Photo-graphies et un peu plus…

Je ne parle pas de celui devant lequel certains se recueillent derrière ces immenses portes en train d’être lavées des pêchés de la ville qui s’y sont incrustés, mais bien de ce petit homme en combinaison blanche, posté au sol, les deux mains sur les hanches, la tête rivée vers les hauteurs, à observer ses camarades à l’ouvrage, peut-être même à leur donner des instructions voire des ordres. Le boss quoi, dans tout ce qu’il a de plus caricatural. On en a tous croisés des comme ça.

Bien entendu, qu’il le soit ou pas vraiment importe peu ici… L’image n’est qu’un prétexte. Elle pourrait être interprétée totalement différemment. En fait, ce petit homme en combinaison blanche, posté au sol, les deux mains sur les hanches, la tête rivée vers les hauteurs, à observer ses camarades à l’ouvrage fait enfin une pause après une heure de grattage minutieux avec masque et tuba tant le produit utilisé pour le lavement est toxique. Il vient juste de passer le relais au cosmonaute du premier niveau et admire, las, les mains fatiguées reposant sur les hanches, le travail accompli… Dans quelques secondes, il va passer un pot à sa collègue de droite pour lui éviter de descendre. Tout est possible. Et, c’est à la fois la force et la faiblesse de l’image. Le choix se fait alors de façon totalement subjective, selon l’humeur du jour du preneur d’image ou du regardant. Bien entendu, cette humeur étant, par définition, fluctuante, l’autre hypothèse pourra être préférée à un autre moment par la même personne. One point pour la relativité !

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Pont de l’Archevêché, entre le continent et l’île de la Cité… Des objets accrochés au pont réfléchissent les rayons du soleil au zénith de sa forme… Je m’approche. Des cadenas, deux douzaines, trois tout au plus, dispersés sur les grilles de la rambarde, isolés ou groupés. Des petits, des gros, des neufs, des vieux… Et gravés sur certains, des initiales, des cœurs, des dates comme le font, ailleurs, les amoureux sur les troncs d’arbre ou sur leurs épaules… Une nouvelle mode ? Je suis sceptique. Cadenasser son amour, l’enchaîner à un pont… Je soupire.

Est-ce là une vraie preuve d’amour ? Et que signifie alors, pour un couple, de n’investir que dans un petit cadenas ? Est-ce à dire qu’ils s’aiment d’un « petit amour », qu’ils n’y croient pas vraiment ? Et qu’ont-ils fait des clés, tous ? Les ont-ils jetées dans les eaux troubles de la Seine, pour sceller encore plus le sentiment qui les habite, pour s’enferrer symboliquement l’un à l’autre ? Probablement. Sûrement, même. Sinon, quel intérêt à faire cela à cet endroit précis, face à Notre-Dame comme s’ils désiraient la bénédiction de cette entité supérieure que l’on appelle Dieu ?

Et alors, que se passe-t-il quand l’amour cesse, quand l’Autre n’est plus ce qu’il était, quand l’objectif est d’effacer toute trace de cet amour passé ? Un bon cadenas, c’est un peu comme un tatouage, c’est fait pour durer ! C’est ainsi que, dans les semaines, mois, années à venir, au fur et à mesure que la grille se parera de nouveaux colliers d’amour, la pleine lune verra débarquer sur le pont de sombres silhouettes sanglotantes, s’agenouillant face aux grilles et sortant de leur profond sac, une indiscrète pince-monseigneur pour officialiser le schisme…

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