Photo-graphies et un peu plus…

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Hier soir, avant de me coucher, j’ai invité mon inconscient à retourner chercher la voiture que je n’ai pas (cette première phrase est bien moins étrange qu’il n’y paraît quand on a lu l’épisode 9). Figurez-vous que je l’ai trouvée, mais que deux nouveaux obstacles se sont intercalés entre elle et mon désir d’évasion : d’une part, la clé que j’avais ne semblait pas correspondre à la serrure et d’autre part, elle était tellement bien coincée entre deux autres voitures que je n’aurais jamais réussi à la sortir de sa place. Comme quoi, trouver ce que l’on croit chercher n’est pas forcément un gage de réussite ! J’en déduis donc qu’il me faut rester ici. Et appréhender l’attente autrement.

Savez-vous de combien de temps nous avons besoin au réveil pour savoir où, quel jour et qui nous sommes ? Certains – j’ai même des noms ! – me lanceront que cela dépend de ce que nous avons fait la veille ou pendant la nuit… Envisageons donc un comportement sans excès, une nuit simple ou une simple nuit. Je cherche la réponse depuis tout à l’heure et je ne trouve pas. Je ne trouve pas car je ne sais comment poser la question efficacement à mon moteur de recherche pour qu’il me propose autre chose que des articles sur le nombre d’heures de sommeil nécessaire pour être en forme, sur des méthodes pour me souvenir de mes rêves ou sur les troubles du sommeil… Bon, ai-je vraiment besoin d’avoir un chiffre précis pour continuer ? Non. Alors, je poursuis.

Disons qu’a priori, sauf si vous êtes sujet à des formes d’ivresse du réveil, cela se fait « rapidement ». « Rapidement », cela ne veut rien dire, c’est vrai. C’est du même acabit que lorsque le Ministre de la Culture a annoncé que les « petits » festivals pourront reprendre après le 11 mai. « Petits », c’est-à-dire ? Tout est relatif, tout est subjectif dans ce monde. D’ailleurs, je me demande pourquoi le mot « objectif » existe alors que l’objectivité n’existe pas. C’est un peu bête ce que j’écris, le dictionnaire est plein de chimères… Par exemple, le fait que Princesse Leia soit un personnage de fiction l’empêche-t-elle d’exister dans le réel ? Quid alors des personnes, réelles, qui endossent son costume pour aller voir Star Wars ou se rendre à une convention cosplay ? En les voyant, ne nous disons-nous pas : « Oh, c’est Princesse Leia ! ». Preuve qu’elle existe bel et bien… N’est-ce pas là un incroyable pouvoir de la création et de l’art ?

Bref. Sommé de préciser sa pensée, voilà ce qu’a répondu le monsieur au Sénat : « un petit festival rural, avec une scène, un musicien et 50 personnes qui sont à un mètre les unes des autres, sur des chaises, qui ont un masque et, en entrant sur le site, la possibilité de bien se laver les mains avec des produits spécifiques, on pourra tenir ces festivals-là » (1). Ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ! Bon. Dans le « même » esprit, j’ai lu que les ciné-parcs – chacun dans sa voiture devant l’écran, pas sur un transat avec sa petite couverture comme chaque été à La Villette à Paris – ressuscitaient dans certains pays grâce au coronavirus. Ce qui, esprit d’escalier oblige, me fait penser à l’étonnante et très belle série d’un copain photographe, Cyril Abad, sur une église drive-in en Floride aux Etats-Unis, où les fidèles, sans sortir de leur voiture, écoutent le sermon du pasteur en se calant sur la station « Les disciples du Christ » de leur autoradio, le tout, depuis la pelouse d’un ancien … cinéma en plein air (2). Nous y sommes presque !

