Regarder le va-et-vient infatigable des vagues a toujours fait chavirer les cœurs des amoureux… Ceux-là ne dérogent pas à la sacro-sainte règle. Mais ce n’est pas cela qui me chiffonne, tout étant évidemment relatif. Je ne saisis tout simplement pas la fonction du parapluie rouge à pois blancs à cet instant précis. Il ne pleut pas – croyez -moi sur parole, j’y étais – et vous n’aurez aucun mal à admettre que les rayons du soleil – caché derrière cet épais manteau de brume si caractéristique de la capitale péruvienne – ne mettaient personne en danger. Or, ce sont bien là les deux rôles principaux du para-pluie/soleil. Ceci dit, s’il ne l’avait pas tenu si fièrement, s’il avait été refermé et accroché à son bras gauche par exemple, pire, s’il l’avait mis dans sa poche arrière, le parapluie, je ne me serais pas attardée. J’aurais poursuivi ma route. Car il aurait manqué « quelque chose ». C’est donc bel et bien ce parapluie inutile – et non pas le questionnement qui précède – qui a servi de catalyseur à cette courageuse prise de vue, devenant, à certains égards, joliment et poétiquement utile… Moralité : ne jamais présumer de l’utilité vs de l’inutilité de ces petits objets du quotidien à la lumière de leur utilisation.
Petite, je rêvais d’être architecte. Et comme je suis restée petite, le rêve a lui-même perduré. Mais que faire d’un rêve qui insiste et qui n’est pourtant pas destiné à être réalisé ? Le contourner, ou le détourner, pour le vivre différemment.
Simplement, dans un premier temps. Avec les yeux donc. En arpentant les villes à l’affût de formes singulières, d’enchevêtrements détonants, de contractions temporelles, d’une ligne, d’une lumière, d’une couleur, d’une identité propre à chacune… Rapidement, j’ai voulu emporter avec moi des morceaux de ces cités glanés de ci de là : je les ai donc mis dans mes boîtes à images. La Nature s’est logiquement invitée dans la danse. Chez elle aussi, s’exprime une certaine forme d’architecture d’autant plus fascinante qu’elle est innée et ne doit rien à l’Homme. Et puis, plus récemment, j’ai eu envie de jouer à l’architecte, pour de faux, pour de vrai, en tout cas, sans être freinée par les contraintes fortes de la réalité ni de la réalisation. Ainsi, ai-je créé ces métastructures. De façon totalement compulsive, j’en ai généré plus de 150. En voici 65.
Elles sont déjà d’une grande diversité. Et pourtant, assez trivialement, c’est le même geste, indéfiniment et systématiquement réitéré, qui est à leur origine. Là où la symétrie simule une forme de perfection illusoire et inatteignable, la répétition d’un motif renvoie à une histoire qui se redit inlassablement… Je n’en suis pas moins envoûtée et captivée par la pureté, le mystère et la finesse décuplées de cette Nature autant que par la variété, l’étrangeté et l’élégance de ces constructions humaines ainsi assemblées.
Certaines de ces métastructures reflètent ainsi un besoin de maîtrise, d’ordre ou d’ordonnancement, dans un univers qui pourrait sembler chaotique. Directement ou indirectement, elles font écho à mes interrogations sur le temps qui passe irrémédiablement, sur le futur, sur l’évolution de notre société – tour à tour ouverte au monde, recroquevillée sur elle-même et quasi impénétrable, accueillante ou répulsive… –, et donc, à ma petite échelle, sur la place de l’Homme sur Terre… D’autres semblent anecdotiques et n’exister que pour flatter et célébrer ma quête d’esthétique. Je la revendique et ne veux pas en être gênée. J’aime être en mesure de me promener sur cette planète en n’ayant d’autre but que d’être sensible au Beau (à mes yeux bien sûr).
