Photo-graphies et un peu plus…

Le superflu

Il y a quelques semaines, j’ai poussé la porte de la maison Tan Ky, à Hội An, au Vietnam. Une vieille maison traditionnelle datant du 18e siècle, fruit d’une subtile et magnifique combinaison d’architectures chinoise, vietnamienne et japonaise, et miraculeusement préservée à la fois du temps qui passe, des multiples assauts guerriers qu’a connus le pays, et plus récemment, des inondations récurrentes qui font monter le niveau de la rivière Thu Bồn toute proche à plus d’un mètre de hauteur. Passée l’entrée, le visiteur est pris en charge par une « personne de la famille » parlant sa langue, ce qui facilite grandement la compréhension de l’histoire de la maison déroulée pièce après pièce.

Arrive alors ce moment à l’origine de ce duo (symboliquement, une ampoule s’allume en moi, je ne sais pas encore où). Dans sa narration, la guide évoque le « vase de Confucius ». J’écoute et prends note. Ce vase aurait (au conditionnel car pour l’heure, je n’ai encore rien trouvé qui s’en fasse précisément l’écho) la particularité de se vider dès lors que l’on tente de le remplir à plus de 80%. J’imagine qu’à l’époque du maître chinois, on ne parlait pas en pourcentage – la trace la plus lointaine d’un signe équivalent remonterait en effet à 1425 – et que le récit a été modernisé pour être adapté à nos modes de représentation chiffrés. Avant Montaigne et sa modération, Confucius, et bien d’autres auparavant, nous rappelaient que la quête de ces derniers 20% – par ailleurs très complexe – était superflue, et que nous n’avions pas besoin d’eux pour être suffisamment comblés et heureux… A l’ère du toujours plus, de la sur-consommation-exploitation-spoliation… à outrance, de l’insatisfaction chronique voire pathologique, cette piqûre de rappel est plus que bienvenue. D’autant que 80%, c’est encore beaucoup trop !

Share on Facebook

Inside

Lui n’a assurément pas peur de ce qui se profile de l’autre côté. De la vague. Même si l’idée est justement de ne pas l’atteindre. L’autre côté. Car cela signifierait qu’il l’aurait ratée. La vague. Lui, il préférerait la prendre. La vague. Debout, même. L’effleurer. A peine. La sentir se dérouler sous ses pieds. Et cheminer avec elle le plus loin possible. Debout, toujours. Jusqu’au bout. Jusqu’au point de départ. La plage. Alors, pour mettre toutes les chances de son côté tout en sachant dans sa chair que ce n’est pas à lui d’en décider mais à l’océan, il observe calmement les vagues déferlantes, la houle lointaine et les surfeurs depuis la plage. Après quelques minutes faussement silencieuses, il se penche vers sa planche posée sur le sable encore tiède de la belle journée déclinante, accroche son leash à sa cheville droite, et entre dans l’eau, refroidie par le départ du soleil, qui tend ses muscles comme un réflexe. Il progresse lentement, non que le fond soit jonché d’obstacles. Il continue simplement de se mettre en condition. Et maintenant, de repérer les espaces. Ceux dans lesquels il va pouvoir se glisser. De repérer le moment. Celui où il va pouvoir s’élancer enfin pour aller la chercher. La vague.

Share on Facebook

Montagne d'eau

Ce moment, précédant l’arrivée au sommet, où l’on ne peut pas savoir ce qu’il y a de l’autre côté… Ce qui ne nous empêche pas d’y aller les yeux ouverts.

