Photo-graphies et un peu plus…
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On a beau dire, il y a des choses importantes dans la vie. Comme se trouver un trou, ni trop grand pour ne pas s’y perdre ni trop petit pour ne pas y étouffer, où l’on se sente chez soi, à l’abri des regards et de toute agression extérieure, libre de lire en toute tranquillité comme sur son canapé ou de faire la sieste tout en captant nonchalamment la chaleur du soleil depuis son lit…

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Qu’ont en commun ces quatre photos hormis leur auteur ? Une même dénomination barbare, un même numéro matricule dont les propriétaires d’une certaine marque nippone (ce qui n’est pas un vrai indice compte tenu de leur nombre) identifieront facilement l’origine : DSC_0299. DSC_0299 une fois, DSC_0299 deux fois, DSC_0299 trois fois, DSC_0299 quatre fois. Adjugé, vendu ! Coup de marteau sec sur la table en bois de charme ! Vous là-bas, au fond, elles sont à vous ! Quatre photos différentes faites en des temps non simultanés et en des lieux distants de milliers de kilomètres.

Avec certains appareils, l’incrémentation semble possible à l’infini : le compteur avance sans réfléchir ni fléchir, ne rencontrant aucune limite sur son chemin. De fait, le preneur d’images sait exactement combien de photos il a faites, si tant est que cette information numérique ait à la fois un sens et un intérêt. Partons du principe que c’est le cas. Ma boîte à images, de seconde main, n’est pas de ces machines-là : elle a une frontière ultime au-delà de laquelle tout recommence… 9 999. Je peux en effet prendre 9 999 photographies avant que la boucle ne reparte, non pas à zéro mais à un… Logique, au fond, et même en surface, le zéro incarnant le vide alors qu’il s’agit justement d’un premier acte de naissance voire de métempsycose iconographique. Ainsi cette numérotation cyclique, à l’image d’un calendrier, délivre-t-elle aussi quelques informations temporelles, que, telles des crevettes roses, je me sens d’humeur à décortiquer.

Première donnée : disposer de quatre photos homonymiques signifie qu’entre la première et la dernière, j’ai pris 9 999 + 9 999 + 9 999 photos, soit, au total, 29 997 photos. J’en conviens, c’est absolument indécent et prouve – ce que j’avais déjà saisi – que j’ai totalement été aspirée par le gouffre du numérique, véritable invitation à la démesure. Car, évidemment, sur ces 29 997 photos, je n’aurai pas la prétention d’affirmer qu’elles ont toutes un intérêt. Ce qui soulève une question de poids : une photographie doit-elle avoir un intérêt ? Et si oui, pour qui ? Celui qui la prend, celui qui la regarde ? Quoiqu’il en soit, beaucoup de ces photos n’ont eu qu’une durée de vie très courte, ne faisant qu’un subliminal séjour dans la mémoire de ma boîte à images, heureusement – ou malheureusement en cas de mauvaise manipulation – amnésique. Nouvel examen de passage pour les rescapées suite au transfert sur ordinateur… Un face-à-face, qui gagnerait à être plus impitoyable, mais en entraîne néanmoins une nouvelle fournée à la poubelle virtuelle. Bref, si j’ai bel et bien déclenché 29 997 fois, un contre-maître recenserait bien moins d’images au final.

Deuxième donnée : la première DSC_0299 date du 21 mai 2010, la deuxième du 7 avril 2011, la troisième du 24 juillet 2011 et enfin la dernière, du 24 mars 2012. Un savant calcul mathématique – certainement faux – nous apprend donc qu’il s’est écoulé 321 jours entre les deux premières DSC_0299, 108 jours entre les deux du milieu, et 244 jours entre les deux dernières… C’est là que thermomètres, métronomes, baromètres et autres podomètres s’affolent ! 9 999 photos en 108 jours ! Certes, les circonstances étaient très particulières – année à vagabonder hors de mes frontières habituelles à découvrir, presque chaque jour, de nouvelles cachettes terrestres -, le constat n’en est pas moins inattendu. 9 999 images en 108 jours, c’est une moyenne de 92,58 images par jour, soit – si l’on considère que la fenêtre moyenne de prise de vue sur une journée est de 12 heures – fait 7,71 photos par heure. Admettons maintenant qu’il faut en moyenne 2 minutes pour prendre une photo – incluant le choix du cadrage, de l’angle, la mise au point, les réglages – cela signifie que, pendant ces circonstances très particulières, je passais près de 16 minutes par heure ouvrable à prendre des images. Autant dire que je vivais en parfaite symbiose avec elles. D’aucuns pensent sûrement que s’octroyer autant de temps pour capturer le présent empêche de vivre au présent. Puisque cette frénésie photographique me plaçait dans l’anticipation d’un futur où j’aurais souhaité revisiter un passé qui, pour l’heure, n’était encore que du présent. Ceux-là ont en partie raison, même si je veux croire le contraire. Car je me souviens clairement de tout ce qui entoure ces quatre images.