Toutes contribuent à imaginer un autre monde à partir de celui que nous connaissons, créant parfois un sentiment d’inquiétante étrangeté ou, au contraire, une atmosphère rassurante et réconfortante. Bref, ces images se contredisent. Comme moi entre un jour et le suivant, comme chacun de nous à un moment. Avec elles, je ne cherche pas la cohérence, simplement à illustrer un bouillonnement intérieur qui n’a d’autre modèle que celui de ce monde vertigineux et parfois insaisissable dans lequel nous vivons…
*****
Pour découvrir les 65 métastructures, c’est aussi ici.
Si vous êtes sur mobile ou tablette, ou si vous aimez les ebooks, vous pouvez aller là :
Le plus magique avec la magie est d’y croire malgré tout. J’écris « malgré tout » car je ne suis pas dupe. J’ai bien conscience qu’il ne s’agit que d’illusion, qu’il y a un « truc » comme on le dit facilement, et que ce « truc » échappe à ma vigilance. Et aussi à ma raison. Sciemment. Car lorsque j’assiste à un tour de magie, je choisis d’y croire. Ou plutôt, j’y crois. Je mets mon esprit analytique au dernier rang de mon petit théâtre cartésien et prends mon billet pour ce monde étrange où ce qui est impossible partout ailleurs devient réel et vraisemblable. C’est une parenthèse enchantée en pleine réalité où, tout d’un coup, un dessin de colombe peut se transformer en vraie colombe, où une salade peut contenir un kiwi qui contient lui-même une carte signée, où une corde coupée en dix morceaux peut se reconstituer, où un foulard peut devenir œuf, où une salle entière – les yeux pétillants d’incrédulité – peut tirer la même carte de son propre jeu au même instant, où tout se passe sous nos yeux ébahis et où nous n’y voyons pourtant que du feu… Ainsi la magie symbolise-t-elle cette capacité à croire en quelque chose qui n’existe pas. N’est-ce pas vertigineux ?
Bien sûr, de l’aveu même des magiciens, derrière tout tour de magie, il y a un détournement. Et pas n’importe lequel ! Un détournement d’attention. Un laps de temps souvent extrêmement court pendant lequel le spectateur est invité, plus ou moins subtilement, à regarder ailleurs, à se concentrer sur une action parallèle dont la seule raison d’être est de l’éloigner de la scène capitale jouée en solo par le prestidigitateur, l’illusionniste ou le magicien. Un laps de temps qui le détourne de l’essentiel, à savoir, le passage de l’impossible au possible, du possible au visible, cette transition qui fait lâcher des « Nooon ! » anticipés et admiratifs dans l’assemblée – sorte de résistance ultime de notre conscience – avant même la fin du tour et alors que tout est déjà joué.
Et puis, en sortant de la salle de spectacle, encore tout émerveillé par ce que nous venons de voir, ou au contraire, de ne pas voir, nous reprenons progressivement nos esprits, nous rapatrions notre esprit cartésien sur le devant de la scène pour réaliser que les magiciens sont loin d’être les seuls à user de ce détournement d’attention… Mettre exagérément et durablement l’accent sur un sujet « insignifiant », idéalement compassionnel, pendant que d’autres, à l’enjeu plus important mais surtout plus controversés, sont à peine abordés et n’atteignent le niveau de conscience des gens qu’une fois les décisions validées et prises. Le tour est joué ! Si les politiques et les médias sont passés maîtres dans l’art du détournement d’attention pour arriver à leurs fins, la championne des championnes en la matière n’est autre que la vie elle-même. Qui, fort heureusement, la plupart du temps, passe comme ça, l’air de rien, avec un contenu qui est ce qu’il est, propre à chacun, qui nous occupe tant et si bien que nous en oublions, parfois, qu’elle a une fin…
Vous non plus, vous ne savez plus comment vous vous êtes arrivé ici ? Sans doute, et c’est là l’hypothèse la plus logique, êtes-vous en train de rêver… Un rêve en couleurs manifestement, même si elles sont peu nombreuses. Où vous êtes seul au milieu de nulle part. Une sorte de puzzle géant composé de millions de pièces assez semblables les unes aux autres. Un véritable casse-tête ! Vous êtes debout, vous tournez lentement sur vous-même. Le sol craque sous l’effet de votre poids et de cette lente rotation. C’est le seul son que vous entendiez. Un peu comme si vous marchiez dans la neige, mais sans vous y enfoncer. Et pour cause, ce sol-là est solide. Pire, il est saillant. Où que vous portiez le regard, il n’y a rien. Le néant absolu. A tel point que l’horizon vous semble à des années lumière, totalement inaccessible. Alors, puisque vous n’êtes pas en mesure de choisir dans quelle direction marcher, vous restez planté là, sans bouger, comme hypnotisé par la blancheur, par la chaleur croissante, par le vide qui vous enveloppent. Vous êtes là à attendre que quelque chose se passe tout en essayant de comprendre comment un endroit aussi ostensiblement hostile peut être beau et attirant à ce point ?