Share on Facebook

Erreur de débutant

Lorsque, à l’issue de ma 7e demande, faisant elle-même suite à 3 années pleines de cours d’histoire, de géographie et de langues anciennes, j’ai enfin eu droit à ma première formation pratique au voyage dans le temps, il y a bien longtemps maintenant, nos mentors – choisis sur des critères très stricts : ils avaient notamment tous réussi à voyager jusqu’au XXIIIe millénaire avant notre ère ; ce n’est certes pas le début de la civilisation humaine, mais tout de même, l’atteindre requiert une maîtrise des aléas spatio-temporels plus qu’exceptionnelle – nous répétaient au moins une fois par heure que le plus important, quand nous nous trouvions dans un siècle qui n’était celui de notre naissance, était de réussir à nous fondre dans la masse. A ne pas nous faire remarquer, à devenir invisible aux yeux des autres en quelque sorte, ce qui permettait d’éviter le pire qu’ont malheureusement connu de nombreux voyageurs étourdis à savoir, se faire enfermer, voire éliminer selon les lieux et les temps, pour folie avérée, et donc rater l’unique voyage retour vers le présent.

C’est en partie pour cette raison qu’avant tout déplacement, tout ce que nous emportions avec nous – essentiellement une tenue conforme à celle de l’époque où nous nous rendions et quelques deniers – était doublement vérifié par des experts en littérature et d’autres en histoire du vêtement. Au-delà des fautes de goût contre lesquelles les examinateurs ne pouvaient rien, l’anachronisme était l’erreur qu’il fallait absolument bannir. Car elle trahissait immédiatement celle ou celui qui la véhiculait… Autant dire qu’avec son téléphone portable exhibé en pleine rue, ce touriste du dimanche s’apprêtait à vivre des moments difficiles…

Share on Facebook

Vu d'en bas...

… c’est très haut… mais c’est tentant… oui mais c’est très haut quand même… d’accord mais c’est vraiment tentant… mais ça a l’air vraiment très très haut… oui mais ça a aussi l’air vraiment très très tentant… Ok, tentons alors !

Oh la la, vu d’en haut, c’est très bas quand même…

Share on Facebook

ça tiendra bien encore un an !

Vous le savez, au fond de vous et même en surface, qu’elles ou qu’ils – vos chaussures préférées que vous avez traînées absolument partout comme si vous leur forgiez leurs propres souvenirs ; ce pull que vous adorez, que vous avait tricoté votre tante et qui vous avait fait découvrir l’existence d’un point poétique à souhait, le « jour contrarié », nom qui, par chance, n’avait absolument aucune incidence sur le contenu de votre journée quand vous le portiez ; ou encore ce T-Shirt bleu azur et blanc qui vous rappelle tant vos vacances dorées à Bora-Bora – vivent leurs dernières heures.

En réalité, cette réflexion-là, vous l’avez déjà eue l’an passé, à peu près à la même période, et peut-être même l’année précédente encore. Les condamnés réussissent toujours à glaner un peu de sursis… Vous vous disiez, après inspection générale dudit bien sous toutes ses coutures : « Non mais là, ça tiendra bien encore un an ! ». Et voilà, alors même que vous étiez presque prêt/e à vous en débarrasser définitivement, la chaussure, le pull et le T-Shirt regagnaient placard et étagères en retenant leur souffle.

De votre côté, vous étiez déjà en pleine auto-justification : « C’est simple, je ne les mettrai pas quand il pleut ! ». Parce que vos chaussures préférées ont aussi la semelle trouée en plusieurs endroits, le cuir complètement poreux et le scratch irrémédiablement défaillant. Même raisonnement pour le pull aux coudes troués de les avoir trop frottés à votre bureau – tout ce qu’il y a autour de ces trous est en bon état, alors, pourquoi gâcher ? – ; ainsi que pour le T-Shirt si élimé que l’on peut discerner vos grains de beauté à travers – après tout, le léger est à la mode et ce T-Shirt coûtera  même plus cher qu’un neuf aujourd’hui, alors, à nouveau, pourquoi gâcher ?…