Oups, je crois que je me suis égarée… Le réveil donc, un réveil naturel, sans réveil strident, sans cri d’enfant, sans sirène de police, un réveil en douceur donc… Partons sur quelques microsecondes, au pire quelques secondes, avant de resituer correctement la pièce et l’espace dans laquelle elle se trouve, de comprendre que la main qui s’avance naturellement de votre visage pour le frotter est bien la vôtre, d’éventuellement reconnaître la personne à vos côtés ou plutôt de reconnaître la personne éventuellement à vos côtés… C’est un peu comme la ponctuation – on mange, les enfants ! / on mange les enfants ! –, l’ordre des mots est important. Donc, certains matins, pendant ce très court laps de temps, combien sommes-nous à avoir oublié que le monde est plongé dans cette CDI (Crise à Durée Indéterminée) ? Pendant ce laps de temps où je jouis d’une liberté totale (une illusion, ce dernier point, mais faisons comme si), je me surprends à penser à la toile que je pourrai aller voir le soir venu, avec des amis, dans mon cinéma de quartier, et le repas que nous partagerons après. J’ai 4 mois de retard, sachant que les sorties ne sortent plus depuis 1,5 mois et, que, sans doute, plus rien n’est d’ailleurs tourné (ce qui me fait penser à mes amis intermittents…)… Et puis, plouf, patatras, le répit s’achève et tout revient d’un coup : la pandémie, le fil à la patte, la cacophonie, le flou. Mais voilà qu’un grand sourire et des yeux rieurs s’approchent de moi. J’en oublie alors mon oubli pour ne me souvenir que de l’essentiel…

(1) https://www.ouest-france.fr/culture/coronavirus-franck-riester-evoque-la-tenue-de-petits-festivals-le-desarroi-des-professionnels-6809882
(2) http://www.cyrilabad.com/projects/projects/the-drive-in-christian-church-in-god-we-trust/

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Les tics

« Nous sommes malades de notre rapport au temps » annonçait récemment l’historien Jérôme Baschet dans un entretien accordé à la très recommandable revue Usbek&Rica. Je ne peux qu’abonder dans son sens et ces pages sont d’ailleurs remplies de symptômes relatifs aux diverses pathologies temporelles que je collectionne depuis des années (en plus des éléphants et des bouteilles d’air). L’autre jour par exemple, j’ai réussi à me convaincre de regarder une conférence retransmise en ligne et en direct sur le recours à la fiction comme facteur libérateur de l’innovation. La salle était complète, c’était l’alternative proposée par les organisateurs. Etrangement, je trouve qu’assister à une conférence physiquement est très différent de la suivre en live derrière son écran. C’est comme si le temps ne s’écoulait pas de la même manière selon que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre, selon que l’on est dans le même espace que les orateurs et le public ou pas, que le corps est impliqué ou pas. Et voilà donc qu’au bout de quelques minutes à les écouter, j’ai eu envie d’aller au sujet suivant, en somme, d’accélérer le réel… J’ai bien conscience que c’était en partie lié à cet écran écran (ce n’est pas une faute), inhabituel pour du temps réel, mais sur le moment, j’ai vraiment cru que c’était possible.

J’ai de fait décroché pour imaginer une vie au temps objectivement et réellement élastique. Indépendamment donc de toute subjectivité scotchée au temps qui passe et qui est propre à l’histoire de chacun. Une vie où l’on pourrait choisir d’accélérer le temps certes, mais aussi le ralentir, la journée devant toutefois toujours faire 24h. Evidemment, cela pose d’insondables questions et la première me venant à l’esprit concerne tout simplement le cours du temps car celui qui choisit de l’accélérer ne peut revenir en arrière comme on le fait avec une vieille VHS (ou une vidéo YouTube si vous préférez). Comment peut-il alors s’assurer qu’il n’a pas manqué quelque chose d’important dans sa vie, une rencontre qui changerait tout, un rayon de soleil qui illuminerait sa journée, le début d’une action qu’il prendrait alors en cours sans en connaître les tenants et les aboutissants ? Et de quoi est composé ce temps accéléré ? D’un futur condensé ? Cela signifierait-il alors que tout est écrit, que le futur existe déjà et que nous ne faisons qu’aller à sa rencontre seconde après seconde ? Et si quoi qu’il en soit, la journée doit toujours faire 24h et pas une minute de plus ou de moins, accélérer le temps à un moment suppose de le ralentir d’autant à un autre pour compenser… Cela devient sacrément compliqué tout d’un coup. Comment en effet choisir la période de temps à dilater sans savoir de quoi elle serait faite avec un temps s’écoulant « normalement » ?

Cet exercice de pensée un peu vain me convainc cependant qu’il est bien plus sain – voire simple – de vivre au présent… Ce qui n’est pas rien. Je me reconnecte au direct, encore quelques secondes et je réussirai à nouveau à discriminer chaque son. Voilà, je les entends distinctement. Et je réalise à cet instant qu’être sportif doit certainement être un critère clé pour participer à une conférence tant ils passent leur temps à rebondir les uns et les autres sur leurs propos respectifs… Où est le bouton stop déjà ?

