Photo-graphies et un peu plus…

Erreur de débutant

Lorsque, à l’issue de ma 7e demande, faisant elle-même suite à 3 années pleines de cours d’histoire, de géographie et de langues anciennes, j’ai enfin eu droit à ma première formation pratique au voyage dans le temps, il y a bien longtemps maintenant, nos mentors – choisis sur des critères très stricts : ils avaient notamment tous réussi à voyager jusqu’au XXIIIe millénaire avant notre ère ; ce n’est certes pas le début de la civilisation humaine, mais tout de même, l’atteindre requiert une maîtrise des aléas spatio-temporels plus qu’exceptionnelle – nous répétaient au moins une fois par heure que le plus important, quand nous nous trouvions dans un siècle qui n’était celui de notre naissance, était de réussir à nous fondre dans la masse. A ne pas nous faire remarquer, à devenir invisible aux yeux des autres en quelque sorte, ce qui permettait d’éviter le pire qu’ont malheureusement connu de nombreux voyageurs étourdis à savoir, se faire enfermer, voire éliminer selon les lieux et les temps, pour folie avérée, et donc rater l’unique voyage retour vers le présent.

C’est en partie pour cette raison qu’avant tout déplacement, tout ce que nous emportions avec nous – essentiellement une tenue conforme à celle de l’époque où nous nous rendions et quelques deniers – était doublement vérifié par des experts en littérature et d’autres en histoire du vêtement. Au-delà des fautes de goût contre lesquelles les examinateurs ne pouvaient rien, l’anachronisme était l’erreur qu’il fallait absolument bannir. Car elle trahissait immédiatement celle ou celui qui la véhiculait… Autant dire qu’avec son téléphone portable exhibé en pleine rue, ce touriste du dimanche s’apprêtait à vivre des moments difficiles…

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Vu d'en bas...

… c’est très haut… mais c’est tentant… oui mais c’est très haut quand même… d’accord mais c’est vraiment tentant… mais ça a l’air vraiment très très haut… oui mais ça a aussi l’air vraiment très très tentant… Ok, tentons alors !

Oh la la, vu d’en haut, c’est très bas quand même…

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ça tiendra bien encore un an !

Vous le savez, au fond de vous et même en surface, qu’elles ou qu’ils – vos chaussures préférées que vous avez traînées absolument partout comme si vous leur forgiez leurs propres souvenirs ; ce pull que vous adorez, que vous avait tricoté votre tante et qui vous avait fait découvrir l’existence d’un point poétique à souhait, le « jour contrarié », nom qui, par chance, n’avait absolument aucune incidence sur le contenu de votre journée quand vous le portiez ; ou encore ce T-Shirt bleu azur et blanc qui vous rappelle tant vos vacances dorées à Bora-Bora – vivent leurs dernières heures.

En réalité, cette réflexion-là, vous l’avez déjà eue l’an passé, à peu près à la même période, et peut-être même l’année précédente encore. Les condamnés réussissent toujours à glaner un peu de sursis… Vous vous disiez, après inspection générale dudit bien sous toutes ses coutures : « Non mais là, ça tiendra bien encore un an ! ». Et voilà, alors même que vous étiez presque prêt/e à vous en débarrasser définitivement, la chaussure, le pull et le T-Shirt regagnaient placard et étagères en retenant leur souffle.

De votre côté, vous étiez déjà en pleine auto-justification : « C’est simple, je ne les mettrai pas quand il pleut ! ». Parce que vos chaussures préférées ont aussi la semelle trouée en plusieurs endroits, le cuir complètement poreux et le scratch irrémédiablement défaillant. Même raisonnement pour le pull aux coudes troués de les avoir trop frottés à votre bureau – tout ce qu’il y a autour de ces trous est en bon état, alors, pourquoi gâcher ? – ; ainsi que pour le T-Shirt si élimé que l’on peut discerner vos grains de beauté à travers – après tout, le léger est à la mode et ce T-Shirt coûtera  même plus cher qu’un neuf aujourd’hui, alors, à nouveau, pourquoi gâcher ?…

Sauf que voilà, un jour où, comme d’habitude, vous n’aviez pas vérifié la météo avant de vous extraire de votre douillet petit appartement, il s’est mis à pleuvoir. Pas cette ridicule pluie qui ne sert à rien d’autre qu’à vous énerver, non, une vraie pluie, qui mouille, vraiment. Or, à vos pieds, vous aviez vos chaussures préférées. Trouées, poreuses et ouvertes. Au début, vous avez tenté de les préserver en évitant flaques superficielles et autres gouttières éventrées. Soyons honnête, ces précautions ne vous ont pas du tout empêché d’avoir les pieds totalement trempés et les chaussettes affreusement recolorées. Ainsi, sur le chemin du retour, avez-vous dû vous rendre à l’évidence : c’était manifestement l’année de trop…

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La montée des marches

Des points, des lignes, des droites, des angles, des perpendiculaires, des parallèles, des surfaces, des cercles, des plans, et même des plans inclinés… Si certains se demandent si l’espace euclidien de la scène n’est pas une trop grande contrainte, personnellement, je la cueille avec bienveillance. Surtout lorsqu’il est magnifié par un corps humain échappant radicalement à ses règles de gouvernance.