Sauf que voilà, un jour où, comme d’habitude, vous n’aviez pas vérifié la météo avant de vous extraire de votre douillet petit appartement, il s’est mis à pleuvoir. Pas cette ridicule pluie qui ne sert à rien d’autre qu’à vous énerver, non, une vraie pluie, qui mouille, vraiment. Or, à vos pieds, vous aviez vos chaussures préférées. Trouées, poreuses et ouvertes. Au début, vous avez tenté de les préserver en évitant flaques superficielles et autres gouttières éventrées. Soyons honnête, ces précautions ne vous ont pas du tout empêché d’avoir les pieds totalement trempés et les chaussettes affreusement recolorées. Ainsi, sur le chemin du retour, avez-vous dû vous rendre à l’évidence : c’était manifestement l’année de trop…

Share on Facebook

La montée des marches

Des points, des lignes, des droites, des angles, des perpendiculaires, des parallèles, des surfaces, des cercles, des plans, et même des plans inclinés… Si certains se demandent si l’espace euclidien de la scène n’est pas une trop grande contrainte, personnellement, je la cueille avec bienveillance. Surtout lorsqu’il est magnifié par un corps humain échappant radicalement à ses règles de gouvernance.

Share on Facebook

Le trou noir

 

Si je voulais être schématique, je dirais, sans que cela soit totalement grossier pour autant, que les différentes routes que j’ai empruntées jusqu’à présent – scientifique, journalistique, sociologique, artistique, « voyagique » – n’avaient (et n’ont) qu’un seul objectif : me permettre de comprendre un peu mieux – et sous différents prismes donc – le monde dans lequel nous vivons. Depuis la soupe primordiale à la naissance d’une émotion forte en passant par les raisons qui poussent telle ou telle personne à agir de telle ou telle sorte. Bien sûr, je ne comprends pas tout. Je devrais même dire qu’il y a beaucoup de choses qui m’échappent. Malheureusement. Et heureusement aussi, car cette incompréhension face à certaines choses de la vie, loin de me rendre fataliste, m’invite à chercher encore plus, à rester éveillée et alerte, prête à cueillir des réponses, même infimes, même instables, le tout, sans perdre de vue l’optimisme que je m’impose, bien écorché ces derniers temps il faut l’admettre.

J’aime la science-fiction. J’aime les films de science-fiction, et peut-être encore plus ceux d’anticipation. Et au sein de cette catégorie, les dystopies. Ces films nous plongent dans le chaos dès leurs premières minutes d’existence, mettent en scène des mondes totalitaires et sclérosés dans lesquels toute personne sensée ne voudrait pas mettre ne serait-ce que le petit orteil gauche. Figure récurrente de ces films dont il fait régulièrement l’introduction, un montage vidéo de fausses images d’archives montrant, comment, progressivement, la situation – économique, sociale, politique, écologique dans tel pays, sur tel continent, dans le monde entier même si ça ne se dit pas – a irréversiblement dégénéré, devenant totalement hors de contrôle au bout d’un moment. Un magma d’images énervées, de déchaînement de haine, de montée des inégalités…, devant expliquer, si ce n’est justifier, a posteriori, – car au présent, on ne voit pas ou on ne veut pas voir, on ne connecte pas les faits les uns avec les autres ou si, mais sans y croire -, l’origine du chaos liminaire présenté, dès lors, comme un état de fait. Et bien, malgré mon optimisme que je prends soin de cultiver au quotidien, j’ai de plus en plus la douloureuse sensation que la réalité a rejoint la fiction – qui n’est d’ailleurs qu’une réalité parmi d’autres – et que nous pourrions, dès aujourd’hui et sur la base de vraies images d’archives glanées ça et là dans le monde, produire de tels montages annonciateurs… Et là, je ne peux m’empêcher de me poser cette question : quand allons-nous atteindre le « bout d’un moment » ? et quel en sera l’événement déclencheur ?

