Photo-graphies et un peu plus…

Le trou noir

 

Si je voulais être schématique, je dirais, sans que cela soit totalement grossier pour autant, que les différentes routes que j’ai empruntées jusqu’à présent – scientifique, journalistique, sociologique, artistique, « voyagique » – n’avaient (et n’ont) qu’un seul objectif : me permettre de comprendre un peu mieux – et sous différents prismes donc – le monde dans lequel nous vivons. Depuis la soupe primordiale à la naissance d’une émotion forte en passant par les raisons qui poussent telle ou telle personne à agir de telle ou telle sorte. Bien sûr, je ne comprends pas tout. Je devrais même dire qu’il y a beaucoup de choses qui m’échappent. Malheureusement. Et heureusement aussi, car cette incompréhension face à certaines choses de la vie, loin de me rendre fataliste, m’invite à chercher encore plus, à rester éveillée et alerte, prête à cueillir des réponses, même infimes, même instables, le tout, sans perdre de vue l’optimisme que je m’impose, bien écorché ces derniers temps il faut l’admettre.

J’aime la science-fiction. J’aime les films de science-fiction, et peut-être encore plus ceux d’anticipation. Et au sein de cette catégorie, les dystopies. Ces films nous plongent dans le chaos dès leurs premières minutes d’existence, mettent en scène des mondes totalitaires et sclérosés dans lesquels toute personne sensée ne voudrait pas mettre ne serait-ce que le petit orteil gauche. Figure récurrente de ces films dont il fait régulièrement l’introduction, un montage vidéo de fausses images d’archives montrant, comment, progressivement, la situation – économique, sociale, politique, écologique dans tel pays, sur tel continent, dans le monde entier même si ça ne se dit pas – a irréversiblement dégénéré, devenant totalement hors de contrôle au bout d’un moment. Un magma d’images énervées, de déchaînement de haine, de montée des inégalités…, devant expliquer, si ce n’est justifier, a posteriori, – car au présent, on ne voit pas ou on ne veut pas voir, on ne connecte pas les faits les uns avec les autres ou si, mais sans y croire -, l’origine du chaos liminaire présenté, dès lors, comme un état de fait. Et bien, malgré mon optimisme que je prends soin de cultiver au quotidien, j’ai de plus en plus la douloureuse sensation que la réalité a rejoint la fiction – qui n’est d’ailleurs qu’une réalité parmi d’autres – et que nous pourrions, dès aujourd’hui et sur la base de vraies images d’archives glanées ça et là dans le monde, produire de tels montages annonciateurs… Et là, je ne peux m’empêcher de me poser cette question : quand allons-nous atteindre le « bout d’un moment » ? et quel en sera l’événement déclencheur ?

Je serais presque en train de virer pessimiste… Mais je réalise dans le même temps que j’en ai oublié une, de route. Qui, en fait, est la matrice de toutes les autres. Même de cette réflexion. C’est bête dit comme ça, mais c’est celle de l’amour. De la vie, des autres. Alors je vais m’y accrocher car il ne peut en être autrement. Et j’enverrais bien quelques livres ou DVD quand même…

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Retour vers le passé

S’approcher, et même se coller au verre plus que centenaire de cette fenêtre, est le seul moyen d’échapper aux reflets trompeurs du présent et de découvrir ce qu’il reste de la vie de ces autres d’un autre temps, fous assurément, partis sonder les filons aurifères de cette cité aujourd’hui claquemurée dans le silence de l’abandon, Bodie. Et voilà que tout d’un coup, sur cette tranche de silice transformée en CinémaScope, les diligences défilent, les saloons se remplissent, tandis que de l’autre côté, un hold-up se peaufine avec un cowboy en paraffine. Bang bang !

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La revanche des fêlés

Malgré son inclinaison inquiétante, et même déroutante, la Tour de Pise dégage un je-ne-sais-quoi de rassurant, et même de réconfortant. Son existence, et sa longévité surtout, donne en effet de l’espoir à tous les éclopés, tous les nés de travers et les malmenés par la vie qui se croient perdus d’avance : sans ce déséquilibre notable originel – un défaut dans les fondations repéré dès la construction ou bien un affaissement de terrain, meuble, en serait à l’origine -, sans ce que d’aucuns qualifieraient de handicap disqualifiant ad vitam æternam, la ville de Pise, qui a certes d’autres atouts, n’attirerait assurément pas autant de curieux, qu’ils soient avides de redresser ce joyau architectural ou pas…

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La double vie

Les habitants de cet immeuble ont une drôle de vie : après avoir traversé son immense hall d’entrée aux murs recouverts de miroirs, ils sont invités à s’arrêter dans un petit sas vitré où ils se scindent littéralement en quatre. Comme des cellules dans une boîte de Pétri. Chaque quart, une entité à part entière, dont le corps est la copie conforme de celui qui est entré dans le sas, emprunte alors l’un des quatre ascenseurs du bâtiment, disposés face à face.

