Photo-graphies et un peu plus…
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Coralie s’amuse que je continue à suivre les actualités d’un pays désormais à 20 000 km de moi et qui restera sans doute à cette distance encore longtemps. Je trouve cela plutôt sain de toujours penser à un endroit qui m’a accueillie plusieurs mois, qui m’a subjuguée par sa beauté et sa diversité, et qui, à l’heure où l’angoisse et le stress étaient sans doute les sentiments les plus partagés à l’échelle mondiale, m’a permis de vivre cette pandémie dans un état de grande sérénité – d’abord, soyons honnête, car l’île a été épargnée jusqu’à la deuxième moitié de mars, puis ensuite, car le confinement instauré, certes strict, n’était pas pesant. Alors, oui, je continue à suivre les actualités de la Nouvelle Zélande.

Mais aussi celles d’autres pays. Sans doute est-ce naturel après avoir autant vagamondé. Un néophotologisme que j’ai inventé il y a bientôt deux ans, venant s’inscrire à la lettre V d’un abécédaire en cours, qui consiste tout simplement à « vagabonder à la surface du monde par tous les moyens possibles et sans autre but que de se nourrir et de s’émerveiller de l’altérité, qu’elle soit philosophique, géographique, ethnologique ou anthropologique. Ainsi, écrivais-je à l’époque, je vagamonde avec un bonheur sans cesse renouvelé qui appelle au départ constant ». Avoir autant vagamondé, donc, sur tous les continents qui plus est, rend le monde sans doute un peu plus petit, en tout cas, moins abstrait, et rapproche indéniablement du sort des autres. D’autant que l’autre, c’est moi, puisque tout est connecté.

Ce matin, en sortant, j’ai vu passer un avion dans le ciel. Son panache blanc est venu strier son bleu intact avec une certaine volupté. Dans le parc voisin, où l’herbe a poussé sans être piétinée, où les fleurs se sont fanées sans être admirées, où les arbres ont retrouvé leurs feuilles sans être câlinés, les gardiens se sont retrouvés pour discuter du 11 mai. Les affaires reprennent. Au bout de ma borne or so, il y avait un cygne blanc dans l’eau. Même deux. Nous n’étions jamais allées jusqu’à la Seine jusqu’à présent car elle se trouve à 1 kilomètre 2. « Ils sont là tous les jours » a lancé un marcheur sans s’arrêter. Respiration. Sourire. Joie, simple. Depuis le bord de l’eau, la façade d’après est à 250 mètres. Autant dire, à l’autre bout du monde. Tout est si près en ville, surtout avec ces immeubles de 6, 7, 8 étages voire plus. Si encore, tout s’arrêtait à 4, nous pourrions tous voir le ciel et le lointain… De l’eau a coulé sous les ponts. La péniche Sperenza est même passée par là. Comme par hasard. Mais le hasard n’existe pas. Il n’y a que des signes. Ou des cygnes. Vous voyez bien…

Un peu plus tôt dans l’après-midi, chacune à un bout du pays, Les 4 Saisons ont repris vie. Je veux dire par là, que pour la première fois depuis fin 2019, nous nous sommes regardées, pour évoquer l’après. « Tes cheveux ont poussé », « ça te va bien », « tu ne les as jamais eu aussi longs si », « bientôt la petite jupe et les hauts talons ». Faut pas rêver ! C’est ensemble que nous avons débuté ce rituel quotidien il y a 50 jours déjà, à notre manière, c’est-à-dire, incroyablement unies tout en préservant, respectant et admirant l’unicité de chacune, comme nous le faisons depuis la création de notre collectif. Avec nos mots, nos images, nos questions, nos joies, nos peines, nos réflexions, nos découvertes, nos tergiversations, nos silences, nos cris, nos rêves, nos impasses, nos émotions, nos introspections, nos évasions, nos voies, nos voix… (1) Que chacune avons suivi au jour le jour. C’est ensemble que nous nous demandons aujourd’hui quand nous nous arrêterons – la fin du confinement n’étant pas une fin en soi – et aussi, ce que nous ferons de ces états d’âme. Un livre, quatre livres ? Allez savoir.

