Il arrive régulièrement que des images étonnantes circulent sur la toile – en somme, fassent le buzz – et, que, au gré de nos divers réseaux, elles nous parviennent plusieurs fois, envoyées par différentes personnes comme si, à chaque fois, c’était une première. Un exemple récent : cette photo d’arbres littéralement emmitouflés dans des toiles d’araignées ayant fui les inondations au Pakistan. Un autre exemple : une schtroumphette, comprenez une femme bleue, en fait, un négatif de femme, en petite tenue avec un point rouge sur le nez. Une légende invite chacun à regarder ce fameux point rouge pendant au moins 10 secondes et ensuite à tourner la tête vers un mur idéalement blanc tout en clignant des yeux. Normalement, quelque chose de magique se produit. Non, la demoiselle ne s’est pas rhabillée. En revanche, elle apparaît en positif. Avec les vraies couleurs et tout et tout, comme si vous regardiez une photo. J’essaye, ça marche !
Une seule question me vient : l’effet optique fonctionne-t-il avec toutes les photos ? Je cherche mon cobaye dans ma mémoire, retrouve ce coureur du 1er janvier sur la plage de Coney Island, le fais passer en négatif et le coiffe d’un ridicule nez d’enrhubé. Puis je suis les recommandations : fixer le point rouge pendant 10 s au moins, et regarder un mur blanc en clignant des yeux. Allez-y, essayez ! N’ayez-pas peur ! Et si on vous regarde étrangement, tournez votre écran pour en faire profiter les autres. Bref, les 10 secondes sont passées et voilà que le garçon se met à courir, en positif, sur mon mur blanc ! Miracle, la magie est reproductible. Je me pose alors une autre question : le point rouge doit-il obligatoirement être sur le nez ? Certes, c’est amusant mais est-ce vraiment nécessaire ? Je déplace donc le point rouge à un autre endroit de la photo, dans la foule floue et reproduit la séquence : et bien ça marche aussi ! Je vous épargne l’image et vous prie de me croire sur écrit. Du coup, pour en avoir le cœur net et pousser au bout l’expérience optique, j’essaye avec une tout autre image, au hasard, d’architecture. Le verdict est similaire : la persistance rétinienne continue à très bien fonctionner. Evidemment, la magie prend un coup de baguette mais celle du corps humain réussit à nouveau à se distinguer !
Le chemin semble tout tracé. Des marches de pierre habitées par le temps et l’air iodé. Au sommet, une petite ouverture donnant sur un ciel bleu clair, sans nuage à l’horizon. Et pourtant, à l’issue de cette ascension, de l’autre côté de cette courte fenêtre, une seule vérité s’impose : celle du vide, de l’inconnu et de l’angoisse tétanisante qu’ils font naître avant même de les avoir découverts…
Il est étrange d’entendre des gens s’exclamer : « C’est le paradis ! » car, s’ils y sont – et a fortiori, si on y est, puisqu’on les entend – c’est, qu’ils sont au moins morts. Et malheureusement, nous avec. Tout comme l’on se fait une idée de « Dieu » alors que personne ne l’a vu, on en élabore une du paradis dont, a priori, personne n’est jamais revenu. Il suffit de lancer une petite requête par images sur le moteur de recherche aux deux O pour s’en rendre compte. Ainsi, sur cette planète bleue, bien vivante même si toussotante, le paradis est-il souvent associé à cette longue plage de sable blond bordée de palmiers desquels tombent, à toute période, de délicieuses noix de coco, et sur laquelle cassent de magnifiques vagues d’une mer assurément chaude aux eaux turquoises et poissonneuses, le tout, cerné par une nature luxuriante et accueillante… Un passage par Hawaii donne donc, en théorie, un aperçu de cette énigmatique image d’Epinal. Et, il faut l’admettre, très agréable.
Ce voyage devrait d’ailleurs être prescrit à chacun d’entre nous au moins une fois dans notre vie, pour que nous soyons en mesure de déterminer si nous voulons réellement y aller. Après. Certains auraient peut-être en effet une vie totalement différente s’ils pouvaient tester le paradis terrestre. C’est vrai, le soleil, la plage, les cocotiers, ça en fait rêver beaucoup mais ça ne plaît pas à tout le monde. Il en est qui ne supportent pas la chaleur par exemple, qui détestent le poisson cru, qui s’énervent de trouver encore des grains de sable dans leurs chaussures un an après être allés à la plage où ils se sont d’ailleurs ennuyés à mourir… Oups, pardon. Non, décidément, le paradis peut ne pas être un but en soi.
L’alternative ? L’enfer. Qu’il faudrait pouvoir aussi tester pour les mêmes raisons. Etrangement, une recherche équivalente sur le double O ne donne pas de photographies, à l’instar du paradis, mais des dessins, des peintures, des collages, des affiches de films, des bulles de BD, en somme, des représentations d’un univers que l’on imagine aisément rouge, sanglant et monstrueux. Comme si l’enfer ne pouvait exister sur Terre. Passons sur cette mise en miroir aberrante mais, de fait, instructive… Seulement voilà, Enfer, c’est justement le nom du canyon ci-dessus, où serpente cette rivière, maléfique certainement, au creux de cette belle vallée verdoyante et de ces montagnes encore arborées. Hell’s Canyon en VO. Cet enfer là n’a rien d’effrayant ni de repoussant. Il n’est ni rouge, ni sanglant, ni monstrueux. Au contraire, il donne envie de l’arpenter.
Je suis bloquée : j’ai aimé l’enfer, j’ai aimé le paradis. Alors, que faire ? Vivre, en attendant.
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Share on FacebookPrenez un quartier désaffecté, abandonné, malfamé, dangereux, oublié, livré à lui-même, en résumé, une petite jungle underground à la surface de la ville où personne n’ose aller volontairement sauf ceux qui y vivent et qui aimeraient probablement en partir s’ils le pouvaient. Conséquence de cette micro fiche d’identité qu’aucune agence immobilière ne mettrait en vitrine […]
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