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Le trou noir

 

Si je voulais être schématique, je dirais, sans que cela soit totalement grossier pour autant, que les différentes routes que j’ai empruntées jusqu’à présent – scientifique, journalistique, sociologique, artistique, « voyagique » – n’avaient (et n’ont) qu’un seul objectif : me permettre de comprendre un peu mieux – et sous différents prismes donc – le monde dans lequel nous vivons. Depuis la soupe primordiale à la naissance d’une émotion forte en passant par les raisons qui poussent telle ou telle personne à agir de telle ou telle sorte. Bien sûr, je ne comprends pas tout. Je devrais même dire qu’il y a beaucoup de choses qui m’échappent. Malheureusement. Et heureusement aussi, car cette incompréhension face à certaines choses de la vie, loin de me rendre fataliste, m’invite à chercher encore plus, à rester éveillée et alerte, prête à cueillir des réponses, même infimes, même instables, le tout, sans perdre de vue l’optimisme que je m’impose, bien écorché ces derniers temps il faut l’admettre.

J’aime la science-fiction. J’aime les films de science-fiction, et peut-être encore plus ceux d’anticipation. Et au sein de cette catégorie, les dystopies. Ces films nous plongent dans le chaos dès leurs premières minutes d’existence, mettent en scène des mondes totalitaires et sclérosés dans lesquels toute personne sensée ne voudrait pas mettre ne serait-ce que le petit orteil gauche. Figure récurrente de ces films dont il fait régulièrement l’introduction, un montage vidéo de fausses images d’archives montrant, comment, progressivement, la situation – économique, sociale, politique, écologique dans tel pays, sur tel continent, dans le monde entier même si ça ne se dit pas – a irréversiblement dégénéré, devenant totalement hors de contrôle au bout d’un moment. Un magma d’images énervées, de déchaînement de haine, de montée des inégalités…, devant expliquer, si ce n’est justifier, a posteriori, – car au présent, on ne voit pas ou on ne veut pas voir, on ne connecte pas les faits les uns avec les autres ou si, mais sans y croire -, l’origine du chaos liminaire présenté, dès lors, comme un état de fait. Et bien, malgré mon optimisme que je prends soin de cultiver au quotidien, j’ai de plus en plus la douloureuse sensation que la réalité a rejoint la fiction – qui n’est d’ailleurs qu’une réalité parmi d’autres – et que nous pourrions, dès aujourd’hui et sur la base de vraies images d’archives glanées ça et là dans le monde, produire de tels montages annonciateurs… Et là, je ne peux m’empêcher de me poser cette question : quand allons-nous atteindre le « bout d’un moment » ? et quel en sera l’événement déclencheur ?

Je serais presque en train de virer pessimiste… Mais je réalise dans le même temps que j’en ai oublié une, de route. Qui, en fait, est la matrice de toutes les autres. Même de cette réflexion. C’est bête dit comme ça, mais c’est celle de l’amour. De la vie, des autres. Alors je vais m’y accrocher car il ne peut en être autrement. Et j’enverrais bien quelques livres ou DVD quand même…

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En deux temps

D’abord, s’étonner que, par ce temps hivernal assurément frigorifique, quelqu’un se soit tout de même installé dehors pour lire comme si de rien n’était. Ensuite, remarquer que le buste d’André Le Nôtre a manifestement fait l’objet d’un concours de boules de neige et que l’une d’elles l’a d’ailleurs atteint en pleine tempe…

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Tête à cartes

Certains m’appellent Mappy. Certains m’appellent tout court, pour savoir où il sont exactement voire où ils doivent aller sachant qu’ils sont à tel endroit et qu’ils cherchent ci ou veulent se rendre là. Si, si, encore aujourd’hui, même avec nos technologies modernes de géolocalisation. Certains m’arrêtent aussi dans la rue avec les mêmes requêtes…

