Je chéris les rencontres heureuses et fortuites comme celles-ci : ce jeune couple complice avançant, sans le savoir, vers la déesse maya de la fertilité, qu’ils ne verront certainement pas, à moins de se retourner, ce qui est peu probable. J’ai tout d’un coup la sensation d’être dans la confidence, d’avoir accès à un futur dont ils n’ont pas encore conscience…
Je tenais absolument à vous le montrer indemne, en un seul et beau morceau, intègre, en entier et de haut, le Golden Gate Bridge, avant qu’il ne soit trop tard… Car si l’on en croit les récents films catastrophes voire (post)-apocalyptiques – San Andreas, Godzilla, Pacific Rim, Terminator Genesys pour n’en citer qu’une poignée… (oui, j’aime aussi les grosses machineries américaines carburant aux clichés et aux effets spéciaux ! C’est mon côté midinette…) -, le pont couleur orange international (ça ne s’invente pas), va en voir de toutes les couleurs dans un futur « pas si lointain », voire « proche », et ainsi être le théâtre des pires attaques : explosions en cascade, séismes du siècle, tsunamis ravageurs, carambolages rocambolesques et même monstres marins préhistoriques… Vous avez l’embarras du choix quant à la méthode adoptée pour en venir à bout, ce feu d’artifice s’achevant souvent par sa destruction partielle ou totale. Tout un symbole que de couper les ponts aussi violemment ! Mais pourquoi donc les scénaristes s’acharnent-ils sur ce splendide ouvrage avec une telle hargne spectaculaire ? La réponse est sans doute dans la question…
Croiser une personne nous annonçant qu’elle en connaît une autre – de près, de loin – ayant exactement les mêmes nom et prénom que nous, ou que, pas plus tard qu’hier, elle en a vu une nous ressemblant comme deux gouttes d’eau – expression propre aux pays non touchés par la désertification -, ou apprendre que nous avons au moins un homonyme dans notre propre ville et que nous partageons le même ophtalmologiste, ou pire encore, se retrouver face à lui – l’homonyme – provoque, assurément, une secousse tellurique très intime inversement proportionnelle à la fréquence de ce qui sert communément à nous nommer, et donc à nous désigner, depuis notre naissance. Sans doute, les Marie Martin, cumulant à la fois les prénom et nom les plus répandus en France depuis les années 60, réagissent-elles plus sobrement en effet qu’une hypothétique Noélyne Pourbaix-Lerebourg…
Tout d’un coup, nous réalisons, si la vie ne s’en est pas chargée plus tôt, que nous ne sommes pas uniques, que des gens, de parfaits inconnus aux mœurs peut-être, que dis-je ?, certainement, radicalement différentes des nôtres, répondent aux mêmes injonctions que nous, en dépit du sens commun et de ce qui s’échange sur la portée des prénoms choisis ; que des sosies se baladent librement sur Terre sans que nous ayons vraiment conscience de leur existence et de leur nombre, ni planifié de les rencontrer un jour… Pour autant, et nous le comprenons assez vite heureusement, ces doubles, fantasmés ou pas, n’en sont pas vraiment. Notre unicité est sauve ! Un peu comme avec les premières dix images de cette série à double fond, pur exercice de mathématique combinatoire à la difficulté croissant avec la pratique photographique, images souffrant de ce que nous pourrions appeler « photonymie », dont les formes les plus avancées conduisent inexorablement à des rencontres fusionnelles aussi étonnantes que foisonnantes entre des lieux, des moments, des personnes qui ne se sont évidemment jamais réellement croisés ailleurs que dans mon passé.
Alimenter quotidiennement un site comme je le fais ici depuis plus de 5 ans requiert d’instaurer une sorte de régime iconographique équilibré. L’idée, ou plutôt l’espoir, est en effet d’éviter l’overdose ou l’indigestion de certains ingrédients – trop de photos de chats, trop de photos de fleurs par exemple (!) -, ou la répétition maladive, qui conduit inexorablement à l’ennui. Le mien en premier lieu – désolée pour cette impolitesse -, le vôtre aussi bien sûr, que vous soyez 10 ou 1 000. Car, il n’y a rien de plus terrible à mes yeux que l’ennui, quoiqu’en disent certains philosophes qui le vénèrent.