Sans aucun doute, cette crise nous aura rapprochées. Et j’en suis très heureuse. Car cela aurait pu être le contraire. Comment anticiper en effet notre réaction face à l’inédit ? Plus largement, ce méta-événement nous fera-t-il revoir nos amitiés passées ? Ont-elle résisté à tout ce qui nous a bousculés et (pré)occupés ces dernières semaines ? Ont-elles résisté à l’absence et à la distance ? Finalement, allons-nous craindre de nous retrouver ? Et même vouloir ? La question pourrait se poser. Si d’un côté, nous avons réalisé que nos besoins matériels n’avaient pas à être aussi gonflés, quid de nos besoins humains ? Au fond, qui nous a manqué ?

 

  1. Vous pouvez trouver nos quatre récits sur le blog https://ailleurs-l4s.tumblr.com

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Vagamonder

Premier néophotologisme commençant par un V a priori, mais il faudrait que je m’en assure. Et celui-ci me concerne directement – mais pas exclusivement ! – puisque vagamonder consiste tout simplement à vagabonder à la surface du monde par tous les moyens possibles et sans autre but que de se nourrir et de s’émerveiller de l’altérité, qu’elle soit philosophique, géographique, ethnologique ou anthropologique. Ainsi, je vagamonde avec un bonheur sans cesse renouvelé qui appelle au départ constant.

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Voilà un nouveau néophotologisme pour cet étonnant effet collatéral d’une pratique photographique aussi raillée que plébiscitée… Le selfisolement, comme son nom l’indique, est donc la situation d’extrême isolement dans laquelle se met une personne ou un groupe de personnes alors qu’elles cherchent la posture idéale pour faire un selfie. Par « extrême isolement », j’entends cette bulle quasi autistique dans laquelle elles plongent pour se focaliser uniquement sur ce petit écran qui leur renvoie leur image et qui les coupe littéralement du monde tant qu’elles ne sont pas satisfaites du reflet émis. Un arbre pourrait tomber derrière elles, un singe leur passer à côté, la cascade s’arrêter de cascader qu’elles ne s’en rendraient pas compte. A fortiori, la personne postée à 1 mètre d’elles immortalisant la scène est évidemment transparente !

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Le péricamérascope

Vous aurez peut-être un peu de mal à me croire mais figurez-vous que cet homme là, caché derrière des blocs de pierre en quasi tenue de camouflage si ce n’était ce T-Shirt rouge, est le premier, au monde, à utiliser un péricamérascope. Cet appareil ultra-moderne et relativement discret permet de prendre une photographie, à distance, sans être vu et surtout – et c’est là que réside la grande nouveauté par rapport au banal zoom – à un angle de vue compris entre 45° et 90° (le tout se règle avec une petite molette à côté du déclencheur). Ainsi, tel que vous le voyez cadrer, il est en réalité en train de prendre une photographie des quatre-cinq personnes en bord de mer (en effet, il y a une légère incertitude sur le nombre, l’une d’entre elles étant dans le parfait prolongement de l’autre). D’ailleurs, le petit gars en vert a l’air de se douter de quelque chose, ce qui pourrait laisser entendre qu’il y a encore quelques améliorations à apporter à cette belle innovation…

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Danger substanciel

Un nouveau venu du côté des néophotologismes… Comme son nom l’indique, le danger substanciel est un danger venu du ciel – par avion par exemple – sous forme d’une substance – ici, un spray d’ADN – qui menace substantiellement notre intégrité d’être humain et qu’il faut donc fuir en courant avant qu’il ne nous atteigne et ne nous change à jamais. Evidemment, cela suscite un certain nombre d’interrogations à la fois scientifique, technique, philosophique, physiologique, biologique, génétique et tous les autres mots en -ique…

Tout d’abord, comment a-t-on réussi à transformer l’ADN en un liquide pulvérisable ? Quelle couleur ou quelle odeur a un spray d’ADN ou en tout cas, comment le repérer quand on se promène nonchalamment, l’air de rien ? Et à qui cet ADN appartient-il exactement ? Personnellement, si on me pulvérise de l’ADN de génie, genre Einstein par exemple, si tant est que l’on puisse corréler personnalité et ADN, je ne bouge absolument pas : j’absorbe, j’encaisse, je m’offre entièrement à lui ! Le fait que l’on nous exhorte à fuir n’est de fait pas très bon signe… et invite à se poser une autre question : qui envoie cet ADN là ? A quelles fins ? Et qui nous prévient du danger ?

