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Dans une photographie, cela se joue parfois en deux temps. Il y a d’abord ce qui saute aux yeux, occupe quasiment tout l’espace et capte notre regard immédiatement : deux arbres, dont un bien plus grand que l’autre et doté de branches-lianes assez pittoresques. Rien de bien extraordinaire, en somme. Puis il y a ce qui se remarque dans un second temps, car plus discret, plus petit : une silhouette à droite et surtout, un bus, en bas à gauche du plus grand arbre. Pas très original non plus. Lorsque les choses sont à peu près bien pensées, la combinaison de ces deux observations, banales donc, crée une troisième impression, bien plus enthousiasmante et surprenante : le grand arbre n’est pas seulement grand, il est absolument gigantesque, tant en envergure qu’en hauteur ! Une taille fascinante pour un spécimen en pleine ville qui ne se laisse d’ailleurs pas capturer facilement… Faute de recul suffisant, il manque la cime… Bien entendu, la compilation et l’analyse des deux signaux se règlent dans un temps infinitésimal et nous n’avons certainement pas conscience de l’existence de ces deux étapes pourtant bien distinctes. Reste heureusement ce « Oh ! » qui nous échappe après quelques millisecondes d’observation venant trahir l’heureux étonnement face à ce qui avait été, de prime abord, perçu comme sans relief…
Ce matin, comme beaucoup de transportés, j’attrape un gratuit au vol et plonge dans la lecture en diagonale des nouvelles du week-end que je connais déjà. S’y trouve un petit billet hommage à Daniel Balavoine, décédé un 14 janvier dans un stupide-accident-d’hélicoptère-mais-ça-arrive au Mali. Je m’en souviens et contrairement aux apparences, je tiens à préciser que je ne cherche pas à faire remonter tous les souvenirs de mon enfance à la surface… Je m’en souviens à cause de ma prof d’histoire géo de l’époque. Moi, Balavoine, je l’écoutais. Elle, elle le connaissait. Très bien même. Et quand nous étions entrés dans la classe, encore ignorants, ce sont ses yeux rougis et gonflés par les larmes et la tristesse de la perte d’un être cher qui nous avaient accueillis.
Dans ce billet, ils ont soigneusement évité une formulation que j’estime totalement absurde et que l’on trouve pourtant régulièrement dans la presse, qu’elle soit de papier ou de 0 et de 1, sérieuse ou légère. Vous allez vite comprendre… « Maria Callas aurait 88 ans aujourd’hui » (2010)… si elle n’avait été assassinée ou victime d’une embolie pulmonaire (ils ne sont pas certains). « Marguerite Yourcenar aurait eu 100 ans en 2003″… si elle n’était morte de vieillesse. « André Malraux aurait eu 100 ans » (2001)… s’il ne s’était éteint de mort naturelle. « Marlene Dietrich aurait 111 ans aujourd’hui » (2013)… si elle ne s’était pas suicidée. « Marie Curie aurait eu 144 ans aujourd’hui » (2011)… si elle n’était pas morte d’une leucémie. « Claude Debussy, Arthur Rimbaud, Sigmund Freud auraient 150 ans aujourd’hui » (2012, 2009, 2008)… si un cancer ne les avait pas emportés. « Charles Dickens aurait eu 200 ans aujourd’hui » (2012)… s’il n’était mort d’épuisement. « Charles Darwin aurait eu 200 ans aujourd’hui » (2009)… s’il n’avait cédé à une maladie du cœur. « Frédéric Chopin aurait 202 ans aujourd’hui »… s’il n’avait a priori pas succombé à une mucoviscidose (une hypothèse assez récente). « Robespierre aurait 250 ans aujourd’hui » (2008)… s’il n’avait été guillotiné ! « Marie-Antoinette aurait 257 ans aujourd’hui » (2012)… si elle n’avait été décapitée. « Jean-Jacques Rousseau aurait eu 300 ans aujourd’hui » (2012)… s’il n’avait vraisemblablement pas été victime d’un AVC (qui ne s’appelait pas comme ça à l’époque). « Corneille aurait 400 ans aujourd’hui » (2006)… s’il ne s’était pas éteint des suites d’une longue maladie. « Jeanne d’Arc aurait 600 ans » (2012)… si elle n’avait péri sur le bûcher…
Bref, je comprends de ces hommages que toutes ces illustres personnes seraient donc encore vivantes si elles n’étaient pas mortes (il faudra alors que quelqu’un se dévoue pour me dire si nous avons vraiment le choix) et/ou si l’homme avait une espérance de vie dépassant tout ce que nous avons connu jusqu’à présent (jusqu’à 600 ans donc). Quel sens alors donner à toutes ces phrases liminaires, quel sens donner à ces soustractions que ces calculateurs font pour quantifier ce qui n’aura jamais lieu, quel sens à mettre Paris en bouteille ? Car, comme le rappelle indirectement, mais ironiquement quand même, le panneau de ce superbe cimetière posté sur une colline de Big Island et faisant ainsi face aux vagues de l’océan pacifique, la vie ne va que dans un sens… Ce qui ne lui empêche pas d’en avoir plusieurs !