De fait, même s’il y a bien évidemment des images, des thématiques récurrentes et clés dans ces pages – quoi de plus normal puisque toute photographie n’est ni plus ni moins que la matérialisation d’un intérêt personnel et, à ce titre, elle participe à l’écriture d’une autobiographie -, j’essaye, autant que faire ce peut de varier régulièrement les plaisirs. Ainsi passé-je en revue la dizaine de duos précédents pour, à l’issue du tour d’horizon, et comme s’il s’agissait d’une salade à composer, lâcher très trivialement des sentences comme : « Tiens, cela fait longtemps que nous ne sommes pas allés en Namibie » ou « Il n’y a pas du tout de rouge sur cette page… » ou « Où sont les hommes ? » ou encore « Bon, la mer, l’océan, on a compris, tu aimes l’eau et les grandes étendues, mais ça suffit… » ou « Cela manque de verdure quand même ces temps-ci »…
Ce soir, je me suis donc dit : « C’est le moment de retourner en ville avec une photo très urbaine ». Un peu froide donc, mais pas nécessairement désincarnée. Direction Los Angeles, la cité des anges autant que des clichés. Comme ceux sur lesquels je tombe en m’extrayant du Bradbury, ce splendide immeuble rénové au « cœur » de la ville – si tant est que cette mégalopole puisse en avoir un – où ont été tournées les premières scènes de Blade Runner : les voitures dans un banal petit parking privé, celle de la police que l’on imagine déjà hurlante à pourchasser tel ou tel brigand, la folie des grandeurs avec cette gigantesque fresque murale d’Eloy Torrez représentant l’une des légendes d’Hollywood, Anthony Quinn, en icône christique – autre leitmotiv étasunien – sur un fond qui fait justement écho à l’aménagement du rez-de-chaussée du Bradbury, comme si l’un menait forcément à l’autre et réciproquement. Comme s’il était impossible d’échapper à la fiction en errant dans les rues de Los Angeles…
La balade qui m’a conduite ici, sur les quais de la nouvelle Meuse, a un goût d’inachevé, et, subséquemment, d’assez exceptionnel. Je suis en transit à Rotterdam pour une poignée d’heures avec un dense programme architectural et il pleut. Pas cette petite pluie fine indécise dont les gouttes semblent défier la gravité tant elles tombent lentement. Non, pas cette bruine aussi inutile qu’inoffensive, qui fait semblant de mouiller, ce qui ne l’empêche pas de m’agacer au plus haut point mais qui n’empêche pas d’avancer pour autant. Une vraie pluie désagréable, insistante, pénétrante, glaciale qui, malgré tout, bouscule un peu les plans initiaux, et donne plus envie de se lover dans un fauteuil devant une cheminée avec un bon livre et un café fumant que d’errer une heure dans une ville pourtant pleine de promesses.
Et puis, ayant déjà passé beaucoup de temps à tourner autour et surtout, sous les maisons-cubes de Piet Blom, arrivée au bord du fleuve, je n’en ai plus assez pour marcher jusqu’au Pont Erasme, le traverser, a fortiori atteindre la presqu’île Kop van Zuid et me mettre aux pieds de De Rotterdam, cette oeuvre monumentale de Rem Koolhaas. Alors, je me contente de l’observer, de là, de loin, un peu perdue dans cette brume mystérieuse gommant tout détail, un peu comme un rêve inaccessible, et je pense au monolithe noir des premières minutes de 2001, l’odyssée de l’espace. Puis je m’en vais, traînant avec moi la douce sensation d’une rencontre prometteuse mais prématurée. La prochaine fois, car il y en aura une, j’irai la toucher. Et qui sait ce qui se passera alors ?
