de pluie acharnée et gouttière bouchée aurait pu être évitée si j’avais écrit autre chose…

Donc, je complète mon propos : oui, j’aime les grosses pluies, mais non, je n’apprécie pas particulièrement qu’un goutte à goutte se transformant en filet d’eau continu me réveille en pleine nuit, m’obligeant à écoper, éponger, déménager… Donc, dans l’hypothèse où la fiction a une certaine prise sur la réalité, je voudrais également préciser ce soir que j’adore les vacances au soleil, même si ça fait un peu cliché !

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Je sais, je sais, ça commence mal ! Mais rassurez-vous, j’ai beau être une fille de la ville, je sais faire la différence entre un faisan et une poule ! Je n’en avais simplement pas sous la main. De poule. Enfin, d’image. C’est un peu comme un vendredi soir à la maison – raté donc -, à l’heure où votre estomac vous réclame son dû. Vous vous laissez porter vers le frigo en vous disant que vous ferez avec ce que vous avez sous la main… Parfois, et justement le vendredi soir, le frigo est vide ou quasi. C’est probablement pour cela que l’homme a inventé les immanquables « pleins du samedi » où tout le monde se presse, malgré les bonnes résolutions de fin de vacances, entre 10h32 et 11h43 dans les rayons de sa grande surface préférée, où tout a été changé de place pendant l’été pour que vous fassiez évoluer votre parcours habituel et découvriez de nouveaux produits, occultés jusqu’à présent puisqu’ils n’étaient pas sur le chemin enregistré dans votre GPS-interne-au-prochain-virage-tournez-à-gauche-faites-demi-tour-faites-demi-tour-faites-demi-tour… :

Samedi matin 11h02. Votre chariot, bien doté de 4 roues – je précise parce que plusieurs fois, vous vous êtes retrouvé au milieu du magasin en vous disant qu’il était bancal : forcément, il manquait une roue -, et en pilotage automatique vous traîne dans vos rayons habituels. Un bras articulé vous soulève le vôtre à l’étage du café nespression. Vous daignez à peine ouvrir l’œil quand votre main empoigne un paquet étonnamment mou :

– Tiens, le café a bougé ! Ils l’ont mis où le café maintenant ! Chaque année, ils nous font le coup ! Bon, trouver quelqu’un… Pppsttt, monsieur, excusez-moi, dites, le café, il est où maintenant ? Parce que là, je ne le trouve plus ! Vous devez bien vous amuser pendant les vacances, hein !

– Il est juste derrière vous, monsieur.

Oui, une femme aurait le réflexe de se retourner avant de lancer un SOS : « Le petit Damien cherche le café. Il est attendu au rayon miro par le vendeur qui a autre chose à faire ! »

Bref. Vendredi soir raté, miam miam. Vous ouvrez le frigo. Effroi… Les étagères sont vides. Sauf là, dans la porte, il reste des œufs. De poules. Je mets un « s » à poules car ce n’est pas parce que les œufs sont dans le même carton qu’ils sont issus de la même poule ! Réfléchissez une seconde, au rythme d’un œuf pondu par jour, ce ne serait effectivement pas rentable. Or, ce qui n’est pas rentable ne se trouve pas dans une grande surface. Vous sortez donc précautionneusement la boîte – ce n’est pas le moment d’être maladroit – et en extrayez les trois ovoïdes rescapés. Et voilà que vos yeux s’égarent sur le packaging… « Datés sur la coquille », les poules pensent vraiment à tout ! A l’intérieur, c’est carrément le roman. Petit 1 : on vous apprend que les poules ont accès à un parcours extérieur en journée. Qu’elles prennent l’air donc ! On ne sait pas combien de temps cependant ni si, elles aussi, ont des gugusses qui leur changent le paysage une fois par an pour perdre leurs habitudes – ce qui pose une autre question : quelle est la durée de vie d’une poule pondeuse ?. Petit 2 (mon préféré) : il y a un espace d’1 hectare au minimum pour 2 000 poules. Soit 5 m² par poule en moyenne. Si on rapporte cette surface à un pas de poule – 5 cm, non, et encore, quand un coq leur court après ! -, on frôle le 2 pièces-cuisine ! Ceci dit, 5 m², cela peut être un couloir d’un mètre de large sur 5 de long pour des poules taciturnes, un carré de 2,23 m de côté pour les mathématiciennes ou un cercle de 1,27 m de rayon pour les réincarnations de poney ? Les combinaisons sont nombreuses mais je doute qu’elles respectent les limitations. Les poules, je les imagine plutôt en meute, assez proches les unes des autres, à picorer des grains qui ne leur appartiennent pas, de telle sorte que, si elles ont légalement droit à 5 m², elles n’en occupent en réalité qu’un dixième… Mais bon, ne chipotons pas. Ces poules anonymes qui, indirectement, vont vous sauver de la famine ce soir ont la belle vie. Courte, mais belle !