Errance solitaire – un piège car aucune autocensure consécutive à la présence d’une autre personne ne vient rompre la dynamique photographique – dans les rues de Sliema, en face de La Valette à Malte. L’omniprésence du catholicisme s’impose à tous ceux qui n’y sont pas habitués. Un instant, à force de lire ce « in god we trust » que je n’avais vu qu’outre-atlantique, je crois à une colonisation américaine de l’île méditerranéenne… Icônes à chaque coin de rue, églises démultipliées, pratiquants proclamés, jusqu’à ces invitations de porche là où, sous nos latitudes, nous nous contentons d’un laconique « pas de publicité »… Direction Vancouver pour ce cerisier japonais en fleurs. Cela ne fait que quelques jours que je suis dans cette ville envoûtante où je vais séjourner un trimestre. La ville est parsemée de ces arbres magnifiques dont les fleurs éclosent début avril. Les jours précédents, j’ai observé les bourgeons gonfler, s’épanouir, puis s’ouvrir jusqu’à atteindre cette incroyable, mais naturelle, explosion vitale. Quelques jours après, leurs pétales, aidés par la bise, sont tombés par grappes, tapissant l’herbe verte d’une neige qui ne fond pas, et de jeunes feuilles les ont progressivement remplacés. 24 juillet, Crater Lake. Reflet quasi parfait de cette caldera préservée sur les eaux à la pureté unique au monde où a poussé une petite île, s’évanouissant parfois dans la brume ou l’éclat solaire. On en fait le tour, l’observant de haut, de loin, avant de se frayer un chemin vers cette surface pacifique que l’on a presque honte de déranger… Enfin, là, très récemment, l’une des installations de Yann Kersalé, mon J-1 du 24 mars, transposition miniature et sèche d’une expérience artistique dans un bassin breton rempli d’algues géantes pour l’occasion. Vision qui me replonge quelques années en arrière, dans les eaux glaciales d’une baie située au delà des quarantièmes rugissants, frigorifiée dans une combinaison trop grande pour moi mais subjuguée par cette valse de laminaires entre lesquels se faufilent les rais du soleil. A l’époque, faute d’appareil insubmersible, je n’avais pas pris de photo. A l’époque, j’utilisais un argentique. Mais les circonstances étaient aussi très particulières…

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C’est sur ce genre de détails que les publicitaires devraient mesurer l’impact de leurs annonces ! Une banale affiche A4 noir et blanc vantant les avantages d’un cours de boxe malto-thaï – un concept en soi à coup sûr – où, vraisemblablement, vous ne rencontrez que de jolies filles, sachant se défendre ! Et un trou net et sans bavure dans le carreau, juste au dessus, histoire de montrer à quel point (ah ah) cette publicité est tout sauf mensongère et que ce cours ne pourra vous donner qu’entière satisfaction ! Voici donc l’exemple parfait de pub coup de poing ! Une suite un peu cheap à Canular ? peut-être, mais surtout mieux pansée… euh, pensée ! Encore que, cette idée révolutionnaire, si elle ne coûte rien en papier, devrait faire le bonheur des vitriers !

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Assurément, cet ouvrier perché au sommet de son échafaudage particulièrement esthétique (des tiges donc, et un voilage blanc rayé de vert…), assis sur une poutre à contempler le vide, ne l’a pas. Le vertige. Il est étonnant de voir à quel point, d’un pays à l’autre, la facture de ces aides de construction diffère. Si certains, en métal, semblent inébranlables, d’autres, en bois, donnent évidemment l’impression inverse. C’est un abus de pensée bien sûr, directement imputable au confort et à la haute technicité auxquels nous habitue la vie occidentale… Si les uns, comme ici, semblent concourir pour le prix de l’échafaudage le plus original, les autres sont particulièrement laids… Ils sont si laids que de plus en plus, on voit de gigantesques bâches peinturlurées (de la pub en général) ou trompe-l’œil couvrir cette misère métallique accrochée aux bâtiments en rénovation.

