Photo-graphies et un peu plus…

Je lui dis, un peu prétentieuse :

– Ici, ce n’est vraiment pas pratique et instinctif de s’orienter sur les routes quand on n’est pas du coin !

J’argumente ma critique en rappelant – ce qu’il sait déjà puisque c’est son pays – que le nom des villes par lesquelles passent les routes n’est pas indiqué sur les panneaux de signalisation, ce qui est le cas en France notamment. Et qu’il faut donc, un peu comme à la bataille navale, croiser numéros d’autoroutes et spécifications cardinales – nord, est, sud, ouest – pour trouver son chemin. Autant dire, avoir une boussole dans la boîte à gants à défaut d’un douloureux compas dans l’œil ! D’autant que l’approche n’est pas sans faille : il arrive en effet que la route dénommée ouest par exemple, aille, en réalité, vers l’est… Ces pièges sont rares, certes, mais ils existent. Et même sans aller jusqu’à ces extrémités, les villes nord-américaines, puisque c’est d’elles dont il s’agit, même si globalement pensées sous forme d’un parfait quadrillage, ne sont pas toutes alignées les unes aux autres suivant ces quatre pôles emblématiques. Certaines sont plutôt au nord-ouest, d’autres au sud-est… Bref, pas simple quand on ne sait pas où l’on va. Je suis convaincue de la justesse de mon argumentation et m’attends naturellement à un « C’est vrai, tu as raison ! ».

Mais il ne capitule pas. Et me lâche, aussi fier que j’ai pu l’être quelques minutes auparavant :

– Et bien moi, je m’y perds sur les routes françaises car si l’on ne sait pas, par exemple, qu’Angoulême, où l’on se rend, est avant Bordeaux, la ville notée sur les panneaux, et bien, on n’est pas plus avancé !

La parade est fatale. Et il a autant raison que moi ! Chacun de notre côté, nous avons appris, depuis notre toute première auto à pédales, à nous repérer dans l’espace en nous appuyant sur deux systèmes de représentation totalement différents, qui conditionnent notre façon d’appréhender le monde. D’une façon un peu binaire, voire mathématique, sans que ce soit péjoratif, ou, d’une façon plus littéraire, à travers les mots et leurs mystères… Et tout cela à cause, ou grâce à, de banals panneaux directionnels… Heureusement, tous les chemins mènent à Rome !

Share on Facebook

Share on Facebook

Outre atlantique, ces fenêtres sont appelées des french windows. J’ai une fois trouvé un immeuble à Paris avec des fenêtres s’ouvrant vers l’extérieur, mais c’était le trésor du jour, de la semaine, du mois, de l’année. Outre atlantique, les pains perdus sont appelés des french toast. C’est déroutant la première fois, mais Lost breads ne sonnait pas très bien et faisait trop penser à une parodie de film où des boulangers se seraient crashés sur une île déserte sans four. Outre atlantique, les frites sont appelées des french fries. Les Belges se sentent un peu pillés de leur patrimoine culinaire. Outre atlantique, les haricots verts coupés en deux moitiés dans le sens de la longueur sont appelés des french cut beans. Là, je sèche totalement même s’il faut saluer l’effort d’imagination pour cette coupe très spéciale qu’évidemment, nous ne trouvons pas dans les rayonnages hexagonaux ni octogonaux d’ailleurs. Outre atlantique, on dit manifestement des bêtises. Mais des bêtises qui ont un certain chic et qui font sourire les avertis. C’est l’essentiel.

Share on Facebook

category: Actus
tags: , , , , , , ,

Share on Facebook

Share on Facebook

C’est bien beau d’utiliser les capots lustrés des voitures pour éviter de se contorsionner lorsque l’on veut photographier les sommets de la ville, mais ce détournement peut engendrer quelques sursauts… Parfois, en cherchant son cadrage idéal, on se sent étrangement épié. Non par les badauds qui s’interrogeraient sur la raison de cet intérêt pour un banal capot (en se demandant, pour certains, s’il n’est pas un prélude à un menu larcin), mais plutôt par quelque chose venant de l’intérieur, de derrière le pare-brise. Au volant ou même à la place passager. Une silhouette se dessine progressivement entre les reflets des branches. Un visage penché vers la vitre, légèrement incliné pour mieux vous voir… Lorsque vos regards se croisent, légèrement décontenancé, vous n’êtes alors capables que d’un seul geste : montrer alternativement le capot et l’immeuble à plusieurs reprises, en espérant que l’observateur saisira votre objectif !