Enfin, une fois touché par cet ADN alien, que devient-on ? Un mutant ? Comment réussit-il à s’intégrer à notre propre génome ? Ce dernier est-il en mesure de résister ? Au bout de combien de temps des modifications apparaissent-elles ? Sont-elles uniquement comportementales ? Ou peuvent-elles être physiques ? Et, surtout, sont-elles irréversibles ? Redevenons-nous nous-même après avoir essuyé les assauts abêtissants d’un spray d’ADN ? Etre ou ne plus être soi-même, telle est la question !

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Décidément, la lettre M a du succès côté néophotologisme… Celui-ci est simplissime. Voyez plutôt : la marionnetriste est une marionnettiste qui fait raconter une histoire triste à l’extension qu’elle manipule, et qui, par empathie, ou capillarité, ce qui revient un peu au même, dégage elle-même une certaine tristesse.

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Spectraculaire

Premier adjectif qualificatif de mon abécédaire de néophotologismes… Si l’adjectif « spectraculaire » est souvent associé à l’homme, il peut aussi se rapporter à un animal. L’important étant le caractère animé de l’être auquel il est lié. Ainsi désigne-t-il une entité se manifestant de façon insolite et inattendue, aux contours si indéfinis, si vaporeux et si fuyants que nombreux sont ceux à douter de son existence réelle et à y voir plutôt le sceau d’un spectre bienveillant et montrant le chemin vers une quête pensée perdue.

Exemple d’utilisation simple : « Il avait fait une apparition spectraculaire avant de disparaître à jamais dans une forêt pourtant clairsemée de pins rouges du Japon où Akiko, Mayumi et Ranko devenues adultes avaient fini par retrouver le petit coffre en bois qu’elles avaient enfoui sous terre l’année de leur 8 ans et qui renfermait, en plus de quelques dents de lait et de trois ailes de papillons, leurs doux rêves et promesses d’enfants soigneusement listés sur du papier jauni par le temps ».

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L'espionne qui venait du haut

Se trouve, assez logiquement, à la lettre M de mon dictionnaire encore embryonnaire de néophotologismes. La mascaron-surveillance n’est ni plus ni moins que l’ancêtre de la vidéo-surveillance. Il reste encore quelques-unes de ces figures ornementales fidèlement accrochées aux façades d’immeubles relativement nobles. Elles avaient pour fonction principale d’éloigner les mauvais esprits et la particularité de vous suivre du regard partout où vous alliez. Leurs globes oculaires étaient ensuite directement reliés à une carrière de roches métamorphiques où des stagiaires sous-payés étaient chargés, en temps réel, de graver vos faits et gestes de passage sur une ardoise, avant de les transmettre à l’équipe des mascaronthéquaires. A eux de les ranger méticuleusement, par date, lieu et action, sur d’interminables et solides étagères d’une pièce aussi grande qu’un hall de gare. La réglementation imposait de les conserver en l’état pendant 72h et, si elles n’étaient pas réclamées, pour vérification, par la police ou bien par vous-même, de les transformer en tuiles à l’issue de ce laps de temps. La lourdeur du dispositif n’a évidemment pas survécu à l’arrivée des écrans et des caméras miniaturisées et, progressivement, elles ont toutes été désactivées. Mais les masques ne sont pas tombés pour autant, et force est de constater que se retrouver, encore aujourd’hui, dans leur champ visuel ne laisse jamais de marbre !

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La balanciel

Je poursuis mon inventaire très personnel des néophotologismes avec cette splendide « balanciel », autrement dit, une balançoire ayant l’étrange particularité d’être accrochée au ciel. J’en conviens, si nous nous laissons aller à être un peu trop terre à terre en nous référant uniquement à nos connaissances actuelles sur le ciel, et en particulier, sur sa composition – une bonne dose de diazote, une quantité raisonnable de dioxygène, une pincée d’argon et un soupçon de dioxyde de carbone, en résumé, de l’air, donc, un gaz, donc une substance occupant tout l’espace disponible et surtout non préhensible, a fortiori auquel on peut difficilement accrocher quoi que ce soit -, l’existence de la balanciel est difficile à concevoir. D’où l’intérêt et la force de la preuve par l’image !

