Photo-graphies et un peu plus…

Le trésor

Comme le répétait si souvent Mme Gump à son fils, Forrest, qui l’a lui-même transmis à une vieille dame sur un banc public : « La vie, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ». Cette citation hautement philosophique pourrait également convenir au photographe, en remplaçant simplement « vie » par « photo ». Ce qui donne : « La photo, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ». Prenons celle-ci par exemple. Cela m’avait déjà heurtée par le passé. Je m’étais alors envoyé un post-it à moi-même, disant en substance : « la prochaine fois que tu passes dans le quartier, va voir de quoi il en retourne exactement ». A nouveau sur l’esplanade, je suis donc allée voir du côté d’Ariane et de Majunga, que je trouvais anormalement collées l’une à l’autre. La distance est certainement réglementaire mais leur hauteur biaise l’appréciation de la perspective, donnant cette impression d’extrême proximité… Je parle ici de deux tours de La Défense.

En ouvrant la boîte de chocolats et en matant cette petite boule marron claire au centre, je pensais donc avoir à faire à une douceur pralinée. En dépassant la Tour Ariane pour aller vérifier par moi-même l’intervalle entre les deux mastodontes de verre, je pensais arriver sur une coursive en plein courant d’air au milieu de laquelle j’aurais pu m’installer et me contorsionner pour faire une image à la verticale pleine de lignes de fuite. En fait, il s’agissait d’une ganache avec une inattendue petite touche de passion au cœur. En fait, il n’y avait pas de coursive, ni de courant d’air, mais une baie vitrée derrière laquelle vivait tranquillement un gouffre béant tapissé de motifs inattendus zébrant le macadam. Dites-vous bien que j’ai eu la sensation de tomber sur le trésor de Rackham le Rouge… Oui, je l’admets, ce soir, je donne dans la référence régressive. Evidemment, l’heure – soleil bien trop bas pour cette canopée moderne – n’était pas la bonne (ce qui nous renvoie au duo d’hier, Des supers positions). Alors, comme j’étais malgré tout au bon endroit, j’ai attendu, en position armée, en espérant que quelque chose se passe, ou plus modestement, passe. Et voilà qu’elle est arrivée, jaune poussin, pour se faire croquer par un passage piétons à dents ! Cela me suffisait pour cette fois. Je me suis alors envoyé un post-it à moi-même : « La prochaine fois que tu passes dans le quartier, viens plus tôt pour voir les rayons du soleil faire du ricochet sur les façades d’Ariane et de Majunga avant d’atteindre ce sol raturé ».

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Osons une lapalissade liminaire : la découverte d’une ville est multi-sensorielle. Enfin, pas nécessairement une ville. La découverte d’un lieu en général, qu’il s’agisse d’une ville, d’une maison, d’une forêt ou de tout autre chose. Mais arrêtons nous sur la ville. La vue et l’ouïe sont les premiers sens a priori sollicités, dans de telles circonstances. Ceux qui sont en éveil car ils sont en terre inconnue. Le toucher l’est aussi, d’une certaine manière dans la mesure où nous avons les pieds sur terre. Mais, de façon totalement réductrice, j’associe plutôt le toucher aux mains… Une ville peut aussi se goûter, mais cela me semble plus relever de la métaphore.

Enfin, il y a l’odorat. Une ville se sent. Une ville sent. On a d’ailleurs facilement tendance à dire que la ville « sent mauvais »… La pollution, les pots d’échappement, les déjections canines, l’urine humaine, les détritus… C’est, bien heureusement, une impression totalement exagérée. Et une ville peut sentir tout à fait autre chose. Montréal, par exemple, sent la cuisine à partir de 16h30 – 17h. C’est en tout cas la sensation que j’ai eue les premières semaines lorsque je me trouvais dehors à ces heures-ci. Un mélange de steak frit et de muffin venant chatouiller les narines quelle que soit la rue où l’on se trouve, donnant l’impression que les agents de la ville ont été missionnés pour diffuser cette mixture détonante histoire d’aiguiser les appétits. Résultat diamétralement opposé pour moi : j’ai l’impression que l’on me sert goûter et dîner dans la même assiette alors que je n’ai pas faim.

Deuxième expérience olfactive citadine, pour le moins étonnante. Limite hors sujet. Direction New York. Une odeur me réveille en pleine nuit. Il est 4h. Quelque chose de fort, de piquant… D’habitude, c’est plutôt le bruit qui est susceptible de nous extraire des bras de Morphée. Là, non. C’est une odeur de feu, d’incendie, de cramé, de plastique brûlé. L’odeur est si prégnante que je vérifie que ce n’est pas la maison qui brûle. Non. Mais l’odeur est bien réelle, émanation d’un feu qui s’est déclaré un bloc à l’est dans une bodega familiale. Ce réveil est-il une manifestation de l’instinct de survie ? En tout cas, une preuve par l’exemple que les sens n’attendent pas la conscience pour s’exercer.