Comme le répétait si souvent Mme Gump à son fils, Forrest, qui l’a lui-même transmis à une vieille dame sur un banc public : « La vie, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ». Cette citation hautement philosophique pourrait également convenir au photographe, en remplaçant simplement « vie » par « photo ». Ce qui donne : « La photo, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ». Prenons celle-ci par exemple. Cela m’avait déjà heurtée par le passé. Je m’étais alors envoyé un post-it à moi-même, disant en substance : « la prochaine fois que tu passes dans le quartier, va voir de quoi il en retourne exactement ». A nouveau sur l’esplanade, je suis donc allée voir du côté d’Ariane et de Majunga, que je trouvais anormalement collées l’une à l’autre. La distance est certainement réglementaire mais leur hauteur biaise l’appréciation de la perspective, donnant cette impression d’extrême proximité… Je parle ici de deux tours de La Défense.
En ouvrant la boîte de chocolats et en matant cette petite boule marron claire au centre, je pensais donc avoir à faire à une douceur pralinée. En dépassant la Tour Ariane pour aller vérifier par moi-même l’intervalle entre les deux mastodontes de verre, je pensais arriver sur une coursive en plein courant d’air au milieu de laquelle j’aurais pu m’installer et me contorsionner pour faire une image à la verticale pleine de lignes de fuite. En fait, il s’agissait d’une ganache avec une inattendue petite touche de passion au cœur. En fait, il n’y avait pas de coursive, ni de courant d’air, mais une baie vitrée derrière laquelle vivait tranquillement un gouffre béant tapissé de motifs inattendus zébrant le macadam. Dites-vous bien que j’ai eu la sensation de tomber sur le trésor de Rackham le Rouge… Oui, je l’admets, ce soir, je donne dans la référence régressive. Evidemment, l’heure – soleil bien trop bas pour cette canopée moderne – n’était pas la bonne (ce qui nous renvoie au duo d’hier, Des supers positions). Alors, comme j’étais malgré tout au bon endroit, j’ai attendu, en position armée, en espérant que quelque chose se passe, ou plus modestement, passe. Et voilà qu’elle est arrivée, jaune poussin, pour se faire croquer par un passage piétons à dents ! Cela me suffisait pour cette fois. Je me suis alors envoyé un post-it à moi-même : « La prochaine fois que tu passes dans le quartier, viens plus tôt pour voir les rayons du soleil faire du ricochet sur les façades d’Ariane et de Majunga avant d’atteindre ce sol raturé ».
Petite, je rêvais d’être architecte. Et comme je suis restée petite, le rêve a lui-même perduré. Mais que faire d’un rêve qui insiste et qui n’est pourtant pas destiné à être réalisé ? Le contourner, ou le détourner, pour le vivre différemment.
Simplement, dans un premier temps. Avec les yeux donc. En arpentant les villes à l’affût de formes singulières, d’enchevêtrements détonants, de contractions temporelles, d’une ligne, d’une lumière, d’une couleur, d’une identité propre à chacune… Rapidement, j’ai voulu emporter avec moi des morceaux de ces cités glanés de ci de là : je les ai donc mis dans mes boîtes à images. La Nature s’est logiquement invitée dans la danse. Chez elle aussi, s’exprime une certaine forme d’architecture d’autant plus fascinante qu’elle est innée et ne doit rien à l’Homme. Et puis, plus récemment, j’ai eu envie de jouer à l’architecte, pour de faux, pour de vrai, en tout cas, sans être freinée par les contraintes fortes de la réalité ni de la réalisation. Ainsi, ai-je créé ces métastructures. De façon totalement compulsive, j’en ai généré plus de 150. En voici 65.
Elles sont déjà d’une grande diversité. Et pourtant, assez trivialement, c’est le même geste, indéfiniment et systématiquement réitéré, qui est à leur origine. Là où la symétrie simule une forme de perfection illusoire et inatteignable, la répétition d’un motif renvoie à une histoire qui se redit inlassablement… Je n’en suis pas moins envoûtée et captivée par la pureté, le mystère et la finesse décuplées de cette Nature autant que par la variété, l’étrangeté et l’élégance de ces constructions humaines ainsi assemblées.