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Une fois n’est pas coutume, je commence par le texte car ce qui suit devrait être un joyeux bazar. Tout comme le sont certains étals de vide-grenier amateur, où l’on trouve tout et souvent, n’importe quoi, parmi lesquels des objets dont nous voudrions nous-même nous débarrasser s’ils nous appartenaient. Et que nous sommes pourtant prêts à acquérir car à 1 €, le « n’importe quoi » prend du galon et peut encore faire des heureux… On se dit : « A ce prix-là, ce n’est pas grave si cela ne fonctionne pas, si cela casse dans dix jours, si je ne le mets pas, si je le perds, si on me le vole, si… Au pire, je le revends au prochain vide-grenier ! ».

Du coup, j’ai loué mon mètre linéaire car, comme avant un déménagement hâtif, j’ai besoin de faire un peu de vide dans mon dossier hebdomadaire où j’accumule les photos envisagées pour ces duos quotidiens. Il y en a quelques unes que je ne peux plus voir en peinture, certaines prennent la poussière, et de nouvelles idées s’accumulent dans les carnets avec d’autres photos… Et puis, ce sont les vacances, cette coupure tant attendue où, comme au 1er janvier de chaque année, nous tentons de prendre de bonnes résolutions (soit dit en passant, c’est simplement car nous avons enfin le temps de nous poser, de sortir la tête hors de l’eau, et donc de penser, que nous essayons de reprendre la main sur notre quotidien pour les mois à venir ; ce que nous appelons communément des résolutions donc). Bref, trêve de bavardage, il est faussement 6h du matin, l’heure de tout déballer sur mon stand et d’essayer de lier ces images, dans l’ordre où elles se présentent à moi alors qu’elles n’ont rien en commun.

C’est parti :

Il faut toujours un point de départ. Une gare aux ombres énigmatiques et un sombre passager fuyant feront amplement l’affaire…

Oublions la gare de la ville où on y danse on y danse et prenons la vedette ! Cet îlot qui, de la crête de Crater Lake, a des allures de vaisseau fantôme (comprenez, on ne le voit pas tout le temps), ressemble, depuis le niveau de l’eau, à un trou noir, une sorte de grotte inversée dans un décor de rêve…

Qui nous ferait ressortir directement dans les ruelles de Kyoto où, un peu avant la tombée de la nuit, les geishas défilent en silence et sous le crépitement des flashs de badauds les attendant au tournant…

Je me suis alors demandé où pouvaient les conduire leurs pensées à cet instant précis où elles n’étaient plus qu’un personnage au visage figé, qu’une icône aux yeux des autres dont ils voulaient rapporter une image à tout prix… Peut-être sur cette plage Quileute de La Push, de l’autre côté de l’océan Pacifique, où reposent ces trois rochers majestueux…

Et où, paradoxalement, on traverse les paysages à vive allure…

Au risque de se heurter à un mur étrangement colonisé par du lichen déshydraté… Heureusement, une manœuvre réflexe permet d’éviter le choc frontal mais elle nous projette directement à l’embouchure de ce nouvel abysse, de cette sombre porte carrée sans fond apparent.

A l’autre bout de laquelle se trouve une plage normande éclairée sporadiquement par des pétards de fête nationale. C’est là que ça se gâte, que je perds le fil et que tout s’enchaîne sans transition ni autre explication que de courtes légendes lapidaires…

Paris, Nuit Blanche… Succès démesuré. Approcher l’installation de Vincent Ganivet relève du parcours du combattant. Lassés, les gens passent à côté sans lui jeter un œil.