Je serais presque en train de virer pessimiste… Mais je réalise dans le même temps que j’en ai oublié une, de route. Qui, en fait, est la matrice de toutes les autres. Même de cette réflexion. C’est bête dit comme ça, mais c’est celle de l’amour. De la vie, des autres. Alors je vais m’y accrocher car il ne peut en être autrement. Et j’enverrais bien quelques livres ou DVD quand même…

Share on Facebook

En deux temps

D’abord, s’étonner que, par ce temps hivernal assurément frigorifique, quelqu’un se soit tout de même installé dehors pour lire comme si de rien n’était. Ensuite, remarquer que le buste d’André Le Nôtre a manifestement fait l’objet d’un concours de boules de neige et que l’une d’elles l’a d’ailleurs atteint en pleine tempe…

Share on Facebook

Tête à cartes

Certains m’appellent Mappy. Certains m’appellent tout court, pour savoir où il sont exactement voire où ils doivent aller sachant qu’ils sont à tel endroit et qu’ils cherchent ci ou veulent se rendre là. Si, si, encore aujourd’hui, même avec nos technologies modernes de géolocalisation. Certains m’arrêtent aussi dans la rue avec les mêmes requêtes…

L’appel le plus saugrenu que j’aie reçu en la matière concernait des anges. Mon téléphone a sonné et la voix a dit : « Lou, tu ne saurais où  trouver une boutique vendant des angelots par hasard ? » « A Paris », précise-t-elle rapidement. « Et même dans le coin de Montmartre si possible. » Et finalement, le plus étrange n’est pas tant la nature de la demande – toutes sont légitimes – que le fait que j’aie été en mesure de lui apporter une réponse en moins d’une minute. Car oui, quand cette personne – une amie bien sûr, je n’ai pas encore ouvert de service à la demande – a eu fini sa phrase, alors même qu’elle se disait peut-être que c’était un peu vain, je lui ai dit : « Oui, je sais. Où es-tu que je t’indique le chemin pour y arriver ? ». Stupéfaction au bout du fil – expression totalement obsolète de nos jours -, j’adapte : stupéfaction au bout des ondes ! Puis, sourire entendu. Puis une réflexion pour le moins paradoxale de la part d’une personne qui demande quelque chose à quelqu’un tout en s’étonnant qu’elle la satisfasse – un grand classique ceci dit mais tout de même ! – : « Mais comment sais-tu ça ? ».

La question est pertinente ! Comment, en effet, se fait-il que, alors que je ne suis ni pieuse ni bibelot pour un sou, je sache précisément où trouver ce genre d’échoppe et dans un temps si court ? J’ai tendance à attribuer cette double compétence que, évidemment je fais figurer en tête de mon CV, à une mémoire photographique suffisante – les plus cultivés disent eidétique quand les plus sceptiques nient jusqu’à son existence – pour retenir les détails visuels de mes vagabondages pédestres où mes yeux jouent au flipper sur les façades, les nuages, les badauds, les sols, a fortiori, les vitrines, mémoire photographique donc subtilement combinée à un indéniable sens de l’orientation – en dépit  de mon genre, mais juste en ville, je précise car dans les parcs, enfin, à Central Park à New York, je me perds lamentablement.

Aussi, quand je vois l’état chaotique de mon bureau, tel que l’on peut le percevoir dans le monde visible, impossible de ne pas être fascinée, et fière, par l’ordre qui semble régner dans ce monde invisible qu’est mon cerveau – avec qui je vis pourtant en bonne intelligence 24h/24 -, tout du moins mon hippocampe, où tout semble se jouer en matière de navigation, et encore plus finement, ma matière grise, que j’aurais – au même titre que toutes les personnes préférant les cartes aux GPS – en plus grande quantité.

Mais je vois bien que vous ne me suivez plus et que, depuis le 2e paragraphe, vous retournez la même question dans tous les sens : « Comment puis-je avoir des amis cherchant des angelots ? ». Et bien, sachez que je suis comme ça, j’ai toutes sortes d’amis et les idées larges !

Share on Facebook