Certaines de ces métastructures reflètent ainsi un besoin de maîtrise, d’ordre ou d’ordonnancement, dans un univers qui pourrait sembler chaotique. Directement ou indirectement, elles font écho à mes interrogations sur le temps qui passe irrémédiablement, sur le futur, sur l’évolution de notre société – tour à tour ouverte au monde, recroquevillée sur elle-même et quasi impénétrable, accueillante ou répulsive… –, et donc, à ma petite échelle, sur la place de l’Homme sur Terre… D’autres semblent anecdotiques et n’exister que pour flatter et célébrer ma quête d’esthétique. Je la revendique et ne veux pas en être gênée. J’aime être en mesure de me promener sur cette planète en n’ayant d’autre but que d’être sensible au Beau (à mes yeux bien sûr).
Toutes contribuent à imaginer un autre monde à partir de celui que nous connaissons, créant parfois un sentiment d’inquiétante étrangeté ou, au contraire, une atmosphère rassurante et réconfortante. Bref, ces images se contredisent. Comme moi entre un jour et le suivant, comme chacun de nous à un moment. Avec elles, je ne cherche pas la cohérence, simplement à illustrer un bouillonnement intérieur qui n’a d’autre modèle que celui de ce monde vertigineux et parfois insaisissable dans lequel nous vivons…
*****
Pour découvrir les 65 métastructures, c’est aussi ici.
Si vous êtes sur mobile ou tablette, ou si vous aimez les ebooks, vous pouvez aller là :
– J’ai entendu parler de toi et de ta bande de p’tits copains ! Vous faites pas mal de bruit déjà, mais ça pourrait aller plus loin !
– Qu’est-ce que vous voulez dire, par là ?*
Je veux simplement dire que je ne suis pas arrivée, comme ça, là, par hasard, face à cette boule d’étourneaux tournoyant dans un ciel prêt à se coucher, comme eux d’ailleurs. Tout a commencé trois quart d’heures auparavant, grosso modo. Peut-être un peu moins, peut-être un peu plus. Je longeais les rives de l’Arno à Pise quand tout à coup, ils sont apparus au dessus de la ville. Des centaines de petits points noirs provenant d’un peu partout, comme si le directeur avait sonné la fin de la récréation et rappelait ses ouailles au bercail.
Je pense instantanément « murmuration ». Dans le même temps, un large sourire vient zébrer mon visage. Je ne le vois pas évidemment, mais je le sens, sur mes joues, sur mes yeux, partout. Des murmurations, je n’en ai vu que des bouts en roulant sans pouvoir m’arrêter, ou en vidéo, en entier, sur Vimeo, YouTube ou DailyMotion. Et malgré tout, j’en frissonnais systématiquement. Cela me fait le même effet avec les bancs de poissons, sous l’eau donc.
Ces étourneaux, ou ces poissons, sont-ils conscients de la beauté fascinante et absolument envoûtante de la subtile chorégraphie qu’ils nous offrent (au-delà de toutes les questions pratiques que nous pouvons nous poser et qui gâchent un peu la magie : comment communiquent-ils, comment font-ils pour ne pas se heurter, qui décident de la forme à adopter… ?) ? Bref. Face à ce début de murmuration, je n’ai qu’une unique option : la suivre !