Alors, en effet, cette rencontre inter-saison n’est pas une science complètement exacte : pour bien faire, il eut fallu que je fasse des tirages des photos hivernales et que, grâce à eux, je retrouve les points exacts où je m’étais postée en ce soir d’hiver neigeux pour reproduire exactement les mêmes cadrages un an et demi plus tard, en été donc. Au lieu de cela, j’ai préféré me fier à ma mémoire visuelle. Non pas du lieu, mais bien des photos elles-mêmes. Et finalement, je n’ai pas à rougir du décalage… Des ambiances diamétralement opposées, des couleurs, des atmosphères totalement différentes, mais un charme qui opère, été comme hiver.
Nombreux sont les sujets ici développés nés d’une conversation. C’était le cas de Les lambda là, le duo d’avant hier. C’est également le cas de celui-ci, encore embryonnaire, consacré au cloud evangelist. Je vois que vous faites la même tête que moi quand j’ai entendu l’expression pour la première fois. Pour tuer dans l’œuf toute interprétation poétique qui pourrait vous avoir traversé l’esprit – quelle étrange expression soit dit en passant -, non, le cloud evangelist n’est pas un devin des causes nuageuses qui clamerait dans sa tournée générale sur la croûte terrestre :
– Oyez, oyez, bonnes gens ! Altocumulus, nimbostratus et stratocumulus en approche ! N’ayez pas peur, accueillez-les généreusement, ils vous ouvriront des portes insoupçonnées !
Non, ici, en 2015, le cloud fait directement écho au cloud 3.0, c’est-à-dire à cet univers parallèle, informe voire nébuleux, et surtout totalement virtuel « dans » lequel vous êtes invité à stocker vos photos, vos vidéos, vos musiques, vos documents mais aussi vos plans de maison, vos équations mathématiques, vos recettes de cuisine, vos pensées secrètes, vos numéros de compte, vos mensurations, votre vie, le tout se retrouvant « en ligne » et accessible où que vous soyez sur la planète Terre (si tant est que vous soyez connecté) et depuis n’importe quel appareil. C’est le côté hautement « pratique » de cette forme éthérée – valeur actuelle dont j’ai déjà évoqué la face B en ces pages – auquel sont sensibles les nomades multi-connectés que nous sommes devenus sans réellement nous en rendre compte…
Mais revenons à nous moutons numériques… Si, historiquement, l’évangélisation a pour finalité de convertir au christianisme des populations qui ne le connaissent pas et de leur annoncer la « bonne nouvelle » (l’évangile donc) – aujourd’hui, un post sur Twitter ou Facebook règlerait l’affaire -, dans le même esprit, le cloud evangelist, un nouveau métier dans l’air du temps, prêche la bonne parole numérique en usant des mêmes méthodes que ses ancêtres pour convaincre ses auditeurs de migrer vers le cloud. Alleluia !