Si les tous premiers mois à ce régime sont logiquement difficiles et déboussolants, les locataires finissent pratiquement tous par s’y habituer et s’installent dans quatre appartements similaires mais pas identiques pour les 3 ans et 10 mois maximum autorisés. Les rares qui abandonnent le navire précocément sont remplacés quasi instantanément tant la liste des postulants est longue.

Avoir l’opportunité de vivre, même seulement quelques heures par jour, quatre facettes de notre personnalité sans que l’une paralyse ou phagocyte l’autre, est en effet plus qu’exceptionnel. Et c’est toujours avec une joie et une sérénité palpables qu’au moment de s’extraire de cet univers singulier, les quatre quarts d’une même personne se retrouvent, en choeur, dans le même sas vitré qu’en entrant pour refusionner et n’en laisser sortir qu’une, nourrie de ces expressions de vie et de soi complémentaires…

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Raymond m'appelle

Raymond, je ne l’attendais pas vraiment en fait. Je l’ai trouvée là (oui, oui, vous avez bien lu), sur le bord de la route, la one O one, entre South Bend et Willapa. Au milieu de nulle part. Vraiment. Nulle part. Malheureusement, il y a parfois des « nulle part », qui relient des « part » subjuguants, où l’on est malgré tout obligé de s’arrêter – des escales techniques dans le jargon – car ils sont eux-mêmes cernés d’autres « nulle part ». Et qu’entre un « nulle part » et un autre « nulle part », ma foi, cela reste un « nulle part »… Et généralement, à l’instar de Sheldon qui, d’après Harry, est parfait pour dévitaliser une dent, d’un « nulle part », l’on n’attend absolument rien. De fait, m’arrêter à Raymond pour la nuit, dont le nom déjà, même énoncé à l’américaine, « reillemonde », annonçait la couleur, n’aurait dû me laisser aucun souvenir…

Si je suis là ce soir à vous en causer, c’est que, justement, je me souviens de Raymond. De ses rues désertes, oui ; de son motel resté dans son jus depuis des décennies et refuge d’une faune pas totalement rassurante, un peu aussi ; de son unique dinner ouvert après 7 pm, de l’autre côté de l’autoroute, oui, parfaitement. Car c’est ici qu’est né le souvenir de Raymond. Bien sûr, je ne le sais pas encore en poussant la porte de ce restaurant typique de burger qui incarne la quintessence de l’american way of life, avec ses néons étincelants, ses tables en formica cintrées d’un tour de zinc reluisant et ses chaises en moleskine, son faux plafond et ses ventilos qui brassent l’air chaud… Please wait to be seated. Obéissance même s’il y a l’embarras du choix. Là, ok, sur la banquette. La serveuse, une jeune fille fringante, apporte la carte avec un grand sourire. Elle, pas la carte. Puis s’éloigne. Du français sort de ma bouche. Son oreille se tend. Elle disparaît dans la cuisine, derrière les portes saloon, au fond à gauche sur la photo. Puis revient, prête à prendre la commande, et surtout à poser mille questions :

– Where are you from?

– Paris. In France. In Europe. (En trois temps s’il vous plaît. Parce qu’après plusieurs mois en Amérique du Nord, vous avez adopté cette habitude d’accoler l’Etat à la ville dont vous parliez, comme si, en France, on disait : « J’habite Marseille, PACA. ». La précision est d’autant plus nécessaire ici – mais inutile en réalité, mon accent m’ayant déjà trahie – qu’il y a un Paris en Arkansas, Idaho, Californie, Illinois, Indiana, Iowa, au Kentucky, dans le Maine, le Michigan, le Mississippi, le Missouri, dans l’Etat de New York, en Ohio, Oregon, Pennsylvanie, Tennessee, Virginie et bien sûr, merci Wim, au Texas !

Are you in Raymond for vacation?

– (Là, il s’agit quand même d’être diplomate et de ne pas tenter de traduire cette histoire de « nulle part » qui pourrait vexer la personne en charge de mon dîner) No, no, I am on my way to Seattle.