La trêve verbale est terminée. Les mots reprennent leur territoire virtuel !
Croiser une personne connue ou membre du cercle des 6 degrés de séparation à un endroit totalement incongru est toujours un moment fascinant. Comme si le monde était petit, ce qu’il n’est évidemment pas, n’en déplaise aux Enfants du Paradis même si c’est de Paris dont il s’agit alors. Ces convergences – rares – ont ce petit goût de magie que l’on aime associer à certains événements de notre vie. Pourtant pas statisticien, on se prend alors à calculer – ou du moins à faire semblant – la probabilité de survenue de cette rencontre avant de statuer fièrement qu’elle est nulle. Mais voilà, contre toute attente et toute logique, les chemins se sont croisés. Sur Hollywood Boulevard à Los Angeles, sur la route des étoiles donc, un mercredi après-midi d’août ensoleillé, je tombe nez à nez avec des voisins de Vancouver. A Seattle, où les nuits ne sont pas toutes blanches, dans une file d’attente pour un concert, encore un choc frontal avec une personne rencontrée une poignée d’années auparavant à San Francisco. A Hawaii, sur une plage de Kauai au coucher du soleil, les pieds nus dans le sable humide et doré en direction de l’océan, un couple en sort. Nouvelle hallucination ! Nous nous sommes vus pour la première fois la semaine précédente, à Hilo, sur une autre île, alors que nous faisions du couchsurfing chez le même hôte. Rebelote le lendemain sur un chemin de randonnée, ce qui déclenche la prise d’un rendez-vous fixe, maîtrisé, non laissé au hasard cette fois-ci pour en savoir plus… Ce « Pour en savoir plus » nous apprend que nous avons des amis communs. Là, comme ça, à l’autre bout du monde…
Et voilà que la chose s’est reproduite, différemment, à un autre bout du monde (par chance, il y en a plusieurs). Plus polaire. A Tromso. 69°N 18°E. Au nord nord de la Norvège dont le nom porte lui-même la nordicité (excusez du québécisme). Rares sont les villes plus au nord encore. A cette période de l’année, il y fait nuit toute la journée. Ce qui ne signifie pas que la zone est plongée dans une totale obscurité toute la journée non plus. Le soleil ne daigne pas se soulever plus haut que l’horizon mais ses éclats lointains viennent « éclairer » les alentours trois heures par jour… Ce qui laisse 21 heures de vraie nuit ! C’est beaucoup pour nous autres qui sommes habitués à un peu plus d’équilibre entre le jour et la nuit (ce qui me fait penser que les Norvégiens ne doivent pas utiliser l’expression « C’est le jour et la nuit ! »). Bref, à un moment de la journée, un besoin de lumière, même artificielle, se fait sentir.
Or, Tromso a une belle bibliothèque moderne, claire et lumineuse. Un phare dans la nuit polaire. Je pousse la porte d’entrée et suis accueillie par une très agréable chaleur qui me fait ôter bonnet, gants, écharpe, manteau, sous-gants (non, il ne fait pas si froid). Face à moi, une colonne de presse internationale. Je cherche les canards français ayant pignon sur rue dans cet antre du savoir de la ville. Il n’y en a qu’un : Le Nouvel Observateur. Et ce n’est même pas le plus récent. Je l’extrais de son étagère et l’ouvre au hasard. Page 13. Oui, oui, page 13. Je suis médusée. Sur la photo, un ami. Kristophe Noël, mon compère de Médyn et d’autres aventures artistico-photo-littéraires. Là, le type replié sur lui-même pour illustrer un article sur l’autisme qu’il n’est pas, c’est lui. J’en doute alors qu’il n’y a aucun doute à avoir. C’est lui. Comme un film que je rembobine, je me vois choisir d’aller à Tromso pour voir des aurores boréales, entrer dans la bibliothèque pour me réchauffer, prendre Le Nouvel Obs par curiosité d’une francophone en terre étrangère et enfin l’ouvrir, juste comme ça et tomber sur Kristophe Noël. C’est fou non ? Il y a toujours une interrogation qui filtre dans pareilles circonstances : les coïncidences ont-elles une raison ?
J’adorerais, chaque matin, pouvoir attendre mon bus en me posant, comme ce monsieur en chemisette jaune, sous les branches sculpturales de cet arbre gigantesque qui continue à se déployer malgré les troncatures régulières que lui infligent les hommes qui sont pourtant arrivés après lui… Ceci dit, si je pouvais effectivement patienter sous cet arbre, je crois que je laisserais passer mon bus…
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Share on Facebook… on accepte ce que l’on rejetait fermement dans le temps. Je m’entends encore le dire (ou presque) : « Jamais j’n’irai nager dans ces piscines parisiennes ! Faire la queue pour nager, franchement, ça a pas d’sens ! ». Oui, à cette époque, je ne mâchais pas mes mots… Et pourtant, si un citadin veut brasser, […]
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