Sagrada Familia. La lumière, dont je force volontairement le trait, inonde ce lieu d’une beauté sans pareille provoquant un séisme émotionnel de 9 sur l’échelle de Richter…

Pour le cliché, tout simplement. Impossible de se trouver à un tel endroit sans penser à un calendrier. Cela a quelque chose d’un peu ringard et en même temps, la ringardise a parfois ses avantages…

Sous les poursuites roses, une montagne humaine se lève et fait une hola aussi difficile à saisir que magique à voir… S’ensuit une avalanche d’images non légendées, un mélange de chaud et de froid, d’ici et d’ailleurs, de réalité et de faux-semblant, de proche et de lointain… Des images qui s’enchaînent sans d’autre raison que celle imposée par leurs noms qui s’enchaînent.

Voilà, en un coup d’ailes, c’est fini. Le stand est quasi vide. Je me sens légère tout d’un coup…

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Et voilà, elle fait marche arrière… A dire vrai, c’est la suite logique des onze bonnes minutes qui viennent de s’écouler. Certainement, plusieurs éternités pour la demoiselle perchée au sommet de cette « petite » falaise amorçant sa remontée en des terres plus fermes. Il y a onze minutes, c’est à cinq qu’ils ont débarqué au même endroit pour narguer les eaux chaudes mais mouvementées du Pacifique. A coup sûr, le défi du coin : se jeter à l’eau du haut de cette paroi rocheuse d’une huitaine de mètres !

On imagine bien les tractations préliminaires du groupe de copains de vacances : « Allez, chiche, on va tous sauter de la falaise ! » A ce moment-là, le club des cinq y croit, chacun se croit capable de sauter dans le vide et veut faire croire aux autres qu’il peut braver sa peur, peur qu’il se garde d’ailleurs bien de montrer. Alors, ça flambe au sommet, ça gesticule, ça s’approche du bord. Nerveux. Un coup d’œil aux compères et plouf, à l’eau ! Les quatre autres se précipitent pour vérifier que le téméraire est bien remonté à la surface. La demoiselle y croit, elle veut passer en deuxième, s’avance, hésite puis laisse sa place. Derrière, on ne se fait pas prier et on s’envole, pour vite rejoindre le premier. Ils sont maintenant deux à regarder en l’air. Et d’autres personnes commencent à arriver pour le grand sacrifice. La demoiselle y croit toujours, elle veut passer en troisième, s’avance, hésite puis laisse sa place. Derrière, le quatrième larron tente de la rassurer, lui montre les deux survivants à l’eau, qui eux-mêmes lui font de grands signes sensés lui prouver qu’il n’y a aucun danger… Mais bon, quand on a peur, on a peur… Alors, il saute. Reste quelques secondes sous l’eau puis va retrouver les deux autres, pour leur cours de sur-place scrutateur. La demoiselle y croit vraiment, elle veut passer en quatrième, s’avance, s’avance, encore un peu, un peu plus bas, pour gagner quelques centimètres… Elle voit la tête de ses amis hors de l’eau, elle voit l’eau frapper la falaise et se retirer dans des creux dont elle ne maîtrise pas la hauteur…

Mais elle s’imagine surtout plein de choses horribles : qu’elle ne va pas réussir à dépasser le bout de rocher en contrebas et s’écraser dessus, qu’elle va toucher le fond de l’eau et se briser les deux jambes, qu’elle va se faire emporter par une vague et projeter contre la roche… Elle lutte contre ces films qu’elle se fait en se disant que les autres s’en sont très bien sortis. Elle se retourne, découvre que la liste des postulants au saut de l’ange s’allonge. Sent monter la pression et doute encore plus. C’est alors que le cinquième du groupe, ayant épuisé tous ses arguments, prend son élan pour fendre l’air et, une demie-seconde plus tard, la surface de l’eau.

