Photo-graphies et un peu plus…
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Le laisser aller

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En un peu moins de 10 minutes, aidé par un vent vif et bien décidé à faire le ménage, le ciel était passé d’une couverture nuageuse blanche et clairsemée à une impressionnante fronde grisâtre puis noirâtre ultra-dense. On – tous ces gens qui étaient dehors à vaquer à leurs occupations du moment – avait pressenti le changement, porté d’abord par les rafales puis par une baisse soudaine de la luminosité, comme si quelqu’un avait appuyé sur l’interrupteur. On – les mêmes – s’étaient tous tournés vers la masse céleste sombre et galopante avec un sentiment mêlé d’effroi et de fascination : il allait falloir, et plus vite que ça encore, trouver un endroit où se retrancher car elle allait certainement se délester de milliards de molécules d’eau en phase liquide.

D’en haut, le spectacle devait être amusant… A l’instant i, des petits humains déambulant calmement en suivant une direction précise même si indéfinie au moment de poser le pied au sol. A l’instant i + nuage monstrueux, les mêmes humains plutôt catastrophés, balayant les environs et filant précipitamment (et un peu anarchiquement il faut le dire), parfois en courant comme si leur vie était en danger, vers des abris plus ou moins pérennes.

Cela me fait penser à des fourmis… Je m’explique. Enfant, vous avez sûrement observé la vie d’une fourmilière. Stupéfait par l’organisation sans faille qui semblait la gouverner et encore marqué par vos récents cours de chimie sur les réactions en chaîne, vous aviez, à plusieurs reprises, tenter de briser cet équilibre interne en obstruant l’entrée de la fourmilière ou en laissant tomber quelques gouttes (d’eau je vous rassure) sur les lignées imperturbables de fourmis. Mais c’est définitivement quand vous souffliez sur elles et que, complètement surprises et décontenancées, elles fuyaient dans toutes les directions, goûtant par la même occasion à ce que l’on appelle le chaos et l’individualisme, que vous étiez le plus fier de vous. Et bien, à une échelle bien plus grande, avec des cieux pareils, j’ai l’impression que quelqu’un me prend pour une fourmi et fait de drôles d’expériences sur mon espèce…

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Se promener dans les rues du Amsterdam historique peut donner l’étrange impression d’avoir franchi une frontière fictionnelle et régressive, et de débarquer au beau milieu d’un dessin d’enfant. Ceux-là même qui squattent impunément nos portes de frigidaires, nos murs mitoyens au bureau voire, au bout d’un certain temps, nos fonds de tiroir. Les murs des maisons, aux tailles parfois irréelles, y sont naturellement penchés, ce qui leur donne un charme certain, à défaut d’une stabilité rassurante et pérenne. Les fenêtres, postées à des hauteurs différentes d’une bâtisse à l’autre, rectangulaires, avec des petits carreaux, sans volets, sont toutes identiques et régulièrement espacées sur les façades qu’elles découpent comme un gourmand le ferait avec son gâteau d’anniversaire. Les couleurs sont franches, leurs juxtapositions tranchées, de telle sorte que chaque maison, différente de sa voisine tout en lui étant semblable, s’isole facilement. Quant aux personnages principaux, ils sont juchés sur leur jouet du moment… Avec les années, les murs des dessins ont gagné en rectitude, les fenêtres des volets et des rideaux, les façades se sont harmonisées, le vélo est devenu voiture, l’ensemble s’est assagi. Et les grands ont pensé que les petits ne l’étaient plus, que cette évolution était un progrès, un signe de maturité, de sagesse. Jusqu’à ce qu’ils réussissent à s’extirper du dessin, tombant, comme la pluie, au beau milieu des ruelles aux maisons tordues de cette vieille ville d’Amsterdam et finissent par trouver cette imperfection maîtrisée, cette fantaisie enfantine particulièrement attirante…

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La progression vélocipédique de cette jeune femme gantée au cœur des ruelles d’Osaka aurait pu être totalement chaotique et même gênante à observer. Flanquée de ses deux sacs bien gonflés lestant son bras gauche au bout duquel se dresse vigoureusement un parapluie-ombrelle la protégeant des rayons du soleil et l’obligeant à ne se servir que du bras droit pour la diriger, personne ne lui en aurait réellement voulu. Pourtant, en lieu et place de ce numéro comique et balourd de cirque que nous aurions certainement offert à l’assemblée si les rôles avaient été inversés, nous voici face à une équilibriste filant droit sur la route, dénotant d’une maîtrise parfaite et fascinante de son corps, jusqu’à ce visage, impassible, sérieux, qui ne laisse transparaître aucun signe d’effort, de fatigue, voire de  satisfaction…

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Rue des petits hôtels. Un couple de touristes chinois, l’air perdu. Une feuille à la main. Probablement un plan du quartier. Jette un regard désespéré, donc plein d’espérance, dans ma direction. Egarés, ils sont, en effet. Ils cherchent un hôtel. « Au 89. » Au 89 de quelle rue ? « Au 89. » Point. Comme si le 89 était une adresse en soi. Comme le 55 (L’Elysée) ou le 38 (Quai des Orfèvres) voire le 104 (rue d’Aubervilliers, dans un autre genre, plus culturel). D’ailleurs, il insiste. « Mais on a trouvé le 89. »