Le problème avec les nuages, aussi inoffensifs soient-ils, est que, parfois, ils laissent s’échapper quelques gouttes de pluie. Des fuites si vous préférez. De données personnelles bien sûr. La monnaie du moment. De fâcheux piratages qui font couler beaucoup d’encre numérique et illustrent parfaitement à quel point la vie privée, au même titre que les objets qui la contiennent, est elle-même touchée, non par la grâce, mais bien par l’obsolescence programmée… Et, pour s’en convaincre un peu plus, il suffit de filer dans l’une des salles de cinéma projetant encore le documentaire de Laura Poitras, Citizen Four, relatant avec brio et suspense – ce qui est un véritable tour de force puisque nous connaissons l’issue de l’affaire – la semaine précédant la divulgation par le lanceur d’alerte Edward Snowden (le 4e citoyen en question) de documents prouvant les méthodes orwelliennes de surveillance planétaire de chacun d’entre nous. 114 minutes déconcertantes qui aident à saisir que ce que le cloud evangelist risque de bientôt annoncer, c’est plutôt l’apocalypse ! Ce qui n’est pas, à proprement parler, une bonne nouvelle…
– J’ai entendu parler de toi et de ta bande de p’tits copains ! Vous faites pas mal de bruit déjà, mais ça pourrait aller plus loin !
– Qu’est-ce que vous voulez dire, par là ?*
Je veux simplement dire que je ne suis pas arrivée, comme ça, là, par hasard, face à cette boule d’étourneaux tournoyant dans un ciel prêt à se coucher, comme eux d’ailleurs. Tout a commencé trois quart d’heures auparavant, grosso modo. Peut-être un peu moins, peut-être un peu plus. Je longeais les rives de l’Arno à Pise quand tout à coup, ils sont apparus au dessus de la ville. Des centaines de petits points noirs provenant d’un peu partout, comme si le directeur avait sonné la fin de la récréation et rappelait ses ouailles au bercail.
Je pense instantanément « murmuration ». Dans le même temps, un large sourire vient zébrer mon visage. Je ne le vois pas évidemment, mais je le sens, sur mes joues, sur mes yeux, partout. Des murmurations, je n’en ai vu que des bouts en roulant sans pouvoir m’arrêter, ou en vidéo, en entier, sur Vimeo, YouTube ou DailyMotion. Et malgré tout, j’en frissonnais systématiquement. Cela me fait le même effet avec les bancs de poissons, sous l’eau donc.
Ces étourneaux, ou ces poissons, sont-ils conscients de la beauté fascinante et absolument envoûtante de la subtile chorégraphie qu’ils nous offrent (au-delà de toutes les questions pratiques que nous pouvons nous poser et qui gâchent un peu la magie : comment communiquent-ils, comment font-ils pour ne pas se heurter, qui décident de la forme à adopter… ?) ? Bref. Face à ce début de murmuration, je n’ai qu’une unique option : la suivre !
Oui, la suivre. Vous n’auriez pas fait pareil ? Bon, lorsqu’une murmuration se produit en plein champ ou au dessus d’un lac, il n’y a qu’à se planter au milieu et admirer… En ville, avec des ponts à traverser (le ballet a commencé sur l’autre rive), des rues étroites et un champ de vision réduit, des angles droits, des feux rouges et de la circulation, la traque pacifique s’avère un peu plus complexe, d’autant qu’un oiseau vole plus vite qu’un humain ne marche… Me voilà donc les yeux rivés au ciel déambulant ou plutôt courant dans les rues de Pise en veillant à ne pas trébucher sur un pavé quelconque ni à perdre de vue l’escadron qui, manifestement, file vers un endroit très précis et qui, au fur et à mesure qu’il s’en approche, est rejoint par des retardataires…
Dernier virage, je sens que j’arrive au point de rassemblement. En pleine ville. La lumière diminue vite (sous-texte : pardonnez les réglages approximatifs de l’appareil : difficile d’être totalement opérationnelle dans de telles circonstances !). Je sais maintenant que je suis au milieu du champ, ou du lac, et que je n’ai plus qu’à admirer…
Le ciel est totalement tacheté par ces milliers d’oiseaux dont le vol est de moins en moins anarchique. Ils ont beau être assez hauts, j’entends le bruissement de leurs ailes démultipliées lorsqu’ils passent au dessus de ma tête, ou virent subitement de bord comme si une, ou plutôt des milliers, de mouches les avaient piqués. Je les vois se mettre en boule dense, prendre des formes étranges – un poisson, vraiment ? -, fusionner par petits groupes pour mieux se séparer quelques instants plus tard ou constituer de gros amas nuageux… En boucle pendant plusieurs minutes.