There’s nothing to do here anyway…

J’invente peut-être cette ultime réponse, mais la mienne l’a, semble-t-il, rassurée quant à ma capacité à discerner le insane du boring. Bref, je vous épargne les 998 autres questions. La donzelle repart vers la cuisine, et tout d’un coup, patratas, un immense cri aigu traverse la porte saloon qui bat encore de l’aile, puis la salle et arrive jusqu’à moi – il est exactement là le souvenir de Raymond, dans ce cri primal totalement inattendu dans l’état actuel des choses et irrésistiblement drôle qui dit : « They’re from Pariiiiiissssssss! »

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Logique !

Se comporter globalement de façon cartésienne – c’est-à-dire, être une personne s’appuyant de préférence sur la raison, la logique (d’aucuns proclament même que j’ai une logique de robot (donc, implacable), ce qui, à ce moment présent de l’Histoire de l’humanité, n’est pas réellement un compliment même si cela signifie souvent que j’ai raison !) et procédant généralement avec méthode -, n’empêche pas quelques incursions inopinées et incontrôlables dans l’univers un peu confus du mysticisme ou de l’irrationnel.

J’en tiens pour preuve cette petite scène sans intérêt apparent extraite de ma trépidante vie quotidienne et parisienne. Ceci dit, cela aurait pu se passer dans n’importe quelle autre ville dans le monde dès lors que l’on y trouve du sel sur la table. J’affine. J’arrive au restaurant, me glisse bon an mal an sur la blanquette le temps de choisir ma bavette puis me relève afin de rejoindre les commodités où j’ai sacrément envie d’aller… me laver les mains. Figurez-vous qu’en me levant et en tentant de passer dans l’intervalle très étroit entre ma table et la voisine (ah, ces bistrots cultivant la promiscuité, pardon, la proximité), d’une part, j’ai réalisé que je n’étais pas un poulpe et, d’autre part, en pensant que je l’étais, j’ai renversé la salière et la poivrière sur la table. Je n’ai même pas eu le temps d’actionner la machine à cartésianisme que la branche mystique – en sommeil – de ma personnalité s’est réveillée d’un coup d’un seul, hurlant, intérieurement : « Celle-là, elle est pour moi ! Ne pense à rien, je m’occupe de tout ».

Savez-vous ce que j’ai fait ? J’ai pris quelques grains de sel entre mon index et mon pouce – enfin, l’un des deux, mais de la même main, sinon, c’est un peu compliqué – et je les ai jetés par dessus mon épaule (certainement droite par méconnaissance et non gauche comme il eut fallu), comme si, par cet acte absolument insensé, j’empêchais quelque chose de terrible – autant qu’hypothétique – de se produire. Et, ayant réussi à m’extirper de là, j’ai continué mon chemin, tout en remarquant que l’un de mes commensaux avait eu exactement le même réflexe et était déjà prêt à user de sa pince manuelle pour envoyer valser sorcières et autres mauvais esprits vers de lointains horizons si je ne l’avais devancé. Tout cela a beau s’être passé de façon extrêmement rapide, j’étais pleinement consciente de ce que je faisais sans vraiment savoir pourquoi je le faisais.

D’autant que j’apprends aujourd’hui, là, maintenant pour tout vous avouer, que, comme beaucoup d’us et coutumes, les superstitions varient selon les cultures. En l’occurrence, au Danemark par exemple, renverser du sel porterait bonheur s’il est sec, et malheur s’il est mouillé. Ma question : faut-il être Danois ou renverser du sel au Danemark pour que cette croyance s’applique ? Et que se serait-il passé si un ou une Danois/e avait été à table avec moi, à Paris : m’aurait-il/elle empêché de jeter mon bonheur – car le sel était sec, oui – par dessus l’épaule ou m’aurait-il/elle regardé gâcher ainsi ma vie car je n’avais pas voulu admettre à temps que je n’avais pas la souplesse d’un poulpe ?

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La belle échappée

S’il est des questions extrêmement ardues auxquelles l’humanité trouvera forcément des réponses, même au bout de plusieurs siècles de recherches acharnées et ininterrompues menées simultanément par des milliards d’individus inconsciemment connectés les uns aux autres – d’où venons-nous ? ; notre existence a-t-elle un sens ? ; au fond, qui sommes-nous ? -, celle-ci, pourtant bien plus simple, n’en aura jamais de précise, quels que soient les experts convoqués : que diantre font ces deux-là sur leur kayak biplace surchargé au beau milieu de l’océan pacifique ?