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La bonne excuse

Malheureusement, et même si je m’améliore, je fais partie de ce groupe de personnes plus souvent en retard aux rendez-vous qu’on lui a donnés – voire à ceux que j’ai moi-même fixés – qu’à l’heure. Bien sûr, je suis ponctuelle dès lors qu’il s’agit d’un rendez-vous professionnel ou d’une séance de cinéma. Les retards, je les réserve aux personnes qui me sont proches. Ce qui, au même titre que la dualité onde-corpuscule en mécanique quantique, est à la fois logique et illogique, même si compréhensible. Le retardataire – jamais plus d’un quart d’heure me concernant, certains en parlent même comme du quart d’heure de politesse, ce qui me pousse à m’interroger sur l’intérêt de mon aveu liminaire – compte en effet inconsciemment sur la tolérance des seconds à l’égard de son forfait, ce qui ne signifie pas qu’elle les respecte moins que les premiers. Cela se joue à un autre niveau et ce n’est pas l’objet de ce duo. En revanche, tolérance ou pas, le retardataire de mauvaise foi cherchera toujours à se justifier et il trouvera toujours quelqu’un d’autre à incriminer. Car, par principe, le retardataire de mauvaise foi n’admettra pas qu’il est parti trop tard de chez lui, et, en tout cas, qu’il est le seul responsable de son décalage horaire. Il est plutôt drôle en fait car personne n’est dupe.

Ceci étant dit, les retardataires le sont parfois par erreur ou malgré eux. J’entends par là qu’ils mettent toutes les chances de leur côté pour partir à l’heure, ce qu’ils font en effet, mais, sur le chemin, ils tombent sur un hic qui contrecarre leurs bonnes intentions. Comme une photo par exemple. Il m’arrive régulièrement de tomber sur des photos lors de mes déplacements. Je ne croise pas littéralement le chemin de bouts de papier avec des images. A ce stade, elles n’existent même pas. Je ne fais que les visualiser, les imaginer et me projeter suffisamment sur ce qu’elles pourraient être pour décider de m’arrêter quelques instants et de les attendre malgré la forte contrainte temporelle. Comme ici, au pays du soleil levant, dans cet axe du soleil couchant, à coup sûr, quelqu’un allait passer et singulièrement donner vie à ce pan de mur banal. Oui, mais quand ? Cela, j’avais déjà oublié que c’était important…

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La flèche du temps

En les voyant, je pense à ceux qu’ils sont aujourd’hui – un bébé apprenant à se tenir seul sur ses deux jambes, un jeune père fier et attentif – et ceux qu’ils seront demain – un jeune adulte fort et vertueux, un vieillard fatigué et heureux. Et je me dis que leurs ombres ont déjà compris tout ce qui allait se passer dans les années à venir…

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Plongée vespérale

Se hisser au sommet de l’Empire State Building à l’heure du goûter – c’est mon côté régressif -. Penser aux nuits blanches de Sam Baldwin et d’Annie Reed – c’est mon côté fleur bleue -. Se pencher vers le monde d’en bas – c’est mon côté casse-cou – dont l’écho s’arrête heureusement en chemin – c’est mon côté sensible -. Vérifier que tout y est, les taxis jaunes, les embouteillages, les piétons affairés, les toits chargés de toutes sortes de machineries – c’est mon côté inspectrice des travaux finis -. Suivre, pas à pas, l’inéluctable descente du soleil et ses retentissements sur la ville : d’abord, les ombres qui gagnent du terrain et plongent précipitamment les rues dans une nuit avant l’heure, puis la lumière jaune et chaleureuse qui se dépose sur les hautes façades comme de fines feuilles d’or et vient aussi miraculeusement arroser les bas fonds, là où la vie trépigne d’impatience, dès lors que ceux-ci ont le bon goût d’être bien lunés ! C’est mon côté contemplatif… Puis se laisser « transe-porter » par l’arrivée progressive des lumières du soir dans la cité, chargées d’accueillir sereinement la nuit, la vraie, scintillante, crépitante, cosmique. C’est mon coté rêveuse…

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