Oui, la suivre. Vous n’auriez pas fait pareil ? Bon, lorsqu’une murmuration se produit en plein champ ou au dessus d’un lac, il n’y a qu’à se planter au milieu et admirer… En ville, avec des ponts à traverser (le ballet a commencé sur l’autre rive), des rues étroites et un champ de vision réduit, des angles droits, des feux rouges et de la circulation, la traque pacifique s’avère un peu plus complexe, d’autant qu’un oiseau vole plus vite qu’un humain ne marche… Me voilà donc les yeux rivés au ciel déambulant ou plutôt courant dans les rues de Pise en veillant à ne pas trébucher sur un pavé quelconque ni à perdre de vue l’escadron qui, manifestement, file vers un endroit très précis et qui, au fur et à mesure qu’il s’en approche, est rejoint par des retardataires…
Dernier virage, je sens que j’arrive au point de rassemblement. En pleine ville. La lumière diminue vite (sous-texte : pardonnez les réglages approximatifs de l’appareil : difficile d’être totalement opérationnelle dans de telles circonstances !). Je sais maintenant que je suis au milieu du champ, ou du lac, et que je n’ai plus qu’à admirer…
Le ciel est totalement tacheté par ces milliers d’oiseaux dont le vol est de moins en moins anarchique. Ils ont beau être assez hauts, j’entends le bruissement de leurs ailes démultipliées lorsqu’ils passent au dessus de ma tête, ou virent subitement de bord comme si une, ou plutôt des milliers, de mouches les avaient piqués. Je les vois se mettre en boule dense, prendre des formes étranges – un poisson, vraiment ? -, fusionner par petits groupes pour mieux se séparer quelques instants plus tard ou constituer de gros amas nuageux… En boucle pendant plusieurs minutes.
Et puis, à les observer faire des ronds dans le ciel dans un sens puis dans l’autre, à monter puis descendre comme s’ils enchaînaient des tours du pire manège de montagne russe qui soit – invisible je précise -, je comprends. Je comprends que ce qu’ils convoitent, en bons troubadours du ciel, n’est autre qu’un toit. En l’occurrence un arbre. Ou deux. Ou trois. En tout cas, des branches sur lesquelles se poser pour la nuit…
Et aussi rapidement qu’ils sont apparus, ils disparaissent dans leur nid géant qui les gobe en frétillant et en gonflant le torse. Bientôt, un silence léger enveloppe l’atmosphère, à peine rompu par quelques soubresauts de l’arbre. J’attends que toutes les traces de cet extraordinaire spectacle disparaissent pour m’éclipser définitivement et continuer à rêver en murmurant à l’air qui m’entoure que je suis une sacrée chanceuse…
Ces deux-là ne le sont assurément pas… Tout est en fait parti d’une conversation avec un chercheur en mathématiques québécois, ou plutôt un chercheur québécois en mathématiques. Il s’amuse d’une expression que je viens d’utiliser dans une phrase banale et que je crois naïvement universelle, tout du moins, partagée dans toute la Francophonie, cette entité aux frontières mouvantes où l’on s’exprime majoritairement en français. « Vous me faites rire, vous les français, avec cette expression ! On ne l’utilise pas du tout icitte. »
En l’occurrence, j’ai fait surgir une « personne lambda » dans la discussion dont j’ai oublié le contenu. Quand on y réfléchit un peu – ce qui est rarement le cas avec les expressions que nous avons totalement intégrées au fil des années et que nous employons sans plus nous interroger sur leur origine –, il est vrai que cela sonne étrangement. Une personne lambda. Une personne en forme de lettre, grecque qui plus est…
Vous me direz, ce n’est pas la seule de cet alphabet antique à être passée dans le langage courant. Je vous laisse sonder votre esprit une microseconde. Hop, c’est fini ! Il y a « l’alpha et l’oméga », qui en sont respectivement les première et dernière lettre. Et qui, logiquement, sont associées aux notions de commencement et de fin de quelque chose. Cette brève explication combinée à votre maîtrise de ladite « personne lambda » devrait vous donner un indice quant à la place de cette lettre dans sa famille… Plutôt moyenne. Quelconque. Sans réelle envergure ni signe distinctif. A peu près au milieu. Normale quoi ! Ce qu’est, par extension, une personne lambda, que rien, ni physiquement ni psychiquement, ne distingue particulièrement des autres, de la masse, un monsieur ou madame Toutlemonde comme on dit aussi. Que l’on invoque pour parler du citoyen moyen, ni plus ni moins, juste « de base ». Evidemment, la normalité est une notion relative, subjective autant que culturelle.