Quelques explications s’imposent pour que la suite de leur séjour ne se transforme pas en chasse aux trésors géante. En anglais (ils viennent de Shangaï) : il peut y avoir des numéros 89 dans toutes les rues – premier haussement de sourcils – ; le plus important, pour se retrouver, est le nom de la rue – deuxième haussement de sourcils – ; ensuite, vous cherchez le numéro – petite lueur dans le regard, mais furtive. Ce qui nous semble totalement évident – la récurrence du numéro : comment faire plus simple ? – ne l’est pas dès lors que d’autres frontières viennent à nous, et inversement, quand nous nous extrayons de nos périmètres habituels. Leur désarroi m’a instantanément renvoyée à celui que j’ai pu ressentir, il y a quelques mois, à Kyoto, en plein cœur d’un enchevêtrement de petites rues, sans nom ni numéro. « A partir de là, il faut demander son chemin… » lâchent-ils, nonchalamment, dans les guides.

Demander son chemin, demander son chemin… Cette lapalissade requiert que l’une des deux hypothèses suivantes soit vérifiée : la première, que le visiteur parle japonais ou soit au moins en mesure de bafouiller quelques mots, ou, à l’inverse, que la personne interrogée parle une langue qui soit commune aux deux parties. C’est définitivement l’option la plus simple. Le premier cas peut néanmoins conduire à une impasse, tant urbanistique que linguistique, car en faisant l’effort de poser une question dans la langue locale, le questionné peut lui-même faire l’hypothèse que vous la connaissez et donc vous répondre comme il le ferait à un voisin. C’est-à-dire, sans prendre les précautions qui s’imposent lorsque l’on s’adresse à un étranger non polyglotte – débit plus lent, mots plus simples… Là, deux options sont à nouveau possibles : acquiescer et faire comme si vous compreniez tout – faire semblant donc, au risque de partir dans la direction opposée à celle indiquée une fois les explications terminées – ou interrompre la personne dans ses explications ultra-détaillées – à la boutique de chaussures, prendre à droite jusqu’au restaurant de nouilles, puis tourner à gauche à la maison au toit vert avant de reprendre à gauche au poteau électrique sur lequel est fixé un panneau : attention enfants ! – pour lui faire comprendre que vous n’y entendez strictement rien, au risque d’être à l’origine d’un fâcheux incident culturel – cela se fait-il d’interrompre quelqu’un là-bas ? (inutile de vous dire que cela ne se fait ici non plus…) Dans de telles circonstances, on se demande surtout comment font les facteurs ! En quoi l’absence de repères peut-elle être plus claire que leur présence ? Et pourquoi ce choix d’anonymiser les rues ? Un résidu de tradition ancestrale où tout le monde se connaissait, une façon de savoir qui arrivait dans le quartier, une philosophie altruiste, un manque d’imagination face au maillage de la ville ? A San Rafaël, dans la Baie de San Francisco, ils ont aussi sacrifié l’exercice consistant à baptiser les rues, mais d’une autre manière : en les appelant par des chiffres, 1st street, 2nd street, 3rd street – jusque là, rien d’étonnant aux Etats-Unis – et, pour les rues perpendiculaires, par des lettres – A, B, C, D… donc. De telle sorte que vous avez l’impression d’être sur un plateau de bataille navale quand vous vous y promenez. « Rendez-vous à l’angle A6-B5 ! » « Touché coulé ! … Oups, pardon ! Réflexe hexagonal ! »… Bref, avec un peu de temps, à Kyoto, San Rafaël ou Paris, on finit toujours par trouver ce que l’on cherche… 89 ou pas…

Ce qui me conduit presque naturellement au off des photos ci-dessus, faites aujourd’hui, spécialement pour l’occasion de ce duo. Force est de constater que le numéro 89 n’est pas si systématique que cela à Paris… Loin de là ! Sur un trajet d’1h30, pédestre et à vélo, ma moisson n’a pas été plus épaisse que ce qui figure là-haut. Et ce, pour diverses raisons… Je ne parle pas du bus de touristes coincé à un carrefour étroit et bloquant la circulation sur des dizaines et des dizaines de mètres, ou de la gigantesque manifestation condamnant des quartiers entiers et qui a fait regretter à tous les motorisés de l’être… Il y a certes de longues rues dans la capitale mais nombreuses, parmi elles, changent de nom à chaque passage de carrefour. Il y a aussi beaucoup de rues relativement courtes finalement. Il y a des rues qui s’arrêtent au 83, si près du but… D’autres où le 89 existe bien mais est occupé par une boutique de vêtements, une boulangerie, une banque, en somme, un commerce qui n’a pas jugé bon de laisser le numéro visible… J’ai même vu, juste avant de poser pieds à terre et après un détour non négligeable par une rue que j’estimais sûre, un saut de numéro : la plaque du 87 était bien fixée à l’immeuble qu’elle incarnait et cela passait directement au 91 ! Aucune trace du 89 ! Je me suis retournée, cherchant le petit lutin chargé de contrecarrer mes plans photographiques du moment, mais je n’ai rien vu. Il devait déjà être en train de garer son Vélib à la dernière place de « ma » station… Pour que je tourne encore un peu !

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