Share on Facebook

Changer de « maison », autrement dit, déménager, n’est pas toujours simple. Tout dépend évidemment des raisons qui sont à l’origine du départ, mais, quoiqu’il en soit, c’est s’extraire d’un endroit que l’on connaît et maîtrise, où l’on a ses marques et ses repères. Un endroit où, si l’on entend un léger couinement pourtant indéfinissable par toute personne extérieure, on sait pertinemment qu’il vient de la quatrième latte du plancher du couloir qui n’a jamais été très bien fixée, et qui a tendance à craquer la nuit venue, alors que la température ambiante diminue… Arriver dans une nouvelle maison implique de tout reprendre à zéro, de trouver de nouveaux repères, d’être à l’écoute de la personnalité du lieu pour s’en faire un allier. C’est-à-dire, une place où l’on aura plaisir à vivre et à demeurer.

C’est un peu la même chose lorsque l’on change d’appareil photo après avoir baladé le même pendant des années. D’abord, on emporte les deux appareils, l’ancien et le nouveau, tout en continuant à n’utiliser que l’ancien. Il est encore trop tôt. Puis, petit à petit, on alterne une photo avec le nouveau, une autre avec l’ancien. On se convainc que telle image s’y prête mieux. De plus, on est encore persuadé que l’ancien fait mieux… Et puis, on finit par se lancer. On laisse l’ancien au placard en lui disant que l’on ne l’oublie pas pour autant, celui-là même que l’on chérissait, que l’on connaissait par cœur et dont on pouvait prévoir toutes les réactions, pour ainsi donner l’opportunité au nouveau de se faire sa place. Il le faut. On s’appréhende, on apprend à se connaître, à se lier l’un à l’autre. Cela commence donc par la prise en main, par la façon dont on va enrouler la lanière autour de l’avant bras pour faire corps avec lui… Toujours de la même manière… Et puis, viennent les tests… Comment réagit-il quand on le met dans telle ou telle condition ? Pourquoi cet horizon n’est-il jamais droit alors qu’il semble l’être dans le viseur ? Combien de temps lui faut-il pour déclencher ? Pourquoi cette bague de mise au point manuelle ne butte pas  l’infini ? Cet apprentissage, un réel apprivoisement en réalité, prend des mois… Et parfois, après une nième mise à l’épreuve, on se dit que l’on est dans la bonne direction et que l’on s’est peut-être enfin compris…

Share on Facebook

Share on Facebook

Share on Facebook

Un hôtel à New York, à cheval sur la High Line Park, une agréable promenade aménagée longeant l’Hudson River à quelques pieds du sol. Une façade vitrée aux rideaux tirés. Un empilement de cubes identiques avec écran plat devant la fenêtre allant du sol au plafond et lit en hauteur. Chambres avec vue, dit l’annonce. D’un côté, comme de l’autre. Cela, elle ne le précise pas. Même si, d’une certaine manière, cela va de soi.

Je pense à un nouvel aquarium humain. Je suis le regard indiscret. Celui qui est d’abord attiré par le côté inhospitalier du lieu, où chaque pièce est l’exacte copie de celles qui l’encadrent. Celui qui, ensuite, remarque le gros poisson paradant dans son bocal, presque nu comme un ver. Je ne le cherche pas particulièrement. Je « tombe » dessus. Et déclenche. Unique trace d’humanité et de vie perdue dans cette masse impersonnelle. Et voilà qu’il se cherche des poux comme un chimpanzé sur une branche d’arbre ! C’est dire à quel point la seule existence d’une frontière, même translucide, peut donner l’illusion à celui qui la côtoie d’être seul et libre dans un cocon, et ainsi à partager une intimité qu’il a plutôt à cœur de préserver.

Share on Facebook