Enfin, Chicago, ville d’une beauté architecturale saisissante où les yeux et les oreilles sont sur-sollicités. Là, bizarrement, une odeur totalement incongrue vient titiller le nez. Une odeur de chocolat. Ici, puis là, et encore là. En plein cœur de la skyline, en pleine nuit. On ne peut pas faire plus ville. J’ai l’impression que cette odeur me poursuit quelle que soit la route empruntée. Certes, c’est mieux qu’un gangster ! Et puis, il fait froid et un chocolat chaud ne serait pas superflu, mais de là à avoir des hallucinations olfactives, il y a un pas que je ne souhaite pas encore franchir. Evidemment, au premier stimulus, la recherche d’un café commence. Tout est fermé. En dernier recours, j’ouvre le guide, avec l’espoir d’y trouver l’explication. Bingo ! Une chocolaterie, sans Charlie, est située à quelques miles de là, dans la ville même, et joue les ensorceleuses masquées ! Un détail. Mais voilà, désormais, à mes « yeux », Chicago aura l’odeur de cacao…

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La neige fraîche, tombée, contre toute attente, en cette veille d’Halloween, alors même que le temps n’a pas encore sonné le glas du mois d’octobre, est un vrai détective saisonnier. Avec une facilité totalement déconcertante, elle révèle en effet le passage de ceux qui l’ont foulée, un peu comme la poudre d’oxyde de cuivre ferait apparaître les empreintes digitales laissées par un gourmand inconnu sur un paquet de biscuits au chocolat sauvagement dépouillé et vidé de son contenu. Quelle drôle de surprise donc, en me retournant, de voir ces doubles traces de pas, comme si quelqu’un avait monté les marches de l’escalier en sautant pieds joints de l’une à l’autre… A moins qu’il ne s’agisse des pas de mon ombre.

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Enigme chocolatée

J’ai deux nouvelles à vous annoncer. Une bonne et une mauvaise. Malheureusement, elles vont souvent de pair, comme si le bonheur ou le malheur ne pouvaient se suffire à eux-mêmes, ce qui, à bien y réfléchir n’est pas forcément une mauvaise loi… Bref, commençons par la mauvaise, nouvelle : ce lieu va bientôt fermer ! Non, non, il ne s’agit pas de la caverne d’antiquités de plomberie que j’évoquais l’autre jour, même si elle en a certains attributs… La bonne nouvelle maintenant : tant qu’il n’a pas fermé, par définition, ce lieu est toujours ouvert ! Il est donc toujours temps de le découvrir…

Petit avertissement avant d’aller plus loin : celles et ceux qui n’ont pas un faible certain voire un certain faible pour le chocolat – si, si, elles et ils existent ! – peuvent stopper net leur lecture, car à partir de maintenant, c’est de cette fève de cacao qu’il va s’agir… Bien sûr, on y sert aussi, avec une extrême gentillesse, du café, toutes sortes de thés et de délicieuses tartes aux saveurs épicées, mais c’est définitivement pour son chocolat chaud, sobrement appelé « chocolat chaud », que la foule avertie s’y presse… « Le meilleur de la capitale » pour d’experts gosiers rompus à l’exercice comparatif de cette boisson réconfortante par tous temps !

Mais l’enchantement commence bien avant que les petites tasses n’arrivent sur les tables rondes et que la moindre goutte de la sirupeuse potion magique y soit versée… Dès la vitrine, on fond ou on file. Au fond de l’antre plongé dans la semi-obscurité où veillent, entre autres choses, d’innombrables figurines mutines en papier mâché et miroirs vieux comme le temps, légèrement déconnecté par le chocolat en intraveineuse, on les voit ces visiteurs de passage coller leur nez  à la vitre, plonger leur regard dans ces deux petites salles en enfilade au charme suranné et pleines d’êtres dans un état second. Une place ? Des sourires béats s’échangent entre les tables des élus venant d’ici mais surtout d’ailleurs, du liquide noirâtre sèche tranquillement sur les babines des plus jeunes… Plus de trente huit ans que les murs absorbent la vie qui passe en leur cœur ! Ce sont toutes ces histoires que l’on capte aujourd’hui et que l’on ressent d’autant plus que le temps est venu pour la fée locale de se retirer… Quelle chance d’avoir été menée en ces lieux ! Ayant mis l’eau à la bouche à quelques-uns d’entre vous peut-être, il serait vraiment désobligeant de ma part de ne pas révéler où se tortiller de bonheur ainsi. Alors, quelques pistes : c’est au 24 d’une rue parallèle au courant, où le chocolat se vend plus souvent glacé, face à une église haute, sur un haut lieu de la fraternité pendant la révolution française et au nom qui est à la fois un couvre-chef, un prénom et un gâteau. Dernier indice : la devanture est verte ! Alors, vous avez trouvé ?

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