Jiufen, Taïwan. Repère escarpé et fastueux des chercheurs d’or du siècle dernier. La brume tombe sur la ville à flanc de montagne. Entre drame et rêverie, les âmes perdues errent dans ses ruelles, en quête d’une lumière aussi salvatrice que trompeuse.
Je vous invite à découvrir une nouvelle série de photographies réalisées en janvier 2017 en cliquant ici.
Quelque chose d’étrange se produit lorsque je regarde cette photographie pendant plus de 7 secondes. Des formes apparaissent. Humaines. Elles sont trois exactement. L’une d’elles se trouve sur le premier pont, à l’extrême droite, entre le premier poteau chapeauté de blanc et le bord du cadre. C’est un homme, en pardessus sombre. Il est de dos, massif, les mains dans ses poches, profondes, il est statique, impassible, comme s’il attendait que quelque chose se produise. Peut-être de voir si les deux personnes, de simples silhouettes à cette distance même si l’on distingue clairement une femme et un homme, arrivés en courant sur le second ponton, en arrière plan, alors même, se dit-il, que les planches doivent être humides et glissantes, vont vraiment jusqu’à ce petit bateau à moteur amarré au bout du quai. Et si oui, se demande-t-il encore, combien de temps leur faudra-t-il pour se faire absorber par cette brume épaisse et compacte accrochée à la surface de la rivière depuis les premières heures du jour et dans laquelle ils s’enfonceront sans crainte. 7 secondes à peine probablement. Suffisamment de temps pour s’effacer lui aussi.
L’an passé ou plus loin encore, faute de clone compréhensif ou plutôt de clone tout court, je me suis mise à scanner, plus ou moins méthodiquement, les négatifs de mes années argentiques. Au bout du 4 487e scan, je me suis sentie un peu lasse… La répétition sans doute. J’ai donc stoppé là, temporairement j’espère, ma mission de préservation et de réactivation de ma mémoire. En quelques semaines, j’avais ainsi vu défiler plusieurs années de ma vie, essentiellement la partie composée de voyages et d’évasions, celle des moments forts.
J’avais parcouru des dizaines de milliers de kilomètres, du désert du Namib au Machu Picchu en passant par les plages de Californie ; j’avais arpenté New York, Monbasa et Istanbul ; j’avais croisé des manchots, des girafes et même des dromadaires ; j’avais siroté du thé marocain, savouré des pasteis de nata portugaises et dévoré des burgers canadiens le tout arrosé de cappuccinos italiens ; j’avais revu des amis, de la famille et des inconnus, dont certains sont toujours là et d’autres plus… J’avais parcouru tout cela et beaucoup d’autres choses encore sans trop me voir finalement. Ce qui m’avait fait repenser au titre d’un film d’Isabel Coixet, « Ma vie sans moi », même si cela n’avait rien à voir. Ma vie sans moi donc car je n’y apparaissais pas formellement, mais ma vie à moi puisqu’il s’agissait bien là de ce que j’avais vécu et voulu enregistrer de ce que j’avais vu sachant que j’allais certainement l’oublier, un jour prochain, tout du moins dans les détails. C’est une étrange sensation…
A cette époque là, je ne savais pas que la photographie allait prendre autant de place dans ma vie. J’en suis toujours étonnée d’ailleurs (même si cela me paraît tout à fait logique finalement). Ce qui m’a fait poser un regard d’un autre type sur ces images extraites du passé au moment même où je les scannais assez machinalement, me refusant à faire un tri drastique entre les « bonnes » photos ou les « mauvaises » photos. Car une mauvaise photo peut rappeler un très bon souvenir. Au-delà de cette montagne de réminiscences, donc, j’avais devant moi des années de recherche inconsciente, j’avais l’évolution de ma photographie, son cheminement, ses tâtonnements, ses errances, ses ratés (très nombreux a posteriori), ses approximations, ses systématismes, ses retours en arrière, ses réflexions, ses codes, ses leitmotivs, ses déclics et parfois ses fulgurances… Parmi elles, j’ai une vraie tendresse pour cette image. Fin des années 1990. Sri Lanka. Sud. Je suis juste dans la jeep devant. Je ne me cache pas pour prendre cette photo. Aujourd’hui, le trio de tête m’interpelle étrangement. Alors qu’ils sont ensemble, dans cette même unité de lieu motorisée et cahotante, il me semble évident qu’ils sont tous trois ailleurs, chacun sur sa planète, chacun dans son monde, chacun dégageant une atmosphère particulière, chacun avec une relation singulière à ce monde dans lequel, techniquement, nous vivons tous et où nous sommes à la recherche d’éléphants…
Je viens de mettre en forme, et du coup, en ligne, un court essai que j’ai rédigé il y a quelques années sur le film Bienvenue à Gattaca, d’Andrew Niccol. Film analysé, pour l’occasion, à travers le prisme de la mélancolie, omniprésente…
Ce film de 1997 me semble d’une actualité brûlante alors même qu’une équipe de chercheurs chinois a annoncé avoir réussi à modifier le génome directement dans l’embryon…
Précision : je fais très précisément référence à certaines scènes du fim, aussi est-il plus facile, a priori, d’entrer dans le texte en l’ayant vu…
Qui ne s’est jamais posté derrière sa fenêtre pour regarder choir la pluie, laissant couler le temps avec ? Qui ne s’est jamais étonné d’apercevoir le monde renversé par l’entremise des gouttes-loupes ? Ou émerveillé en observant l’astre brillant à travers elles ? Qui n’a jamais suivi du regard ces gouttes s’écrasant sur une vitre, imaginant qu’elles faisaient la course dès lors qu’elles atteignaient la dite surface lisse, alors transformée en piste « eautomobile » ? Qui n’en a jamais alors choisi une en plaçant un espoir sérieux dans sa capacité à atteindre la ligne d’arrivée en premier, emportée par son poids, le vent ou toute autre force mystérieuse ? Qui n’a jamais tenté d’anticiper la route qu’allaient emprunter ces petites boules d’eau, les croisements de sillons, les fusions ou au contraire, les scissions, se laissant aller à un parallèle assez trivial avec sa propre vie et les rencontres qui la ponctuent… Là, on dirait une fracture. Fenêtre scindée en deux par cette faille sans faille, tracée par une lourde goutte suffisamment chargée en énergie pour aller droit au but.
Mélancolique assurément, réjouissante aussi, la pluie inspire. Pour tous ces petits détails et bien d’autres encore, la pluie glissant sur une fenêtre attire comme un aimant. Et justifie une nouvelle série de photographies. Irisation, décomposition, éclatement, pénombre… C’était cet après-midi. Il y avait des gouttes de pluie sur La fenêtre. Bonne pluie !
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Je suis passée sous cet immeuble parisien sans prétention des jours, des mois, des années avant de le photographier enfin. Cette avancée pointue sur le trottoir, légèrement agressive, me fascine. L’idée de vivre dans le vide, d’une certaine manière, tout autant. Même si tout est relatif. Comme à mon habitude, le cadrage me prend un […]
En vadrouille, la première photo du jour, c’est un peu comme le premier pas posé au sol après une bonne – ou mauvaise d’ailleurs – nuit de sommeil : pas complètement assuré mais il faut bien sortir du lit. En vadrouille, la première photo du jour, c’est un peu comme le café du matin : […]