Quant à se hisser jusqu’à elle, deux solutions. La première, des plus logiques : le ciel déroule ses bras de corde jusqu’au sol et, comme avec la balançoire, qui se pratique également en journée, il vous suffit de vous poser sur la planche avant que le ciel ne vous remonte à sa hauteur, et convoque un léger zéphyr pour vous balancer sans que vous n’attrapiez froid ou ayez mal au coeur. Seconde option, bien plus amusante mais aussi relativement risquée : sauter sur un trampoline jusqu’à atteindre ladite planche déjà haut perchée, s’y harponner tant bien que mal, et, par chance, se la couler douce dans les airs…

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Au même titre que le locking ou le popping sont des sous-divisions du hip-hop, la photocarphie est, vous vous en doutez, une sous-division de la photographie. Qui, comme son nom le laisse entendre, consiste à prendre des photographies depuis l’intérieur de sa voiture. Toutefois, deux autres conditions sont absolument à réunir pour pouvoir devenir un photocarphe : la voiture doit rouler et la photo doit être prise par le conducteur. Vous en conviendrez, l’exercice n’est pas facile, il peut même être dangereux. N’est donc pas photocarphe qui veut ! Je suis une photocarphe. Prudente. J’évite la photocarphie sur les autoroutes, mais peux m’y adonner dans les tunnels.

Un peu d’histoire… La photocarphie naît assez naturellement à la fin des années 50 aux Etats-Unis : les autoroutes inter-états font leur apparition et Kodak lance son film Kodacolor… Les jeunes Américains peuvent enfin découvrir leur pays en parcourant des milliers de kilomètres de routes fraichement goudronnées et aussi conserver une trace papier de leurs traversées grâce au film sus-cité facilitant les tirages. Totalement abasourdis par la beauté de certains panoramas sans être pour autant décidés à s’arrêter à chaque It’s insane, certains commencent alors à poser leur appareil photo sur leurs cuisses. Et, alors qu’ils conduisent, à prendre quelques photos d’une main en tenant le volant de l’autre. Les premiers essais, comme tous les premiers essais, sont désastreux. Mal cadrées, floues, déclenchées trop tard, les photos sont tout simplement ratées. Quand il n’y a pas d’accident… Mais, avec le temps et les kilomètres, le photocarphe – que l’on n’appelle pas encore ainsi – apprend à anticiper. C’est-à-dire à préparer son appareil – mise au point à l’infini, vitesse rapide… – mais aussi à se projeter un peu plus loin sur la route pour repérer les points de vue intéressants. Les prises de vue s’améliorent, le mouvement prend de l’ampleur et le mot de photocarphe fait son apparition. On en trouve une première mention dans une revue de photographie américaine, Eye Land, en juillet 1958. La revue a périclité mais le nom est resté. Bien entendu, comme tout art, la photocarphie a évolué au cours de ces décennies. Sur le plan technique d’une part, du fait de la mutation des appareils photos, de plus en plus flexibles, petits, légers, malléables et donc manipulables à une main. Et sur le plan de la méthode d’autre part avec l’apparition de courants parallèles de photocarphie, dont je fais partie : la photocarphie externe à copilote impliqué. Autrement dit, déléguer la tenue du volant – et donc, la direction – au copilote de mèche, pour pouvoir se déporter un peu et prendre sa photo en passant l’appareil photo hors de la voiture, histoire d’éviter les pare-brises et leurs mouches écrasées, les reflets et autres tracasseries parfois charmantes. Cela nécessite une confiance sans faille en son copilote, une capacité à maintenir le pied sur l’accélérateur avec la même pression pendant un certain temps (pas d’accélération réflexe ni de trop grand ralentissement au moment de prendre la photo par exemple), et enfin, une impassibilité à toute épreuve lorsque, d’aventure, une voiture arrive en face et son conducteur réalise, avec effroi, que, non seulement, vous êtes partiellement à l’extérieur, mais qu’en plus, vous ne tenez pas votre volant !

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