L’appel le plus saugrenu que j’aie reçu en la matière concernait des anges. Mon téléphone a sonné et la voix a dit : « Lou, tu ne saurais où  trouver une boutique vendant des angelots par hasard ? » « A Paris », précise-t-elle rapidement. « Et même dans le coin de Montmartre si possible. » Et finalement, le plus étrange n’est pas tant la nature de la demande – toutes sont légitimes – que le fait que j’aie été en mesure de lui apporter une réponse en moins d’une minute. Car oui, quand cette personne – une amie bien sûr, je n’ai pas encore ouvert de service à la demande – a eu fini sa phrase, alors même qu’elle se disait peut-être que c’était un peu vain, je lui ai dit : « Oui, je sais. Où es-tu que je t’indique le chemin pour y arriver ? ». Stupéfaction au bout du fil – expression totalement obsolète de nos jours -, j’adapte : stupéfaction au bout des ondes ! Puis, sourire entendu. Puis une réflexion pour le moins paradoxale de la part d’une personne qui demande quelque chose à quelqu’un tout en s’étonnant qu’elle la satisfasse – un grand classique ceci dit mais tout de même ! – : « Mais comment sais-tu ça ? ».

La question est pertinente ! Comment, en effet, se fait-il que, alors que je ne suis ni pieuse ni bibelot pour un sou, je sache précisément où trouver ce genre d’échoppe et dans un temps si court ? J’ai tendance à attribuer cette double compétence que, évidemment je fais figurer en tête de mon CV, à une mémoire photographique suffisante – les plus cultivés disent eidétique quand les plus sceptiques nient jusqu’à son existence – pour retenir les détails visuels de mes vagabondages pédestres où mes yeux jouent au flipper sur les façades, les nuages, les badauds, les sols, a fortiori, les vitrines, mémoire photographique donc subtilement combinée à un indéniable sens de l’orientation – en dépit  de mon genre, mais juste en ville, je précise car dans les parcs, enfin, à Central Park à New York, je me perds lamentablement.

Aussi, quand je vois l’état chaotique de mon bureau, tel que l’on peut le percevoir dans le monde visible, impossible de ne pas être fascinée, et fière, par l’ordre qui semble régner dans ce monde invisible qu’est mon cerveau – avec qui je vis pourtant en bonne intelligence 24h/24 -, tout du moins mon hippocampe, où tout semble se jouer en matière de navigation, et encore plus finement, ma matière grise, que j’aurais – au même titre que toutes les personnes préférant les cartes aux GPS – en plus grande quantité.

Mais je vois bien que vous ne me suivez plus et que, depuis le 2e paragraphe, vous retournez la même question dans tous les sens : « Comment puis-je avoir des amis cherchant des angelots ? ». Et bien, sachez que je suis comme ça, j’ai toutes sortes d’amis et les idées larges !

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Un mot de travers

Vous vous êtes sûrement déjà senti bassement trahi par votre téléphone, soi-disant intelligent, ou bien votre tablette, en relisant le texte, le texto, le mail que vous veniez d’envoyer et en réalisant qu’il était tout bonnement incompréhensible car des mots, que vous n’aviez ni pensé ni écrit, s’étaient subrepticement glissés dans vos phrases bien ficelées… Dans le meilleur des cas, cela provoque l’hilarité du destinataire de votre prose qui vous répond par quelques points d’interrogation ou un smiley, selon son âge. Au pire, ces messages involontairement cryptés créent des malentendus malencontreux et des incidents diplomatiques.

La faute à cette fichue saisie prédictive qui croient nous aider en nous suggérant des mots dès les premières lettres tapées, que nous validons sans nous en rendre compte alors que nous avions autre chose en tête, ou nous en impose d’autres quand les nôtres ne figurent pas dans son dictionnaire évolutif. Cela me donne parfois l’impression d’avoir à faire à un enfant de 2 ans apprenant à marcher, et donc à surveiller en permanence de peur qu’il ne tombe dans les escaliers, se heurte au coin d’une table basse en marbre, ou se rattrape à un rosier chargé d’épines pour amortir sa chute…

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Mouvement perpétuel

Il y a différentes façons de s’imprégner d’une nouvelle ville. J’entends par là, d’une ville où l’on met les pieds pour la toute première fois toute toute. Tout dépend évidemment de la ville. Certaines résistent aux voyageurs, ne se livrant vraiment qu’au bout de quelques jours, voire plus. D’autres, au contraire, ne leur laissent absolument aucun répit : elles leur sautent à la gorge, au cœur et au corps, les arrachent à leur torpeur de décalé temporel, les inondent de leurs odeurs, de leurs lumières, de leurs bruits, de leurs flux, de tout cela à la fois et en même temps.

