Photo-graphies et un peu plus…

J’ai pris ce coquelicot esseulé en photo pour une raison simple : le rouge vif de ses pétales se détachant nettement du dégradé de vert à jaune de l’herbe à la paille, le tout sur fond de ciel bleu. Un véritable arc-en-ciel ! Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas devenu achromate (à ne pas confondre avec acrobate) pendant la nuit : cette photo telle que vous la voyez est bien en noir et blanc.

J’ai préféré les lui ôter. Ses couleurs. Non sans une certaine hésitation je dois l’admettre car c’est bien leur cohabitation qui m’a poussée à déclencher et donc à faire que cette image existe. C’est un peu comme si vous commandiez une boule de glace à la fraise parce que c’est votre parfum préféré, et qu’une fois le cornet entre vos mains, vous vous disiez : « finalement, j’aurais préféré la vanille ». A un détail près : vous aurez beau faire appel à Oudini, votre glace à la fraise ne pourra pas se muer en une glace à la vanille. En revanche, un banal logiciel de retouche photo fait basculer votre image d’un monde à l’autre et même inversement (preuve qu’aujourd’hui, la magie est ailleurs…).

Et voilà que dépouillée de ses rouge, vert, jaune, blanc, bleu, la photo perd la légère allégresse qu’elle dégageait, son âme bucolique, son côté gnangnan aussi, elle se fait plus grave, gagnant à la fois en mystère et en étrangeté. Tout d’un coup, on se met à douter de son authenticité, on imagine un trucage, un montage, un effet de post-production… Quelle autre raison en effet à rendre flou le sujet principal de sa composition, état de fait qui s’impose d’autant plus qu’il n’y a pas de couleurs pour détourner l’attention ? Une remise en perspective, qui, à mes yeux, vaut bien quelques couleurs…

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Dans certaines circonstances, il serait opportun de pouvoir exporter les outils bienfaiteurs des logiciels de retouche d’images dans le monde réel. Première étape et loin d’être la plus facile : vous sélectionner. Un petit coup de baguette magique, avec une tolérance élevée histoire de ne pas vous séparer d’un bout de bras ou de tête. Deuxième étape : choisir l’outil susceptible de répondre à votre besoin du moment. Le couper/coller servirait par exemple à concrétiser tout rêve de téléportation : vous marchez péniblement sous une pluie verglaçante, vous êtes fatigué car cela dure depuis six jours ; qu’à cela ne tienne, un couper/coller et vous voilà en tenue d’hiver sur une plage de sable fin aux antipodes ! Bien entendu, il ne faut pas oublier de vous coller, sans cela, vous risquez de vous retrouver dans un univers parallèle avec risque de disparition irrévocable, et ce n’est pas ce que vous souhaitez.

Le copier/coller serait très utile pour échapper aux réunions sans fin et soporifiques : avant d’entrer dans la salle de torture, un petit copier/coller derrière la porte et vous envoyez votre copie en réunion, pendant que vous allez faire un tour ailleurs. Attention, là aussi, le danger existe : ne pas trop abuser des copies pour ne pas avoir à vous demander si vous n’en êtes pas une vous-même. N’hésitez donc pas à renommer et tatouer votre/vos double/s correctement : copie de moi 1, copie de moi 2, copie de moi 3… Un recadrage ? Parfait pour sortir de votre champ les parasites un peu trop insistants ! Ne pas trop serrer malgré tout, vous vous sentiriez rapidement à l’étroit. Enfin, il y a la gomme. Ah, la gomme… C’est l’outil que j’aurais volontiers utilisé en arrivant en cet endroit magnifique, totalement saboté par ce parking immonde, un pléonasme. Car, non, contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’un montage de mauvais goût… Quelle mouche les a piqués lorsqu’ils se sont penchés sur le plan d’urbanisme de cette énigmatique petite station balnéaire ? « Tiens, on va mettre un parking devant le rocher ! Comme ça, si les gens marchent le long de la plage sur des kilomètres, ils sauront toujours où est garée leur voiture ! Pratique, non ? » Je ne vois que ça…

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Réalisé sans trucage numérique. C’est une mention qui apparaît de temps en temps sur des portfolios de photographes aux images parfois si étonnantes et si extra-ordinaires que l’observateur pressé en déduit, presque instantanément, qu’elles ont simplement fait un petit détour par la case « logiciel de retouche ». De la correction cosmétique (un peu de lumière par ci, un peu de contraste par là) à la chirurgie esthétique lourde (et hop, on retire ce type en arrière plan qui gâche ma perspective) en passant par l’exobiologie (et si je rajoutais quelques lapins existentialistes autour de cet arbre, et deux ou trois lunes dans le ciel, et peut-être même une tornade en arrière plan), la PNM (Photo Numériquement Modifiée) revêt une multitude de formes. En théorie, à l’instar des plus connus OGM, la PNM vise à améliorer l’image originale.

Ainsi, par l’ajout de cette légende de quatre mots, l’auteur de l’image se positionne-t-il en artiste, authentifie-t-il son travail de création, sa maîtrise technique de l’outil, ainsi qu’une réelle recherche esthétique. Autrement dit, il n’a pas simplement appliqué le filtre « contours lumineux » ou « océan » à une image, au demeurant plutôt quelconque, dans l’espoir de la sublimer. Ce qui n’empêche pas à la PNM d’être un choix d’artiste et d’être, parfois, à l’origine de merveilles iconographiques. Reste que pour un photographe désireux de préserver une certaine pureté ou vérité de l’image, et ainsi, de montrer que la photographie n’est pas morte, elle est, aujourd’hui, presque un fléau contre lequel il doit se battre. Evidemment, en agissant de la sorte, il s’expose à cette question aussi classique  que le « t’es où ? » téléphonique : « comment avez-vous fait pour obtenir cet effet naturellement ? » Comme si un magicien dévoilait ses tours ! Quid de cette image alors ? Et bien, ce n’est pas une photographie ! Ce qui est donc une manipulation. De l’esprit. La seule dans ce cas puisque tout le reste est « naturel ». Comme le dit la légende.

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