Je n’exagère que partiellement : si l’archipel hawaïen est en effet au centre du plus vaste océan terrestre, nous pouvons facilement observer un bout de plage en premier plan qui indique naturellement la présence d’une terre ferme à proximité, en l’occurrence une île, Kauai, celle-là même sur laquelle reposent mes pieds et d’où j’ai pu prendre cette photo sans courir le moindre danger. Permettez-moi d’élargir ce champ carré serré pour que vous puissiez prendre la mesure de ma stupéfaction en les voyant s’approcher : très logiquement face à un océan, il n’y a que de l’eau à perte de vue – notez sa magnifique couleur au passage. Ils ne viennent donc a priori pas de derrière l’horizon – depuis la hauteur de mes yeux, pas très hauts, grosso modo à 5 kilomètres. Ce n’est pas impossible, mais qui sait vraiment ce qu’il y a de l’autre côté ?

« Et de l’autre côté justement », me lancerez-vous ! Dans mon dos donc, une mégalopole de plusieurs millions d’habitants stressés pourrait certes se déployer et s’étendre sur des hectares, mais ce n’est pas le cas. En lieu et place, une forêt dense et des montagnes escarpées auxquelles on accède par un étroit chemin de randonnée de terre rouge dont le début se trouve à une quinzaine de kilomètres, lui-même à une trentaine du premier village, et qui se poursuit sur plusieurs dizaines de kilomètres dans l’autre sens… Mais le plus étonnant, pour la fille un peu classique que je suis, réside sans doute dans la composition de ce couple improbable : un vieux monsieur qui ne s’est pas rasé depuis Noël dernier (oh, oh, oh !) et une jeune femme enceinte jusqu’au cou, jusqu’aux yeux, jusqu’aux dents. Sont-ils ensemble ? Vivent-ils d’amour et d’eau fraîche – et peut-être de poissons pêchés à la lance comme le fait Tom Hanks dans Seul au monde, sur les criques désertes de la Napali Coast ? Où va-t-elle donner naissance à sa sirène ? Evidemment, si leur sacoche rouge, lasse de cette vie sans cadre ni structure fixe, ne s’était pas jetée à l’eau, jamais ils ne se seraient autant approchés de la terre, jamais un valeureux gaillard ne se serait jeté à l’eau – chaude je précise – pour la leur rapporter, jamais, enfin, je ne me serais posé toutes ces profondes questions !

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Le jour où la Terre s'arrêta

Sur ces pages virtuelles, je suis souvent partagée entre m’émerveiller de la beauté et de la diversité du monde, de ces petits riens de nos quotidiens qui font parfois l’essentiel dès lors que l’on sait, que l’on peut ou que l’on s’autorise à les saisir au vol, ou bien me désoler de l’évolution du monde dont la complexité – souvent liée à la coexistence d’extrêmes inconciliables – m’intimide, me désarçonne même chaque jour un peu plus. Car, si nous vivons tous sur la même planète – la seule habitée à des années-lumière à la ronde -, nous ne vivons clairement pas tous dans le même monde.

Aussi naïf, romantique et immature que cela puisse paraître, cette assertion, dont je ne conteste pas l’évidence, m’affecte. Et l’afflux d’informations auquel nous sommes exposés – au moins cinq fois plus qu’au mitan des années 1980 – et auquel nous nous exposons volontairement plus ou moins modérément, nous mettant, en temps réel et sans véritable hiérarchisation, face à tout ce qui se passe dans tous les domaines dans le monde, n’aide pas à atténuer ce double sentiment de sidération et d’impuissance. Suis-je simplement sujette à une forme très banale de culpabilité judéo-chrétienne malgré une éducation athée et laïque ? Cette empathie est-elle sincère ? Et quel traitement lui réserver ? Comment composer avec ce monde où se multiplient les pires horreurs, ignominies, cruautés, injustices, locales et globales, à effet immédiat et différé, proches et lointaines ? En faisant l’autruche car ce que nous ignorons ne peut nous faire de mal ? C’est déjà trop tard car nous saurions que ce filtre est artificiel. En luttant, mais contre qui, avec qui, contre quoi, avec quoi et, surtout, par où commencer pour que cela ait un effet autre que cosmétique ? Je n’en sais fichtre rien.