Et puis, à les observer faire des ronds dans le ciel dans un sens puis dans l’autre, à monter puis descendre comme s’ils enchaînaient des tours du pire manège de montagne russe qui soit – invisible je précise -, je comprends. Je comprends que ce qu’ils convoitent, en bons troubadours du ciel, n’est autre qu’un toit. En l’occurrence un arbre. Ou deux. Ou trois. En tout cas, des branches sur lesquelles se poser pour la nuit…
Et aussi rapidement qu’ils sont apparus, ils disparaissent dans leur nid géant qui les gobe en frétillant et en gonflant le torse. Bientôt, un silence léger enveloppe l’atmosphère, à peine rompu par quelques soubresauts de l’arbre. J’attends que toutes les traces de cet extraordinaire spectacle disparaissent pour m’éclipser définitivement et continuer à rêver en murmurant à l’air qui m’entoure que je suis une sacrée chanceuse…
Ces deux-là ne le sont assurément pas… Tout est en fait parti d’une conversation avec un chercheur en mathématiques québécois, ou plutôt un chercheur québécois en mathématiques. Il s’amuse d’une expression que je viens d’utiliser dans une phrase banale et que je crois naïvement universelle, tout du moins, partagée dans toute la Francophonie, cette entité aux frontières mouvantes où l’on s’exprime majoritairement en français. « Vous me faites rire, vous les français, avec cette expression ! On ne l’utilise pas du tout icitte. »
En l’occurrence, j’ai fait surgir une « personne lambda » dans la discussion dont j’ai oublié le contenu. Quand on y réfléchit un peu – ce qui est rarement le cas avec les expressions que nous avons totalement intégrées au fil des années et que nous employons sans plus nous interroger sur leur origine –, il est vrai que cela sonne étrangement. Une personne lambda. Une personne en forme de lettre, grecque qui plus est…
Vous me direz, ce n’est pas la seule de cet alphabet antique à être passée dans le langage courant. Je vous laisse sonder votre esprit une microseconde. Hop, c’est fini ! Il y a « l’alpha et l’oméga », qui en sont respectivement les première et dernière lettre. Et qui, logiquement, sont associées aux notions de commencement et de fin de quelque chose. Cette brève explication combinée à votre maîtrise de ladite « personne lambda » devrait vous donner un indice quant à la place de cette lettre dans sa famille… Plutôt moyenne. Quelconque. Sans réelle envergure ni signe distinctif. A peu près au milieu. Normale quoi ! Ce qu’est, par extension, une personne lambda, que rien, ni physiquement ni psychiquement, ne distingue particulièrement des autres, de la masse, un monsieur ou madame Toutlemonde comme on dit aussi. Que l’on invoque pour parler du citoyen moyen, ni plus ni moins, juste « de base ». Evidemment, la normalité est une notion relative, subjective autant que culturelle.
Cela nous ramène à ma toute première phrase, toute, toute, que je complète tout de suite : « ces deux-là ne le sont assurément pas, des personnes lambda ! ». A mes yeux d’occidentale, lambda dois-je le préciser ?, la rencontre visuelle avec ces demoiselles habillées en …, en …, en quoi d’ailleurs ?, sans qu’elles aillent pour autant à un bal costumé ou une soirée à thème, est assurément surréaliste. Dans les faits, il me suffit d’élargir un peu mon champ visuel pour en croiser d’autres, et même beaucoup d’autres, et, par conséquent, réaliser que porter des habits d’écolière, de soubrette ou d’infirmière, que se déguiser en personnage de manga – et pratiquer donc le cosplay, « costumade » pour nos cousins québécois – n’est pas si original que cela. Et que c’est même plutôt banal au Japon ! Moralité, le lambda de l’un n’est pas forcément le lambda de l’autre.