Cela nous ramène à ma toute première phrase, toute, toute, que je complète tout de suite : « ces deux-là ne le sont assurément pas, des personnes lambda ! ». A mes yeux d’occidentale, lambda dois-je le préciser ?, la rencontre visuelle avec ces demoiselles habillées en …, en …, en quoi d’ailleurs ?, sans qu’elles aillent pour autant à un bal costumé ou une soirée à thème, est assurément surréaliste. Dans les faits, il me suffit d’élargir un peu mon champ visuel pour en croiser d’autres, et même beaucoup d’autres, et, par conséquent, réaliser que porter des habits d’écolière, de soubrette ou d’infirmière, que se déguiser en personnage de manga – et pratiquer donc le cosplay, « costumade » pour nos cousins québécois – n’est pas si original que cela. Et que c’est même plutôt banal au Japon ! Moralité, le lambda de l’un n’est pas forcément le lambda de l’autre.
Extrait d’Etats d’âme sur le macadam, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…
*
Un garçon se contorsionne devant le rétroviseur extérieur gauche d’une voiture : vérification de la propreté de ses dents ! Cette dame à vélo parle toute seule. Non, sa petite fille siège derrière. La bicyclette avance lentement, en titubant. Cette autre dame, à vélo également, grille le feu rouge. Un garçon, tout de noir vêtu, traverse la rue. Un adepte de soirées gothiques ? Deux policiers pressent un pauvre gars en pleine livraison car son camion bloque la circulation. Une dame court avec une petite fille sur le pont Sully-Morland, comme pour aller plus vite que les voitures. Ce garçon, dans sa salle de cours aux parois vitrées donnant sur la rue, regarde sur la copie de son voisin d’en face. Dehors, un autre garçon joue les Roméo. Sa Juliette est dans la même salle que le mateur. Il grimpe sur un muret pour se hisser à hauteur du sol du premier étage. Rires de la jeune femme. Une Express force le passage devant l’hésitation des autres automobiles engagées dans la rue. La vie grouille. Ces gens savent-ils où ils vont ? Quoi qu’il en soit, ils existent, ils bougent, ils parlent, ils sont là. Dans ce monde. Empli d’enfants, de vieux, de femmes et d’hommes – comme si enfants et personnes âgées étaient des êtres asexués ! Ils sont beaux, tous ces gens. Ils vivent. A des terrasses de café, dans des boutiques, derrière un comptoir, dans leur chambre, à l’école, dans la rue, sur un rond point… partout, ils sont là. N’ayant aucune conscience des autres, de ces personnes qui passent devant eux, sans dire un mot. S’arrêter, discuter… Des rêves ! Nous sommes toujours dans un fauteuil, plus ou moins confortable, à regarder ce qui passe à la télé. Comme avec le petit écran, la distance est respectée. La vie se déroule devant nous, passivement, activement, lascivement. Elle est là, rayonnante, grisante, monotone, déplorable. Qui sait ? Nous ne faisons que passer. Passer pour mieux trépasser. A trois reprises. Où est l’ironie ? Pas d’ironie mais un peu d’acier. Pourquoi faut-il avoir conscience de l’existence de son futur ? Ne serait-ce pas beaucoup plus simple si tel n’était pas le cas ? L’action serait alors libre et libérée de toute projection. Est-ce le propre de la pensée que de planifier, pour que l’avenir soit sécurisant ? N’est-ce pas plutôt un piège, un ravageur de spontanéité ? Tout cela doit bien avoir une utilité… Tentative de persuasion interne. Ah ! Et si ce n’était pas le cas ? Désastre ! Que faire alors ? Parfois, il n’est pas bon d’être confronté à ses idées. Parfois, il n’est pas bon d’avoir, ou de prendre, le temps de le faire. Déambulations panâmisiennes. Double tranchant. Le cri de Maria Callas retentit, la Mamma Morta d’André Chénier. Poignant. La lumière s’assombrit. Allez, vite. Que l’heure passe. Courir, pour aller plus vite que l’esprit…
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Il y avait déjà cette colline, aux herbes folles, se hissant rapidement vers les hauteurs pour surplomber cette petite mais néanmoins impériale cité de Nara et offrant une vue inégalable sur toute la vallée. Il y avait aussi ce ciel, ténébreux à souhait, charbonneux comme une mine de crayon, que venait percer aléatoirement un soleil […]