Ce que je sais en revanche est que, quoi qu’il advienne, les aiguilles du temps qui file ne s’arrêtent pas, et la Terre, elle-même, ne s’arrête pas de tourner. Elle reste impassible, imperturbable, ne ralentit pas son allure, ne change pas d’inclinaison, ne se renverse pas subitement, pour dire « Oh, hé, ça suffit là ! »… Comme si elle était insensible à ce qui se trame à sa surface – je sais que c’est faux : l’accélération de l’activité humaine depuis la révolution thermo-industrielle il y a 2 siècles est à elle seule responsable de la création d’une nouvelle ère géologique, le fameux anthropocène, et de la survenue de bouleversements climatiques sans précédent et dévastateurs pour les décennies à venir -. D’ailleurs, il se murmure également de l’homme qu’il est devenu insensible aux maux et malheurs du monde qui défilent pourtant sous ses yeux à un rythme effréné, trop vite assurément, de telle sorte que ces faits, souvent d’une violence extra-ordinaire, présentés comme une liste de courses de samedi matin entre deux friandises, en deviennent banals, donc faciles à oublier, à quelques extrasystoles près, justifiés ou pas, qui soulèvent l’indignation collective, parfois mondiale. Et je pense alors à Barjavel, à Ravage, en particulier, à la fin très précisément, quand, après une apocalypse qui pourrait permettre aux rescapés de tout recommencer sans répéter les erreurs qui les y ont conduits, un personnage né après la catastrophe invente une machine agricole pour s’épargner des efforts, augmenter sa production et faire gagner du temps à sa communauté…

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Le refuge

En foulant le sol de Puuhonua o Honaunau, en tournoyant entre ses hauts palmiers tout droit sortis d’une carte postale envoyée du paradis commun, en glissant les pieds dans le sable blanc et fin de sa plage, difficile d’imaginer que se jouaient là, au 17e siècle, des drames à répétition. Là, donc, un ancien refuge pour délinquants de l’époque ayant, volontairement ou pas, transgressé les lois sacrées locales ou « kapu ». Les tabous des anciennes lois hawaïennes.

Qu’un homme du peuple regarde ou touche un noble était par exemple interdit, a fortiori qu’il marche dans ses pas voire laisse malencontreusement traîner son ombre sur un sol sacré ; qu’un homme et une femme mangent ensemble n’était pas plus autorisé : et pas de chichi en ce temps-là, enfreindre ces tabous était passible de mort. Elle seule était en effet en mesure d’éviter la redoutable ire des dieux, se traduisant potentiellement par des éruptions volcaniques, des tsunamis, des tempêtes ou des séismes, le tout étant géologiquement fort probable dans cette zone tectoniquement active de cet océan Pacifique au nom bien trompeur (quand bien même Alfred Wegener n’allait naître que deux siècles plus tard)…

Le seul moyen de réchapper à la vindicte populaire – sans avoir tué de lion pour autant – était d’atteindre un de ces refuges sacrés, à temps, c’est-à-dire avant les chasseurs survoltés (alors même que l’électricité n’existait pas encore). A l’issue d’une période de durée variable de pénitence, le pécheur recevait, par l’entremise d’un kahuna (ou prêtre), le pardon des dieux qui renonçaient alors, merci à eux, à leur déchaînement destructeur et (sur)naturel digne des pires scénari de notre dérèglement climatique contemporain. Il pouvait alors rentrer chez lui, totalement blanchi, et reprendre une vie sociale normale, comme si de rien était…

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Double subjugation

La photogénie de la subjugation… De dos, à quelques mètres du vide, tout est possible à propos de ces deux-là. Alors, j’opte pour une légende romantique. Ils se connaissent sans se connaître vraiment et pour cause, c’est leur premier rendez-vous IRL officiel après des semaines de correspondances virtuelles sur les réseaux sociaux. De fait, pour faire perdurer le mystère qui a enveloppé leurs premiers échanges, ils ont préféré se rencontrer de nuit plutôt qu’en plein jour, sous un soleil qui aurait tout dévoilé d’eux. Elle est intimidée (voyez la légère inclinaison de son pied gauche, un signe qui ne trompe pas), il est dans l’expectative (voyez la légère inflexion de son genou droit, un signe qui ne trompe pas non plus). Totalement silencieux depuis qu’ils se sont retrouvés et ont mis le cap vers ce point de vue sur la ville, ils font mine d’être subjugués par la vie lumineuse qui défile de l’autre côté de la paroi en contrebas, effrontément imperméable à leurs premiers émois, histoire de temporiser, d’alimenter leur mémoire commune embryonnaire, et surtout de puiser le courage, qu’ils pensent alors hors d’atteinte, pour que, en se retournant, ils se prennent naturellement par la main, comme si c’était un geste banal entre eux, poursuivent leur chemin en toute quiétude vers la lumière et découvrent enfin la voix de l’autre…

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