Calée au creux d’un carrefour, je me laisse emporter de longues minutes, je suffoque de tant de pollution directe ; je sursaute en suivant les chassés-croisés motorisés ; je me frotte les tempes qui tambourinent ; je cligne des yeux, irrités. Je suis clairement agressée de toutes pores et pourtant, je n’arrive pas à décoller. Je n’arrive pas à m’exfiltrer de cette atmosphère envoûtante. Et reste plantée là, à observer. En réalité, je me sens littéralement hypnotisée par ce mouvement perpétuel qui, par définition, n’offre aucune accalmie. Je suis du regard ces vies qui filent et qui défilent sans se laisser impressionner car c’est ainsi que passe le temps, ici.

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"Elle est douce"

La déclinaison magnétique de la Terre, ça vous parle ? Non ? Vous le sauriez si vous l’aviez déjà rencontrée car elle vous aurait probablement joué des tours. C’est en tout cas en me trompant que j’ai fait sa connaissance. Reprenons au début : une main d’humains en bottes, chargée de nourriture pour une semaine, s’apprête à lever l’ancre. Sa mission : compter, sur un territoire défini, les albatros qui couvent et le nombre d’œuf – soit 1 soit 2 – sous chacun d’eux. La zone à explorer, proche de l’océan, n’est qu’à 3h de marche de la base. Un terrain simple, sans relief ou si peu, et sans surprise. Une promenade de santé en quelque sorte.

La main est insouciante et marche d’un pas décidé vers l’objectif, guidée par l’usage combiné d’une carte IGN et d’une boussole. A l’ancienne donc. Mais au bout de 3h, point d’horizon en vue ; a fortiori, pas d’océan ; a double fortiori, pas de cabane ; a triple fortiori, pas d’albatros ; à quadruple fortiori, la poignée commence à s’interroger. Aurait-elle manqué un virage ? Non, c’est tout droit, un chemin sans aucun obstacle. Aurait-elle alors manqué un virage ? Non, toujours pas. La main poursuit sa route, convaincue que l’estimation des 3h était trop optimiste. Un crachin doublé d’une légère brume effaçant le peu de volume présent l’accompagne après 4h de marche, toujours pas d’horizon, mais une lassitude dans les jambes et puis, quand même, une petite angoisse qui grandit. La main serait-elle perdue ? Alors qu’elle a suivi scrupuleusement la route tracée sur la carte et respecté les ordres azimutés de la boussole ? La base est injoignable. Et il n’y a absolument aucun repère à 20 km à la ronde, aucun mont répertorié sur la grande feuille dépliée même s’il en existe un, en vrai, là, au bout. 5h. La main a perdu le sens de l’humour. Elle se demande déjà comment elle va bien pouvoir résister au froid de la nuit. La main se tait. De ce silence lourd et pesant qu’une mouche ne pourrait même pas briser puisqu’il n’y en a pas. Jusqu’à ce qu’un doigt se lève, timidement mais avec l’assurance de celui qui sait avoir raison : « On a oublié la déclinaison magnétique de la Terre ! ».

La revoilà donc. La déclinaison magnétique – rien à voir avec un cours de physique latine – est l’angle entre la direction du Nord magnétique – celui qu’indique la boussole – et celle du Nord géographique – celui des cartes. Et oui, il y a 2 « Nord ». Or, si le Nord géographique est relativement stable, le magnétique souffre, quant à lui, d’une bougeoïte aiguë. Il dépend en effet de l’endroit où l’on se trouve et de la date à laquelle on a besoin de savoir où il se trouve. Et là, sur cette île coincée entre l’Antarctique et La Réunion, elle avoisine les 18°. Peut-être un peu plus, peut-être un peu moins. Le doigt salvateur résume la situation : la main a, dès le départ et pendant 5h, marché avec une erreur de 18°… Dès lors, la main comprend plus facilement l’absence d’océan, de cabane, d’albatros. Et si elle comprend aussi rapidement qu’elle ne va pas les voir de si tôt, elle repart aussitôt d’un bon pas et plein d’optimisme. C’est que la nuit va bientôt tomber et que les repères visuels font toujours défaut. Après 3h de progression, la main tombe sur une grande étendue d’eau. Impossible, à cause de la brume, d’en voir la fin. Serait-ce enfin l’océan ? Un doigt, un autre, se baisse vers la surface et en extrait quelques gouttes, qu’il goutte : « Elle est douce ! ». Mazette ! Ce n’est donc pas l’océan. Chute de tension collective. Mais tout n’est pas perdu : le lac est sur la carte. Au cours de cette journée, la main n’a jamais su avec autant de précision où elle était véritablement… C’est-à-dire très proche de l’océan, de la cabane, des albatros…

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