Elle est désormais seule sur le rocher, seule avec ce défi stupide qui fait vaciller ses jambes, tambouriner son cœur et tourner sa tête. Ceux qui attendaient à trois mètres s’approchent d’elle. Ils ont aussi un défi en cours et voir quelqu’un hésiter n’est jamais bon pour l’inconscience. Et sur la plage, nous sommes plusieurs à avoir stoppé notre promenade au ras de l’eau pour l’encourager intérieurement. Mais les onze minutes sont passées. Peut-être moins en fait. Et la demoiselle a enfin pris sa décision, finalement assez courageuse : celle de rebrousser chemin et d’accepter de courir le risque d’être la cible des moqueries de ses quatre camarades pendant un certain temps…

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Je me souviens parfaitement de ma réaction en débarquant sur cette plage de Waikiki : une étrange sensation d’être entrée dans une affiche publicitaire sans m’en rendre compte… Vous savez, de celles qui, en hiver voire aux prémices d’un été nommé désir, vous narguent dans les couloirs parfois suintants et glauques du métro parisien, tel un idéal inaccessible.

Tout relève tellement du cliché – les cocotiers et leurs ombres marbrant le sable blanc et fin, l’eau turquoise où l’on s’imagine déjà voir jusqu’à ses orteils posés sur un sol vierge, le ciel bleu ponctué de nuages dessinés au pinceau, les touristes nonchalants sur leurs transats, les parasols aux couleurs vives, la blanche colombe posée sur le rocher au premier plan… – que la supercherie paraît inéluctable. Où est le directeur de la photographie, la cantine des figurants, où sont les spots lumineux, les décorateurs et filtres de couleurs ? Où est la preuve que tout ce décorum n’a été créé qu’à des fins mercantiles ? Pour vendre des bikinis, des alcools forts ou des vacances de rêve… Nulle part. Aussi artificiel qu’elle semble l’être, cette image n’est que le fruit d’une lointaine réalité. Je suis dans le rêve de quelqu’un d’autre. Et je le saurai bien assez vite…

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D’abord, l’émotion pure. C’est elle qui submerge l’être, qui l’engloutit tout entier – même si cela ne s’écrit pas – lorsqu’il passe l’immense porte de bois sculpté de la Sagrada Familia, le chef-d’œuvre inachevé de Gaudi, chantier perpétuel depuis son trépas. Il l’a guettée depuis les hauteurs atmosphériques à l’arrivée, puis l’a cherchée aux croisements des rues rectilignes, l’a aperçue depuis les toits barcelonais et sur les cartes postales, enfin il l’a approchée avant de s’en éloigner… Ce n’était pas encore le moment. Et puis, il y est allé, l’être. Il est entré, l’être. Et il a pleuré, l’être, de tant de beauté insoupçonnée, de subtilité en un même lieu, d’intelligence condensée. Sensation d’être happé par l’immensité et en même temps, d’être au cœur d’un antre recroquevillé et protecteur… D’une canopée de pierres légères culminant à 75 mètres de hauteur. De pierres, réellement ?

A l’heure où le concept de biomimétisme rencontre de plus en plus d’adeptes ici et là, Gaudi, dès la fin du 19e siècle, l’avait placé au cœur de son utopie architecturale et distillé un peu partout dans sa basilique. « If nature is the work of God, and if architectural forms are derived from nature, then the best way to honor God is to design buildings based on his work » aurait-il dit. En espagnol bien sûr… Le biomimétisme en est peut-être sa version laïque. Sa grande prêtresse américaine, la biologiste Janine Benyus, le définit comme « la pratique selon laquelle on observe, on apprend et on reproduit le génie de la nature, tout ce processus qui évolue depuis maintenant 3,8 milliards d’années ». Et qui sait durer et perdurer, malgré les attaques et les contre-attaques…

Et voilà que petit à petit, en oubliant tout ce qu’il y a autour et tout ce qu’il y a dehors, le sentiment de se promener dans une forêt prend le dessus… Les interminables et massives colonnes sur lesquelles reposent la nef centrale se muent en arbres géants régulièrement dispersés, aux branches solides et feuillage flirtant avec les nuages. On se contorsionne pour en admirer les atours, là haut, inaccessibles. Et on est tour à tour ébloui par la lumière vive du soleil qui réussit à percer à travers les branches, les feuilles et les respirations, puis plongé dans l’ombre dès lors que l’on se faufile derrière un tronc, pardon, une colonne ! Ne manquent plus que les petits oiseaux pour parfaire l’illusion, et encore, sont-ils réellement nécessaires ?

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