Je viens de mettre en forme, et du coup, en ligne, un court essai que j’ai rédigé il y a quelques années sur le film Bienvenue à Gattaca, d’Andrew Niccol. Film analysé, pour l’occasion, à travers le prisme de la mélancolie, omniprésente…
Ce film de 1997 me semble d’une actualité brûlante alors même qu’une équipe de chercheurs chinois a annoncé avoir réussi à modifier le génome directement dans l’embryon…
Précision : je fais très précisément référence à certaines scènes du fim, aussi est-il plus facile, a priori, d’entrer dans le texte en l’ayant vu…
Extrait d’Etats d’âme sur le macadam, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…
*
Un garçon se contorsionne devant le rétroviseur extérieur gauche d’une voiture : vérification de la propreté de ses dents ! Cette dame à vélo parle toute seule. Non, sa petite fille siège derrière. La bicyclette avance lentement, en titubant. Cette autre dame, à vélo également, grille le feu rouge. Un garçon, tout de noir vêtu, traverse la rue. Un adepte de soirées gothiques ? Deux policiers pressent un pauvre gars en pleine livraison car son camion bloque la circulation. Une dame court avec une petite fille sur le pont Sully-Morland, comme pour aller plus vite que les voitures. Ce garçon, dans sa salle de cours aux parois vitrées donnant sur la rue, regarde sur la copie de son voisin d’en face. Dehors, un autre garçon joue les Roméo. Sa Juliette est dans la même salle que le mateur. Il grimpe sur un muret pour se hisser à hauteur du sol du premier étage. Rires de la jeune femme. Une Express force le passage devant l’hésitation des autres automobiles engagées dans la rue. La vie grouille. Ces gens savent-ils où ils vont ? Quoi qu’il en soit, ils existent, ils bougent, ils parlent, ils sont là. Dans ce monde. Empli d’enfants, de vieux, de femmes et d’hommes – comme si enfants et personnes âgées étaient des êtres asexués ! Ils sont beaux, tous ces gens. Ils vivent. A des terrasses de café, dans des boutiques, derrière un comptoir, dans leur chambre, à l’école, dans la rue, sur un rond point… partout, ils sont là. N’ayant aucune conscience des autres, de ces personnes qui passent devant eux, sans dire un mot. S’arrêter, discuter… Des rêves ! Nous sommes toujours dans un fauteuil, plus ou moins confortable, à regarder ce qui passe à la télé. Comme avec le petit écran, la distance est respectée. La vie se déroule devant nous, passivement, activement, lascivement. Elle est là, rayonnante, grisante, monotone, déplorable. Qui sait ? Nous ne faisons que passer. Passer pour mieux trépasser. A trois reprises. Où est l’ironie ? Pas d’ironie mais un peu d’acier. Pourquoi faut-il avoir conscience de l’existence de son futur ? Ne serait-ce pas beaucoup plus simple si tel n’était pas le cas ? L’action serait alors libre et libérée de toute projection. Est-ce le propre de la pensée que de planifier, pour que l’avenir soit sécurisant ? N’est-ce pas plutôt un piège, un ravageur de spontanéité ? Tout cela doit bien avoir une utilité… Tentative de persuasion interne. Ah ! Et si ce n’était pas le cas ? Désastre ! Que faire alors ? Parfois, il n’est pas bon d’être confronté à ses idées. Parfois, il n’est pas bon d’avoir, ou de prendre, le temps de le faire. Déambulations panâmisiennes. Double tranchant. Le cri de Maria Callas retentit, la Mamma Morta d’André Chénier. Poignant. La lumière s’assombrit. Allez, vite. Que l’heure passe. Courir, pour aller plus vite que l’esprit…
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Au même titre que les musiciens font les leurs – la majeure, la mineure, la chromatique, la tempérée, la décatonique, celle des physiciens et même de Pythagore pour ne citer que des occidentales, douces à nos oreilles facilement irritées par des accords de quarts de ton -, les photographes font aussi des gammes. Au sens […]
La mode change, voilà que les mannequins du 21e siècle réfléchissent ! Enfin, brillent… Enfin, sont en finition brillante… C’est captivant, la ville et ses nuances s’y reflètent ! On s’en approche naturellement, attiré par l’image déformée de nous-mêmes qu’ils renvoient. Mais que l’on ne s’y trompe pas ! Ces mannequins chromés sont de vrais […]