Mais revenons à notre funambule… En le regardant, même si le point de vue est totalement différent, même si cette image est en couleur et l’autre est en noir et blanc, même s’il est seul alors qu’ils sont une brochette, je ne peux m’empêcher de penser à la photo de Charles Clyde Ebbets (Lunch atop a skyscraper) d’ouvriers assis sur une poutre, prenant leur pause déjeuner, les pieds dans le vide, au 69e étage de l’immeuble du Rockfeller Center alors en construction. C’était en 1932. 88 ans plus tard, les travers des ouvriers du ciel n’ont vraisemblablement pas beaucoup changé…

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Le monde est fait d’interdictions. La vie est faite d’interdictions. Interdiction de tourner à gauche, interdiction de siffler à table, interdiction de fumer dans des lieux publics, interdiction de rêver tout haut, interdiction d’arroser son jardin, interdiction de parler la bouche pleine, interdiction de pêcher la nuit… Au quotidien, nous jonglons avec ces interdits, que nous ingérons puis intégrons, pour la plupart. Au bout de quelques années de pratique, il n’y a même plus d’autocensure. Ne pas faire ci ou ça, et s’offusquer de voir quelqu’un faire ci ou ça, est devenu naturel. Cette question de l’interdiction n’en est pas moins à géométrie variable selon l’endroit où elle est posée.

Exemple léger avec ces deux images prises sur deux plages distantes de très exactement 10 776 km. Pour une même typologie de lieu, on pourrait naïvement imaginer que les interdictions sont similaires. Il n’en est rien. Sur cette plage de station balnéaire touristique de Malte, le seul interdit concerne les femmes. « Sein nus interdit ». Fautes d’orthographe comprises. C’est écrit en six langues, maltais, italien, français, allemand, anglais et même russe (c’est l’occasion d’apprendre que « topless » est un mot quasi universel – petit doute sur le russe cependant…). Un choix vraisemblablement lié à l’origine géographique de la majorité des visiteurs de l’île. La présence récurrente de méduses, annoncée par le panneau du dessous, n’est sûrement pas  la cause de cette interdiction. Les cnidaires se moquent bien des tissus ! C’est donc probablement culturel. A 10 776 km de là donc, sur une plage californienne d’une ville historiquement connue pour sa participation massive au mouvement hippie – Santa Cruz, à ne pas confondre avec Santa Claus -, il y a autant d’inscriptions que sur le panneau maltais, mais réunissant six interdictions différentes. C’est dire si les temps ont changé… Curieusement, le « No topless bathing » n’y figure pas. Et puis, ces sommations lapidaires ne sont pas traduites. Tout le monde sait parler anglais, c’est bien connu. Question d’image de soi probablement !

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Absolument pas ! Authentique relique britannique en plein cœur de la Méditerranée, sur une île anciennement annexée par l’Empire qui y a laissé quelques habitudes… Ses très symboliques cabines rouges donc, ses petits déjeuners bacon-œuf-haricots rouges, mais aussi sa conduite à gauche, sans le flegme qui lui est, sous d’autres latitudes, attaché.

Le duo subtilement éclairé formé par cette cabine, posée au beau milieu de la placette devant le tronc d’un arbre aux branches protectrices, et ce banc vert en fer forgé fraîchement repeint, accueillant, semble tout droit sorti d’un musée à ciel ouvert… On tourne autour sans vraiment pouvoir l’approcher. Une certaine solitude s’en dégage. Nostalgie peut-être. La cabine, qui permet de garder un lien avec des personnes éloignées ; le banc, qui, à l’inverse, unit les êtres déjà proches. Aujourd’hui, on les dirait abandonnés. Leurs couleurs vives les inscrivent encore dans le présent, mais la distance qui nous sépare d’eux transforme le tableau en photographie tirée d’une époque ancienne…

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La nuit venue, les immeubles de verre qui, la journée, laissent entrer la lumière naturelle et protègent leurs habitants des regards indiscrets, se muent en une montagne d’aquariums posés les uns au dessus des autres  transformant les hommes en de petits poissons tournant autour de lumières artificielles…

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